Dans un contexte d'allongement de la vie professionnelle et de vieillissement de la population, le maintien dans l'emploi constitue un défi à relever tant au niveau des pouvoirs publics que des entreprises. 1 à 2 millions de salariés en France seraient exposés à un risque de désinsertion professionnelle pour des raisons de santé, soit 5 à 10 % de la population active (1) .
Fortes de l'expérience des précédents accords, les parties réaffirment la nécessité de détecter les situations le plus en amont possible et de favoriser leur prise en charge dans une logique pluridisciplinaire pour élargir le champ des possibles.
Elles rappellent les notions sur lesquelles repose la politique de maintien dans l'emploi :
– la compensation du handicap consistant à prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le handicap ne constitue pas une gêne dans une situation donnée ;
– l'obligation d'aménagement raisonnable
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imposant à l'employeur de prendre « toutes les mesures appropriées » pour permettre l'accès à l'emploi, le maintien en emploi, le parcours professionnel… sous réserve que cela n'entraîne pas de « charges disproportionnées ».
Il est donc rappelé que les actions conduites au titre du maintien dans l'emploi ne visent pas à conférer un traitement préférentiel aux personnes handicapées, considérées en tant que groupe défavorisé, mais à garantir à chaque personne en situation de handicap, une égalité réelle dans une situation concrète de travail et d'emploi.
Ces 2 notions définissent le cadre dans lequel sera menée toute démarche de maintien dans l'emploi au sein de la branche Banque populaire.
Enfin, les mesures extra-légales contenues dans cet accord prennent fin à l'échéance de ce dernier et ne sauraient constituer un usage.
2.1. Objectifs de progrès et indicateurs de suivis retenus
Les entreprises de la branche Banque populaire suivront les indicateurs suivants :
Référentiel d'évaluation du maintien dans l'emploi | |
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Indicateurs d'activité | Montant consacré aux aménagements de situation de travail de bénéficiaires de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés (BOETH) |
Nombre de réunions d'une cellule de maintien dans l'emploi | |
Nombre de situations étudiées | |
Nombre de situations réglées | |
Indicateur de contexte | Évolution du nombre de nouvelles reconnaissances de situation de handicap (au titre de la RQTH*, incapacité permanente partielle (IPP), ou pensionnés invalides) hors recrutements |
Indicateurs d'impact | Part des RQTH* échues ayant donné lieu à un renouvellement |
Étude comparée entre la part des BOETH* licenciés suite à inaptitude et la part des salariés (toute population) licenciés suite à inaptitude |
Ces données seront agrégées au niveau de la mission Handicap groupe dans le cadre des dispositions de suivi de l'accord.
2.2. Mesures et actions prioritaires
2.2.1. Mesures favorisant la détection des situations et l'anticipation
La détection précoce des situations à risque permet d'agir avec plus de sérénité, de temps et dans une plus grande concertation. À cette fin, seront menées les actions suivantes :
– suivi des arrêts de plus de 90 jours de tous les collaborateurs et mise en place d'un dispositif d'information à destination des salariés en arrêt visant à rappeler leurs droits et l'utilité de solliciter une visite médicale de pré-reprise ;
– coordination entre le gestionnaire RH et le référent handicap pour enclencher un suivi particulier des personnes en situation de handicap en arrêt fréquent ou de longue durée ;
– formation des managers de proximité, afin qu'ils exercent une veille et partagent au plus tôt avec les équipes RH et les services de santé au travail les situations de difficultés rencontrées ;
– mise en place d'un numéro vert par la mission Handicap groupe permettant à tout salarié en poste ou en arrêt, d'exposer sa situation et de recevoir un éclairage sur l'utilité de la reconnaissance administrative d'un handicap.
Il est également rappelé que les travailleurs en situation de handicap bénéficient de modalités de suivi adaptées dans le cadre des visites de prévention et d'information des services de santé au travail selon une périodicité qui n'excède pas une durée de trois ans.
