Emet l'avis suivant :
Le directeur de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés, le 20 mars 2007, d'un dossier de demande d'avis accompagné d'un projet de décret en Conseil d'Etat relatif au placement sous surveillance électronique mobile pris en application des articles 763-13 et 763-14 du code de procédure pénale.
La loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a instauré le recours au placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) dans le cadre de diverses mesures d'exécution de peines : libération conditionnelle, surveillance judiciaire et suivi sociojudiciaire (art. 131-36-9 et suivants du code pénal).
Aux termes de ces dispositions du code de procédure pénale, « le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu'à l'encontre d'une personne majeure condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à sept ans et dont une expertise médicale a constaté la dangerosité, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour prévenir la récidive à compter du jour où la privation de liberté prend fin. »
Les articles 763-10 et suivants du code de procédure pénale déterminent les modalités d'exécution du PSEM.
Le condamné a l'obligation de porter pour une durée de deux ans, renouvelable une fois en matière délictuelle et deux fois en matière criminelle, un dispositif intégrant un émetteur (un bracelet électronique placé à la cheville) permettant à tout moment de déterminer, à distance, sa localisation sur l'ensemble du territoire national.
La loi prévoit, en outre, que « la mise en oeuvre du procédé homologué à cet effet par le ministre de la justice doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale ».
Ainsi, l'alinéa premier de l'article 763-13 du code de procédure pénale dispose que « le contrôle à distance de la localisation du condamné fait l'objet d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, mis en oeuvre conformément aux dispositions de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 ».
L'article 763-14 du code de procédure pénale prévoit par ailleurs « qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du placement sous surveillance électronique mobile et qu'en particulier les dispositions relatives au traitement automatisé prévu à l'article 763-13 qui précisent, notamment, la durée de conservation des données enregistrées sont prises après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ».
La commission s'est prononcée dans une délibération n° 2006-171 du 27 juin 2006 sur la mise en place, à titre expérimental, du placement sous surveillance électronique mobile au sein des directions régionales des services pénitentiaires de Lille et Rennes à compter de juin 2006.
Une deuxième phase de mise en place du dispositif du PSEM d'une durée de dix-huit mois, de décembre 2006 mai 2008, se déroule actuellement au sein des directions régionales des services pénitentiaires de Lille, Rennes, Paris et Marseille.
Il ressort du rapport d'évaluation adressé à la Commission que seulement six personnes condamnées ont participé à l'expérimentation.
Sur la finalité poursuivie par la généralisation du PSEM :
L'article 1er du projet de décret insère dans le code de procédure pénale les articles R. 61-7 à R. 61-42 ordonnés dans un titre VII intitulé « Du placement sous surveillance électronique mobile ». Au sein de ce titre, les chapitres II, III et IV sont relatifs, respectivement, au traitement automatisé nécessaire au contrôle des personnes placées sous surveillance électronique mobile (art. R. 61-12 à R. 61-20), à la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile (art. R. 61-21 à R. 61-35) et à l'habilitation des personnes de droit privé auxquelles peuvent être confiées des prestations techniques concernant la mise en oeuvre de placement sous surveillance électronique mobile (art. R. 61-36 à R. 61-42).
L'article R. 61-12 du projet de décret dispose que « le traitement automatisé de données à caractère personnel prévu par l'article 763-13 [du code de procédure pénale] est mis en oeuvre par la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice.
Il est placé sous le contrôle d'un magistrat du parquet hors hiérarchie, nommé pour trois ans par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
Ce traitement a pour finalité d'assurer le contrôle à distance, par un centre de surveillance, de la localisation et le suivi des personnes majeures condamnées placées sous surveillance électronique mobile dans le cadre d'un suivi sociojudiciaire, d'une surveillance judiciaire ou d'une libération conditionnelle.
