LE SIGNALEMENT PRÉVU À L'ARTICLE 40 ALINÉA 2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
L'article 40 du code de procédure pénale (ci-après, CPP) dispose que : " Le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1. Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ". |
1. Champ d'application de l'article 40, alinéa 2
Les agents concernés
En droit pénal, le terme de fonctionnaire est entendu de façon large au sens d'agent public. Il inclut, en conséquence, les fonctionnaires (titulaires et stagiaires) et l'ensemble des agents contractuels de droit public.
En revanche, sauf dispositions particulières contraires, ne sont pas concernés par ces dispositions les personnels dans une situation de droit privé notamment dans les services publics industriels et commerciaux.
Les faits concernés
Seuls les crimes et délits doivent être signalés au Procureur de la République, c'est-à-dire les faits susceptibles d'être punis d'une peine d'emprisonnement et/ ou d'une forte amende. Sont ainsi exclus les faits les moins graves susceptibles d'être punis par une contravention, même de cinquième classe. A titre d'exemple, l'agression sexuelle constitue un délit qui implique un signalement en application de l'article 40 du CPP.
L'étendue de l'obligation de signalement
L'agent doit signaler tous les crimes et délits dont il peut être amené à avoir connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, même si les faits commis ne relèvent pas directement de son champ de compétence.
Articulation du signalement avec le respect du principe hiérarchique
-Le recours à une autorisation du supérieur hiérarchique pour transmettre un avis d'information au procureur n'est pas nécessaire.
L'autorité hiérarchique, dans le cadre de l'organisation des services, ne peut pas remettre en cause les obligations imposées par la loi à tout agent public. Il n'est pas donc nécessaire d'obtenir son autorisation avant de procéder à un signalement.
La sous-direction des affaires juridiques (bureau du contentieux) et le service des ressources humaines du ministère de la culture peuvent intervenir en appui auprès de l'agent dans le cadre de l'engagement de cette procédure.
-Lorsque l'agent a décidé de signaler des faits au procureur, il n'est pas tenu de transmettre sa dénonciation ou, dans une moindre mesure, d'informer son supérieur hiérarchique.
Néanmoins, dans l'hypothèse où l'agent public adresse lui-même son signalement au procureur de la République, il est préconisé que celui-ci informe son supérieur hiérarchique.
-L'information du supérieur hiérarchique n'opère pas un transfert de l'obligation de signalement.
Toutefois, le signalement peut être effectué par le supérieur hiérarchique et non par l'agent ayant directement constaté les faits susceptibles de constituer un crime ou délit.
2. Modalités du signalement prévu à l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale
Moment du signalement
La personne doit informer " sans délai " le procureur.
Un signalement complémentaire peut aussi être effectué dans un second temps si des éléments nouveaux sont portés à la connaissance de l'administration à la suite d'un premier signalement.
Forme du signalement
Aucun formalisme n'est imposé par le code de procédure pénale. Ainsi le signalement peut être adressé au procureur de la République par simple courrier ou par déclaration orale au poste de police le plus proche. Un modèle de lettre de signalement au procureur de la République est proposé en annexe de la présente fiche.
Il peut être opportun de faire signer ce courrier par le directeur de l'établissement ou tout responsable de service, accompagné de toutes les pièces justificatives (attestations, témoignages), adressé au procureur de la République territorialement compétent.
3. Les suites données par le procureur de la République au signalement
Le procureur de la République reçoit les signalements et apprécie la suite à leur donner.
A la suite d'un signalement, le procureur de la République peut prendre les décisions suivantes :
-diligenter une enquête de police (enquête de flagrance ou enquête préliminaire) ;
-engager des poursuites pénales (ouverture d'une information judiciaire confiée à un juge d'instruction, renvoi devant le tribunal correctionnel) ;
-mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites s'il considère qu'il y a une infraction ;
-ne pas donner suite au signalement.
Conformément à l'article 40-2 du code de procédure pénale, le procureur de la République avise les personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40, des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite du signalement. Lorsqu'il décide de ne pas donner suite au signalement, il les avise également de sa décision.
4. Les mesures pouvant être mises en œuvre contre l'agent public responsable du crime ou du délit en parallèle du signalement aux services du procureur
Les autorités hiérarchiques peuvent, pour assurer le respect de l'ordre et la sécurité dans leur structure recourir à des mesures conservatoires de suspension, qui interviennent en parallèle d'une saisine d'une commission de discipline.
S'agissant des fonctionnaires, l'article L. 531-1 du code général de la fonction publique prévoit qu'en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, il peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline.
S'agissant des contractuels de l'Etat, des dispositions similaires sont prévues à l'article 43 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.
Sanctions pénales en cas de manquement à l'obligation de dénonciation d ‘ un crime
Le non-respect de l'obligation prévue au second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale ne fait, en tant que tel, l'objet d'aucune sanction pénale.
Toutefois, certaines dispositions particulières du code pénal imposent dans certains cas la dénonciation de faits pour en prévenir la survenance ou en limiter les effets.
Ainsi, l'article 434-1 du code pénal prévoit que la non-dénonciation d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets constitue un délit qui pourrait donner lieu à l'engagement de poursuites. Ce délit est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
L'article 223-6, alinéa 1er punit le fait de ne pas empêcher par son action immédiate, sans risque pour soi ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne. La peine encourue est de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.
Modèle de lettre de signalement au procureur de la République
Lieu, date
Nom Prénom
Expéditeur N° Rue
CP Ville
Nom Prénom
Destinataire N° Rue
CP Ville
Recommandé avec accusé de réception n° [indiquer le numéro]
Objet : signalement sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale
Pièces jointes : [à lister]
M./ Mme le/ la procureur (e) de la République,
En vertu du second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, je soussigné (e) (préciser Prénom Nom), né (e) le (préciser), à (préciser), exerçant la profession de (préciser), au sein de l'organisme public (préciser), souhaite porter à votre attention les faits suivants, susceptibles de constituer une infraction pénale.
Les faits en cause sont les suivants :
(Préciser Prénom Nom et fonction occupée par la personne mise en cause de l'organisme précité, détailler les circonstances dans lesquels les faits ont été portés à la connaissance de l'auteur du signalement, les évènements, dates, paroles, gestes, pressions, les éventuels arrêts de travail, les noms, fonction et coordonnées des victimes présumées, etc. Le ton doit être objectif et neutre.)
Je vous saurais gré de bien vouloir m'aviser des poursuites, mesures alternatives ou du classement sans suite décidés à la suite du présent signalement, conformément à l'article 40-2 du code de procédure pénale.
(Préciser, le cas échéant, si l'agent a été suspendu et à quelle date la suspension prendra fin (mettre la décision de suspension en pj). Préciser que, faute de poursuites pénales exercées et portées à la connaissance de l'administration avant cette date, l'agent devra être réintégré dans ses fonctions)
Mes services, en particulier (nom, prénom, fonction, coordonnées), se tiennent à votre disposition pour vous apporter leur concours.
Formule de politesse
Signature