2.2.2. Mesures visant l'aménagement des situations de travail
Accompagnement à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH)
La démarche de reconnaissance s'effectue à titre individuel, volontaire et confidentiel. Elle permet au salarié qui l'effectue de bénéficier des dispositions prévues au présent accord. Pourtant, de nombreux salariés confrontés à des difficultés de santé durables ignorent qu'ils pourraient initier une demande de reconnaissance de leur situation de handicap ou tout simplement hésitent à le faire.
Aussi, afin de permettre aux salariés qui peuvent y prétendre de bénéficier pleinement de l'accord, ils seront sensibilisés par divers moyens à l'utilité d'une RQTH* et à la mise à jour régulière de leur situation vis-à-vis de la commission des droits et d'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) :
– travail du réseau des médecins du travail, du réseau handicap et des services sociaux en termes d'information et d'aide à la constitution du dossier si cela est souhaité par le salarié ;
– autorisation d'absence payée dans la limite de deux jours (fractionnables par demi-journées) pour permettre la réalisation des démarches suivantes : démarches administratives de reconnaissance du handicap, suivi médical lié au handicap, rendez-vous avec un prescripteur de matériel de compensation du handicap. Chaque entreprise de la branche Banque populaire est libre de porter ce volume à 3 jours, si le médecin du travail atteste de ce besoin en lien avec la situation de handicap ;
– envoi d'un courrier d'alerte 9 mois avant l'échéance de la RQTH* accompagné des coordonnées du référent handicap et d'un guide pratique concernant les dispositifs de soutien à l'emploi créé à l'occasion de cet accord.
La mission Handicap groupe veillera à une actualisation régulière de l'intranet du groupe afin de donner à voir l'ensemble des dispositifs et mesures de l'accord mobilisables.
Gestion pluridisciplinaire des situations via la mobilisation de cellules de maintien dans l'emploi
Le travail en pluridisciplinarité devra se poursuivre et s'intensifier au cours de l'accord. Il s'exprime notamment au travers de la mobilisation de cellules de maintien dans l'emploi (CME) ayant pour objectif de préparer, le plus tôt possible, la reprise du travail ou le maintien dans l'emploi d'une personne rencontrant un problème de santé faisant peser un risque sur le maintien de son activité professionnelle. Les signataires rappellent ici l'importance de :
– associer étroitement le salarié à la démarche ;
– respecter le cadre de confidentialité et les règles de déontologie de chacun ;
– déclencher une CME* le plus tôt possible ;
– assurer un pilotage de chaque situation traitée en CME* ;
– tracer les étapes successives de recherches de solutions ;
– encourager les retours et les partages d'expériences.
Les modalités d'organisation de ces cellules (fréquence, condition de mise en place, composition) sont définies par chaque entreprise de la branche Banque populaire. Elles associent à minima les RH, le référent handicap, le service de santé, le management et impliquent que le salarié soit étroitement associé à l'analyse de la problématique et à la recherche de solutions.
Les CSE sont informés une fois par an a minima, dans le cadre de la consultation relative à la politique sociale de l'entreprise, de l'ensemble des actions conduites par ces CME* dans le respect de la confidentialité des situations individuelles.
Recherche des solutions au poste et au-delà et suivi de l'efficacité des mesures prises
L'égalité de traitement passe par une forme d'adaptation active et continue aux besoins de la personne en situation de handicap, dès lors que son handicap le justifie.
Les solutions de maintien dans l'emploi sont d'abord recherchées au poste initial par l'aménagement de l'organisation du travail (temps de travail, organisation des horaires, tâches et missions…) et/ou par l'aménagement technique du poste (à cette fin, une expertise peut être mobilisée : ergonome, ergothérapeute, spécialiste de la déficience visuelle ou auditive, psychologue du travail…).
