Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 juin 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 338377 du 7 juin 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Lahcène A. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 juin 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Emmanuel Nunes, avocat au barreau de Paris, pour M. A. et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 juillet 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu,
1. Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose qu'ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du titre Ier du livre III du même code et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, « les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions en tant qu'elles posent une condition de nationalité ou de domiciliation portent atteinte au principe d'égalité devant la loi garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles méconnaîtraient également l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les premier et dix-huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que les dispositions précitées ont pour objet d'attribuer, en témoignage de la reconnaissance de la République française, la carte du combattant aux membres des forces supplétives françaises qui ont servi pendant la guerre d'Algérie ou les combats en Tunisie et au Maroc ; que le législateur ne pouvait établir, au regard de l'objet de la loi et pour cette attribution, une différence de traitement selon la nationalité ou le domicile entre les membres de forces supplétives ; que, dès lors, l'exigence d'une condition de nationalité et de domiciliation posée par le troisième alinéa de l'article 253 bis du code précité est contraire au principe d'égalité ;
5. Considérant que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les mots : « possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » figurant dans le troisième alinéa de l'article 253 bis du code précité doivent être déclarés contraires à la Constitution,
Décide :