1.1. Observations liminaires
Les partenaires sociaux signataires regrettent en premier lieu la faiblesse des statistiques nationales en la matière, et en particulier l'absence de toute indication, au sein des données Unédic, aussi bien de la branche professionnelle que des motifs de recours aux contrats à durée déterminée ou aux contrats de travail temporaire. La branche professionnelle est pourtant depuis plusieurs décennies un lieu essentiel de détermination de règles de droit du travail, et l'analyse des contrats courts ne peut être dissociée des motifs qui conduisent à leur conclusion – ne serait-ce qu'en distinguant les emplois ayant un titulaire momentanément indisponible des emplois pourvus de manière ponctuelle.
Au regard de cette limitation, une enquête spécifique a dû être réalisée auprès des entreprises de la branche, afin de disposer de données relatives au motif de recours aux contrats de moins de 1 mois. Le diagnostic réalisé résulte par conséquent du croisement :
– pour les données d'ensemble, des statistiques Unédic relatives aux CDD et à l'intérim pour les codes NAF à l'égard desquels la convention collective nationale couvre une très forte proportion des établissements, à savoir 47.11D (supermarché), 47.11F (hypermarché) et 46.39B (commerce de gros alimentaire non spécialisé), établissements employant ensemble 85 % des effectifs de la branche (dont plus de 80 % pour les hypermarchés et supermarchés). N'ont pu être étudiés les établissements relevant d'un code NAF significativement partagé entre différents champs conventionnels, tels que les entrepôts logistiques ou les supérettes ;
– pour l'analyse des cas de recours, de l'enquête menée par l'observatoire de branche préalablement à l'ouverture des discussions. Cette enquête a permis un examen détaillé des contrats à durée déterminée, mais non de l'intérim (non intégré par définition dans les systèmes de paie des entreprises).
1.2. Nombre et caractéristiques des contrats de moins de 1 mois : données globales de la branche
Les données Unédic relatives aux contrats de moins de 1 mois montrent pour la branche un indice de recours aux contrats de moins de 1 mois significativement inférieur à la moyenne des secteurs d'activité :
– 1,2 contrat de moins de 1 mois par an et par salarié par branche ;
– 1,7 tous secteurs d'activité confondus.
L'utilisation des contrats de moins de 1 mois tous secteurs confondus est donc de 40 % supérieure en moyenne à celle constatée au sein des supermarchés, hypermarchés et commerce de gros alimentaire non spécialisé.
Il est à relever que d'une manière générale, le commerce (tous types confondus) n'est pas fortement utilisateur des contrats de moins de 1 mois : alors que le commerce représente près de 20 % de l'emploi total au sein du secteur privé (17 % pour le seul commerce de détail), les données Unédic montrent qu'il ne représente que 10 % des contrats de moins de 1 mois.
Durée des contrats très courts
Les contrats de moins de 1 mois sont très significativement plus longs dans la branche qu'en moyenne nationale :
– tous secteurs confondus, les contrats de moins de 1 mois sont essentiellement des contrats de 1 jour (plus de 40 % des contrats) et de 2 jours (12 %), soit 52 % de contrats de 1 et 2 jours, et 60 % de contrats de 1 à 3 jours ;
– au sein de la branche, les contrats de 1 et 2 jours ne représentent que 10 % des contrats de moins de 1 mois (15 % pour les contrats de 1 à 3 jours). Les CDD courts de la branche sont le plus souvent d'environ 1 semaine (19 % des contrats de 6 jours, 9 % de contrats de 7 jours), puis de 2 semaines (15 % des contrats durent 12, 13 ou 14 jours).
Ces durées seront à mettre en rapport avec les motifs de recours.
Réembauche
Les statistiques Unédic portent également sur le nombre de « relations suivies » ou « réembauches » entre le titulaire du contrat court et l'entreprise ; au sens des données Unédic, une relation est dite suivie quand elle donne lieu à au moins 4 contrats dans l'année entre le même salarié et la même entreprise.
Tous secteurs confondus, les réembauches représentent le plus souvent 90 % des contrats de moins de 1 mois, et la moyenne ne descend pas en dessous de 70 %. Les réembauches dans la branche sont moins nombreuses. Elles représentent environ 50 à 60 % pour les contrats de plus de 3 semaines, autour de 50 à 70 % pour ceux de 2 à 3 semaines, entre 60 et 70 % pour ceux de 1 à 2 semaines, et autour de 70 à 80 % pour les contrats inférieurs à 1 semaine (lesquels ne représentent que 10 % des contrats courts).
Pour autant, malgré ce taux systématiquement plus faible que la moyenne nationale, l'Unédic attribue à la branche un indice de réembauches un peu supérieur à la moyenne nationale (3,8 contre 4,2). Ce paradoxe paraît résulter de l'indicateur retenu par l'Unédic pour le calcul de ce taux de réembauches, à savoir le nombre de relations suivies parmi les seuls CDD présent à l'effectif le 31 décembre, et non en moyenne annuelle. Or les fêtes de fin d'année se traduisent par une activité forte en décembre pour la branche, et donc un nombre de contrats courts plus élevé.
Au sein de la branche, la réembauche d'un même salarié dans le cadre de contrats inférieurs à 1 mois résulte principalement du fait qu'en cas de besoin de remplacement d'un salarié absent (ou plus marginalement à un surcroît d'activité, cf. infra la répartition par cas de recours), le magasin contacte en premier lieu les personnes ayant déjà effectué des remplacements en son sein, pour des raisons évidentes d'opérationnalité. Ces salariés se voient également prioritairement proposer les contrats conclus en renfort au moment des fêtes de fin d'année. Cette situation est moins marquée pour les CDD conclus en juillet et août, qui concernent plus des étudiants.
