RECOMMANDATIONS POUR LA MISE EN ŒUVRE DES TESTS RAPIDES D'ORIENTATION DIAGNOSTIQUE DE L'INFECTION À VIRUS DE L'HÉPATITE C (VHC) OU À VIRUS DE L'IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE (VIH 1 ET 2) OU À VIRUS DE L'HÉPATITE B AUPRÈS DES PERSONNES DÉTENUES
PRÉAMBULE
Les personnes placées sous main de justice doivent avoir accès à une qualité et continuité de soins équivalente à celle de la population générale, comme affirmé par la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale et réaffirmé par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. La prise en charge sanitaire des personnes détenues nécessite de prendre en compte leur situation sanitaire particulière mais également le contexte du monde carcéral et ses contraintes.
La stratégie en faveur de la santé des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) et sa déclinaison opérationnelle sous la forme de la feuille de route 2019-2022 sur la santé des PPSMJ visent à améliorer leur accès au dépistage du VIH, des hépatites et des IST (à l'entrée et en cours de détention). Il en ressort que les tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) présentent un réel intérêt pour améliorer le dépistage du VIH ou du VHC ou du VHB pour les personnes détenues à la condition que leur usage complète l'offre existante et ne s'y substitue pas.
Le conseil national du sida et des hépatites virales a rendu un avis suivi de recommandations le 26 septembre 2019 sur la prévention, le dépistage et le traitement de l'hépatite C chez les personnes détenues. Considérant que le dépistage du VHC s'avère très insuffisant et constitue le maillon faible du parcours des personnes détenues infectées par le VHC, le CNS recommande un renforcement des dépistages conjoints du VHC, du VHB et du VIH et propose plusieurs leviers pour y parvenir, notamment une large utilisation par les unités sanitaires en milieu pénitentiaire des tests rapides d'orientation diagnostique : Déployer les TROD comme outil prioritaire des dépistages du VHC, du VHB et du VIH en milieu pénitentiaire afin d'assurer une réalisation immédiate dès que la proposition de dépistage est acceptée, et à cette fin :
- assurer l'information et la formation des professionnels de santé concernant les TROD ;
- déléguer la réalisation du dépistage par TROD aux personnels infirmiers.
Nota. - Sur le plan réglementaire, la réalisation des TROD par d'autres professionnels de santé dont les infirmiers ne peut se faire que sous la responsabilité d'un médecin.
La présente annexe a pour objet de préciser les recommandations de bonnes pratiques spécifiques à respecter pour la mise en œuvre des TROD auprès des personnes détenues.
1. Subsidiarité de l'offre de dépistage par TROD par rapport au dépistage conventionnel, pour répondre à des besoins et des occasions spécifiques
Il appartient aux soignants de l'unité sanitaire de proposer un dépistage conventionnel du VIH et des hépatites virales B et C aux personnes détenues, au moment de l'entrée en détention, et de renouveler cette proposition en cours de détention. Ce dépistage permet de procéder simultanément au diagnostic de plusieurs infections, sans en omettre, ce qui est important compte tenu de la forte prévalence du VIH et des hépatites virales parmi les personnes détenues (cinq à six fois celle de la population générale). Ce dépistage doit être aussi l'occasion d'évoquer les pratiques et prises de risque et les moyens de se protéger à travers un counseling adapté à la situation de chaque personne.
Le guide méthodologique sur la prise en charge sanitaire des personnes sous main de justice actualisé par une note d'information interministérielle du 29 avril 2019 prévoit également les conditions de l'intervention, en complément et en lien avec l'unité sanitaire, de centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) qui peuvent proposer des dépistages conventionnels anonymes et gratuits du VIH et/ou des hépatites virales B et C.
