I.-Exposé des motifs
A plusieurs reprises, depuis quelques années, les partenaires sociaux de la profession, représentants des employeurs et représentants des syndicats, co-responsables de la gestion du dispositif professionnel de retraite prévu par la convention du 5 mars 1962, ont étudié les perspectives d'évolution du régime de retraite professionnel (RRP). Ce régime est, en effet, l'une des composantes de ce dispositif dont il constitue-au-delà des retraites de la sécurité sociale (1er niveau), de l'UNIRS-ARRCO et de l'AGIRC (2e niveau)-le 3e niveau, souvent appelé " Régime chapeau ", et fonctionnant en répartition.
On savait déjà qu'en raison de la composition par âge de la population des cotisants au RRP, un élément structurel, de caractère démographique, viendrait dégrader progressivement l'équilibre du régime : dans les années à venir, de plus en plus de retraités par rapport au nombre de cotisants.
Mais deux autres facteurs sont venus successivement confronter les partenaires sociaux à la nécessité d'un réexamen d'ensemble du dispositif professionnel.
Tout d'abord, l'accord interprofessionnel ARRCO du 10 février 1993 a majoré de 50 % le taux obligatoire de cotisations à l'UNIRS d'ici à 1999 et s'applique à la profession. D'où la démarche convenue entre employeurs (FFSA et GEMA) et syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT), en juillet 1993, pour faire étudier, par l'ARRCO, les conditions d'un transfert partiel du RRP à l'UNIRS Pour un niveau égal de cotisations, ce transfert permettrait d'alléger fortement les charges du RRP
Les conditions de ce transfert ont été fixées par la commission paritaire de l'ARRCO le 15 juin 1994. Ces conditions peuvent être considérées comme acceptables.L'opération permettrait non seulement d'alléger le RRP, mais aussi de donner, pour le futur, une sécurité plus grande aux retraites transférées, puisque l'ARRCO constitue un mécanisme de solidarité économique entre plusieurs millions de cotisants et de retraités contre moins de 150 000 cotisants et retraités dans le RRP
Si ce transfert est susceptible de résoudre positivement une partie des difficultés auxquelles le RRP est structurellement confronté, il n'apporte pas, en soi, de solution durable d'ensemble, du fait de son caractère partiel. Telle était, en tout cas, la thèse des employeurs qui estimaient nécessaire de résoudre l'ensemble du problème, à titre préventif, sans attendre d'être confrontés à des difficultés devenant, au fil du temps, très difficilement surmontables.
En second lieu, la nécessité d'une solution d'ensemble a été imposée par la loi du 8 août 1994. Cette loi oblige à constituer désormais, à partir du 11 août 1994, dans les régimes par répartition, soit d'entreprise, soit de branche (comme le RRP), des provisions financières. Celles-ci sont destinées à garantir, dans l'avenir, le versement des retraites, malgré les déséquilibres cotisants/ retraités auxquels sont particulièrement exposés ces régimes, du fait de leurs bases économiques et démographiques trop restreintes.
En ce qui concerne le RRP, l'obligation de provisionner, dès 1994, les engagements de retraite nés à partir du 11 août 1994 conduirait le régime à consommer, en quelques années, toutes ses réserves et à réduire inévitablement les retraites en cours de service, pour pouvoir continuer simultanément, conformément à la loi, à provisionner les droits nouveaux des cotisants.
La poursuite de l'attribution de droits nouveaux au-delà du 10 août 1994 génère, en effet, une charge de provisionnement estimée à 300 à 500 millions de francs par an (25 à 40 millions de francs par mois), très vite totalement incompatible, malgré les réserves du RRP, avec le maintien durable des retraites au niveau atteint. Selon les premières estimations des actuaires, les charges du régime (retraite en cours + charges de provisionnement) seraient égales, dès 1995, à environ le double des cotisations à recevoir et, dès les années 2000-2002, les réserves actuelles du régime (de l'ordre de 3 milliards de francs) seraient intégralement épuisées.
II.-Objectifs et solutions
Devant une situation aussi clairement prévisible pour les toutes prochaines années, une approche responsable des problèmes posés a conduit les organisations signataires du présent accord, après une longue négociation, à convenir des objectifs et solutions suivants :
1. " Sécuriser " les retraites RRP en cours et les droits de retraite RRP inscrits aux comptes de points des cotisants.
