(ASSOCIATION « ENSEMBLE POUR LA PLANÈTE »)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 février 2013 par le Conseil d'Etat (décision n° 363844 du 11 février 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association « Ensemble pour la planète » relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article Lp. 142-10 du code minier de la Nouvelle-Calédonie.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu le code minier de la Nouvelle-Calédonie ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par la SCP Ancel-Couturier-Meier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 mars 2013, puis par la SCP Meier-Bourdeau-Lécuyer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 13 et 27 mars 2013 ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par la SELARL Raphaële Charlier, avocat au barreau de Nouméa, enregistrées les 10 et 26 mars 2013 ;
Vu les observations produites pour la société Géovic Nouvelle-Calédonie, défendeur à la procédure, par la SELARL Descombes et Salans, avocat au barreau de Nouméa, enregistrées les 11 et 22 mars 2013 ;
Vu les observations produites pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 12 et 25 mars 2013 ;
Vu les observations présentées par l'assemblée de la province sud de la Nouvelle-Calédonie, enregistrées le 12 avril 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Raphaële Charlier, avocate au barreau de Nouméa, pour l'association requérante, Me Gilles Especel, avocat au barreau de Paris pour la partie en défense, Me Floriane Beauthier, avocat au barreau de Paris, pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie, Me Guillaume Lécuyer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ayant été entendus à l'audience publique du 16 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel :
1. Considérant qu'aux termes de l'article Lp. 142-10 du code minier de la Nouvelle-Calédonie : « L'ouverture de travaux de recherches et d'exploitation est subordonnée à une autorisation du président de l'assemblée de la province compétente fixant les prescriptions destinées à prévenir les dommages ou nuisances que l'activité minière est susceptible de provoquer.
« L'autorisation de travaux de recherches est précédée d'une notice d'impact. Toutefois, lorsque la protection des intérêts mentionnés à l'article Lp. 142-5 le justifie, cette autorisation peut être précédée, à la demande du président de l'assemblée de la province compétente, de tout ou partie d'une étude d'impact.
« L'autorisation de travaux d'exploitation est précédée d'une étude d'impact.
« L'autorisation de travaux de recherches est accordée après avis de la commission minière communale. L'autorisation de travaux d'exploitation est accordée après enquête publique et avis de la commission minière communale. Ces autorisations peuvent être complétées ou modifiées ultérieurement » ;
2. Considérant que l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée a défini le domaine des lois du pays de la Nouvelle-Calédonie et que son article 107 leur a conféré « force de loi » dans ces matières ; que, d'une part, ce dernier article organise, en ses troisième et quatrième alinéas, une procédure par laquelle le Conseil d'Etat, saisi soit par une juridiction de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire, soit par le président du congrès, le président du Gouvernement, le président d'une assemblée de province ou le haut-commissaire, constate, le cas échéant, qu'une disposition d'une loi du pays serait intervenue en dehors du domaine défini à l'article 99 ; que, d'autre part, l'article 3 de la loi organique du 10 décembre 2009 susvisée relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution a inséré dans cet article 107 un alinéa aux termes duquel : « Les dispositions d'une loi du pays peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-12 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel » ; qu'il ressort de ces dernières dispositions de l'article 107 que la procédure relative à l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur une loi du pays de la Nouvelle-Calédonie exclut l'application des dispositions des troisième et quatrième alinéas du même article ;
3. Considérant que la loi du pays contestée a été adoptée selon la procédure prévue par les articles 100 à 103 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée ; qu'elle n'a pas fait l'objet, depuis lors, d'une décision du Conseil d'Etat constatant qu'elle serait intervenue en dehors des matières énumérées par l'article 99 ; que, par suite, elle constitue une disposition pouvant faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ;
Sur la constitutionnalité des dispositions contestées :
4. Considérant que, selon l'association requérante, en ne prévoyant pas d'information et de participation du public lors de l'élaboration des autorisations de travaux de recherches, les dispositions de l'article Lp. 142-10 du code minier de la Nouvelle-Calédonie méconnaissent les principes posés par l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
5. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « de recherches et » figurant au premier alinéa ainsi que sur le deuxième alinéa et la première phrase du quatrième alinéa de l'article Lp. 142-10 du code minier de la Nouvelle-Calédonie ;
6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ;
8. Considérant que l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée donne compétence au congrès de la Nouvelle-Calédonie pour adopter, par des lois du pays, les « règles concernant les hydrocarbures, le nickel, le chrome et le cobalt » ; qu'en application de ces dispositions, l'article Lp. 111-1 du code minier de la Nouvelle-Calédonie prévoit que les substances minérales relevant du régime minier sont le nickel, le chrome et le cobalt ;
9. Considérant que l'article Lp. 111-4 du même code définit la prospection comme « l'activité consistant à procéder à des investigations superficielles, incluant les travaux de géophysique, en vue de la découverte des substances minérales définies à l'article Lp. 111-1 » ; que le même article définit la recherche comme « l'activité consistant à effectuer tous travaux superficiels ou profonds en vue d'établir la continuité des indices découverts par la prospection afin de conclure à l'existence de gisements des substances minérales énumérées à l'article Lp. 111-1 et d'en étudier les conditions d'exploitation et d'utilisation industrielle » ; que l'exploitation est, en vertu des mêmes dispositions, « l'activité consistant à extraire d'un gisement les substances minérales énumérées à l'article Lp. 111-1 pour en disposer à des fins industrielles et commerciales » ;
10. Considérant que l'activité de recherche est subordonnée, en vertu de l'article Lp. 112-1 du même code, à l'obtention d'un permis de recherches ou à la détention d'une concession minière ; que l'ouverture de travaux de recherches et d'exploitation est, en vertu de l'article Lp. 142-10 du même code, subordonnée à une autorisation du président de l'assemblée de province compétente ; que cette autorisation fixe les prescriptions destinées à prévenir les dommages ou les nuisances que l'activité minière est susceptible de provoquer ; que l'autorisation de travaux de recherches, précédée d'une notice d'impact, voire d'une étude d'impact à la demande du président de l'assemblée de la province compétente, est accordée après avis de la commission minière communale ;
11. Considérant que, compte tenu de la nature des substances minérales susceptibles d'être recherchées et en l'état des techniques mises en œuvre, le législateur a pu considérer que les autorisations de travaux de recherches ne constituent pas des décisions ayant une incidence significative sur l'environnement ; que, par suite, en ne prévoyant pas de procédure d'information et de participation du public préalable à l'intervention des autorisations de travaux de recherches, le législateur a fixé, au principe d'information et de participation du public, des limites qui ne méconnaissent pas l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
12. Considérant que les dispositions ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,
Décide :