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Article ANNEXE AUTONOME PERIME, en vigueur du au (Loi n°89-470 du 10 juillet 1989 APPROUVANT LE XE PLAN (1989-1992))

Article ANNEXE AUTONOME PERIME, en vigueur du au (Loi n°89-470 du 10 juillet 1989 APPROUVANT LE XE PLAN (1989-1992))

4.4. Aménagement du territoire et vie quotidienne

La cohésion du pays exige à la fois un développement équilibré du territoire et une plus grande cohérence de nos cités. C'est à ces deux conditions que la France tirera le meilleur parti de sa situation géographique au coeur de l'Europe et que chaque Français se sentira en mesure d'être un acteur des mutations en cours - quel que soit le lieu où il vit sur le territoire national - et y trouvera des motifs d'espoir.

Dès lors, un certain nombre d'orientations essentielles doivent guider l'action des pouvoirs publics en matière d'aménagement du territoire et de politique des villes pendant la période du présent Plan.
L'aménagement du territoire à l'heure de l'Europe sans frontière

Habitués par notre histoire à penser notre pays en termes d'Hexagone, il nous faut prendre davantage conscience que la construction européenne est aussi celle d'un nouveau territoire dont nous faisons désormais partie. L'Europe n'est pas seulement celle des entreprises, de la monnaie, de la solidarité et de la recherche, elle est aussi celle des collectivités territoriales, des villes et des régions, dont le rôle va croissant dans le développement de ce territoire. Or, cet espace européen est loin d'être homogène, son état actuel de développement varie beaucoup selon les zones, les structures mêmes des collectivités diffèrent notablement selon les pays. L'Europe solidaire et humaine ne se construira pas sans le concours des collectivités territoriales, sans harmoniser davantage leurs conditions d'intervention, sans efforts de péréquation entre les zones les plus riches et les autres. C'est dire combien est nécessaire un nouvel élan de la politique d'aménagement du territoire, au niveau français et au niveau européen, au-delà même des grandes opérations d'infrastructure. S'agissant plus particulièrement de notre pays, nous devons tirer toutes les conséquences de notre situation géographique dans l'espace européen, de nos avantages spécifiques, et, pour cela, nos collectivités territoriales doivent être pleinement compétitives par rapport à celles de nos partenaires, plus anciennement et plus profondément décentralisés.

Les différences de développement entre les régions d'Europe restent encore très importantes et ne peuvent se réduire à une simple opposition Nord-Sud.

Si l'on prend comme indicateur la valeur du P.I.B. au kilomètre carré, on voit se dessiner une véritable dorsale du développement qui décrit un arc de cercle autour de nos frontières depuis les Pays-Bas jusqu'à la plaine du Pô, avec deux zones particulièrement fortes :
l'une de part et d'autre des frontières entre la Belgique, les Pays-Bas et la R.F.A. ; l'autre en Suisse, de Genève à Zurich. Cette dorsale évolue rapidement. La mise en place de moyens de transports rapides, notamment T.G.V. et transmanche, va lui connecter à la fois la région parisienne et les zones très développées du Sud-Est et du Nord-Ouest britannique.

Les nouveaux projets helvétiques de franchissement alpins accentuent le rattachement de l'Italie du Nord. L'appel d'air que peut créer la libéralisation de l'Europe de l'Est, si elle se poursuit, ne resterait certainement pas sans effet sur l'évolution de cette grande dorsale du développement européen. Un chaînon pourrait se développer vers l'Est à partir de la Suisse et de l'Allemagne du Sud cependant que Hambourg et le corridor de l'Elbe retrouveraient toute leur importance passée, ainsi que la zone baltique.

Cette dorsale majeure du développement économique présente cependant un aspect paradoxal lourd de conséquences à terme. Elle se situe en effet pour l'essentiel dans la zone de plus faible vitalité démographique : l'Europe des activités et l'Europe des hommes coïncideront de moins en moins. Peut-être s'agit-il là d'un des principaux défis que l'avenir pose à la construction européenne. Des déplacements de populations, de main-d'oeuvre, d'entreprises peuvent en résulter, créant des chances nouvelles, mais aussi des problèmes nouveaux que seule une politique amplifiée de développement régional et de péréquation peut espérer surmonter. Pour sa part, la France peut tirer parti de ce paradoxe qui valorise à terme la façade méditerranéenne ainsi qu'une large partie de son territoire, à la fois proche de la dorsale de développement et plus riche qu'elle en hommes jeunes.