A cette fin, ce traitement permet :
1° D'alerter l'administration pénitentiaire de ce qu'une personne placée sous surveillance électronique mobile va pénétrer dans une zone interdite, se trouve dans une zone interdite ou ne se trouve plus dans une zone qui lui a été assignée ;
2° De connaître la localisation d'une personne lorsque l'alerte prévue au 1° est intervenue, aux fins de permettre, le cas échéant, son interpellation en cas de non-respect de ses obligations ;
3° De connaître la localisation d'une personne, même en l'absence de l'alerte prévue au 1° à la demande des officiers de police judiciaire spécialement habilités ;
4° De connaître de façon différée les lieux dans lesquels s'est trouvée une personne placée sous surveillance électronique mobile ».
La commission constate que si l'article R. 61-12 2° du projet de décret en Conseil d'Etat dispose que le traitement permet « de connaître la localisation d'une personne lorsque l'alerte prévue au 1° est intervenue, aux fins de permettre, le cas échéant, son interpellation en cas de non-respect de ses obligations », la « recherche » de la personne placée sous placement sous surveillance électronique mobile en cas de non-respect de ses obligations n'y figure pas.
Le 3° de l'article R. 61-12 dispose en effet que le traitement permet « de connaître la localisation d'une personne, même en l'absence de l'alerte prévue au 1°, à la demande des officiers de police judiciaire spécialement habilités ».
Dans la mesure où l'article 763-13 du code de procédure pénale dispose expressément que les officiers de police judiciaire spécialement habilités « sont autorisés à consulter les données figurant dans le traitement » « dans le cadre de recherches relatives à une procédure concernant un crime ou un délit », la commission estime que cette nouvelle finalité devrait être plus clairement indiquée dans le projet de décret. En tout état de cause, l'indication que l'autorisation donnée aux officiers de police judiciaire spécialement habilités à consulter le traitement relatif aux personnes placées sous PSEM n'est effective que dans le cadre « de recherches relatives à une procédure concernant un crime ou un délit » devrait figurer dans le projet de décret.
La commission prend acte de la proposition du ministère de la justice de compléter à cet effet la rédaction du 2° de l'article R. 61-12 du projet de décret en ajoutant la finalité de recherche. Ainsi, la rédaction serait la suivante : « 2° De connaître la localisation d'une personne lorsque l'alerte prévue au 1° est intervenue, aux fins de permettre, le cas échéant, sa recherche et son interpellation en cas de non-respect de ses obligations ».
S'agissant de la rédaction du 3°, la commission propose de le rédiger de la façon suivante : « 3° De connaître la localisation d'une personne, même en l'absence de l'alerte prévue au 1°, à la demande des officiers de police judiciaire spécialement habilités, dans le cadre de recherches relatives à une procédure concernant un crime ou un délit. »
S'agissant de la possibilité prévue par l'article R. 61-22 du projet de décret de compléter le dispositif par d'autres procédés de surveillance électronique permettant une authentification vocale ou digitale à des fins de vérification à distance de la présence de l'intéressé, la commission estime qu'il conviendrait de disjoindre ces dispositions dans la mesure où elle ne dispose à ce jour d'aucune précision sur la mise en place de tels moyens de surveillance complémentaires.
Sur le fonctionnement du dispositif et la création d'une base nationale :
Le traitement permettra la tenue d'un journal quotidien des déplacements des personnes placées sous surveillance électronique mobile précisant les heures de ceux-ci. A cet égard, une programmation de zones d'exclusion (interdites), d'inclusion (zones que les personnes placées sous surveillance ne doivent pas quitter) et de zones tampons (autour des lieux interdits) sera effectuée à partir de la décision du juge d'application des peines.
Les personnels pénitentiaires assureront la pose et la dépose des émetteurs sur les personnes placées sous surveillance électronique mobile, recevront et traiteront les alarmes de violation des interdictions et obligations liées aux déplacements de ces personnes, procéderont à la saisie des dispositions des décisions judiciaires relatives à la surveillance électronique mobile avec l'appui technique d'un prestataire et géreront le stock des dispositifs de géolocalisation.
La transmission des alarmes sera assurée par un prestataire.
