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Article undefined AUTONOME undefined, en vigueur depuis le (Avis du 17 novembre 2023 relatif à l'accès des mineurs enfermés à l'enseignement)

Article undefined AUTONOME undefined, en vigueur depuis le (Avis du 17 novembre 2023 relatif à l'accès des mineurs enfermés à l'enseignement)


Le droit fondamental à l'éducation pour tous les enfants, sans discrimination, est consacré en droit international (1), en droit européen et français (2). Les dispositions générales du code de l'éducation prévoient que le service public de l'éducation est « organisé en fonction des élèves et des étudiants », « reconnait que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser » et « veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction ». Elles fixent à ce droit l'objectif de permettre à chacun « de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté » et posent à cette fin une obligation d'instruction scolaire jusqu'à 16 ans (3) et une obligation de formation jusqu'à 18 ans (4).
Cette obligation concerne également les mineurs privés de liberté, pour lesquels elle revêt un caractère d'autant plus crucial que la majorité d'entre eux arrivent dans les lieux d'enfermement en grande difficulté scolaire, au milieu de vies chaotiques et bouleversées. Sous peine d'une aggravation de ces parcours, déjà bancals, l'enjeu est majeur tant pour le développement et l'insertion sociale de ces enfants que pour la société tout entière.
Or s'agissant d'un public captif ne pouvant - sauf rares exceptions - se rendre ni au collège, ni au lycée, l'enseignement, l'éducation, l'apprentissage de ces enfants dépendent entièrement des autorités en charge de ces lieux - établissements pénitentiaires et psychiatriques, centres éducatifs fermés - et de l'éducation nationale.
Le CGLPL s'est saisi de cette question de longue date, notamment dans un rapport consacré aux droits fondamentaux des mineurs enfermés (5).
Dans ce travail, comme dans le cadre de ses visites, le CGLPL s'alarme de constater que, loin d'être sanctuarisé comme il le devrait, l'enseignement dispensé aux mineurs dans les lieux de privation de liberté est bien loin d'être à la hauteur de ces enjeux et s'apparente à une scolarisation par défaut, inférieure, tant en volume qu'en qualité, à la scolarisation en milieu libre.
Depuis, le CGLPL recommande que les élèves privés de liberté bénéficient d'un enseignement se rapprochant au plus près de celui dispensé à l'extérieur, que la continuité des cours soit assurée durant les vacances scolaires (6), que les enseignants bénéficient d'une formation spécifique adaptée, d'un accompagnement et d'un suivi continus tout au long de leur intervention.
Ces recommandations trouvent écho chez les directeurs d'établissements pénitentiaires, les éducateurs, et les professeurs eux-mêmes, souvent contraints à l'improvisation et aux solutions de fortune face aux contraintes inhérentes au fonctionnement de ces lieux et qui disent « se débrouiller », grâce au système D.
Deux ans après son rapport, le CGLPL a l'immense regret de constater qu'aucun progrès n'est réalisé.


