I. ― Sur la procédure d'adoption de la loi
Rien dans les observations du Gouvernement ne vient clairement démontrer que les exigences de clarté et de sincérité des débats ont été respectées.
II. ― Sur l'absence de nouvelle consultation de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution après l'intervention du Conseil d'Etat
Rien ne peut convaincre là encore dans l'argumentation du Gouvernement qui répond d'ailleurs de façon bien peu précise aux griefs portés sur ces points. Il est par conséquent toujours patent que la loi résulte d'une procédure irrégulière comme nous l'avons démontré dans les alinéas 3, 4 et 5 du recours.
III. ― Sur le choix de la méthode de découpage
Sur le choix de la méthode de découpage, les observations du Gouvernement valident le fait que la méthode de Sainte-Laguë repose « sur des critères exclusivement démographiques ». Or, il s'agit là pour le Conseil constitutionnel d'un critère essentiel et si l'on peut accepter que le découpage d'un département puisse prendre en compte, à côté des éléments démographiques, des réalités géographiques, historiques et humaines, cela ne peut être le cas pour la méthode de répartition qui ne peut qu'être la plus juste du point de vue démographique. Le Gouvernement ne conteste d'ailleurs pas que cette méthode permette une répartition plus juste et donc une meilleure garantie pour l'égalité du droit de suffrage de nos concitoyens.
IV. ― Sur les critiques dirigées
contre le découpage de certaines circonscriptions
Bien entendu, au terme du recours, il ne fait aucun doute que la loi déférée devrait être censurée pour avoir prétendu ratifier une ordonnance manifestement contraire à la Constitution.
Mais aucun obstacle constitutionnel n'empêche de la condamner en ce qu'elle a irrégulièrement découpé certaines circonscriptions. Les observations finales de notre recours, en formulant différentes hypothèses de censure, montrent bien qu'à côté des griefs qui peuvent être portés sur la procédure d'adoption et la méthode de répartition il est tout à fait justifié d'examiner le découpage département par département et de pouvoir ainsi censurer ceux d'entre eux, il y en a de nombreux, qui ne respectent pas les exigences constitutionnelles.
Vous trouverez donc ci-dessous des observations complémentaires concernant quelques départements. De façon générale dans ses observations, le Gouvernement répond de manière fort peu précise aux éléments du recours et utilise des arguments de façon très souvent contradictoire d'un département à l'autre, notamment sur les questions relevant des intercommunalités et des cohérences géographiques et administratives.
S'agissant de l'Ain :
Le Gouvernement n'apporte aucune réponse satisfaisante aux éléments du recours si ce n'est d'expliquer ses choix exclusivement politiques par une anticipation de « perspectives de croissance de population ». Comme le recours le démontre, un découpage plus cohérent et démographiquement plus satisfaisant était bien entendu possible.
S'agissant de l'Aude :
Rien ne vient dans les observations du Gouvernement clairement expliquer l'incohérence de ses choix de découpage.
S'agissant du Calvados :
Si l'argument de la réduction des écarts de population est important au regard des principes constitutionnels, il ne peut faire oublier l'importance des territoires. Dans le cas présent, le canton d'Ouistreham appartient à la grande agglomération caennaise : Ouistreham est le port de Caen. De plus, le canton d'Ouistreham se trouve sur la rive gauche de l'Orne à un endroit où il n'y a que peu de franchissements. L'unité géographique de la 4e circonscription remodelée, intégrant le canton d'Ouistreham, est donc très contestable. L'argument de réduction des écarts de population est un argument de forme qui ne peut masquer le fait que le canton d'Ouistreham est un canton périurbain qui vote à gauche et qu'il convenait donc pour le Gouvernement de déplacer. L'argument de la population est d'ailleurs aussi remis en cause par les dimensions géographique et socio-économique.
S'agissant du Gard :
Le Gouvernement n'apporte aucune explication satisfaisante sur ce découpage qui, sans servir l'équilibre démographique, déplace des cantons dans un but exclusivement politique et ne respecte pas la continuité territoriale.
S'agissant de la Haute-Garonne :
Le redécoupage ― le Gouvernement le reconnaît d'ailleurs ― a abouti à une véritable explosion des circonscriptions actuelles alors qu'il était possible d'assurer la création des deux nouvelles circonscriptions tout en préservant la cohésion territoriale et en respectant pleinement les critères de population et d'écart type.