En l'absence de solution, la recherche est élargie vers d'autres métiers du groupe sur le site d'appartenance et sur les autres sites, sur des métiers compatibles avec les restrictions à l'emploi et les compétences exigées. Des formations de remise à niveau pourront être proposées à cette fin. Enfin, la solution de maintien dans l'emploi peut également passer par la réalisation d'un projet professionnel à l'externe.
Les aménagements des situations de travail sont financés par le budget de l'accord restant à la main de l'entreprise et des éventuelles offres de services de l'Agefiph ouvertes aux entreprises couvertes par un accord agréé sur la durée du présent accord. Il est demandé pour chaque dossier :
– que le médecin du travail atteste de ce besoin d'aménagement par un courrier ;
– que le bénéficiaire soit reconnu BOETH* ou en cours de reconnaissance.
Le référent handicap coordonne la démarche avec les autres membres de la CME*, si cette dernière a été sollicitée.
Tous les aménagements suivants (matériels et prestations – liste non exhaustive) sont pris en charge par l'accord sous réserve des fonds disponibles, au titre de l'aménagement exclusif de la situation de travail, sans exclure les situations particulières de télétravail, à la condition que les besoins permettent de compenser le handicap :
– étude ergonomique, adaptation du poste au regard des capacités de la personne ;
– équipements et outillages spécifiquement adaptés au handicap (sièges, bureaux à hauteur variable…) ;
– solutions d'accompagnement, d'évaluation, de reconversion et de bilans de compétences ;
– prestations spécifiques de formation ;
– étude et aménagement d'un dispositif de télétravail ;
– prise en charge d'une interface de communication pour les collaborateurs sourds et malentendants ;
– matériels et logiciels informatiques pour personnes mal ou non voyantes, dyslexiques, dyspraxiques ;
– prestations d'interprétation en LSF
(3)
ou LPC
(4)
…
– mise en place d'un transport adapté pour les trajets domicile-travail rendue impérative pour le maintien en emploi (pas de possibilité d'un autre mode de transport en raison du handicap) ;
– réalisation d'un bilan professionnel, notamment lorsqu'un salarié, sur avis du médecin du travail, ne peut plus ou ne pourra plus à terme occuper son poste d'origine. Ces bilans qui permettent de préciser les aptitudes comme le potentiel d'évolution vers d'autres activités sont pris en charge dans le budget de l'accord, s'ils sont directement en lien avec une problématique de maintien dans l'emploi.
Toutes les personnes en situation de handicap accompagnées au titre du maintien dans l'emploi font l'objet d'un suivi annuel par le référent handicap. L'objectif est notamment de s'assurer de la bonne mise en place des mesures adaptées décidées et de déterminer si ces dernières doivent être ajustées ou complétées.
Par ailleurs, il est rappelé que dans le cas particulier où la solution de maintien dans l'emploi passe par un reclassement à un poste de qualification moindre, le salarié bénéficie du maintien de sa rémunération (au prorata de son temps de travail) ainsi que de sa classification antérieure.
Enfin, l'accord s'inspire des dispositions de l'accord relatif à la GPEC groupe de décembre 2017 pour adapter favorablement l'aménagement des fins de carrière et la transition entre activité et retraite pour les salariés reconnus travailleurs handicapés :
– accès au dispositif 1. Temps partiel de fin de carrière
Ce dispositif peut intervenir sur une durée comprise entre 24 et 48 mois (contre 36 pour l'ensemble des salariés) précédant immédiatement le départ en retraite, sur demande exclusive du salarié reconnu travailleur handicapé et sous réserve de l'acceptation de l'entreprise. Les salariés autorisés à travailler à temps partiel dans ce cadre bénéficient, à titre dérogatoire, d'une majoration de 9 % de leur rémunération brute annuelle de base proratisée.