Le traitement permettra l'émission d'une alarme vers le centre de surveillance dès que la personne sous PSEM approchera une zone interdite ou y pénétrera, sortira d'une zone d'inclusion ou ne respectera pas ses horaires d'assignation à domicile, tentera de retirer ou de détériorer les appareils de surveillance.
Les données personnelles et de géolocalisation propres à chaque direction régionale seront gérées à distance par les agents des pôles centralisateurs situés au sein de chaque direction régionale des services pénitentiaires. Les services pénitentiaires seront équipés d'une infrastructure informatique dédiée, à partir de laquelle les pôles centralisateurs auront accès au logiciel de surveillance électronique mobile.
Une base centralisée nationale sera créée sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire et située physiquement dans les locaux du ministère de la justice. Cette base comportera les données à caractère personnel et les données de géolocalisation énumérées à l'article R. 61-14 du projet de décret et son accès sera limité au seul personnel autorisé et authentifié par code et par badge.
Sur le recours à un prestataire extérieur de télésurveillance et les mesures de sécurité du système informatique :
Une seconde base de données comportant les informations sur les déplacements des personnes identifiées par un numéro sera localisée dans les locaux du prestataire pour la gestion et le stockage des données de géolocalisation.
Conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 6 janvier 1978, le prestataire agit comme sous-traitant de la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice, autorité responsable de l'ensemble du dispositif.
La commission constate que le ministère ne peut, à ce jour, préciser quel prestataire sera retenu pour la généralisation du dispositif. Elle prend toutefois acte des dispositions des articles R. 61-36 et R. 61-37 du projet de décret aux termes desquelles les « ... personnes auxquelles peuvent être confiées par contrat les prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté concernant la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile... » doivent être habilitées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
Or, pour être habilitées, le projet de décret précise que les personnes physiques doivent « posséder la nationalité française ou celle de l'un des Etats membres de la Communauté européenne ».
Elle estime nécessaire que la convention qui sera conclue avec le prestataire finalement retenu lui soit adressée.
La commission prend acte que les procédés de transmission des données entre le centre de surveillance du prestataire et ceux de l'administration pénitentiaire seront sécurisés de manière à être en conformité avec les exigences de la CNIL. En particulier, les transmissions de données entre le dispositif GPS et le centre de traitement seront protégées de façon à ne permettre la géolocalisation de la personne placée sous surveillance que par les équipes désignées par l'administration pénitentiaire.
Sur l'utilisation du GSM et afin de prévenir la possibilité de « leurrer » le dispositif de surveillance, la commission estime nécessaire que le dispositif mobile puisse stocker localement, et pendant une période de huit jours, les informations des déplacements de la personne sous PSEM au cas où la connexion GSM n'est plus disponible.
Elle souhaite être tenue informée par le ministère de la justice de l'étude qu'il s'est engagé à mener préalablement à la procédure de certification du dispositif.
Sur les données à caractère personnel collectées et leur durée de conservation :
Les données à caractère personnel collectées et enregistrées seront les suivantes :
- l'identité du condamné placé sous surveillance électronique mobile : nom de famille, nom marital, prénoms, alias, date et lieu de naissance, sexe, nationalité ;
- la photographie du visage de face, la taille, le poids, la couleur des cheveux, la couleur des yeux, la description de tatouages ou cicatrices du condamné ;
- l'adresse de résidence du condamné ;
- la situation professionnelle du condamné : profession, adresse professionnelle ;
- la décision de condamnation : désignation de la juridiction, nature et contenu de la décision, infraction commise ;
- la décision de placement : désignation de la juridiction, nature et contenu de la décision ;
- les décisions modificatives de placement : désignation de la juridiction, nature et contenu de la décision ;
- le numéro PSEM ;
- les dates de début et de fin de la mesure de PSEM ;
- les coordonnées de géolocalisation des zones d'exclusion, des zones tampon et des zones d'inclusion, ainsi que les horaires d'assignation ;
- le relevé à intervalles réguliers des positions du dispositif prévu à l'article 763-12 porté par le condamné ;
- la liste des alarmes déclenchées, enregistrées par date, heure, minute et position, ainsi que la gestion de ces alarmes par le centre de surveillance.