Outre quelques erreurs dans ses observations (notamment le fait que le canton de Tournefeuille demeure fractionné entre la 6e et la 7e circonscription, et non la l0e comme l'écrit le Gouvernement), aucune argumentation recevable n'est opposée à la proposition alternative qui montre que des choix démographiques bien meilleurs étaient possibles.
S'agissant de l'Hérault :
Aucune des observations du Gouvernement ne vient justifier un redécoupage que la seule vision d'une carte rend choquant. Là où, dans d'autres départements, des arguments de cohérence géographique ou de distance sont utilisés, dans l'Hérault le Gouvernement s'est permis l'injustifiable.
On pourrait ajouter l'exemple d'une 4e circonscription qui comprend une commune du bord de l'étang de Thau et qui va jusqu'au plateau du Larzac (caylar) constituant ainsi une vision totalement incohérente, ou encore d'une 2e circonscription où le prétexte avancé d'une meilleure unicité est totalement pris en défaut, cette circonscription auparavant très logique prenant, avec les ciseaux du Gouvernement, une forme aberrante.
D'une manière générale, les circonscriptions ont été découpées uniquement en fonction des intérêts des élus de la majorité, maintenant des écarts démographiques superflus et fractionnant arbitrairement des cantons.
S'agissant de l'Isère :
L'argumentation du Gouvernement concernant la 5e circonscription manque de rigueur.
L'équilibre « raisonnable » invoqué n'est pas rigoureux, et il l'est d'autant moins qu'il repose sur une hypothétique évolution de la population devant « resserrer » les écarts de population « à l'avenir ».
A cet égard, il convient de rappeler que la 5e circonscription passerait, en cas de validation du projet du Gouvernement, d'une situation où sa démographie était inférieure à la moyenne départementale, à la frange démographique la plus haute (+ 10,07 %), le comble étant que c'est la seule circonscription qui verra le nombre de ses habitants augmenter avec le rattachement de la commune de Chamrousse, ce qui renforce encore le déséquilibre.
Pour ces raisons et pour avoir scindé des cantons sans pouvoir le justifier, les observations du Gouvernement ne permettent pas d'éviter la censure.
S'agissant du Loiret :
Rien dans les observations du Gouvernement ne vient expliquer les bizarreries et les déséquilibres géographiques. Les considérations partisanes qui prévalent au projet Gouvernemental doivent laisser la place à un nouveau projet réduisant les écarts de population, projet possible, ce que le Gouvernement ne conteste d'ailleurs pas.
S'agissant de la Meurthe-et-Moselle :
Manifestement, l'approche donnée dans ces analyses est très politique et partisane, comme l'ensemble de ce redécoupage électoral pour lequel le Conseil constitutionnel est saisi.
Il est écrit que la délimitation « s'articule autour de la suppression de l'actuelle 3e circonscription, fusionnée avec la 2e circonscription » et que, « contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, la 2e circonscription n'est pas dépecée ».
― La 2e circonscription est bien dépecée, puisqu'elle est découpée en quatre morceaux répartis sur trois circonscriptions :
Le canton d'Arracourt bascule dans la 4e circonscription.
Les cantons de Saint-Max et Seichamps basculent dans la 1re circonscription.
Les cantons de Jarville et de Vandœuvre basculent dans la 3e circonscription.
Le canton de Tomblaine bascule dans la 4e circonscription.
Il est rappelé que, avant redécoupage, la 2e circonscription était la plus proche du département de la nouvelle moyenne départementale.
― La logique aurait été de répartir les trois cantons de la 3e circonscription, qui était la moins peuplée :
Sur ces trois cantons, un seul lui est supprimé, celui qui votait majoritairement à gauche. Elle se retrouve avec les deux cantons de Vandœuvre et le canton de Jarville de la 2e circonscription pour former la nouvelle 2e circonscription, où elle est avantagée en nombre de voix.
La 5e circonscription n'a pas été touchée, alors qu'elle présente un déficit de population important (― 13,48 %). Le rattachement du canton de Bayon qui était proposé n'a pas été retenu par le Gouvernement. Ce canton a une forte majorité de gauche, la 5e circonscription est celle de la secrétaire d'Etat à la famille.
Les observations du Gouvernement sur la saisine du Conseil constitutionnel justifient que cette 5e circonscription ne soit pas touchée en raison de territoires géographiquement, sociologiquement, économiquement et historiquement homogènes. Dans ce cas, les motifs d'intérêt général prédomineraient sur les écarts de population.