1. Les besoins, profils et parcours des enfants et adolescents enfermés doivent être identifiés


S'ils sont peu nombreux comparés aux élèves en milieu libre, les enfants enfermés présentent le plus de difficultés cumulées, familiales, d'addiction, de santé en particulier psychique. Ils ont connu des placements antérieurs ou actuels à l'aide sociale à l'enfance, ont pu être victimes de violences, et leurs parcours personnels et scolaires sont généralement marqués par de nombreuses ruptures.
Eloignés du système scolaire, présentant fréquemment des troubles d'apprentissage et de concentration, beaucoup ont du mal à suivre un enseignement en salle de classe une à deux heures d'affilée, plusieurs fois par jour. Certains ont développé des angoisses liées au milieu scolaire, d'autres présentent des handicaps ou troubles cognitifs nécessitant des enseignements spécialisés. Quel que soit le lieu de leur prise en charge, nombre d'entre eux présentent des troubles nécessitant des traitements susceptibles d'altérer leur attention. Ces difficultés sont accrues par le fait qu'en dépit de leur regroupement en un même lieu, leurs profils sont hétérogènes : ils n'ont pas les mêmes âges, les mêmes niveaux ou besoins scolaires.
Lieu de construction, l'enseignement accompagne les évolutions d'un âge à un autre par les passages d'une classe à une autre, du collège au lycée, la réussite d'un examen, l'obtention d'un diplôme. L'enfermement d'un mineur ne doit pas entraver cette progression, au risque de compromettre les conditions de sa sortie et ses perspectives de réinsertion et d'épanouissement. D'ailleurs, la corrélation entre décrochage scolaire et délinquance a été démontrée par plusieurs rapports parlementaires (7). De même, difficultés de santé et échecs scolaires se font écho, a fortiori lorsqu'ils entraînent une exclusion pure et simple de l'école. Pour les enfants atteints de troubles mentaux, la scolarité peut être un atout dans le combat contre la maladie ou favoriser leur inclusion dans leur groupe d'âge ; elle est pourtant rarement prise en compte dans l'élaboration des protocoles de soins. Si les soignants doutent de la capacité de leurs patients à suivre une scolarité, le CGLPL reçoit de la part de ces mêmes jeunes des témoignages indiquant que ce sont les cours qui leur manquent le plus.
Enfin, les enfants enfermés sont de plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes et présentent des troubles de plus en plus marqués. Si on comptabilise environ 700 mineurs incarcérés, 600 jeunes placés en centres éducatifs fermés (CEF), et 22 000 hospitalisés dans les services de psychiatrie (8), aucune statistique nationale n'existe sur le nombre des mineurs enfermés en âge d'être scolarisés, leurs caractéristiques, leur évolution, alors qu'elle permettrait de mieux connaitre ce public et d'identifier ses besoins.
Le nombre des enfants privés de liberté et d'âge scolaire doit être recensé et leur parcours mieux connu afin d'identifier leurs profils, leurs difficultés et leurs besoins.