Le Xe Plan doit être l'occasion pour la France de mieux exploiter cette proximité de la zone forte du développement européen, de mettre le plus rapidement possible les régions en état de s'y intégrer davantage, d'accélérer la montée en puissance du littoral méditerranéen et de hausser partout le niveau de développement. Si les conditions économiques et sociales déterminent largement les possibilités d'aménagement, rien de solide ne sera fait sans un réexamen approfondi de nos collectivités territoriales, particulièrement les communes et les régions. La zone de plus fort développement européen est aussi celle de la plus grande et plus ancienne tradition d'action décentralisée, de la meilleure capacité à unir localement les efforts des entreprises, des universités et des collectivités. Cette coïncidence est-elle le fruit du hasard ? Venu tardivement à la décentralisation, notre pays doit mettre rapidement ses collectivités en état de compétitivité satisfaisante avec celles de ses partenaires européens. Le grand marché intérieur signifie pour les entreprises à la fois une compétition accrue et un agrandissement de leurs possibilités d'action : il signifie aussi que les diverses collectivités vont être plus concurrentes que dans le passé pour créer ou attirer des activités. C'est sur le terrain que se gagnera ou non l'aménagement du territoire et la bonne intégration de l'Hexagone à l'Europe.

Or, l'hétérogénéité du territoire européen est aussi grande en termes de structures territoriales que de développement. La France à elle seule possède autant de communes que le reste de la C.E.E. ; le mot " région " recouvre des réalités incomparables entre elles. Qu'y a-t-il de réellement commun entre les Laender allemands, les Autonomies espagnoles, les régions italiennes, les régions françaises et celles de la Grèce encore à naître ? Peu de chose en vérité. Une double tâche est devant nous : inciter la C.E.E. à harmoniser les conditions d'intervention entre les collectivités des différents pays membres pour assurer une compétition équitable, adapter nos propres collectivités pour que la compétition puisse avoir un sens et que nous ne partions pas battus d'avance.
Les grands axes d'une politique d'aménagement du territoire rénovée

A l'heure de l'ouverture des frontières et de la concurrence accrue entre les espaces, seule une politique d'aménagement claire et forte permettra d'éviter que notre pays reste en marge du développement de l'Europe et que les déséquilibres entre les diverses parties du territoire national ne s'accentuent.

a) En vue de conjurer ces deux risques, la politique d'aménagement du territoire doit se fixer pour objectif de mettre en valeur au maximum les potentiels de développement du territoire français dans le grand espace européen. Mais il lui appartient aussi de mettre en oeuvre la solidarité nationale vis-à-vis des zones qui affrontent des mutations graves et doivent être soutenues pour les surmonter.

Le premier objectif conduit pour l'essentiel à poursuivre le désenclavement du territoire par un programme d'infrastructures à finalité européenne et à développer la charpente urbaine du territoire.

Pour que la France bénéficie pleinement du surcroît de prospérité et de dynamisme qu'entraînera l'achèvement du marché européen, il faut qu'elle parvienne à insérer une partie importante de son territoire dans les courants dominants de circulation et d'échanges qui forment la trame de l'économie européenne. Or, l'axe Rotterdam-Milan laisse à l'écart la partie du territoire français située à l'ouest d'une verticale Lille-Paris-Marseille. Pour remédier à cette situation, il convient en premier lieu de désenclaver, c'est-à-dire de réintégrer dans " l'espace économique utile ", les zones les plus vastes possible du territoire national ; les routes, les T.G.V. et les dessertes ferroviaires régionales, le développement des liaisons aériennes intérieures, l'amélioration des télécommunications et l'abaissement de leur coût doivent contribuer à cette politique de désenclavement. Mais il importe aussi de renforcer la trame urbaine du territoire dans la perspective d'une meilleure insertion dans l'Europe. A cet égard, il apparaît fondamental que se constituent de véritables pôles de développement capables de capter les bienfaits de l'Europe sans frontières et de les diffuser à l'ensemble de la région environnante. Ces pôles se formeront autour des cités - ou des groupes de cités - qui se seront dotées d'un fort potentiel de communication, de recherche, de formation et de services de haut niveau et qui seront reliées à leurs homologues des pays voisins par des moyens de desserte performants.

Il appartiendra à l'Etat d'accélérer ce processus en aidant à la valorisation des atouts des villes ou groupes de villes qui paraissent les plus aptes à jouer un tel rôle. Il devra à cette fin utiliser les synergies et les complémentarités entre cités voisines qui permettront d'atteindre plus rapidement la taille critique nécessaire à l'échelle européenne.

A cet égard, la position déjà acquise par Strasbourg sur le plan des institutions communautaires est un atout qu'il importe de pleinement valoriser à la lumière des conclusions de la mission visant à renforcer durablement le rôle européen de cette ville.

Il est essentiel pour l'aménagement du territoire que se développent des " métropoles européennes ", entretenant des liens étroits avec un réseau de villes moyennes dans le cadre de grandes régions.