Mais ce même argument n'est pas jugé recevable pour le canton de Tomblaine. Il comprend pourtant quatre communes de la communauté urbaine du Grand Nancy avec de grands équipements de cette intercommunalité, et ces communes seront les seules de cette agglomération à ne pas être sur une circonscription tournée vers sa propre agglomération. Ce canton n'a par ailleurs aucune logique de bassin de vie avec le Lunévillois, la 4e circonscription. Ce seront les seules communes de cette circonscription à ne pas être rattachées à la sous-préfecture de Lunéville.
Réintégrer le canton de Tomblaine dans la nouvelle 2e circonscription, c'est faire primer l'intérêt général sur la même base que les arguments de cohérence territoriale utilisés par le Gouvernement pour la 5e circonscription. Même si l'écart de population atteint 18,51 %, cette cohérence territoriale et les bassins de vie justifient le rattachement du canton de Tomblaine à la nouvelle 2e circonscription. En effet, en France, d'après les chiffres publiés sur le site du Premier ministre, seize circonscriptions sont à plus de 15 % de leur moyenne départementale respective.
Par ailleurs, il est rappelé que le ministre Alain Marleix s'était engagé devant les parlementaires à ne pas séparer la commune de la circonscription d'un député quand celui-ci est également maire. C'est pourtant le cas en l'espèce, le député de l'actuelle 2e circonscription, dont la majorité en nombre d'habitants se retrouve dans la nouvelle 2e circonscription, voit la commune dont il est maire basculer dans une autre circonscription.
Ce redécoupage est bien partisan et politique et n'a pas suivi les principes constitutionnels.
S'agissant de la Moselle :
En ce qui concerne les circonscriptions extérieures à Metz :
Le Gouvernement prétend curieusement qu'un écart de 13,03 % par rapport à la moyenne départementale (circonscription de Sarreguemines) aurait selon lui une ampleur « relativement modeste » mais qu'un écart de seulement 9,66 % constaté à Metz serait au contraire insupportable et justifierait l'instauration de limites complètement extravagantes. C'est tout à fait contradictoire.
Le nouveau découpage proposé par la commission de contrôle pour les circonscriptions extérieures à Metz transférerait des cantons entiers ; de ce fait, il aurait une certaine cohérence géographique. Au contraire, à Metz, le découpage du Gouvernement est tout à fait incohérent puisqu'il passe à l'intérieur des limites du canton de Metz 3 et dissocie même des blocs d'immeubles.
Manifestement, le Gouvernement ne peut pas, d'une part, maintenir un écart de 13,03 % à Sarreguemines alors qu'il pourrait y remédier par des rectifications géographiquement acceptables et, d'autre part, imposer un découpage complètement extravagant à l'intérieur de Metz soi-disant pour réduire un écart de seulement 9,66 %.
En ce qui concerne la cohérence du nouveau découpage à Metz :
Le découpage des circonscriptions législatives existant actuellement à Metz est très régulier puisqu'il suit le lit de la Moselle. Le Gouvernement prétend que les modifications qu'il a retenues correspondent « à une ligne de démarcation géographique significative, à savoir le tracé d'une voie ferrée ». C'est totalement inexact car les deux circonscriptions formeraient alors l'une dans l'autre des excroissances qui s'enchevêtrent de manière inextricable.
En particulier, les bureaux de vote du canton de Metz 3 transférés dans la 1re circonscription formeraient une hernie seulement rattachée à celle-ci par une étroite bande de terrain d'environ 200 mètres de large. Cet étranglement correspond à un ancien chemin de halage le long d'un canal désaffecté.
Or, le fait que le fond de la hernie s'arrête sur une voie ferrée ne peut pas justifier l'existence de cette hernie. La configuration de cette hernie montre tout simplement que le Gouvernement est allé chercher les bureaux de vote les plus à droite au milieu de la circonscription de Metz 3 et que, tant bien que mal, il a essayé d'assurer un semblant de continuité territoriale en profitant de l'étranglement constitué par une étroite section d'un chemin de halage.
En ce qui concerne les écarts de population :
Sur les écarts de population, la conclusion du Gouvernement indique « que la suggestion de la commission de modifier les tracés des première et troisième circonscriptions, reprise implicitement par les auteurs de la saisine, aurait eu pour effet d'aggraver les écarts entre leurs populations respectives ». En fait, la commission n'a pas proposé de modifier le tracé des deux circonscriptions. Elle a au contraire proposé que soit maintenue la limite actuelle qui existe depuis 1958 et qui correspond à une délimitation cantonale effectuée il y a 200 ans au moment de la création des cantons.
