Les parties signataires considèrent que les métiers portuaires restent pénibles, même si l'outil de travail portuaire a connu des progrès technologiques importants au cours des dernières décennies avec, notamment, la forte diminution de manutentions manuelles lourdes et malgré les actions mises en œuvre par les employeurs en concertation avec les salariés dans les instances paritaires de prévention (CHS, CPHS et CHSCT), dans le respect des normes de sécurité et de l'évolution constante de la réglementation.
Ce constat s'appuie sur l'identification de huit critères principaux répartis en trois familles de critères objectifs de pénibilité.
1. Familles de critères
Conditions et rythmes de travail spécifiques
Horaires contraignants
Les ports sont des lieux ouverts la plupart du temps 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (y compris les jours fériés) tout au long de l'année. L'affectation au jour le jour sur des plages horaires variables requiert une grande disponibilité de la part des salariés, d'autant que les horaires initialement prévus peuvent être parfois décalés (déshiftage, strict respect des « windows »…). Par ailleurs, la plupart des ports pratiquent le travail de nuit et le travail posté.
Enfin, d'une manière générale, le service aux navires exige une flexibilité importante qui s'est traduite notamment par la mise en place d'accords d'aménagement du temps de travail avec une forte amplitude, par la pratique courante des heures supplémentaires permettant d'assurer la finition de navires ainsi que par des pratiques dérogatoires sur le temps de repos entre deux périodes de travail (9 heures au lieu de 11 heures) et par l'incidence sur le repos hebdomadaire.
Les travaux liés à l'exploitation portuaire font l'objet d'une dérogation permanente au repos dominical.
Productivité
La qualité de service suppose une recherche constante d'efficacité et d'amélioration de la performance. La recherche du rendement est une donnée incontournable du travail d'exploitation, de maintenance et de manutention portuaire.
L'adaptation constante des salariés aux évolutions technologiques des outillages à mettre en œuvre participe aussi à l'amélioration de l'efficacité et de la performance.
Le contexte de mondialisation des échanges et du commerce maritime nécessite également de pouvoir faire face à tout moment à une logistique de trafics à flux tendus.
Polyvalence et mobilité au quotidien
D'un jour à l'autre, les affectations peuvent avoir lieu sur des quais ou sites différents, sur des trafics ou chantiers différents et également sur des métiers (ou fonctions) différents.
Environnement agressif
Il est différent selon les types de trafics, de navires ou d'environnements industrialo-portuaires. On peut y ajouter également les risques sanitaires à bord de certains navires « substandard » ou sous pavillon de complaisance. D'une manière générale on peut ainsi recenser :
Produits manipulés et atmosphère respirée
L'environnement agressif varie en fonction de la composition des produits manipulés ou de l'atmosphère ambiante dans laquelle le travail s'effectue.
La manipulation et l'exposition aux produits dangereux ou chimiques (hydrocarbures, solvants…) comporte des risques divers pour la santé susceptibles d'être graves comme dans le cas de l'amiante, même si des précautions appropriées ont déjà été mises en œuvre.
De même, pour le travail des pulvérulents ou des produits générant des poussières abrasives (bois, engrais, aliments du bétail, sucre, phosphates, charbon, minerais, ciment et ses dérivés…) ainsi que le travail en atmosphère confinée à proximité d'émanations de gaz d'échappement, toxiques et divers (travail en entrepont des navires rouliers, fumigations…).
Nuisances sonores (bruit)
Elles sont liées le plus souvent aux engins de manutention eux-mêmes ou aux outillages divers au cours de leur mise en œuvre. Elles peuvent être aggravées en travail en milieu fermé (à bord des navires, en atelier…).
Contraintes de température et conditions météorologiques
Il s'agit non seulement des contraintes climatiques avec le travail sous intempéries, mais également du travail au froid ou à la chaleur extrême.
Contraintes physiques
Gestes et postures
Traditionnellement, il y a les manipulations de charges lourdes de toutes sortes : sacherie, élingues, chaînes de saisissage, barres et ridoirs de saisissage de conteneurs en pontée, bois pour fardage, outillages et pièces mécaniques…
Les positions inconfortables ou fatigantes : en premier lieu, les vibrations subies dans la conduite des engins et outillages ; les gestes répétitifs ; les contraintes de hauteur occasionnant le vertige (gigantisme des navires, profondeur des cales, hauteur des pontées et des outillages) ; l'accès parfois difficile à certains postes de travail (pontées, cales, formes de radoub…).
Certaines opérations spécifiques exigent le port d'équipements de protection individuels lourds sur des durées longues et répétitives (plus de 2 heures).
Situations particulières d'attention
Elles sont principalement liées aux objectifs de résultat à obtenir dans un délai compté (escales courtes, finition de navires, gestion d'un flux complexe d'informations, dépannage des engins, réactivité dans les décisions, disponibilité), mais également à la dangerosité du milieu ou du travail à effectuer et à l'obligation d'une vigilance constante.
2. Actions de prévention
Face aux situations de pénibilité qui ont été recensées, des mesures de prévention ou de formation ont été mises en place dans les entreprises, notamment à partir des travaux menés dans les instances paritaires comme les CHS, CHSCT et les CPHS.
Organisation du travail et formation
La création de postes « légers » et le roulement des postes de travail ainsi que la mise en place de « relèves » participent à la réduction de la pénibilité. Par ailleurs, certaines formes de polyvalence permettent de passer dans un emploi moins pénible en réduisant le temps d'affectation aux postes les plus pénibles et en supprimant le caractère répétitif de certaines tâches.
Le développement de la formation, notamment à la sécurité, est de nature à limiter les risques, donc le stress, en renforçant la professionnalisation et la maîtrise des différentes situations. En permettant d'accéder à d'autres postes ou fonctions, elle participe aussi à la réduction de la pénibilité.
Environnement agressif
C'est le domaine dans lequel il est possible d'intervenir le plus significativement sur les conditions de travail et de réduire la pénibilité grâce au bon usage des équipements de protection individuels adaptés (EPI). Chaleur, froid, bruit, poussières, gaz peuvent ainsi être atténués dans leurs effets, sans pour autant disparaître complètement.
Le facteur « durée d'exposition » reste une variable prépondérante pour ce critère.
Contraintes physiques
La principale action préventive passe par la formation ad hoc aux gestes et postures pour réduire les efforts physiques. A noter aussi la recherche de solutions plus adaptées en matière d'ergonomie et de conception des matériels (conception des sièges, notamment) ; de même la sensibilisation à la sécurité et à l'environnement.
D'autres mesures visant à réduire la pénibilité de ces métiers devront être prises par la suite.
3. Effets de la pénibilité
Les parties signataires s'accordent à reconnaître que la pénibilité a des effets induits sur la maladie, les accidents du travail ou l'espérance de vie.
A cet égard, un certain nombre d'études ou de contributions à caractère scientifique, médical, social et professionnel ou provenant des instances paritaires de prévention appuyées par les conclusions des services de médecine du travail confirment le phénomène.
Ainsi, même si au fil du temps la pénibilité a évolué et parfois changé de nature, malgré les efforts faits dans les professions portuaires et les mesures prises, notamment par l'intermédiaire des CHS, des CHSCT et des CPHS en matière de prévention (EPI, postes de travail mieux aménagés …), de formation (notamment gestes et postures) et en dépit de la mécanisation et de l'automatisation croissante des opérations portuaires, les métiers portuaires demeurent confrontés à une part de pénibilité quasi irréductible, sur laquelle il reste très difficile d'agir et de trouver des solutions adaptées.