Il ne saurait en effet être question de se désintéresser des " arrière-pays " qui contribuent à la vitalité des métropoles européennes et doivent en retour tirer bénéfice de ce dynamisme. Il ne s'agit pas davantage de substituer à " Paris et le désert français " un nouveau schéma d'eurocités et de " désert européen ". Il faut au contraire susciter de multiples connexions et intensifier les flux entre les cités de taille européenne tournées vers leurs homologues étrangères et les villes moyennes qui se situent dans leur aire d'influence. Ces dernières ont elles-mêmes un potentiel de dynamisme élevé, comme en témoigne notamment le mouvement de retour de l'industrie qui se dessine en leur faveur depuis quelques années. Elles peuvent tirer de leurs rapports avec la métropole européenne un surcroît de prospérité, pour peu qu'elles sachent dépasser les égoïsmes municipaux et locaux pour organiser, à l'échelle de zones géographiques significatives, un " réseau de villes " recherchant un développement commun dans la complémentarité, au lieu de s'épuiser dans les rivalités.

Au-delà des villes, la mise en oeuvre de la complémentarité par le renforcement de la coopération conditionne la vitalité de l'ensemble de nos collectivités de base dans l'Europe de demain.

La fragmentation actuelle de nos communes, vestiges des paroisses de l'Ancien Régime, présente quatre inconvénients majeurs. Elle accroît l'écart de possibilité d'action entre les grandes communes urbaines et les autres ; elle contrevient donc directement à toute volonté d'équilibrer le développement entre les villes importantes et le milieu environnant. Elle rend difficile la concertation nécessaire entre les communes d'une même agglomération : l'exemple de l'agglomération parisienne l'illustre jusqu'à la caricature. Elle empêche la constitution d'alternatives valables par rapport aux communes étrangères, mieux armées sur tous les plans pour créer du développement, dialoguer avec les partenaires universitaires et économiques, maîtriser l'environnement. Elle est enfin génératrice de surcoûts d'aménagement et de développement dans la mesure où elle rend plus difficile, en dépit de l'existence de nombreuses formes de coopération intercommunales, une allocation rationnelle des moyens et des investissements.

L'ambition européenne de la France implique l'ouverture d'un débat sur les communes, leurs méthodes de coopération intercommunale, tant en milieu urbain que rural ainsi que sur les moyens les plus propres à accroître leur dynamisme et leurs capacités d'action. Pourquoi la France resterait-elle durablement le seul pays de la C.E.E. où une réforme communale serait impossible ? Il s'agit là, sans aucun doute, d'un grand chantier capital pour l'avenir.

Le renforcement de la trame urbaine, autour et à partir de quelques métropoles européennes, et le renforcement de la coopération intercommunale qui doit en être le corollaire pour éviter une polarisation excessive du développement sur le territoire national, sont des mutations aussi difficiles à mener de front que nécessaires.

A l'évidence, elles se concrétiseraient plus aisément au sein d'entités régionales, ayant elles-mêmes atteint une taille critique à l'échelle européenne.

Seules de telles régions profiteraient pleinement de l'intensification des courants d'échanges transfrontaliers en traitant d'égal à égal avec leurs partenaires limitrophes de la Communauté. Si nos vingt-deux régions pouvaient représenter un bon équilibre dans la France hexagonale entre le souci du développement économique et celui du sentiment d'appartenance, force est de constater maintenant qu'elles ne disposent pas des moyens de peser suffisamment sur l'avenir par rapport à leurs grandes homologues étrangères. En outre, ce n'est que dans le cadre d'un espace régional assez vaste que la métropole européenne pourra se développer sans priver les villes moyennes de leur propre sphère d'attraction et sans absorber progressivement leurs forces vives.

C'est dire qu'il conviendrait à la fois de revoir le nombre et les compétences mêmes des régions, de les rendre plus compétitives dans l'Europe. La définition d'une politique d'aménagement du territoire liée aux exigences du marché unique conduit ainsi logiquement à s'interroger sur l'adaptation des collectivités territoriales et de leurs modalités de coopération à leurs nouvelles responsabilités dans le grand marché européen.

Le second objectif d'une politique d'aménagement du territoire rénovée consiste à soutenir certaines zones qui connaissent des difficultés particulièrement aiguës.

En dehors des départements et territoires d'outre-mer et des zones rurales les plus fragiles qui seront évoqués ultérieurement, l'action de l'Etat sera tournée vers :

- les régions touchées par de grandes mutations industrielles. Il s'agira de les aider à se convertir et à se redévelopper. Les actions engagées en matière de conversion industrielle (sociétés de conversion, fonds de conversion ou d'industrialisation, zones d'entreprises, etc.) et en matière de réhabilitation de l'habitat, des zones minières ou de friches industrielles devront être poursuivies pendant toute la durée du Plan. Un effort particulier portera sur les régions de l'arc nord-est (Haute-Normandie, Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Champagne-Ardenne, Lorraine, Franche-Comté). Des programmes de requalification urbaine seront mis en place pour accompagner la reconversion économique (P.A.C.T. urbain). L'année 1989 sera mise à profit pour choisir les sites, lancer les études opérationnelles et préparer les programmes.