Part des CDD dans l'emploi
L'examen de la répartition du travail accompli dans le cadre de CDI et du travail accompli dans le cadre de contrats de moins de 1 mois, ou de la proportion de salariés en CDI au regard du nombre total de salariés (89 % de CDI), montre une stabilité dans le temps. Il n'est donc pas possible de conclure à un transfert d'une forme de contrat sur l'autre.
L'indicateur de la proportion des heures de travail réalisées dans le cadre de contrats courts par rapport à l'ensemble des heures de travail accomplies, paraît plus pertinent que celui de la proportion des contrats courts au sein des contrats signés. En effet, la proportion des CDD au sein des contrats signés ne dit rien en fait du recours aux CDD : à nombre de CDD identiques, leur proportion dans les contrats conclus varie mécaniquement en fonction de la variation du turn-over, qui conduit à conclure plus ou moins de CDI (en cas de hausse du turn-over, conclusion d'un nombre plus important de CDI et donc augmentation de la proportion de CDI dans les contrats conclus ; en cas de diminution du turn-over, diminution du nombre de CDI conclus et donc augmentation de la proportion de CDD parmi les contrats conclus).
1.3. Données relatives aux différents cas de recours
Remplacement de salariés absents : 81 % des CDD de moins de 1 mois
Le remplacement constitue le principal cas de recours aux CDD au sein de la branche, où il représente 81 % des contrats de moins de 1 mois. Cette situation s'explique en particulier par la conjonction de deux facteurs propres à l'ensemble des secteurs de main-d'œuvre :
– les secteurs de main-d'œuvre connaissent un absentéisme statistiquement plus élevé que la moyenne des secteurs d'activité. La branche comptant 85 % d'employés-ouvriers et 15 % de cadres et agents de maîtrise, elle ne se situe pas en dehors de cette tendance ;
– une nécessité plus fréquente de procéder au remplacement de salariés absents (y compris en congés payés), de nombreuses tâches ne pouvant être reportées au retour du salarié absent (opérations de mise en rayon, de vente assistée, d'encaissement) ni dans certains cas être totalement réparties sur les salariés présents (impossibilité de tenir deux caisses en même temps, difficultés pour les présents à subir des modifications d'horaires sans préavis pour faire face à des absences inopinées).
Le recours au CDD de remplacement doit être également replacé dans un contexte général de progression importante de l'absentéisme depuis le début des années 2000.
Cette prépondérance du remplacement au sein des CDD de la branche n'est pas propre aux CDD de moins de 1 mois : de nombreux CDD de remplacement portent sur des absences de plusieurs mois (notamment congé de maternité ou congé parental).
La prépondérance des remplacements explique également la répartition des CDD de moins de 1 mois par durées : les contrats de 1 ou 2 jours sont exceptionnels, et les contrats correspondant à une ou plusieurs semaines entières sont les plus fréquents, contrairement au constat général tous secteurs.
Surcroîts d'activité : 15 % des CDD de moins de 1 mois
La branche connaît notamment d'importants besoins saisonniers au sein des supermarchés et hypermarchés, en particulier au mois de décembre (compte tenu de l'importance des fêtes sur l'activité commerciale), ainsi que pour les magasins situés en zone touristique – notamment mer et montagne.
Il est à noter que ces besoins ne donnent pas forcément lieu à des CDD formellement qualifiés de « saisonniers », mais souvent à la conclusion de CDD pour surcroît d'activité, dont le CDD saisonnier est une variante. Cette situation s'explique par le fait que les particularités du contrat saisonnier (possibilité de conclusion sans terme précis et absence d'indemnité de fin de contrat) sont sans objet pour des CDD conclus avec des jeunes pendant leurs vacances scolaires ou universitaires, ce qui est fréquemment le cas des CDD conclus l'été. La souplesse du CDD saisonnier lié à la possibilité de ne pas en fixer le terme avec précision dès sa conclusion se heurte au fait qu'en tout état de cause la date de rentrée scolaire ou universitaire est pour sa part fixe. Du fait de ces particularités, de nombreux CDD saisonniers ne sont pas identifiés en tant que tels. Les CDD s'exécutant au mois de décembre, liés aux fêtes de fin d'année qui constituent un pic d'activité dans le commerce, sont également peu fréquemment qualifiés de « saisonniers ».
CDD d'usage constant : 0 %
Ce cas de recours ne concerne pas les entreprises de la branche.
Autres cas de recours : non significatif (4 %)
1.4. Éléments relatifs aux niveaux de qualification et aux trajectoires professionnelles
Plus de 80 % des salariés concernés ont un niveau de formation n'excédant pas le bac, taux conforme à la profession dans son ensemble.
Les partenaires sociaux soulignent par ailleurs que les emplois du commerce se prêtent particulièrement à l'embauche de jeunes pendant leurs vacances scolaires ou universitaires, permettant ainsi à des élèves ou étudiants d'acquérir des expériences professionnelles tout en se constituant un revenu. Cette situation n'apparaît pas dans les statistiques de Pôle emploi car sauf en cas d'abandon des études, les titulaires de ces contrats n'ont pas vocation à s'inscrire au chômage à l'issue de leur période d'emploi. Cette invisibilité dans les statistiques ne doit pas conduire, si des mesures étaient prises par les pouvoirs publics en matière de recours aux contrats courts, à renchérir ces emplois et dissuader les entreprises de les proposer alors qu'ils sont essentiels au fonctionnement de la société dans son ensemble.