Articles

Article undefined undefined undefined, en vigueur depuis le (Décision n° 2007-441 du 5 juin 2007 relative à un différend opposant les sociétés NRJ 12 et Numericable)

Article undefined undefined undefined, en vigueur depuis le (Décision n° 2007-441 du 5 juin 2007 relative à un différend opposant les sociétés NRJ 12 et Numericable)


I. - Sur la recevabilité de la demande de la société NRJ 12


Dans son mémoire initial, la société NRJ 12 demande au conseil « de regrouper, sur le plan de services de Numericable, les dix-huit chaînes de la TNT dans une organisation identifiable, logique, cohérente et équitable, qui, sans nécessairement imposer une numérotation de 1 à 18, doit permettre au téléspectateur de faire défiler ces dix-huit chaînes dans l'ordre ».
Dans son mémoire en réplique, elle soutient que « l'exposition optimale consisterait à respecter la numérotation logique de chaque chaîne de la TNT, mais afin de tenir compte de la liberté commerciale des distributeurs de services, il conviendrait à tout le moins que les chaînes de la TNT, et en particulier NRJ 12, soient traitées de manière "équitable et non discriminatoire ».
Compte tenu du traitement non discriminatoire revendiqué par la société NRJ 12, le conseil estime que la demande doit être regardée comme tendant à obtenir le numéro 12 dans le plan de services de Numericable.
Etant donné que cette demande vise à ce que le conseil précise les conditions permettant de garantir que l'offre de programmes de la chaîne NRJ 12 soit mise à la disposition du public dans des conditions non discriminatoires, ces conclusions, en tant qu'elles relèvent du champ d'application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, sont recevables.


II. - Sur le bien-fondé de la demande de la société NRJ 12
II-1. Sur la discrimination alléguée par la société NRJ 12


La société NRJ 12 soutient que la numérotation qui lui est attribuée dans le plan de services de Numericable serait discriminatoire en ce que les nouvelles chaînes de la TNT évolueraient dans le même univers concurrentiel que les chaînes historiques, avec les mêmes dépenses et les mêmes ressources.
Le conseil relève que, même si les dispositions du III de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 permettent de favoriser les chaînes gratuites de la TNT, elles n'ont à s'appliquer que lorsqu'elles s'inscrivent dans le cadre d'un appel à candidatures.
Ensuite, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat, une différence objective de situation permet de justifier une différence de traitement, dès lors que celle-ci est en rapport avec l'objet de la décision qui l'établit.
En l'espèce, il apparaît que les chaînes diffusées en mode analogique sur l'ensemble du territoire métropolitain préalablement à leur diffusion en mode numérique, dites « historiques », sont dans une situation différente des autres chaînes gratuites de la TNT, pouvant justifier une différence de traitement du point de vue de la numérotation par les distributeurs de services.
Ainsi, sur le plan économique, plusieurs éléments montrent l'existence d'une différence objective de situation, dans la mesure où les chaînes « historiques » représentent environ 75 % d'audience cumulée sur la TNT et où elles appartiennent à des univers concurrentiels différents.
En effet, même si le modèle économique de ces deux catégories de chaînes repose sur l'accès au marché publicitaire, les espaces publicitaires commercialisés par les chaînes « historiques » n'apparaissent pas substituables à ceux qui sont commercialisés par les nouvelles chaînes de la TNT. Au regard des différences dans le tarif pratiqué au même horaire, les espaces publicitaires des chaînes « historiques » et des autres chaînes gratuites de la TNT correspondent à des besoins différents des annonceurs. Cela se traduit notamment par des chiffres d'affaires très différents, dans un rapport de 1 à plus de 100.
Partant du constat qu'il existe des éléments de fait qui distinguent les chaînes « historiques » des autres chaînes de télévision, tels que l'antériorité, la reconnaissance de leur identité éditoriale par le public ou l'expérience acquise dans le domaine audiovisuel, le législateur a tenu compte de cette différence de situation en permettant qu'elles bénéficient, seules, d'un traitement particulier. Il impose ainsi au conseil d'autoriser la reprise intégrale et simultanée en mode numérique des chaînes « historiques » dont les programmes sont diffusés en mode analogique. De même, il reconnaît aux seules chaînes « historiques » le bénéfice d'un « canal bonus » pour un second service en mode numérique.
Les critères d'audience, de continuité d'occupation du numéro et d'appartenance à un univers concurrentiel particulier peuvent justifier une différence de traitement du point de vue de la numérotation. Le conseil estime donc qu'il y a bien adéquation entre l'objet de la discrimination et la différence de situation.
II-2. Sur la recommandation du conseil en date du 6 décembre 2005 à l'égard des distributeurs de la télévision numérique terrestre et relative à la numérotation des chaînes gratuites La société NRJ 12 allègue que le regroupement des dix-huit chaînes gratuites de la TNT sur le plan de services de Numericable serait conforme à la recommandation du conseil du 6 décembre 2005 à l'égard des distributeurs de la TNT et relative à la numérotation des chaînes gratuites.
Le conseil rappelle que cette recommandation ne s'applique qu'aux distributeurs de la TNT, et en aucun cas aux distributeurs de télévision n'utilisant pas des fréquences assignées par lui.