- les régions à fort particularisme comme la Corse ou le Pays basque : il s'agit de les associer pleinement à la mise en oeuvre d'une politique adaptée à leurs spécificités et visant à promouvoir leur développement économique dans le respect de leur identité culturelle.

b) La double ambition ainsi assignée à la politique d'aménagement du territoire ne pourra se concrétiser qu'au prix d'une adaptation et d'un usage plus efficace de certains des moyens qu'elle utilise.

Il faut poursuivre la politique de contractualisation entre l'Etat et les régions qui a vocation à constituer un des vecteurs privilégiés de la politique d'aménagement du territoire. Elle vise en effet à faire converger les planifications régionales et nationale, la politique d'aménagement du territoire et l'exercice des compétences dévolues aux divers niveaux d'intervention dans le cadre de la décentralisation. La contractualisation est ainsi un facteur essentiel de cohérence de l'action publique.

Sur l'ensemble de la période 1989-1993, l'Etat consacrera en métropole et dans les D.O.M.-T.O.M. un total de l'ordre de 55 milliards de francs à la mise en oeuvre des quatre orientations principales des contrats de plan :

- à travers la priorité attribuée à l'emploi, le développement économique et la compétitivité des entreprises, l'Etat s'attachera, avec un financement de 8,8 milliards de francs, à stimuler le développement ou la création d'activités, notamment dans les espaces les plus exposés aux mutations économiques ;

- la priorité réservée à la formation, la recherche et les transferts de technologie donnera lieu à 9,8 milliards de francs d'engagements de l'Etat, en particulier pour améliorer ou amplifier les capacités d'accueil des étudiants, là où le besoin s'en fait particulièrement sentir ;

- avec les infrastructures de communication auxquelles 24,1 milliards de francs devraient être consacrés, l'Etat souhaite favoriser l'insertion de l'ensemble des régions françaises dans l'Europe des échanges économiques et améliorer les conditions de transports dans les villes : en particulier, l'amélioration considérable du réseau routier est conçue de telle sorte que les régions dans lesquelles la réalisation du schéma routier est le plus en retard bénéficient de programmes substantiellement accélérés sans que leurs capacités financières en soient trop lourdement obérées ; l'effort portera également sur les transports urbains des villes de province, auxquels l'Etat affectera 2 milliards de francs sur la durée du Plan ;

- avec 12,2 milliards de francs réservés aux actions de solidarité enfin, l'Etat s'attachera à faire bénéficier certaines populations ou zones fragiles de concours nettement renforcés. Les moyens de la politique d'aménagement du territoire ne se limitent pas pour autant à la seule contractualisation. Les autres modalités d'intervention, qui conserveront une place importante, devront être utilisées de manière plus efficace et plus sélective.

S'agissant des aides financières, la France n'entend pas se livrer avec ses partenaires à une surenchère qui serait, à terme, préjudiciable à l'équilibre du développement de l'Europe. Elle prendra des initiatives sur le plan communautaire en vue d'éviter un tel processus. Pour autant, elle ne saurait se dispenser, sans risque pour son propre développement, de consentir des efforts financiers comparables à ceux de ses partenaires, sous forme de prime d'aménagement du territoire ou de fonds d'intervention.

L'effort engagé en vue d'éviter une dispersion géographique excessive des concours publics, contraire à l'objectif du rééquilibrage territorial, sera poursuivi à la lumière d'une analyse attentive des comptes régionalisés des administrations publiques centrales. Une action spécifique sera menée afin de tirer le meilleur parti de la nouvelle politique régionale communautaire et de susciter des programmes propres à mobiliser les compétences comme les crédits. En outre, des marges de manoeuvre supplémentaires seront laissées aux collectivités locales, moyennant un aménagement du régime juridique de leurs interventions économiques conforme à l'esprit de la décentralisation.
Poursuivre la construction d'un Etat déconcentré
dans une nation décentralisée

La décentralisation, qui fait dépendre de plus en plus la vie quotidienne des Français de décisions prises par les autorités locales élues, est aujourd'hui un acquis irréversible et une réussite.

Des adaptations et des compléments devront toutefois lui être apportés pour permettre, d'une part, l'approfondissement de la démocratie locale et, d'autre part, une meilleure synergie de l'action des partenaires locaux et de l'Etat.