L'usage des TROD proposés par les intervenants des établissements ou services médico-sociaux ou des structures associatives habilitées ou des centres et établissements autorisés en application du présent arrêté peut constituer une alternative intéressante aux examens conventionnels, lorsqu'il est de nature, dans certaines situations, à faciliter, par sa simplicité, sa rapidité, et l'immédiateté de son résultat, l'acceptation par la personne détenue de la proposition de dépistage à l'entrée, son renouvellement à intervalle régulier en cours de détention ainsi qu'au moment de la sortie (par exemple les personnes à capital veineux endommagé ou réticentes aux prélèvements sanguins, personnes ne souhaitant pas s'adresser à l'unité sanitaire,.).
Il est rappelé que les TROD VIH sont aussi recommandés dans les situations d'urgence telles que celles mentionnées dans l'arrêté du 28 mai 2010 fixant les conditions de réalisation du diagnostic biologique de l'infection à virus de l'immunodéficience humaine (VIH 1 et 2) et les conditions de réalisation du test rapide d'orientation diagnostique dans les situations d'urgence (accident d'exposition au sang ou sexuelle ; urgence diagnostique d'une pathologie aiguë évocatrice du stade sida).
2. Nécessaire articulation et concertation de l'offre de dépistage par TROD mise en œuvre par les établissements, services ou centres autorisés ou les structures associatives habilitées avec les autorités sanitaires et pénitentiaires
Au regard de l'offre existante proposée par l'unité sanitaire (et complétée le cas échéant par un CEGIDD), il convient de veiller à ce que l'intervention envisagée au sein d'un ou plusieurs établissements pénitentiaires par un établissement, service ou centre autorisé ou par une structure associative habilitée fasse l'objet :
- d'un diagnostic local et d'une concertation préalable avec l'unité sanitaire (US), les autorités sanitaires (ARS), les autorités pénitentiaires ;
- d'un protocole d'intervention concerté avec l'US et l'établissement pénitentiaire pour définir : le local de réalisation au sein de l'unité sanitaire qui doit répondre aux exigences de confidentialité mentionnées au point 3 infra ; les conditions d'accès de l'intervenant et d'introduction du matériel de dépistage au sein de l'établissement ; la périodicité d'intervention ; les modalités d'information des personnes détenues ; la coordination de cette action avec l'offre de soins offerte par l'unité sanitaire (dont signalement et orientation à l'US des personnes dont le résultat est positif) et le programme de promotion de la santé mis en œuvre dans l'établissement ;
- d'une mention du ou des établissements pénitentiaires où cette intervention est envisagée dans la demande d'autorisation ou d'autorisation complémentaire ou de convention d'habilitation ;
- d'une autorisation des intervenants des établissements, services ou centres autorisés ou des associations habilitées à pénétrer au sein de l'établissement pénitentiaire par le chef de cet établissement..
3. Respect des modalités d'information et de recueil du consentement des personnes détenues et de la confidentialité de la réalisation et du résultat
Dans ce domaine, les recommandations de bonnes pratiques figurant dans le cahier des charges du présent arrêté s'appliquent également à l'offre de dépistage par TROD VIH ou VHC ou VHB auprès des personnes détenues.
Le contexte du monde carcéral et ses contraintes font qu'une vigilance toute particulière est à accorder dans le protocole d'intervention mentionné au point 2 supra :
- aux modalités de l'information préalable et du recueil du consentement libre et éclairé de la personne détenue par la personne qui propose le test, qui doivent être adaptées au profil des personnes détenues et comprendre le cas échéant l'assistance d'un interprète professionnel. En effet, une forte proportion d'entre elles sont originaires de pays de forte endémicité au regard du VIH ou des hépatites virales et peuvent présenter des difficultés de compréhension ou mal maîtriser la langue française ;
- au respect du secret professionnel par les intervenants réalisant les TROD ;
- au respect de la confidentialité dans les locaux de réalisation des TROD et lors de l'entretien individuel de remise du résultat. A cet égard, la remise d'un résultat écrit est de nature à pouvoir soulever des difficultés, si la personne détenue n'est pas en mesure de pouvoir conserver en cellule, un document personnel, en toute confidentialité. La personne détenue peut transmettre le résultat du test à l'unité sanitaire afin qu'il soit placé dans son dossier médical.