La commission prend acte du fait que le prestataire n'a pas accès aux données à caractère personnel. Une table de concordance permettra de passer du nom du placé à un code PSEM, transmis au prestataire par les personnels de surveillance spécialement affectés à cette mission au pôle centralisateur.
Les données à caractère personnel relatives aux déplacements seront conservées pendant une durée de dix ans à compter de la fin de la mesure de placement sous surveillance électronique mobile. La commission prend acte que, pendant cette période, les officiers de police judiciaire spécialement habilités dans le cadre de recherches relatives à une procédure judiciaire concernant un crime ou un délit pourront avoir accès aux données du PSEM.
L'ensemble des traces (connexions, saisie, modifications, utilisateurs, adresse IP de l'utilisateur, date, heure...) sera conservé pendant une durée de trois ans à compter de la date d'enregistrement.
Sur la consultation des données :
L'article R. 61-17 du projet de décret précise que : « Les personnes ou catégories de personnes qui, à raison de leurs fonctions ou pour les besoins du service, peuvent directement accéder aux informations enregistrées dans le traitement strictement nécessaires à l'exercice de leurs attributions sont :
- les personnels habilités des services centraux et déconcentrés de la direction de l'administration pénitentiaire ;
- les magistrats et fonctionnaires habilités des juridictions de l'application des peines et du parquet ;
- les officiers de police judiciaire spécialement habilités à l'occasion de recherches intervenant dans le cadre soit d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une information concernant un crime ou un délit, soit d'une enquête ou d'une information pour recherche des causes d'une mort ou d'une blessure suspectes, ou d'une disparition suspecte ou inquiétante ;
- le magistrat chargé de contrôler le traitement mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 61-12 ».
Les habilitations seront gérées par la direction de l'administration pénitentiaire pour leur personnel, par la police via leur annuaire LDAP et leur outil CHEOPS, ainsi que par la gendarmerie.
Sur l'information des personnes :
L'article 763-10 du code de procédure pénale dispose que : « Le juge de l'application des peines rappelle au condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement (...) ».
La commission avait demandé dans sa délibération 2006-171 du 27 juin 2006 à ce que cette indication figure dans l'article du projet d'arrêté relatif à la finalité du traitement concernant l'expérimentation du PSEM. L'indication du consentement de la personne concernée a été ensuite expressément mentionnée dans les deux arrêtés relatifs à l'expérimentation.
La commission estime que, dans la mesure où le projet de décret est également le projet d'acte réglementaire portant création du traitement au sens de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, le rappel de l'exigence du consentement apparaît comme une garantie supplémentaire pour l'individu. Elle propose donc que l'article R. 61-12 du projet de décret soit complété en ce sens.
Une affiche située dans les locaux, accessible au public, des juridictions d'application des peines, des services pénitentiaires d'insertion et de probation, des établissements pénitentiaires informera de l'automatisation des fichiers des personnes suivies et de la possibilité pour toute personne concernée de connaître les informations saisies la concernant en en faisant la demande auprès du directeur de l'administration pénitentiaire.
Le texte de cette affiche mentionne désormais clairement la finalité du traitement en particulier concernant la possibilité d'utiliser le dispositif du PSEM à des fins de recherche de la personne même en l'absence d'alerte. De même, la possibilité pour les officiers de police judiciaire de consulter le traitement dans le cadre de recherches relatives à une procédure concernant un crime ou un délit a été ajoutée. Une mention particulière a également été ajoutée concernant l'information des personnels amenés à enrichir le traitement (la trace des enregistrements et des interrogations étant conservée pendant trois ans).
Le droit d'accès s'exercera auprès du directeur de l'administration pénitentiaire. Les délais moyens prévus pour la communication des informations sont d'un mois au maximum.
Un modèle de formulaire sera remis au condamné en application de l'article R. 61-27 du code de procédure pénale et possédera un contenu adapté à chacune des situations judiciaires de la personne : libération conditionnelle, surveillance judiciaire, mesure de suivi sociojudiciaire.