Par ailleurs, le Gouvernement souligne que l'évolution démographique entre les deux circonscriptions ne s'est réduite que de 0,1 % en un an. D'une part, une variation de population de 0,1 % en seulement un an est loin d'être négligeable. D'autre part, l'élément de comparaison est l'écart entre la population de la 3e circonscription et la moyenne départementale et, dans ce cas, le rattrapage est de 0,3 % en un an, ce qui est considérable.
En ce qui concerne l'erreur sur les chiffres de population :
Le Gouvernement prétend qu'il s'est adressé par lettre du 19 mai 2009 aux services de l'INSEE. C'est probablement exact. En attendant la réponse, il ne pouvait pas pour autant effectuer une sous-estimation grossière de la population redécoupée à l'intérieur du canton de Metz 3. Comme l'a indiqué un responsable de l'INSEE Lorraine à un parlementaire de Metz, il était très facile d'effectuer une approximation sérieuse.
En effet, le Gouvernement disposait dès le départ de la population du canton de Metz 3 aux trois recensements de 1990, soit 38 198 habitants, de 1999, soit 40 058 habitants et de 2006, soit 40 987 habitants. De plus, pour les bureaux de vote du canton de Metz 3 transférés à la 1re circonscription, il disposait de la population aux deux recensements de 1990, soit 15 279 habitants et de 1999, soit 16 057 habitants. Il suffisait donc d'extrapoler par une simple règle de trois la population en cause au recensement de 2006. Cette règle de trois donnait le résultat exact à 47 habitants près.
Le Gouvernement a tort lorsqu'il prétend que la sous-estimation de la population transférée n'a pas eu d'incidence. Tout d'abord, l'erreur ne doit pas être comparée à la moyenne départementale de la population des circonscriptions mais bien ramenée à la population redécoupée à l'intérieur du canton de Metz 3. L'erreur n'est alors pas de moins 1,5 % comme l'indique le ministre ; elle est en fait de presque 20 %.
Le Gouvernement ne peut pas prétendre sérieusement que cette erreur n'a « revêtu aucune influence sur la position de la commission ». En effet, avec les chiffres exacts, on constate que le redécoupage complètement extravagant effectué à l'intérieur du canton de Metz 3 ne réduisait finalement qu'assez peu l'écart de population par rapport à la moyenne départementale. Ce redécoupage extravagant est donc ainsi encore moins justifié.
L'utilisation des chiffres exacts ne peut en conséquence que renforcer la pertinence de l'avis de la commission de contrôle. Celle-ci estime que le caractère extravagant des nouvelles limites proposées par le Gouvernement n'est pas justifié compte tenu, d'une part, de ce que l'écart entre la population des circonscriptions existantes et la moyenne départementale n'est pas excessif et compte tenu, d'autre part, de ce que le projet Gouvernemental de redécoupage ne réduit que très peu cet écart.
S'agissant du Pas-de-Calais :
Le rapport du Gouvernement est insuffisamment étayé sur le plan de l'équité, opportuniste sur le plan des arguments invoqués, imprécis voire leste sur des arguments de droit positif.
1. Si l'on peut convenir du fait que la règle des 20 % d'écart est respectée, on pourra opposer que le travail du député n'a pas du tout les mêmes contraintes, selon. qu'on se trouve en zone urbaine dense, avec une seule commune ou peu de communes, ou qu'on se trouve en zone rurale démographiquement lâche avec de très nombreuses communes.
C'est ainsi que le Gouvernement relève que l'étendue, déjà importante de la 1re circonscription sera augmentée, ainsi que le nombre de communes ; il faut en prendre la mesure concrète : le Pas-de-Calais passant de 14 à 12 circonscriptions, le projet du Gouvernement ne répartit pas équitablement le territoire, ni les communes entre ces 12 circonscriptions, mais il aggrave la situation de la 1re, déjà difficile, en y regroupant le tiers des communes du Pas-de-Calais ; la mesure équitable eût été de faire de cette circonscription très rurale la moins peuplée de toutes en lui retirant un ou deux cantons les plus éloignés.
2. Pour justifier la suppression de la 11e circonscription, le Gouvernement relève notamment qu'elle n'a pas de ville-centre ; cet argument est opportuniste dans la mesure où le même pourrait être valablement retenu contre le projet de nouvelle 1re circonscription qui n'a pas non plus de ville-centre : le même argument ne saurait à la fois être retenu pour faire disparaître une circonscription et être écarté pour en créer une autre.