2. Les enseignements en milieu fermé doivent être renforcés


Hors option facultative, un collégien français suit 26 heures d'enseignement chaque semaine ; dans les établissements pénitentiaires, ces temps hebdomadaires passent - en principe - à 12 heures dans les quartiers pour mineurs et 20 heures dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) (9). En CEF, la durée théorique est de 25 heures par semaine et par jeune en conjuguant, en fonction des besoins, activités au CEF, scolarité dans l'établissement de secteur, activités socioéducatives, stages, etc. Dans les services de psychiatrie, aucune durée n'est prévue.
Le CGLPL constate toutefois que ces durées, en pratique très variables, sont toujours inférieures à celles théoriquement prévues : moins de 5 heures de cours hebdomadaires effectifs en CEF, y compris pour les mineurs de moins de seize ans, pas plus de 15 heures en EPM, pas plus de 6 heures en quartier pour mineurs. En psychiatrie, cette durée est plus variable mais toujours très faible.
Les contraintes inhérentes à l'organisation du lieu d'enfermement conjuguées à la nécessité de constituer des petits groupes pour tenir compte de l'âge et du niveau des jeunes privés de liberté entraîne la subdivision d'un temps d'enseignement déjà limité - et entrave par surcroit la socialisation que permettent en principe les temps de scolarisation. L'accès à un établissement scolaire extérieur, théoriquement possible pour les mineurs hospitalisés ou placés en CEF, n'est mis en œuvre qu'exceptionnellement, les démarches susceptibles d'être engagées à ce titre par les enseignants se heurtant parfois à une forme de rigidité administrative, notamment à l'impossibilité des inscriptions en cours d'année ou le refus de rattachement du CEF à l'établissement de secteur.
Si les durées d'enseignement rompent avec les principes régissant la scolarité en milieu libre, leur organisation suit en revanche le même calendrier, s'interrompant ainsi totalement pendant les congés scolaires, un temps largement déserté par l'ensemble des intervenants et qui laisse enfants et adolescents enfermés désœuvrés. En EPM, la scolarisation se déroule sur quarante semaines. En CEF, l'enseignant peut théoriquement travailler durant les vacances scolaires s'il le souhaite, mais en pratique, le volant d'heures supplémentaires disponible est insuffisant pour le lui permettre. Cette situation, déplorée par une mission sénatoriale de 2022 (10), est d'autant plus préjudiciable que les durées d'enfermement se comptent, la plupart du temps, en mois. Un jeune dont la détention inclut les vacances estivales, se voit ainsi mécaniquement privé de l'essentiel ou de la totalité du temps d'enseignement auquel il aurait droit. Certains professeurs donnent des devoirs mais pas tous et le relais n'est pas toujours assuré par les autres professionnels.
Les mineurs privés de liberté doivent bénéficier d'un enseignement adapté, comparable à celui des élèves à l'extérieur, notamment en volume horaire (11). La prise en charge des mineurs enfermés sur des temps collectifs et leur scolarisation à l'extérieur doit être recherchée et privilégiée pour préparer au mieux leur réintégration dans les dispositifs de droit commun.
Il est urgent et absolument nécessaire d'assurer la continuité pédagogique durant les vacances scolaires (12) ; les rectorats doivent bénéficier à cette fin de volants d'heures supplémentaires suffisants pour rémunérer les enseignants.
Si, en EPM, les salles de classes sont généralement spacieuses et en nombre suffisant, tel n'est pas toujours le cas dans les quartiers mineurs des établissements pénitentiaires, où elles peuvent être exiguës et éloignées des cellules, voire partagées avec les majeurs, ce qui en limite l'accès. En CEF, certaines salles sont trop petites pour qu'y soient dispensés des enseignements à plusieurs. Dans les services de psychiatrie, seules certaines unités disposent parfois de salles qui ne sont pas toujours exclusivement dédiées à l'enseignement. De surcroît, les enseignants manquent souvent d'équipements élémentaires : ordinateurs, tablettes numériques, imprimantes, vidéoprojecteurs, accès à une ligne téléphonique. Cette situation est à l'origine d'une rupture nette d'égalité au détriment des mineurs enfermés, puisque l'indispensable maîtrise de l'outil informatique et d'internet est largement prise en compte par l'enseignement « dehors » (13). Or si en CEF et dans les services de psychiatrie, des temps d'accès à l'outil informatique sont parfois prévus, cela reste impossible en détention.
Il est rare, enfin, que les enseignants aient accès à un dispositif d'interprétariat, ce qui rend la prise en charge et l'alphabétisation des enfants non francophones complexe.
Outre les moyens matériels, l'enseignement dans les lieux de privation de liberté manque de moyens permettant aux élèves de passer un examen ou d'obtenir un diplôme, alors que l'obtention d'un diplôme est fondamentale en termes de valorisation, de remobilisation et de réinsertion. Les modalités d'organisation des examens ne sont pas adaptées aux contraintes inhérentes aux mesures d'enfermement.
En premier lieu, les lieux de privation de liberté ne sont pas tous centre d'examen. Si en détention et en CEF, de nombreux examens sont organisés, c'est rarement le cas dans les services de psychiatrie. Certains diplômes reposent par ailleurs, en partie, sur des notes obtenues en contrôle continu (diplôme national du brevet, baccalauréat), condition difficilement remplie par des jeunes déscolarisés ou qui ne bénéficient que d'un nombre restreint d'heures d'enseignement. Les lieux de privation de liberté ne disposent pas des installations nécessaires pour présenter les épreuves techniques ou pratiques d'un diplôme, telle la physique-chimie du brevet des collèges professionnel ; les stages nécessaires, pour un baccalauréat professionnel par exemple, sont impossibles à réaliser.
Les conditions relatives aux inscriptions et la fréquence des épreuves sont un frein supplémentaire. Les enseignants rencontrent des difficultés pour inscrire directement les jeunes aux examens et doivent recourir aux services des examens du rectorat. Certains examens peuvent être passés tout au long de l'année, mais ce n'est pas le cas pour d'autres : ainsi, pour le certificat de formation générale, le nombre de sessions n'est pas suffisant, même si dans certains territoires, le rectorat se montre souple sur les dates d'inscriptions. Les pratiques à cet égard sont par ailleurs disparates d'un établissement à l'autre et la remise des diplômes valorisée de manière inégale.
L'enfermement ne doit pas empêcher un jeune de passer un examen. En cas d'impossibilité d'accéder aux centres d'examen, les épreuves doivent pouvoir être organisées dans les lieux de privation de liberté. Les conditions d'inscription des mineurs enfermés doivent être assouplies pour tenir compte de leur situation et la fréquence des examens doit être adaptée aux contraintes y afférentes.