II-3. Sur l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986


La société NRJ 12 soutient que l'unité dans l'exposition des chaînes gratuites de la TNT serait conforme aux dispositions de l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986, qui impose aux distributeurs de services de faire droit, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux demandes des éditeurs de services de télévision ne faisant pas appel à rémunération de la part des usagers.
Aux termes de cet article, « Tout distributeur de services fait droit, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux demandes des éditeurs de services de télévision [gratuite hertzienne] tendant, d'une part, à permettre l'accès, pour la réception de leurs services, à tout terminal utilisé par le distributeur pour la réception de l'offre qu'il commercialise et, d'autre part, à assurer la présentation de leurs services dans les outils de référencement de cette offre. »
Ces dispositions visent à permettre l'accès des chaînes hertziennes gratuites aux décodeurs. C'est le cas de la chaîne NRJ 12, qui dispose effectivement d'un accès aux décodeurs de la société Numericable.
Par ailleurs, cet article donne aux chaînes hertziennes gratuites un accès aux « outils de référencement ». Or, dans sa décision n° 2004-497 DC du 1er juillet 2004, le Conseil constitutionnel a spécifié qu'il s'agissait exclusivement des « guides électroniques de programme ». L'accès aux « outils de référencement » ne concerne donc pas la numérotation.
Enfin, les distributeurs doivent faire droit aux demandes d'accès aux décodeurs « dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires ». Ces dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du conseil du 7 mars 2002, qui concerne les conditions économiques d'accès, dans un cadre général commun à tous les réseaux de communications électroniques, sans considération relative à la numérotation. En outre, dans sa décision susmentionnée, le Conseil constitutionnel a souligné, concernant l'article 34-4 précité, que « le législateur a entendu concilier la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle avec l'intérêt général s'attachant à la possibilité donnée aux éditeurs d'accéder aux décodeurs des distributeurs, laquelle favorise la diversification de l'offre de programmes et la liberté de choix des utilisateurs ».
Ainsi, il n'apparaît pas que le législateur ait entendu imposer aux distributeurs de services, en plus de l'obligation d'accès et de référencement des chaînes gratuites de la TNT, des obligations particulières en matière de numérotation.
En conséquence, si l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986 impose aux distributeurs de services du câble, du satellite ou de l'ADSL de proposer, à la demande des éditeurs, une offre d'accès, la société NRJ 12 ne saurait se prévaloir de ces dispositions pour obtenir que le numéro 12 lui soit attribué par la société Numericable.


II-4. Sur l'intérêt des téléspectateurs à disposer des numéros logiques
attribués aux chaînes de la TNT


La société NRJ 12 estime que la numérotation logique attribuée par le conseil aux chaînes de la TNT serait conforme à l'intérêt des téléspectateurs.
En premier lieu, le conseil considère que l'organisation des plans de services des distributeurs peut être fondée soit sur la numérotation logique qu'il a attribuée aux chaînes de la TNT, soit sur une numérotation par thématiques.
L'organisation des plans de services par thématiques est étroitement liée au développement de la distribution de la télévision. Le conseil reconnaît la pertinence d'un classement par thématiques depuis plusieurs années. En outre, depuis les débuts du développement des plates-formes de télévision payante, les distributeurs ont généralement organisé leurs plans de services selon un classement par thématiques, afin de mieux répondre à la demande des téléspectateurs qui semblent déterminer leur choix de programme avant tout par rapport à une thématique donnée.
Cette analyse est confirmée par celle des autorités de concurrence aux niveaux national et européen. Ainsi, la Commission européenne a pu identifier, notamment dans la décision du 14 août 2002 Sogecable/Distrisat Digital/Via Digital, l'existence des marchés spécifiques des chaînes de cinéma et de sport. De même, le Conseil de la concurrence a identifié un marché spécifique de la thématique information dans sa décision n° 03-D-59 du 9 décembre 2003. Cette délimitation a été effectuée notamment au regard des habitudes de consommation des téléspectateurs.
Ainsi, le conseil estime que l'organisation par thématiques des plans de services est dans l'intérêt des téléspectateurs.
En outre, dans sa recommandation du 6 décembre 2005, le conseil a posé des éléments de principe pour la numérotation et notamment spécifié que « la numérotation des chaînes de la TNT doit concilier deux objectifs principaux : l'équité entre les chaînes et la satisfaction des téléspectateurs, notamment en ne perturbant pas leurs habitudes ». Dans la mesure où les conditions qui prévalaient alors n'ont pas sensiblement évolué, le conseil considère que les principes exposés pour la TNT peuvent être étendus à l'ensemble des vecteurs de distribution de la télévision payante et des chaînes quel que soit leur modèle économique, et notamment que les chaînes soient gratuites ou payantes.
Par ailleurs, selon l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction qui résulte de la loi du 5 mars 2007, le Conseil supérieur de l'audiovisuel « veille au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services ». A cet égard, l'organisation des plans de services par thématiques, en présentant de manière contiguë des chaînes proposant des programmes similaires, permet le développement d'une concurrence loyale entre les éditeurs.
Lors de leur audition le 30 novembre 2006, les représentants de chaînes thématiques de l'ACCeS ont d'ailleurs affirmé leur attachement à l'organisation des plans de services par thématiques. En effet, il a été précisé que « depuis de nombreuses années les éditeurs sont regroupés par ensembles thématiques. C'est d'ailleurs le choix du consommateur qui souscrit un abonnement. Cette situation est valable en France comme à l'étranger ».
En conséquence, le conseil estime que l'organisation par thématiques est à même d'assurer, outre l'intérêt des téléspectateurs, la réalisation de l'objectif d'équité entre les chaînes. Or diverses thématiques figurent parmi les chaînes gratuites de la TNT, notamment généralistes, jeunesse, information. Imposer ces chaînes dans les dix-huit premiers numéros romprait le principe de l'organisation par thématiques.
Ainsi l'argumentation tirée par la société NRJ 12 de ce que la numérotation attribuée par le conseil aux chaînes sur la TNT serait la seule admissible dans l'intérêt des téléspectateurs doit être écartée.
De tout ce qui précède, il résulte que la demande présentée par la société NRJ 12 doit être rejetée.
Décide :