Le renforcement de la démocratie locale est la vocation première de la décentralisation. Il importe de progresser dans cette voie, d'abord en développant les dispositifs légaux d'information et d'expression des citoyens sur les actes essentiels de la vie administrative locale, ensuite en renforçant les droits des minorités au sein des assemblées délibérantes, enfin en facilitant l'accès du plus grand nombre de citoyens - quelles que soient leurs situations socio-professionnelles - aux responsabilités électives et en améliorant le statut de l'élu local.

La répartition des compétences entre les collectivités locales sera ajustée et clarifiée afin de tenir compte des leçons de l'expérience. Le rôle et les moyens de chaque niveau de collectivités feront l'objet d'une réflexion engagée dès le début du Plan, de façon compatible avec les exigences nouvelles de l'aménagement du territoire, rappelées ci-dessus. A cet égard, le Xe Plan doit être l'occasion d'un débat qui ne peut se limiter à l'affrontement stérile entre les partisans du département et ceux de la région. Les deux ont leur place : le département comme lieu privilégié de compétences pour tous les services à la population et les activités qui ne peuvent être assurées convenablement par des communes, mêmes renforcées ; la région comme levier de développement économique, de formation et d'équipements lourds d'infrastructures.

Par ailleurs, il importe de développer les moyens d'action économique et de gestion financière des collectivités territoriales afin de leur permettre de participer plus librement et plus efficacement à la lutte pour l'emploi et à l'effort d'investissement de la nation.

Enfin, une réforme des finances locales est indispensable pour parachever le processus de décentralisation et pour traduire les adaptations institutionnelles qui apparaissent d'ores et déjà nécessaires à l'échelon des communes et des régions.

Les aspects financiers ne sauraient en effet être perdus de vue dans le débat institutionnel. Si l'on veut que les collectivités territoriales jouent pleinement leur rôle d'aménagement et de développement dans une Europe décentralisée, leurs ressources doivent être adaptées en conséquence.

Deux principes pourraient guider cette réforme aussi difficile qu'opportune. Le premier résiderait dans l'harmonisation nécessaire entre la maîtrise d'ensemble des prélèvements obligatoires et l'accroissement du rôle des collectivités décentralisées. Le second consisterait à asseoir davantage les ressources locales sur la production même de richesses et de revenus, qu'il s'agisse des entreprises ou des particuliers.

Nécessairement progressive en raison de sa complexité, cette réforme des finances locales sera précédée d'une réflexion globale qui sera engagée dès le début du Plan en vue de définir les voies et moyens d'une meilleure péréquation des ressources fiscales entre les collectivités territoriales. La réforme devra également définir des mesures fiscales fortement incitatives au regroupement et contribuer ainsi au renforcement indispensable de la coopération intercommunale, qui sera aussi favorisé par des mécanismes financiers appropriés et par une rénovation des structures actuelles de coopération.

Parallèlement la décentralisation ne trouvera son équilibre au service des citoyens que si elle est complétée par une véritable politique de déconcentration de l'Etat, qui en constitue le corollaire et dont ses représentants territoriaux doivent être le pivot. Aspect essentiel de la rénovation de l'Etat, cette déconcentration ne doit pas se limiter à un transfert de compétences juridiques du centre vers la périphérie. Elle devra aussi se traduire par une dévolution et une meilleure allocation des moyens - notamment en matière de gestion du personnel, de globalisation des dotations financières de l'Etat, d'expertise et d'évaluation - qui permettront aux préfets d'assurer leur mission d'intégration des politiques publiques et de coordination des services de l'Etat.

En définitive, en responsabilisant les différents échelons de l'administration territoriale de l'Etat et en renforçant leur efficacité, la politique de déconcentration qui sera résolument engagée au cours du Plan et dont l'effectivité pourra en particulier être appréciée par l'augmentation de la proportion des crédits d'Etat déconcentrés, contribuera à favoriser une plus grande complémentarité entre les actions des collectivités décentralisées et les priorités de l'Etat, garant de la cohésion sociale et de l'unité nationale.
Promouvoir un grand projet pour ordonner le développement
de la région parisienne

Par son histoire et par la qualité de son architecture comme de son urbanisme, Paris appartient au patrimoine mondial.

Source de plus du quart de la richesse nationale, l'Ile-de-France constitue en outre un des atouts majeurs du pays dans l'Europe de demain.

Les politiques et les actions d'aménagement menées depuis un quart de siècle ont permis de moderniser l'agglomération, de la doter d'infrastructures de transport et de faire face en termes d'accueil à une importante croissance démographique, aujourd'hui achevée.

Mais à côté d'un incontestable dynamisme que traduit la vigueur du rythme de construction de bureaux, des déséquilibres très préoccupants se manifestent : l'insuffisance des programmes de logement faute de terrains pour les accueillir, la concentration des bureaux dans l'ouest parisien, source de migrations quotidiennes massives, la mauvaise répartition géographique de l'habitat et des emplois, l'engorgement de la circulation et des transports, les distorsions fiscales considérables entre communes riches et communes pauvres, les phénomènes d'exclusion dans les banlieues les moins favorisées.