– accès au dispositif 2. Aménagement du temps de travail sous forme d'un congé de fin de carrière
Ce dispositif est établi pour une durée de 24 mois précédant impérativement le départ en retraite, à la demande exclusive du salarié reconnu travailleur handicapé et sous réserve de l'acceptation de l'entreprise. Les salariés optant pour cette mesure disposent d'une rémunération brute annuelle de base calculée sur la base de 60 % d'un temps complet. À titre dérogatoire, ils bénéficient d'une majoration de 9 % de leur rémunération annuelle de base proratisée.
Pour être éligible à ces mesures d'aménagement des fins de carrière, le salarié doit être en capacité de justifier du bénéfice du statut de travailleur handicapé sur une durée minimum de 5 ans au sein du groupe BPCE.
2.2.3. Aides individuelles visant le maintien de l'employabilité
Le maintien en emploi durable peut également passer par l'adoption par l'entreprise de mesures visant à maintenir l'employabilité de ses salariés en situation de handicap les aidant à faire face à des besoins de compensation de leur handicap dans un champ professionnel et personnel. Il s'agit ainsi d'aider les salariés en situation de handicap à prévenir ou compenser des désavantages qui pèsent sur eux, notamment dans le domaine de l'emploi.
Ces aides se distinguent des actions prises au titre des mesures appropriées visant l'aménagement des situations de travail (art. 2.2.2) par le fait :
– que leurs effets peuvent aider la personne à la fois dans sa sphère professionnelle mais aussi privée ;
– qu'elles constituent une action positive supplémentaire de la part de l'employeur ne répondant pas à une obligation légale ;
– qu'elles interviennent toujours en dernier lieu après la mobilisation de toutes les aides de droit commun mobilisables (sécurité sociale, mutuelle, Agefiph, MDPH au titre de la prestation de compensation du handicap [PCH]…).
Il s'agit des aides suivantes, dans la limite de montants indiqués en annexe :
– participation au passage d'un permis de conduire adapté ;
– aide à l'adaptation du véhicule ou à l'acquisition d'un véhicule justifiée par le handicap ;
– participation aux frais d'un déménagement imposé par une situation de handicap ;
– financement complémentaire d'appareillages destinés à la compensation du handicap et dont l'utilisation se prolonge en dehors des locaux de l'entreprise (ex. prothèse auditive).
Ces aides sont non soumises à l'assiette des cotisations sociales, sous réserve :
– qu'elles soient strictement accordées aux collaborateurs BOETH* ;
– que le lien entre l'aide consentie et le handicap soit établi (à ce titre, un écrit est demandé au médecin du travail ou à l'assistante sociale) ;
– que cette aide soit attribuée non pas de manière automatique mais après examen individualisé du dossier par une personne compétente en la matière (assistante sociale) ou une commission ad hoc (CME*).
2.3. Autres mesures possibles pour amplifier l'action
Les entreprises de la branche Banque populaire ont pu au cours des accords précédents mettre en place des mesures ou actions complémentaires. Dans un souci de partage et de démultiplication de ces bonnes pratiques, citons par exemple :
– la mise en place de chèques CESU visant à aider à un meilleur équilibre de vie ;
– la signature d'un accord de dons de jours dont les bénéfices peuvent être ouverts aux salariés dits aidants et aux salariés en situation de handicap ;
– la mise en place d'un réseau d'ambassadeurs en situation de handicap, point d'écoute et de relais supplémentaire offert aux salariés en difficulté de santé et souhaitant s'adresser à un réseau de pairs ;
– le développement de dispositifs d'immersion (d'une durée variable) permettant tout à la fois :
–– la découverte d'un nouveau métier (pour les dispositifs courts de type « vis ma vie ») ;
–– le deuil d'un ancien métier ne pouvant plus être exercé en raison du handicap ;
– le développement de compétences en vue de la construction et aboutissement d'un projet d'évolution professionnelle (pour les dispositifs plus longs).
(1) Rapport IGAS 2017 : « La prévention de la désinsertion professionnelle des salariés malades ou handicapés ».
(2) Guide du Défenseur des Droits « Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable ».
(3) LSF : langue des signes française.
(4) LPC : langage parlé complété.