Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi de programmation relative à l'exécution des peines.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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A. ― Selon les députés auteurs de la saisine, l'article 2 de la loi déférée est contraire à la Constitution en ce que, notamment, il permet le recours à la procédure de dialogue compétitif pour la passation des marchés mentionnés à l'article 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, alors qu'une telle procédure « apparaît manifestement inappropriée au regard des opérations envisagées et ne semble pas conforme aux exigences tenant à l'intérêt général ».
B. ― Ces griefs ne pourront qu'être écartés par le Conseil constitutionnel.
Dans sa rédaction actuellement en vigueur, l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 précitée prévoit que, par dérogation aux dispositions des articles 7 et 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, l'Etat peut confier à une personne ou à un groupement de personnes une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires.
Depuis sa modification par l'article 3 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, ce texte spécifie que l'exécution de cette mission résulte d'un marché passé selon les procédures prévues par le code des marchés publics, en particulier son article 69 relatif aux marchés dits de « conception-réalisation ». Ce dernier article prévoit le recours à une procédure d'appel d'offres restreint avec jury, sauf pour les opérations limitées à la réhabilitation de bâtiments, en vue desquelles la procédure de « dialogue compétitif » prévue à l'article 67 du code des marchés publics est susceptible d'être utilisée, sous réserve que soient remplies les conditions auxquelles les articles 36 et 37 du même code subordonnent le recours à cette procédure.
L'article 2 de la loi déférée a pour objet, en son 1°, d'étendre à l'exploitation et à la maintenance d'établissements pénitentiaires la mission globale qui peut être confiée au titulaire du marché, et, en son 2°, de permettre le recours à la procédure de dialogue compétitif non seulement en cas de réhabilitation de bâtiments existants, mais aussi en cas de construction neuve.
Ces dispositions, qui sont inspirées par la volonté de faciliter et d'accélérer la construction des établissements pénitentiaires, ne méconnaissent aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle et, en particulier, ne sont pas contraires au principe d'égalité devant la commande publique et à l'exigence de bon emploi des deniers publics.
1. Il importe d'abord de souligner, s'agissant du 1° de l'article 2, que ces dispositions n'étendent nullement, par rapport à l'état du droit en vigueur, le champ des fonctions qui, dans les établissements pénitentiaires, peuvent être confiées à un tiers en vertu du dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 22 juin 1987. Au contraire, elles excluent expressément, à l'instar de ces dernières dispositions, l'externalisation des fonctions de direction, de greffe et de surveillance, qui constituent, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, des « tâches inhérentes à l'exercice par l'Etat de ses missions de souveraineté » (décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, cons. 8).
Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, l'aménagement et l'exploitation d'un ouvrage public (v. not. la décision du 29 août 2002 précitée, cons. 4, ainsi que la décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, cons. 18).
Or, au cas d'espèce, les dispositions contestées ne sauraient être regardées comme faisant obstacle à ce que les petites et moyennes entreprises accèdent à la commande publique, dès lors que, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002 précitée (cons. 5), l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 permet à un groupement d'entreprises de se porter candidat à l'attribution du marché, que celui-ci peut être alloti et que le titulaire du marché peut recourir à la sous-traitance : l'égal accès à la commande publique de toutes les entreprises se trouve donc préservé. Il n'est pas davantage porté atteinte, par les mêmes dispositions, à l'exigence de bon usage des deniers publics, dans la mesure notamment où la passation de marchés incluant l'exploitation et la maintenance des établissements devrait inciter les candidats à porter une attention accrue aux choix de conception et de construction afin de minimiser les coûts d'exploitation et de maintenance qu'ils auront à supporter.
Certes, dans sa décision du 26 juin 2003 précitée, le Conseil constitutionnel a estimé que serait de nature à priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes, notamment, à l'égalité devant la commande publique et au bon usage des deniers publics, la généralisation de certaines « dérogations au droit commun de la commande publique », au nombre desquelles il a rangé la possibilité de confier à un tiers une mission globale, ainsi que celle, également prévue par l'article 2 de la loi du 22 juin 1987, de porter un jugement commun, en cas d'allotissement, sur les offres portant simultanément sur plusieurs lots, en vue de déterminer l'offre la plus satisfaisante du point de vue de son équilibre global.
En l'espèce, toutefois, l'article 2 de la loi déférée n'étend que marginalement la portée des dérogations déjà prévues par l'article 2 de la loi du 22 juin 1987, qui ont été jugées, par la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002 précitée, ne méconnaître aucune règle ni aucun principe à valeur constitutionnelle. Ces dérogations demeurent ainsi limitées tant dans leur champ d'application, qui ne concerne que la réalisation d'établissements pénitentiaires, que dans leur portée, en ce que, notamment, les opérations concernées sont réalisées sous maîtrise d'ouvrage publique et que trouve à s'y appliquer la prohibition, par l'article 96 du code des marchés publics, des clauses de paiement différé.
2. Quant à la possibilité offerte à l'Etat, par le 2° de l'article 2 de la loi déférée, de recourir à la procédure de dialogue compétitif pour la passation des marchés globaux en cause, elle ne porte pas davantage atteinte, par elle-même, à l'égalité devant la commande publique ou au bon usage des deniers publics.
En effet, le recours à cette procédure, « dans laquelle », selon l'article 36 du code des marchés publics, « le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec les candidats admis à y participer en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les participants au dialogue seront invités à remettre une offre », ne dispense nullement l'administration de se conformer aux principes énoncés au II de l'article 1er du même code, en particulier les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, lesquels permettent, comme le rappellent ces dispositions, d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.
De fait, utilisée à bon escient, la procédure de dialogue compétitif, qui permet aux candidats de participer à la définition des solutions techniques propres à satisfaire au mieux les besoins de l'administration, est de nature à favoriser la recherche d'un meilleur rapport entre la qualité des ouvrages et des prestations associées, d'une part, et leur prix, d'autre part.
Au demeurant, il convient de souligner que le 2° de l'article 2 de la loi déférée a expressément prévu que le recours à la procédure de dialogue compétitif ne serait possible que dans les conditions prévues, notamment, par l'article 36 du code des marchés publics, lequel, conformément à l'article 29 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, limite son utilisation aux cas où le marché est considéré comme complexe, c'est-à-dire aux cas où, soit « le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins », soit « le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure d'établir le montage juridique ou financier d'un projet ».
La décision de passer le marché selon la procédure de dialogue compétitif devra donc être justifiée au cas par cas par le pouvoir adjudicateur.
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Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.
Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.