3. La continuité de la prise en charge scolaire des mineurs enfermés doit être garantie


Les services qui assurent la prise en charge éducative des mineurs enfermés rencontrent de grandes difficultés pour inscrire leur intervention dans la continuité du projet pédagogique, que ce soit en amont de l'enfermement, au cours de la mesure, ou à l'issue de cette dernière.
En amont, les autorités en charge des lieux de privation de liberté peinent à réunir les informations antérieures à l'enfermement. Pour les mineurs suivis au pénal, le service territorial de milieu ouvert, garant de la continuité du parcours, est en principe chargé de les fournir. En pratique, les recueils de renseignements socio-éducatifs ou rapports éducatifs sont inexistants ou trop succincts, et la collecte des informations pertinentes, lorsqu'elle est possible, peut prendre plusieurs semaines.
Il est d'autant plus difficile de reconstituer le parcours antérieur que l'arrivée dans un lieu de privation de liberté est rarement programmée : beaucoup d'enfants sont hospitalisés après un passage aux urgences ; en CEF, la plupart des jeunes sont accueillis séance tenante ; enfin, la détention suit généralement un déferrement. Le plus souvent, les enseignants mettent en place le projet pédagogique à partir des seules évaluations faites à l'arrivée. Le livret scolaire unique n'est pas utilisé et les outils d'évaluation sont variables d'un lieu à l'autre, chaque enseignant développant le sien. Le problème est aggravé par l'impossibilité de compter sur des relais extérieurs - notamment familiaux - du fait des ruptures successives qui jalonnent souvent les parcours de ces enfants, de même que par les passages d'un lieu d'enfermement à un autre, qui ne sont pas rares.
La sortie constitue une phase critique car l'enfant doit passer d'un dispositif insuffisant mais cadré et de petite taille, à des dispositifs qui ne le sont pas, voire à un retour en milieu scolaire ordinaire éloigné du lieu d'enfermement. Le faible nombre des places disponibles dans des établissements adaptés (14) ne permet pas de compenser ces difficultés, qui accroissent le risque d'une nouvelle rupture.
Des documents de bilan sont généralement élaborés mais ne sont pas systématiquement transmis. La coordination nécessaire à ce suivi peine à se mettre en place, faute de temps ou de conventionnement avec les établissements scolaires d'arrivée. Pour faciliter la poursuite ou la reprise de la scolarisation, il est impératif que les mineurs privés de liberté soient rattachés à un établissement scolaire, même fictivement : cela permettrait de maintenir un lien avec l'école en milieu libre, voire d'être inscrit sans délai à des examens grâce à un identifiant national. A ce jour, une telle désignation est loin d'être systématique.
Le passage à la majorité entraine également, trop souvent, la rupture de l'accès à l'enseignement. Les intervenants compétents ne sont plus les mêmes, les lieux d'hébergement changent et les règles applicables sont différentes. Rare dans les services psychiatriques pour mineurs, l'enseignement est absent des services pour adultes. En détention, la protection judiciaire de la jeunesse cesse son suivi, la formation n'est plus obligatoire et il est difficile de mobiliser ce jeune public, dont les conditions d'enfermement changent et qui tend à baisser les bras. En CEF, le passage à la majorité n'est pas toujours anticipé. Des périodes transitoires entre minorité et majorité sont parfois prévues dans les services de psychiatrie qui prennent en charge des jeunes de plus de 18 ans ou en détention où les jeunes peuvent rester six mois de plus au quartier mineurs, mais sont rarement mis en œuvre.
Quel que soit le lieu d'enfermement d'un enfant, ses enseignants doivent disposer sans délai des informations sur sa scolarité. Le projet pédagogique personnalisé de l'enfant doit être formalisé dans chaque lieu de privation de liberté où il est pris en charge. L'inscription de tout mineur enfermé doit être formalisée dans un établissement de rattachement qui a la responsabilité de veiller à la continuité de son parcours scolaire. Enfin, les dispositifs visant à différer ou atténuer les conséquences du passage à la majorité dans la prise en charge des adolescents et jeunes adultes doivent être mis en œuvre.