Ces déséquilibres affectent gravement la vie quotidienne de plus de 10 millions d'habitants. Ils sont en outre de nature à porter atteinte au rayonnement de Paris et au développement économique de la capitale et, par conséquent, du pays tout entier. Face à ces difficultés, les moyens non négligeables dont disposent les collectivités publiques ne peuvent être utilisés avec l'efficacité souhaitable, faute d'une coordination suffisante des actions et d'une vision claire de ce que doit être l'avenir de la région parisienne. Certes, les actions très ambitieuses que l'Etat a proposées à la région en vue du prochain contrat de Plan, notamment pour les routes et les transports collectifs, devraient permettre d'atténuer significativement certaines des difficultés. Mais elles ne sauraient remplacer la réflexion globale et les réformes structurelles dont la région parisienne a aujourd'hui besoin. Aucun projet d'ensemble n'existe pour relayer le schéma directeur de 1965, qui a largement atteint son objectif mais est aujourd'hui inadapté. Il faut donc s'atteler à la définition d'une stratégie cohérente pour remédier aux déséquilibres constatés en matière d'habitat, d'emploi ou encore de transport. Or, l'absence d'une autorité d'agglomération capable d'en conduire le développement rend plus difficile l'élaboration d'une telle stratégie. Il incombe à l'Etat de donner rapidement les impulsions nécessaires pour progresser dans ce domaine.

Il est urgent d'engager l'élaboration d'un nouveau projet pour l'agglomération parisienne et d'agir vigoureusement pour orienter son développement en palliant l'absence d'une autorité d'agglomération.
Réunifier la ville autour d'un projet

Nos villes, qui regroupent 70 p. 100 de la population française, restent des lieux privilégiés, d'intégration sociale. C'est un atout qu'il faut à tout prix préserver. Mais les villes subissent le contrecoup des mutations sociologiques, économiques et démographiques qui, lorsqu'elles se conjuguent, peuvent provoquer un véritable déchirement du tissu social et engendrer des phénomènes de ségrégation. Des populations nombreuses se retrouvent parfois captives d'un habitat et d'un environnement qu'elles n'ont pas choisis, et de services de vie quotidienne de qualité médiocre.

La " demande " qui s'exprime aujourd'hui de plus en plus fortement auprès des responsables de la ville traduit une exigence accrue des ménages en matière de qualité et de choix des services. Cette aspiration à exercer un " droit à la ville " s'exprime dans de multiples domaines comme l'habitat, l'environnement, l'école, les transports, la sécurité, la culture, les équipements sportifs ou les services sociaux. Pour améliorer la qualité de l'offre de services et ouvrir au plus grand nombre de ménages de réelles possibilités de choix, il faut adapter les politiques sectorielles et les articuler dans un véritable projet urbain d'ensemble, tourné vers un développement qualitatif et un meilleur équilibre entre le centre des villes et les banlieues.

La réussite de tels projets passe par une collaboration étroite entre les collectivités locales et l'Etat, ce dernier conservant la responsabilité du logement, de la pédagogie et des personnels de l'enseignement, de la justice et de la police. Grâce à une meilleure coordination des actions relevant de la compétence de l'Etat et à une déconcentration plus poussée de ses responsabilités, l'Etat gestionnaire pourra se muer en animateur et sera un partenaire cohérent pour les collectivités locales. Ce partenariat dans l'élaboration du projet urbain pourrait se concrétiser sous une forme contractuelle, le contrat de ville, ouvert aux autres partenaires qui font partie intégrante de la cité. C'est là un des instruments principaux dont disposent les instances chargées de mettre en oeuvre la politique de la ville, qu'il s'agisse du Conseil national des villes et du développement social urbain ou de la délégation interministérielle à la ville. Le développement des formes contractuelles de la politique urbaine, si souhaitable soit-il, ne permet pas de faire l'économie d'une réflexion approfondie sur l'adaptation du cadre administratif actuel aux exigences d'une gestion moderne des villes.

Dans notre pays frappé par l'émiettement communal, le tracé des frontières qui distinguent les villes des autres établissements humains est de moins en moins lisible. Il n'épouse pas toujours, en tout état de cause, les frontières administratives qui délimitent les collectivités voisines et qui ne sont pas pertinentes pour bien des composantes de l'action publique en milieu urbain. En bref, les agglomérations existent en France, mais elles attendent un mode de gouvernement satisfaisant, malgré l'apport des formules de coopération déjà en vigueur. Il faut donc explorer plus avant la possibilité de promouvoir l'agglomération par des mesures institutionnelles et financières, en relançant les structures de réflexion et sans chercher pour autant à en faire le support privilégié de la citoyenneté locale. La lutte contre les ségrégations spatiales est la première urgence à traiter dans le cadre des projets urbains. Pour intégrer les banlieues et diversifier l'occupation des espaces urbains, il faut développer l'habitat locatif dans les quartiers anciens ou favoriser l'accession à la propriété dans les grandes cités vouées jusqu'à présent au locatif. A cet égard une éventuelle réforme de l'accession sociale à la propriété ne pourra se faire qu'en portant une attention particulière au maintien de la solvabilité des candidats à l'accession et en évitant toute rupture préjudiciable pendant une période de transition.

