METHODE ET CRITERES POUR L'IDENTIFICATION PREVISIONNELLE (OU PRE-DESIGNATION) DANS L'ETAT DES LIEUX DES MASSES D'EAU DE SURFACE ARTIFICIELLES ET FORTEMENT MODIFIEES
La présente annexe vise à présenter les principes encadrant l'identification prévisionnelle, dans l'état des lieux visé à l'article R. 212-3 du code de l'environnement, des masses d'eau ayant une forte probabilité d'être nouvellement désignées comme masses d'eau de surface artificielles et fortement modifiées (MEFM-MEA) dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) suivant. Une liste de masses d'eau doit ainsi être établie dans l'état des lieux, sur la base de laquelle sont ensuite menées les études permettant de confirmer que les conditions fixées au II de l'article R. 212-11 du code de l'environnement sont réunies.
De la même façon, les principes déclinés ci-après encadrent aussi l'identification dans l'état des lieux des masses d'eau de surface fortement modifiées susceptibles d'être requalifiées en tant que masses d'eau naturelles. Pour ces masses d'eau, des études sont ensuite menées afin de confirmer qu'elles ne respectent plus les conditions fixées au II de l'article R. 212-11 du code de l'environnement.
1. Principes généraux
L'identification prévisionnelle des MEFM-MEA intègre :
-les modifications physiques des masses d'eau susceptibles d'empêcher l'atteinte du bon état écologique mentionné au 1° du IV de l'article L. 212-1 du code de l'environnement ;
-la réversibilité de ces modifications physiques ;
-les conséquences éventuelles qu'auraient, sur l'environnement ou les activités mentionnées au 1° du II de l'article R. 212-11 du code de l'environnement, les actions nécessaires à l'atteinte ou au maintien du bon état écologique.
Sont écartées de l'identification prévisionnelle les masses d'eau qui, bien qu'ayant subi des modifications physiques ou bien qu'ayant été créées par l'activité humaine, peuvent de manière évidente :
-atteindre le bon état écologique mentionné au 1° du IV de l'article L. 212-1 du code de l'environnement ;
-être restaurées sans remettre en cause l'une des activités mentionnées au 1° du II de l'article R. 212-11 du même code ;
-être restaurées sans incidence négative sur l'environnement au sens large.
De même, sont écartées les masses d'eau :
-ayant subi des modifications de l'hydrologie n'induisant pas d'impact notable sur la morphologie de ces masses d'eau ;
-qui, bien qu'ayant subi des modifications physiques ou bien qu'ayant été créées par l'activité humaine, sont en bon état ou très bon état écologique ;
-où seule une partie de celles-ci a subi des modifications physiques ;
-sur lesquelles des actions sont en cours, devant conduire à l'atteinte du bon état écologique.
Ces critères d'identification prévisionnelle n'ont pas vocation à se substituer aux avis d'experts. Ils fournissent aux experts un cadre permettant de garantir une certaine harmonisation dans l'appréciation des situations rencontrées sur l'ensemble du territoire national.
Cela dit, dans tous les cas, si des données biologiques sont en contradiction, dans un sens comme dans l'autre, avec les évaluations faites sur la base des modifications physiques, les indications fournies par les données biologiques doivent primer. De plus, ne sont à retenir que les informations liées aux seules modifications physiques des masses d'eau. Par conséquent, si des données biologiques indiquent un mauvais état écologique dû à des altérations autres que morphologiques, les masses d'eau concernées ne doivent pas être identifiées prévisionnellement comme masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées .
Si l'application des critères ou les avis d'experts ne permettent pas de trancher, les masses d'eau concernées sont à identifier prévisionnellement comme masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées . L'étape ultérieure de désignation en MEFM-MEA dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) doit permettre de statuer sur la nature des masses d'eau concernées.
2. Reconquête des milieux d'eaux vives
Au cours des dernières décennies, beaucoup d'aménagements qui ont été faits sur les cours d'eau ont conduit au ralentissement de la vitesse d'écoulement de l'eau (par exemple, les cours d'eau canalisés, les retenues de barrages, et les très nombreux biefs à l'amont de seuils ou de petits barrages). De la sorte, les milieux d'eaux vives se sont raréfiés. Or ces milieux ont un grand intérêt, notamment du fait que leurs capacités d'auto-épuration sont supérieures à celles de milieux plus stagnants. Aussi, afin de respecter au mieux l'esprit de la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000, une orientation générale de reconquête de ces milieux d'eaux vives doit être poursuivie.
Une question doit être préalablement résolue, à savoir la possibilité ou non (aspects techniques et économiques à considérer) de reconquérir des milieux d'eaux vives. L'objectif n'est pas, non plus, de reconquérir en eaux vives tous les milieux qui ont subi des modifications.