4. Un cadre légal et institutionnel doit être mis en place afin de sanctuariser l'enseignement scolaire au sein des lieux d'enfermement


Si le droit à l'éducation de chaque enfant a vocation à s'exercer dans les lieux d'enfermement, le CGLPL relève que l'accès à l'enseignement n'est pas garanti à l'ensemble des enfants et adolescents privés de liberté.
Si la scolarisation dans les établissements pénitentiaires est prévue, ce n'est pas le cas dans les établissements hospitaliers, le code de la santé publique se bornant à indiquer que « les enfants en âge scolaire ont droit à un suivi scolaire adapté au sein des établissements de santé » (15). En l'absence de cadre national, l'organisation de l'accès à l'enseignement scolaire des jeunes patients en psychiatrie dépend des rectorats. Même lorsqu'il est effectivement organisé, il est régulièrement mis en défaut par le manque d'enseignants ou leur manque de formation.
De manière générale, dans l'ensemble des lieux de privation de liberté, le nombre d'enseignants est insuffisant. La possibilité de travailler auprès d'enfants enfermés est généralement inconnue, les fiches de postes ne renseignant pas toujours précisément les conditions d'exercice. Outre le manque de candidats, l'éducation nationale n'ouvre pas toujours les postes requis. Le recrutement des enseignants ne s'effectue pas au niveau national et l'académie de provenance peut refuser une affectation.
Dans le cadre des entretiens menés pendant les visites et vérifications sur place du CGLPL, nombre d'enseignants ont déploré la faible attractivité des postes en milieu fermé : les primes ne sont pas harmonisées d'un lieu à l'autre et sont moins attractives que celles octroyées en section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA).
Si des formations sont prévues pour les enseignants exerçant en CEF et en détention, aucune n'est prévue pour ceux qui interviennent dans les services de psychiatrie. Lorsqu'elles existent, ces formations sont perfectibles dans leur contenu. Les enseignants font ainsi état de leur besoin de méthodologies adaptées, plutôt que de formations sur les apprentissages (16). Dans certains territoires, des rencontres régionales d'enseignants en milieu fermé sont organisées mais sont souvent axées sur la seule détention des mineurs ; les enseignants des CEF n'y trouvent que peu d'intérêt. Enfin, lors de l'entrée en fonction, la coordination avec l'enseignant précédent n'est pas toujours organisée, et limitée par le temps. Les enseignants se trouvent ainsi livrés à eux-mêmes pour appréhender le fonctionnement et l'environnement d'un établissement qu'ils connaissent mal, voire méconnaissent totalement.
Le CGLPL rappelle à ce que sujet que « les enseignants intervenant auprès de mineurs privés de liberté doivent bénéficier d'une formation spécifique adaptée avant leur prise de fonction, puis d'un accompagnement et d'un suivi continus tout au long de leur intervention auprès de ce public » (17). Des formations pluriprofessionnelles doivent être mises en place et les rencontres entre enseignants systématisées, y compris pour ceux qui travaillent dans les services de psychiatrie.
Il n'y a, plus généralement, aucun dispositif de remplacement des enseignants absents et le statut des enseignants et les tâches administratives qui leur incombent contribuent encore à raccourcir la durée de leur présence devant les élèves Le fonctionnement des lieux d'enfermement limite trop souvent l'accès des mineurs à une scolarisation par ailleurs inadaptée. La situation scolaire des enfants, insuffisamment protégée, n'est ni améliorée ni redynamisée mais au contraire aggravée par leur enfermement.
Le CGLPL recommande donc, en premier lieu, de faire de la scolarité une priorité absolue pour les enfants enfermés et de sanctuariser son déroulement en faisant de sa continuité ou, si nécessaire, du retour à l'école, un objectif central. Cette priorisation doit être expressément prévue par la loi, mise en œuvre dans les faits, sans que les contraintes et difficultés opérationnelles propres aux administrations responsables des lieux d'enfermement n'y fassent obstacle. L'accès à l'enseignement doit permettre d'identifier les difficultés de chaque élève enfermé, de définir son parcours et d'en assurer le suivi, y compris après sa sortie.
Le CGLPL recommande d'autre part, la définition et la mise en œuvre d'un programme national « mineurs enfermés ou placés », garantissant l'adaptation des enseignements aux profils et besoins des élèves concernés, sans entraîner de ruptures d'égalité supplémentaires dans un parcours qui en est généralement déjà parsemé.
A cette fin, la loi doit permettre à l'éducation nationale de garantir un recrutement à la hauteur des besoins. Un statut spécial des enseignants en milieu fermé doit être créé afin de valoriser leur mission et leur permettre de l'exercer efficacement, y compris pendant les vacances scolaires.