Cette sécurisation sera réalisée par deux opérations complémentaires :
La première consiste à transférer au régime de l'UNIRS environ la moitié des ressources et des charges annuelles du RRP, dans les conditions fixées, le 15 juin 1994, par la commission paritaire de l'ARRCO :
-taux contractuel des cotisations à l'UNIRS porté, à effet du 1er janvier 1994, de 4 % à 16 % sur la tranche A des salaires et de 4 % à 16 % sur la tranche B.
Ainsi le " plein " des cotisations sera réalisé, pour les salariés de la profession, dans les régimes Arrco comme c'est déjà le cas, de longue date, pour l'Agirc.
-majoration immédiate par l'UNIRS des droits UNIRS tant des retraités que des actifs dans la même proposition que l'augmentation des cotisations contractuelles, ceci allégeant d'autant le RRP.
-versement à l'ARRCO d'une participation de l'ordre de 400 millions de francs pour lui permettre de maintenir inchangé le niveau relatif de ses propres réserves.
La seconde consiste simultanément à :
-constituer, à la charge des entreprises adhérentes au RRP, les provisions mathématiques correspondant, tant pour les actifs que pour les retraités, aux droits de retraite acquis ou inscrits dans le RRP et non transférés à l'UNIRS par la première opération (RRP " résiduel ").
Ainsi, seraient garantis durablement tant le service des retraites en cours que le service futur des " droits " inscrits aux comptes des cotisants et ex-cotisants mais non encore liquidés.
En contrepartie de la prise en charge, par les entreprises, du complément de provisions nécessaires (montant total des provisions évalué à 14 milliards de francs), les employeurs ont demandé que la répartition actuelle des cotisations à l'UNIRS entre entreprises et salariés soit progressivement rapprochée de la norme en vigueur à l'UNIRS (60 % employeur, 40 % salarié).
Conscients de la priorité impérieuse à donner à la garantie durable des retraites acquises grâce à d'importantes provisions financières mises à la charge des entreprises, les syndicats signataires l'ont accepté, mais sur un programme progressif de 6 ans et avec une répartition identique à celle des cotisations Agirc (62,5 % entreprise/37,5 % salarié).
-mettre fin à l'attribution de droits nouveaux dans le RRP " résiduel " au-delà du 31 décembre 1995. Sinon, la charge de provisionnement de ces droits nouveaux, conformément à la loi du 8 août 1994, deviendrait très vite incompatible avec la poursuite du versement des retraites. Corollairement cesser de verser des cotisations au RRP résiduel au-delà du 31 décembre 1995.
Grâce à ces deux opérations de " sécurisation " :
-les retraités d'aujourd'hui ne devraient pas subir les conséquences graves pour leur retraite induites par les facteurs structurels et conjoncturels exposés plus haut ;
-les retraités de demain, ayant des " droits " inscrits dans le RRP en contrepartie des cotisations versées pour et par eux depuis la création du régime jusqu'au 31 décembre 1995, ne devraient pas en subir davantage.
Le présent accord prévoit, en effet, les conditions optimales de fonctionnement à l'avenir du système de " sécurisation " (gestion financière des provisions dans les conditions fixées par le code des assurances, surveillance de la gestion par les partenaires sociaux, revalorisation des retraites au minimum comme celles de l'UNIRS, calcul et versement des retraites dans le cadre de l'UCREPPSA, etc.).
Toutes les modalités pratiques en seront précisées par accord au cours de l'année 1995.
2. Transformer le dispositif professionnel pour permettre qu'à l'avenir tous les salariés concernés jusqu'ici par le RRP ou qui auraient pu y entrer, plus tard, continuent à se constituer un supplément de retraite, au-delà du 31 décembre 1995, en complément de la sécurité sociale, de l'UNIRS et, pour les cadres, de l'AGIRC.
La solution retenue consiste à créer, pour toutes les sociétés d'assurances et organismes de la profession, une obligation de cotiser pour la constitution d'une retraite en capitalisation, selon un mécanisme de fonds de pension qui prendra immédiatement la suite du RRP, dès le 1er janvier 1996.
Les modalités en seront définies par accord des partenaires sociaux courant 1995 sur la base d'un " cahier des charges " dont les objectifs et le cadrage sont d'ores et déjà inscrits dans le présent accord et destiné à se doter, pour l'avenir, de toutes les garanties inhérentes à la volonté d'en faire un dispositif durablement exemplaire.
Au total, les organisations signataires du présent accord, confrontées à des éléments de fait et de droit incontournables, ont fait le choix de s'adapter pour prévenir et d'innover pour construire.
Tel est l'objet de l'accord ci-après.