Il est également nécessaire de satisfaire la demande de logements des personnes âgées, des familles nombreuses, des handicapés, des jeunes ou des familles d'origine immigrée, grâce à des solutions adaptées qui évitent l'enfermement de chacun dans des filières sans issue. Cette action s'inscrira dans le cadre d'un effort national tendant à doter d'ici 5 ans d'un logement décent et conforme aux normes le million de foyers qui en sont encore dépourvus. Mais elle appelle des initiatives décentralisées à l'échelon de la ville et même du quartier, car c'est à ce niveau de proximité que peuvent se dégager les solutions variées qu'appelle la lutte contre la ségrégation par l'habitat. Il est souhaitable que ces initiatives s'inscrivent dans des démarches contractuelles associant l'Etat, les collectivités locales, les organismes H.L.M. et les autres partenaires concernés, fondées notamment sur l'évaluation pluriannuelle indicative des aides au logement.

De façon générale, les projets de ville doivent se prolonger dans les quartiers par des réalisations concrètes, fruits de larges débats, porteurs d'une amélioration de la vie quotidienne et propres à forger un sentiment de citoyenneté urbaine. Celle-ci sera le meilleur rempart contre des réactions de rejet à l'égard de certaines catégories de la population ou simplement l'indifférence aux " choses de la cité ". Le foisonnement du mouvement associatif lié aux opérations de développement social des quartiers illustre l'efficacité d'une telle démarche, qui vise à associer chaque citadin à l'aménagement de son cadre de vie immédiat.

Cette démarche trouvera son pendant dans le fonctionnement de certains services publics, qui doivent assurer davantage leur rôle de services de proximité alors qu'ils interviennent souvent en urgence. C'est le cas par exemple des commissariats de police, des casernes de sapeurs-pompiers, des hôpitaux ou des tribunaux et, de façon plus générale, de la police et de la justice. En effet, une attente de plus de sécurité se fait sentir, avant tout face à la délinquance, mais aussi face aux dangers de la circulation qui pèsent notamment sur le piéton et le cycliste en ville, voire face aux dégradations qui marquent l'environnement urbain (pollutions de toute nature, bruits excessifs...).

L'inquiétude concernant la sécurité entretient la tendance individualiste au repli sur soi qui fait obstacle aux manifestations de solidarité concrètes et décentralisées, dont la ville a aujourd'hui besoin. Lutter contre cette tendance implique de mettre en oeuvre une politique globale de la sécurité, à laquelle plusieurs services publics doivent concourir. Il est notamment essentiel que la police, pour sa part, contribue à satisfaire cette attente grâce à une amélioration de son recrutement, de ses méthodes de formation interne, de ses équipements et locaux ainsi qu'à une déconcentration de ses structures territoriales. Une amélioration similaire est également indispensable de la part de la justice : trop souvent encore ses réponses se traduisent par une pénalisation de la vie quotidienne des personnes concernées lorsqu'il conviendrait de privilégier la prévention de la délinquance et la lutte contre la récidive. De ce point de vue, le rôle de la protection judiciaire de la jeunesse doit être réaffirmé ; la lutte contre l'exclusion suppose aussi le développement de nouvelles formes de justice adaptées aux petits contentieux - utilisant en particulier plus largement la conciliation et la médiation - et la création dans la ville de lieux d'accueil répondant aux besoins d'information juridique de ses habitants.

C'est aussi au plus près du terrain que sera réglé plus efficacement le lancinant problème de la sécurité routière, même si l'on ne fera pas l'économie de mesure de portée générale à côté des actions locales. Avec près de 20 tués pour 100 000 habitants en 1987, la France s'est située dans le peloton de tête des pays développés dans ce domaine. Un ensemble de mesures a été pris en vue de s'attaquer aux causes des accidents de la route : amélioration des infrastructures et résorption des points noirs, contrôle technique périodique des véhicules, comportement des conducteurs. Mais l'amélioration de la sécurité routière exige un effort de longue haleine, en particulier pour modifier les comportements des conducteurs vis-à-vis de la vitesse ou de l'alcool, par la pédagogie et la persuasion, mais également par la perspective d'une répression renforcée des infractions.
Favoriser de nouveaux équilibres en milieu rural

A l'heure actuelle, des zones rurales représentant environ 15 p. 100 du territoire naturel connaissent une situation très préoccupante, qui résulte du déclin de l'activité agricole, du vieillissement de la population, de l'extrême faiblesse de la densité et de l'absence de trame urbaine.