3. S'agissant de l'écart entre la 9e et la 10e circonscription (en fait du traitement absolument favorable à la 9e par rapport à toutes les autres), le Gouvernement reprend un argument tout à fait surprenant évoqué par le député André Flageolet : l'évolution démographique à venir serait plus favorable à la 9e qu'à la 10e et retient l'hypothèse d'un « resserrement rapide de l'écart » démographique. Ce serait la première fois qu'il serait fait droit, non à l'état actuel des situations démographiques, mais bien à des supputations tout à fait hypothétiques, nullement démontrées, et qui n'ont d'ailleurs pas à l'être en droit ; si une telle évolution devait être constatée dans les années qui viennent, une autre réforme pourrait alors s'imposer, mais si le Gouvernement pouvait justifier son découpage par des évolutions démographiques attendues sans que d'ailleurs en soit fixé le terme, toute garantie de droit disparaîtrait.
S'agissant du Puy-de-Dôme :
La justification du Gouvernement d'un simple « meilleur » bilan démographique que celui issu du découpage de 1986 est particulièrement curieux. Un bien meilleur découpage était possible, réduisant significativement les écarts démographiques et respectant la cohérence des bassins de vie.
S'agissant de la Saône-et-Loire :
Là encore, il est heureux que le découpage du Gouvernement « améliore nettement la situation existante ». Cela ne justifie pas un résultat choquant car la géographie et la démographie dictaient pour ce département un découpage naturel qui aboutissait à un équilibre parfait. Les justifications des choix du Gouvernement étant uniquement partisanes, celui-ci a du mal, s'agissant de ce département, à trouver une argumentation qui puisse convaincre.
S'agissant de la Seine-Maritime :
Les observations du Gouvernement ne prennent pas en compte l'évolution démographique des territoires concernés, alors que cet argument est repris souvent dans d'autres cas.
Néanmoins, en prenant à la lettre les observations du Gouvernement, l'écart entre deux circonscriptions voisines géographiquement (6e et 2e) est extrême avec 30 723 habitants.
En passant, par exemple, le canton de Forges (10 600 habitants) de la 6e à la 2e, on ramènerait la 6e à 136 000 et la 2e à 125 000 habitants.
En exploitant sans vergogne et sans nécessité les souplesses démographiques en Seine-Maritime, le Gouvernement s'est livré à un véritable déni de démocratie qu'il ne peut justifier.
S'agissant de la Seine-et-Marne :
Là où il était possible d'opérer un découpage sans fractionner les cantons et avec des écarts démographiques très raisonnables, le Gouvernement peine à expliquer les raisons pour lesquelles il n'a pas suivi l'avis de la commission qui permettait pourtant de mieux respecter les exigences constitutionnelles.
S'agissant de la Somme :
Ce département n'est pas condamné à la complexité géographique comme semble le soutenir le Gouvernement.
D'ailleurs les cantons de Boves, de Domart-en-Ponthieu et de Doullens n'ont pas de formes très particulières contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement.
Celui-ci reconnaît aussi qu'en 1986 la géographie était « déjà » complexe et que sa proposition ne fait qu'amplifier cette anomalie.
On peut noter par ailleurs que, dans le tableau « Aspects démographiques », l'écart minimum n'est pas de ― 5,52 % mais de ― 6,52 %.
La proposition alternative, incomparablement plus simple et démographiquement parfaitement équilibrée, prouve toujours, sans qu'aucune contradiction y ait été apportée, que la complexité n'est pas inéluctable.
S'agissant du Tarn :
Les observations du Gouvernement n'apportent ici rien de nouveau. La position du Gouvernement revient à dire qu'il y aurait deux projets de délimitation : le sien « économique et dynamique », et un autre « historique et administratif ». Il reconnaît néanmoins que la proposition formulée dans le recours respecte mieux les critères constitutionnels.
Pour argumenter une nouvelle fois en faveur de cette solution « historique et administrative », un nouvel argument pourrait être ajouté : si l'on peut accepter que les agglomérations soient partagées, le Gouvernement ne peut pas justifier le regroupement dans une même circonscription de 3 cantons d'Albi sur 6 et de 2 cantons de Castres sur 4 alors que la liaison routière entre ces deux parties des deux villes n'existe pas en continuité, puisqu'il faut traverser les deux autres cantons de Castres rattachés à l'autre circonscription. La délimitation administrative retrouve ici toute sa force et le recours déposé aussi.