En conséquence, même si les milieux d'eaux plus stagnantes créés par les aménagements précédemment cités présentent un état satisfaisant, et si aucune activité mentionnée au 1° du II de l'article R. 212-11 du code de l'environnement ne justifie ce ralentissement de l'écoulement de l'eau, les masses d'eau n'ont pas à être identifiées prévisionnellement en fortement modifiées .
Il est à noter que la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 fournit un argument supplémentaire pour justifier la reconquête de ces milieux : la nécessité de la continuité écologique.
Par ailleurs, en cas de difficultés pour la restauration des milieux, la possibilité de recourir à des objectifs dérogatoires mentionnés respectivement au VI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement pourra être examinée.
3. Masses d'eau modifiées ou créées par des activités passées
De nombreuses masses d'eau, physiquement modifiées ou créées par des activités qui ont aujourd'hui cessé, vont nécessiter une restauration pour atteindre le bon état écologique.
En effet, ces activités n'ayant plus cours, les conditions fixées au II de l'article R. 212-11 du code de l'environnement ne sont pas réunies. Les masses d'eau concernées ne peuvent donc pas être identifiées prévisionnellement comme masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées , à moins que la restauration elle-même n'induise de nouveaux impacts environnementaux.
Si la restauration s'avère impossible ou conduit à des coûts disproportionnés, la possibilité de recourir à des objectifs dérogatoires mentionnés respectivement au VI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement pourra être examinée.
4. Cas des zones humides et des zones de marais
Les zones humides ne sont pas des masses d'eau au sens du présent arrêté. De même, les réseaux de drains souvent rencontrés dans les systèmes de marais ne sont pas, non plus, à considérer comme des masses d'eau. Ces deux cas ne sont donc pas concernés par la présente annexe.
En fait, les systèmes de marais, tels que la Camargue ou le Marais Poitevin, sont composés, d'une part de masses d'eau de catégories différentes (masses d'eau cours d'eau, masses d'eau souterraines affleurantes dont le fonctionnement est lié à celui du marais et masses d'eau plans d'eau) et, d'autre part, de zones humides. En surface, seules les masses d'eau pourront éventuellement être identifiées, à titre prévisionnel, comme masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées.
Toutefois, la situation des zones humides peut influer sur l'état des masses d'eau et réciproquement.
S'il s'avère que les masses d'eau de surface d'un système de marais ne sont pas en bon état écologique et que les mesures de restauration nécessaires à l'atteinte du bon état écologique peuvent avoir un impact négatif sur les zones humides du marais où sur le marais dans son ensemble l'identification prévisionnelle de la masse d'eau de surface en masse d'eau fortement modifiée est possible.
En effet, dans ce cas, les modifications à apporter aux caractéristiques hydromorphologiques des masses d'eau de surface pour obtenir un bon état écologique pourraient avoir des incidences négatives importantes sur le marais/ les zones humides.
5. Cas de milieux anthropisés et à intérêt écologique reconnu
Certaines masses d'eau, modifiées ou créées par l'homme, peuvent néanmoins présenter un intérêt écologique majeur reconnu qui n'aurait pas été observé dans des conditions non anthropisées. Ainsi, pour ces masses d'eau, les actions de restauration ayant pour but d'atteindre le bon état écologique (et donc, de se rapprocher le plus possible d'une situation non anthropisée) auraient un impact négatif sur l'environnement au sens large, en l'occurrence, sur l'intérêt écologique de la masse d'eau elle-même.
Dans ces conditions, il est possible de désigner ces masses d'eau comme fortement modifiées , à la condition de fournir un argumentaire adapté centré sur la justification de l'intérêt écologique de la masse d'eau concernée et de de son lien avec le caractère fortement modifié de ladite masse d'eau.
6. Cas des masses d'eau côtières et de transition
Les activités et pressions prises en compte pour l'identification prévisionnelle en masses d'eau côtière et de transition fortement modifiées et artificielles sont listées ci-après :
-ports et chenaux d'accès ;
-aménagements gagnés sur la mer ;
-protection et/ ou artificialisation du trait de côte ;
-immersion de déblais de dragages ;
-permis miniers d'extraction de granulats ;
-cultures marines à l'origine de dépôts (tables ou bouchots) ;
-pêche à la coquille Saint-Jacques ;
-interruption de la continuité hydraulique (Il s'agit des interruptions consécutives à des endigages, barrages, barrages effaçables implantés dans les estuaires, fjords ou annexes hydrauliques alimentant des marais) ;
-estuaires chenalisés.