A moyen terme, près de 40 p. 100 du territoire risque d'être constitué de zones rurales fragiles, notamment en montagne, qui sont confrontées à un grave problème de conversion. C'est dire qu'une politique d'aménagement rural beaucoup plus active devra être mise en oeuvre dans les prochaines années et coordonnée avec les actions de la Communauté européenne dans ce domaine. Elle devra reposer sur des programmes cohérents, adaptés à la diversité des zones rurales en cause. Un effort particulier sera engagé pour le soutien des zones défavorisées, y compris celles qui, malgré leur situation, ne pourraient bénéficier des fonds structurels européens.

L'agriculture ne continuera d'apporter une contribution essentielle à la gestion des espaces concernés que si elle adapte ses modes de production (extensification, diversification). L'allégement de la taxe sur le foncier non bâti pourrait contribuer à favoriser cette adaptation. L'Etat apportera un soutien prioritaire au développement de la pluriactivité, qui doit s'inscrire dans un véritable projet économique, en levant progressivement les freins divers qui ont été identifiés. Des modes d'aménagement foncier et de gestion adaptés devront également être mis en oeuvre. Mais l'agriculture et la forêt n'assureront pas seules le développement de ces zones. Elles doivent participer à un tissu économique diversifié, qui implique notamment le développement des activités secondaires et tertiaires et une armature urbaine bien structurée. Le maintien et le développement d'activités économiques dynamiques supposent des services modernes et de qualité adaptés à un contexte de faible densité. Pour ce qui le concerne, l'Etat cherchera à rationaliser l'implantation des services publics sur le territoire avec le souci de ne pas sacrifier la qualité à la proximité et en encourageant la polyvalence des prestations fournies à la population.

La mobilisation des partenaires locaux autour de programmes de développement sera facilitée par l'essor de la coopération intercommunale, elle-même encouragée dans le cadre de la réforme des finances locales, et par l'appui des services déconcentrés de l'Etat.

Il faudra veiller à une plus grande sélectivité des actions en faveur de la politique d'aménagement rural, dont l'efficacité pourrait être renforcée par un aménagement des modalités d'utilisation du Fonds interministériel de développement et d'aménagement rural. L'accent sera mis notamment sur la constitution et le renforcement de bourgs-centres qui soient de véritables pôles ruraux.
Soutenir le développement des collectivités d'outre-mer dans l'équité

Les collectivités d'outre-mer doivent être parties prenantes du progrès économique et social de la nation. Or, elles souffrent à l'heure actuelle de handicaps sérieux : un taux de chômage de 2 à 2,5 fois supérieur à celui de la métropole, un déséquilibre très prononcé des activités au bénéfice du secteur tertiaire et de façon générale, un mode de développement trop superficiel et dépendant de l'extérieur.

Dès lors, l'orientation majeure de l'action de l'Etat consiste à amplifier la lutte contre le chômage en suscitant un développement plus équilibré et plus autonome qui soit créateur d'emplois. Dans ce but, il est essentiel d'organiser la convergence des efforts publics et privés pour substituer une économie de production à une économie de consommation. Sera ainsi recherchée l'émergence de véritables systèmes économiques régionaux, adaptés à la spécificité de chacune de ces collectivités et assurant une meilleure répartition des fruits du développement entre les différentes catégories de population.

Un effort de formation particulièrement soutenu s'impose, compte tenu des carences et retards importants constatés dès la période de formation initiale, en dépit de la généralisation de l'obligation scolaire.

Sur le plan communautaire, il importe également de lever les ambiguïtés qui demeurent quant à la situation fiscale particulière des régions d'outre-mer. Il faut surtout tirer parti de la réforme des fonds structurels de la Communauté européenne pour mobiliser au profit de projets de développement des concours communautaires venant en complément de ceux de l'Etat. Les collectivités d'outre-mer peuvent en outre tirer avantage d'une participation plus active aux structures de coopération en place dans leur zone.

C'est sur la base d'un développement économique ainsi relancé que l'on pourra accélérer la marche vers l'égalité sociale, selon des modalités qui devront être déterminées de façon concertée pendant la période d'exécution du Plan, avec les élus et les partenaires sociaux professionnels.

Conformément aux accords de Matignon et aux dispositions de la loi référendaire, l'Etat s'attachera tout particulièrement à favoriser l'essor économique, social et culturel de la Nouvelle-Calédonie, en vue de créer les conditions dans lesquelles les populations du territoire pourront choisir librement et sereinement leur avenir.