S'agissant de la Seine-Saint-Denis :
I. ― Les arguments avancés par le Gouvernement pour défendre sa proposition de rejeter la proposition alternative de la commission de l'article 25 ne sont pas recevables :
1. Ces observations méconnaissaient le fait que le projet du Gouvernement n'est pas basé sur les circonscriptions actuelles les moins peuplées (actuelles 4e, 7e, 10e et 8e) et leur fusion potentielle qui aurait dû être recherchée en premier lieu.
2. Elles méconnaissent le fait que, outre le découpage du canton du Bourget mentionné, qui n'est pas résorbé par le projet du Gouvernement, ce dernier fractionne sans raison la ville de Bondy, qui n'a jamais par le passé relevé de deux circonscriptions différentes.
3. Le fait que la 8e circonscription ait un déficit démographique considéré comme « acceptable » n'est pas justifié, d'autant plus dans les conditions rappelées ci-dessus de fractionnement de villes et de canton. En effet, ce qui est à prendre en compte est l'écart à l'intérieur d'un même département, une fois les autres critères d'unicité des cantons et des villes satisfaits. Le fait que des circonscriptions d'autres départements se retrouvent dans le même étiage que la 8e circonscription de Seine-Saint-Denis vient du choix de la méthode de la tranche retenue par le Gouvernement, particulièrement défavorable à un département comme celui-ci, et au choix de la tranche elle-même de 125 000 habitants. En effet, la perte d'un siège de député pour la Seine-Saint-Denis vient du fait que la population légale pour 2006 (reconnue au 1er janvier 2009) était de 1 491 970 habitants, très proche de la tranche supérieure débutant à 1 500 000 habitants. Des départements dont l'écart de population à la tranche supérieure est plus important, comme l'Oise, la Seine-et-Marne ou le Val-d'Oise ont mécaniquement des circonscriptions potentiellement moins peuplées.
4. Cela est d'autant plus corroboré que les chiffres du. recensement publiés récemment par l'INSEE montrent que la Seine-Saint-Denis compte maintenant 1 502 340 habitants (population légale 2007) et devrait ainsi garder 13 députés... ce qui est d'ailleurs admis en partie dans le document : « cette circonscription n'aurait appelé le moindre commentaire si le nombre de sièges du département n'avait pas été modifié ». C'est la modification du nombre de sièges qui rend la situation de cette 8e circonscription discutable.
II. ― Les observations du Gouvernement contiennent de plus plusieurs erreurs manifestes et des affirmations non étayées
1. « L'ajout de la commune de La Courneuve à la 4e circonscription est par ailleurs cohérent sur le plan intercommunal » : c'est tout l'inverse ! La commune de La Courneuve fait partie de la communauté d'agglomération « Plaine commune » alors que la ville de Dugny de la communauté d'agglomération « Aéroport du Bourget » et que la ville du Blanc-Mesnil ne fait partie d'aucune structure intercommunale, ces deux dernières faisant partie de la 4e circonscription, au contraire, une des propositions alternatives qui conserve La Courneuve et Aubervilliers dans une même circonscription permet de respecter la cohérence des intercommunalités, en l'occurrence Plaine commune, dont font partie ces deux villes.
2. « La commune de Drancy (qui lui appartient) aussi faisant déjà partie du même canton » ce point est inexact car la commune de Drancy comporte deux cantons, dont l'un est commun avec les villes de Dugny et du Bourget, l'autre comportant la majeure partie de la ville de Drancy est autonome.
3. « L'ajout de Bagnolet à la 7e circonscription répond également à un projet d'intercommunalité en négociation avec la commune de Montreuil. » Ce point est vrai, mais l'argumentation est fausse. En effet, si ces deux villes font partie de la communauté d'agglomération « Est ensemble » (créée au 1er janvier 2010), cela ne justifie en rien que la ville de Bagnolet ne fasse plus partie de la même circonscription que les villes de Pantin, des Lilas et du Pré-Saint-Gervais avec lesquelles elles constituent l'actuelle 6e circonscription puisque toutes font partie de cette même communauté d'agglomération.