(1) Convention internationale relative aux droits de l'enfant, articles 2 et 28. ONU, Conseil de l'Europe.
(2) Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, article 13 ; code de l'éducation, article L. 111-1.
(3) L'article L.131-31 du code de l'éducation prévoit que l'instruction est obligatoire pour les enfants de 3 ans à 16 ans.
(4) Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
(5) CGLPL, Les droits fondamentaux des mineurs enfermés, Dalloz, 2021.
(6) CGLPL, Les droits fondamentaux des mineurs enfermés, Dalloz, 2021.
(7) Cf. Rapport d'information sur la délinquance des mineurs du Sénat 21 septembre 2022 qui indique que lutter contre le décrochage scolaire est un axe majeur de la prévention de la délinquance des mineurs ; Rapport d'information sur la justice des mineurs de l'Assemblée nationale du 20 février 2019 qui indique que « les difficultés scolaires interviennent à la fois comme un facteur et comme un symptôme d'un risque de basculement dans une délinquance d'exclusion ».
(8) En 2022, le nombre de mineurs hospitalisés à temps plein en psychiatrie était de 22 662 ; source : RIM-P (recueil d'informations médicalisé pour la psychiatrie), exploitation Magali Coldefy.
(9) Convention signée entre le ministère de la justice et le ministère de l'éducation nationale le 15 octobre 2019.
(10) Rapport d'information sur la délinquance des mineurs du Sénat 21 septembre 2022 qui fait les mêmes constats que le rapport sénatorial de 2018 à savoir qu'il faut trouver des solutions afin d'assurer une continuité de l'enseignement.
(11) CGLPL, Les droits fondamentaux des mineurs enfermés, Dalloz, 2021.
(12) CGLPL, Les droits fondamentaux des mineurs enfermés, Dalloz, 2021.
(13) Code de l'éducation, art. 312-9 : « La formation à l'utilisation responsable des outils et des ressources numériques est dispensée dans les écoles et les établissements d'enseignement, y compris agricoles, ainsi que dans les unités d'enseignement des établissements et services médico-sociaux et des établissements de santé. Elle comporte une éducation aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée et le respect de la propriété intellectuelle, de la liberté d'opinion et de la dignité de la personne humaine, ainsi qu'aux règles applicables aux traitements de données à caractère personnel. Elle contribue au développement de l'esprit critique, à la lutte contre la diffusion des contenus haineux en ligne et à l'apprentissage de la citoyenneté numérique. Cette formation comporte également une sensibilisation sur l'interdiction du harcèlement commis dans l'espace numérique, la manière de s'en protéger et les sanctions encourues en la matière. Cette formation comporte également une sensibilisation à l'impact environnemental des outils numériques ainsi qu'un volet relatif à la sobriété numérique. A l'issue de l'école primaire et du collège, les élèves reçoivent une attestation certifiant qu'ils ont bénéficié d'une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux ainsi qu'aux dérives et aux risques liés à ces outils ».
(14) Classe Ulysse, instituts médicoéducatifs, etc.
(15) Article L. 1110-6 du code de la santé publique.
(16) Le CGLPL a ainsi pu prendre connaissance d'une formation organisée pour les enseignants en CEF ayant pour thème « les valeurs de la République » alors que les enseignants rencontrés soulignaient leur besoin de stratégies et d'outils centrés autour de cas pratiques et concrets.
(17) CGLPL, Les droits fondamentaux des mineurs enfermés, Dalloz, 2021.