Monsieur le Président de la République,
L'article 4 de la loi n° 2012-260 du 22 février 2012 portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'Etat et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports autorise le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour transposer la directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier, pour ce qui concerne le temps de travail des conducteurs indépendants. Cette ordonnance doit être adoptée dans un délai de quatre mois à compter de la publication de la loi, soit avant le 25 juin 2012.
La directive 2002/15/CE du 11 mars 2002 s'applique à toutes les personnes effectuant des transports routiers de marchandises ou de voyageurs, dans le champ d'application du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route. Elle s'applique donc aux conducteurs salariés, pour lesquels la directive a été transposée par ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004. L'article 2 de la directive prévoyait qu'elle devait s'appliquer également aux conducteurs indépendants, à compter du 23 mars 2009.
C'est la France qui a obtenu, sous sa présidence en l'an 2000, cette disposition sur l'inclusion à terme des conducteurs indépendants dans le champ d'application de la directive 2002/15/CE précitée, pour limiter le développement de la fausse sous-traitance et, par ailleurs, limiter les risques liés à un excès de fatigue résultant de la durée du travail, dans un objectif de sécurité routière.
La directive excluait provisoirement les conducteurs indépendants de son champ d'application et prévoyait qu'au plus tard deux ans avant la date du 23 mars 2009 la Commission soumettrait au Parlement européen et au Conseil un rapport analysant les conséquences de l'exclusion des conducteurs indépendants du champ d'application de la directive. Sur la base de ce rapport, la Commission a soumis au Parlement européen et au Conseil une proposition de modification de la directive 2002/15/CE excluant les conducteurs indépendants de son champ d'application. Le Parlement européen a rejeté cette proposition, par vote du 16 juin 2010. La Commission, qui a dû retirer sa proposition, se montre particulièrement vigilante sur les mesures nationales mises en œuvre par les Etats membres pour rendre la directive 2002/15/CE applicable aux conducteurs indépendants. Le 29 septembre 2011, la Commission a constaté que la France avait manqué à ses obligations en matière de transposition de la directive aux conducteurs indépendants. Le 26 avril 2012, un avis motivé a été adressé à la France au titre de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : le gouvernement français était invité à prendre les mesures nécessaires pour assurer la transposition de la directive 2002/15/CE en ce qui concerne les conducteurs indépendants, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l'avis motivé.
La présente ordonnance a donc pour objectif d'assurer la transposition de la directive 2002/15/CE pour ce qui concerne le temps de travail des conducteurs indépendants.
Elle modifie le code des transports (partie législative), afin d'y insérer, au chapitre II (Durée du travail des conducteurs de transport public routier) du livre III de la troisième partie (Transport routier), une section nouvelle relative à la durée du travail des conducteurs indépendants du transport public routier. Cette section comporte six articles.
L'article L. 3312-4 définit les conducteurs indépendants auxquels s'appliquent les dispositions de la section nouvelle : il s'agit des personnes physiques exerçant, dans les conditions prévues par les articles L. 8221-6 et L. 8221-6-1 du code du travail, une activité de transport public routier de personnes, au moyen d'un véhicule construit ou aménagé de façon permanente pour pouvoir assurer le transport de plus de neuf personnes, conducteur compris, et destiné à cet usage, ou une activité de transport public routier de marchandises, au moyen d'un véhicule, y compris d'un véhicule à remorque ou à semi-remorque, dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes. Ce champ des véhicules concernés résulte des dispositions du règlement (CEE) n° 561/2006 susmentionné, qui a repris sur ce point les dispositions du règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil, auquel la directive 2002/15/CE renvoie.
L'article L. 3312-5 définit la durée du travail comme le temps pendant lequel le conducteur indépendant accomplit les tâches nécessaires et directement liées à l'exécution d'un contrat de transport. Il précise que le temps de travail comprend les temps de conduite, les temps de chargement et de déchargement, les temps consacrés à l'assistance aux passagers à la montée et à la descente du véhicule, au nettoyage et à l'entretien technique et tout temps donnant lieu à enregistrement comme temps de conduite ou autre tâche en application du règlement (CEE) n° 3821/85 du 20 décembre 1985 concernant l'appareil de contrôle dans le domaine des transports par route. Il précise également que ne sont pas décomptés comme temps de travail les temps de pause et les temps de repos.
L'article L. 3312-6 fixe la durée maximale hebdomadaire du travail à soixante heures et la durée maximale hebdomadaire moyenne, calculée sur quatre mois consécutifs, à quarante-huit heures.
L'article L. 3312-7 définit la période nocturne comme comprise entre minuit et 5 heures et limite la durée quotidienne de travail à dix heures lorsqu'une partie du travail est accomplie durant cette période.
L'article L. 3312-8 prévoit que les dispositions relatives aux temps de pause des conducteurs salariés sont applicables aux conducteurs indépendants, soit une pause d'au moins trente minutes lorsque le temps total du travail quotidien est supérieur à six heures et d'au moins quarante-cinq minutes lorsque le temps total du travail quotidien est supérieur à neuf heures, ces pauses pouvant être subdivisées en périodes d'au moins quinze minutes.
L'article L. 3312-9 concerne les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, pour en permettre le contrôle : il prévoit que ces documents sont établis et conservés dans les conditions fixées par le règlement (CEE) n° 3821/85 du 20 décembre 1985 susmentionné.
L'ordonnance n'est pas applicable à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Un décret prévoira les sanctions applicables en cas de manquement aux obligations définies par les nouveaux articles du code des transports.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.