4. « La fusion des 3e et 6e circonscriptions s'explique par leur caractère central dans le département ». Tout d'abord, le « caractère central » de ces 2 circonscriptions est un argument qui ne résiste pas à l'analyse quand on sait que la 6e circonscription est complètement limitrophe de Paris et que bien d'autres circonscriptions, détenues en revanche par des députés de la majorité présidentielle, pourraient tout à fait être présentées comme « centrales » sur un plan géographique (la 5e ou la 10e par exemple). Par ailleurs, le projet du Gouvernement ne fusionne nullement les 8e et 6e circonscriptions. Il ne le pourrait d'ailleurs pas du point de vue démographique puisque ce sont actuellement les deux circonscriptions les plus peuplées du département. Seule une ville sur trois de la 3e circonscription, Aubervilliers, et une ville sur quatre de la 6e circonscription, Pantin, sont regroupées pour former la nouvelle 6e circonscription, nouvelle circonscription qui contrevient fortement aux prérogatives de respect des structures intercommunales répétées pourtant plusieurs fois dans ce même paragraphe. En effet, Aubervilliers et Pantin sont chacune des éléments décisifs de deux communautés d'agglomération différentes, « Plaine commune » pour la première et « Est ensemble » pour la seconde ;
5. « Les choix retenus dans l'ordonnance sont en outre étrangers à toute forme d'arbitraire » : le Gouvernement n'a jamais voulu justifier de manière précise, ni mis en discussion les motifs qui l'ont conduit à proposer le projet de redécoupage des circonscriptions en Seine-Saint-Denis figurant dans l'ordonnance. Le Gouvernement n'a jamais accepté de présenter les critères précis l'ayant amené à choisir de redécouper telle ou telle circonscription plutôt qu'une autre. Comment en effet le Gouvernement pourrait-il expliquer objectivement que son projet de découpage électoral vise à corriger les déséquilibres démographiques alors qu'il décide justement de supprimer une circonscription (la 3e) composée de 125 000 habitants, c'est-à-dire le nouveau seuil fixé, tout en laissant intactes toutes les circonscriptions les moins peuplées du département. De plus, le fait répété d'inclure dans une circonscription donnée une ville dirigée par un maire dont l'orientation politique est la même que celle du député actuellement élu (Bagnolet dans l'actuelle 7e circonscription, Le Bourget dans l'actuelle 5e circonscription, La Courneuve dans l'actuelle 4e circonscription) peut interroger sur ses véritables motivations, en l'absence de satisfaction réelle des écarts démographiques et de l'unité des cantons et des villes.
III. ― L'analyse de la commission prévue par l'article 25 a démontré que des découpages alternatifs, plus respectueux des équilibres démographiques, étaient envisageables, la commission formulant une suggestion permettant d'aboutir à un écart de population entre circonscriptions par rapport à la moyenne de + ou ― 7 %
En effet, dans son avis du 23 juin 2009, la commission de l'article 25 a constaté que la proposition de redécoupage du Gouvernement « laissait subsister un important déficit démographique (― 13,74 %) » en Seine-Saint-Denis. Suivant les recommandations du Conseil constitutionnel, la commission a corrigé les déséquilibres démographiques en suggérant un nouveau découpage « plus satisfaisant sur le plan démographique » :
― elle recompose 6 circonscriptions sur 13 au lieu de 8 dans le projet Gouvernemental ;
― elle redécoupe les circonscriptions les moins peuplées qui ont le plus d'écart par rapport à la moyenne du département (les 4e, 7e, 8e et 10e circonscriptions).
Ces propositions corrigent les graves disproportions démographiques que laissait subsister le Gouvernement dans son projet initial.
De même, le Conseil d'Etat, reprenant les analyses de la commission, a confirmé la nécessité de modifier le projet du Gouvernement pour le département de la Seine-Saint-Denis dans son avis du 24 juillet 2009.
Malheureusement, le Gouvernement préfère « laisser subsister un important déficit démographique de ― 13,74 % », comme l'a souligné la commission, plutôt que de rechercher des découpages alternatifs.
Enfin, en conclusion, le texte affirme que « le découpage retenu par la loi déférée améliore nettement la situation existante », cela n'a que peu de sens dans une situation où le département perd un siège.
Répartition par canton
de la population en Seine-Saint-Denis
Proposition de la commission de l'article 25
1re CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Epinay-sur-Seine |
51 598 |
Saint-Denis - Sud + Ile-Saint-Denis |
37 669 |
Saint-Ouen |
29 005 |
Total |
118 272 |
2e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Pierrefitte-sur-Seine + Villetaneuse |
39 419 |
Saint-Denis - Nord-Ouest |
29 655 |
Saint-Denis - Nord-Est |
51 708 |
Total |
120 782 |
3e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Neuilly-Plaisance |
19 952 |
Neuilly-sur-Marne |
33 352 |
Noisy-le-Grand + Gournay |
67 504 |
Total |
120 808 |
4e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Aubervilliers-Ouest |
34 144 |
La Courneuve |
37 034 |
Stains |
34 670 |
Le Bourget-Dugny |
23 323 |
Total |
129 171 |
5e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Bobigny |
47 806 |
Drancy |
66 063 |
Total |
113 869 |
6e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Aubervilliers-Est |
39 362 |
Pantin-Est |
30 073 |
Pantin-Ouest |
23 504 |
Les Lilas + Le Pré-Saint-Gervais |
39 311 |
Total |
132 250 |
7e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Bagnolet |
34 069 |
Montreuil-Nord |
32 844 |
Montreuil-Est |
35 724 |
Montreuil-Ouest |
33 019 |
Total |
135 656 |
8e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Rosny-sous-Bois |
41 174 |
Villemonble |
28 339 |
Les Pavillons-sous-Bois |
20 204 |
Gagny |
37 729 |
Total |
127 446 |
9e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Bondy - Nord-Ouest |
28 443 |
Bondy - Sud-Est |
24 868 |
Romainville |
25 199 |
Noisy-le-Sec |
38 587 |
Total |
117 097 |
10e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Aulnay-sous-Bois - Nord |
55 573 |
Aulnay-sous-Bois - Sud |
26 027 |
Le Blanc-Mesnil |
51 109 |
Total |
132 709 |
11e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Tremblay-en-France |
35 340 |
Villepinte |
35 592 |
Sevran |
51 106 |
Total |
122 038 |
12e CIRCONSCRIPTION |
POPULATION |
---|---|
Livry-Gargan |
41 556 |
Clichy-sous-Bois + Le Raincy |
43 542 |
Montfermeil - Coubron - Vaujours |
36 774 |
Total |
121 872 |
Carte de la commission Guéna (art. 25)
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 46 du 24/02/2010 texte numéro 5
S'agissant de la Guadeloupe :
1. Tout d'abord, il est curieux de maintenir l'écart à ― 14,43 % de la 4e circonscription alors que l'adjonction de la commune de Pointe-Noire peut rétablir ce déséquilibre en dessous des 10 % (plafond retenu par la loi d'habilitation du 13 janvier 2009) sans démunir la 3e circonscription. Cette solution aurait le double mérite de diminuer la population de la circonscription la plus peuplée, la 3e, et d'augmenter celle de la moins peuplée, la 4e.
2. En second lieu, la cohérence du territoire ne saurait être évoquée pour justifier le transfert de la commune de Capesterre-Belle-Eau dans le sud Basse-Terre et la refuser pour la commune de Pointe-Noire.
La zone dite de la « Côte-sous-le-Vent » dont fait partie Pointe-Noire jouit d'une réalité sociologique et historique. Ce n'est d'ailleurs qu'en 1986 que le redécoupage électoral a enlevé Pointe-Noire de la 4e circonscription.
En effet, il existe une véritable cohérence de territoire entre les communes dites de la Côte-sous-le-Vent dont Pointe-Noire fait partie. En atteste par exemple le fait que l'ensemble des communes de cette zone, dont Pointe-Noire, sont citées à l'article 1er du décret n° 2009-1777 du 30 décembre 2009 (Journal officiel du 31 décembre 2009) relatif au dispositif de zones franches globales d'activité dans les DOM, qui constituent le sud Basse-Terre et la Côte-sous-le-Vent, deux zones particulièrement défavorisées et qui constituent un ensemble géographique cohérent.
L'article 1er dudit décret reprend la quasi-totalité des communes composant l'actuelle 4e circonscription au-delà même de Pointe-Noire, puisque la commune de Deshaies est comprise dans la zone. Par contre, la commune de Capesterre-Belle-Eau n'est pas citée.
L'argument de la cohérence de zone géographique ne saurait donc être évoqué pour inclure Capesterre-Belle-Eau et exclure Pointe-Noire de la 4e.
3. Concernant la possibilité de liaison entre Pointe-Noire et Baie-Mahault par la route de la Traversée qui semble justifier le maintien de la commune de Pointe-Noire dans la 3e circonscription, l'observation du Gouvernement traduit une connaissance très partielle du terrain.
La route de la Traversée présente avant tout de nombreux atouts touristiques et pittoresques mais il est constant que cette route est particulièrement sinueuse, excessivement boisée et fermée à chaque intempérie en raison des fréquents éboulements.
D'autre part, cette route ne permet pas de relier, comme l'affirme le Gouvernement, Pointe-Noire au poumon économique que serait Baie-Mahault : cette route de la Traversée aboutit en effet à la RN 1 qu'il convient donc d'emprunter pour atteindre Baie-Mahault en partant de Pointe-Noire.