1. Cas de recours
La loi d'orientation du 6 janvier 1982 autorisant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des dispositions réglementant le recours au travail temporaire a précisé que celles-ci devaient avoir pour objet de faire en sorte qu'un emploi normalement permanent ne puisse être occupé de manière permanente par les salariés placés sous contrats temporaires.
L'expérience de 3 ans de fonctionnement des dispositions prises à cet effet montre qu'au-delà des cas de recours prévus par l'article L. 124-2, des besoins économiques incontestables devraient être pris en compte et pourraient l'être sans aller à l'encontre de l'esprit de la loi d'habilitation rappelée plus haut. Cela est rendu possible du fait que les salariés temporaires bénéficient maintenant de garanties sociales collectives que n'ont pas tous les salariés occupés dans d'autres formes particulières d'emploi.
En premier lieu, il s'agit de cas de recours prévus pour le contrat à durée déterminée, et qui pourraient s'appliquer au contrat de travail temporaire.
Il s'agit en l'espèce :
- du remplacement de salariés permanents absents même dans le cas où leur absence est prévue pour une durée supérieure à 6 mois (congés de formation, congés parentaux, service national, congés sabbatiques et congés création d'entreprise, etc.) ;
- des tâches occasionnelles précisément définies et non durables (ne faisant pas partie de l'activité normale de l'entreprise) (1) ;
- des emplois de caractère saisonnier et de ceux pour lesquels il est d'usage de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée.
Le recours à des salariés temporaires dans ces situations a un caractère subsidiaire par rapport aux usages professionnels tels que définis notamment par des dispositions conventionnelles de branche.
Il en est ainsi, par exemple, lorsque l'entreprise utilisatrice n'est pas parvenue à embaucher directement par tous moyens, y compris ceux du service public de l'emploi.
En second lieu, sont apparues à l'expérience des situations économiques qui devraient être plus clairement ou plus spécifiquement prises en compte par les textes.
Il s'agit en l'espèce de situations dont le comité d'entreprise a été normalement saisi, où, en raison d'un changement de techniques de production, ou de matériel, ou encore d'arrêts prévus d'activités, une modification de structure des effectifs de l'entreprise ou de l'établissement doit intervenir dans un délai de 18 mois (2).
Le recours au travail temporaire dans ces circonstances a pour objet, dans l'attente de ces modifications structurelles, de relayer des salariés ayant quitté définitivement leur poste de travail en raison des changements qui doivent intervenir, et qui ne peuvent être remplacés par des titulaires de contrat à durée indéterminée.
Dans ce cas, une demande d'autorisation préalable devra être adressée à la direction départementale du travail concernée (3).
2. Mise en œuvre du contrat de date à date
Le contrat de date à date a été retenu pour le salarié temporaire comme un moyen de connaître la durée prévisible de la mission et une garantie d'emploi pour la période considérée et comme une incitation pour l'entreprise utilisatrice à gérer au plus près son recours à des travailleurs extérieurs à l'entreprise.
Toutefois, en dépit des possibilités d'aménagement du terme du contrat prévues par l'article L. 124-2-3 du code du travail, il est apparu, notamment en cas de surcroît exceptionnel et temporaire d'activité, que la rigueur du texte pouvait déboucher sur des situations préjudiciables à l'entreprise en même temps qu'au salarié temporaire. En effet, son contrat vient à échéance sans possibilité de renouvellement, alors que les tâches qui lui sont confiées ne sont pas achevées et que l'intéressé souhaiterait lui-même achever ou poursuivre cette mission. Cette contrainte peut être en outre source de contournement de la loi ou de recours à des formes d'emplois non maîtrisées.
Afin d'éviter de telles situations, il est proposé de compléter ainsi la rédaction des articles L. 124-2-3 et L. 124-2-4 du code du travail :
Article L. 124-2-3
"Indépendamment des dispositions applicables au cas n° 1, le contrat de mission peut être renouvelé une fois pour une durée déterminée au plus égale à celle de la période initiale sans préjudice de la durée limite des missions de travail temporaire prévue à l'article L. 124-2-2.
Les conditions de ce renouvellement font l'objet d'un avenant au contrat, soumis à l'accord du salarié préalablement au terme initialement prévu.
Le terme de la mission prévu au contrat ou fixé par avenant dans le cas de contrats renouvelés peut être avancé ou reporté à raison de 1 jour pour 5 jours de travail. Cet aménagement du terme de la mission ne peut avoir pour effet, ni de réduire la durée prévue de plus de 10 jours de travail, ni de conduire à un dépassement de la durée maximale des missions de travail temporaire. Pour les missions inférieures à 10 jours de travail, le terme de la mission peut être avancé ou reporté de 2 jours."
Article L. 124-2-4
"Si les parties décident de se réserver la faculté d'aménager le terme de la mission, dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 124-2-2 ou au troisième alinéa de l'article L. 124-2-3, elles doivent le préciser expressément dans le contrat mentionné à l'article L. 124-3 ou dans l'avenant prévoyant son renouvellement."
3. Durée limite des missions de travail temporaire
L'article L. 124-2-2 du code du travail prévoit que, sauf dans le cas de remplacement, une mission de travail temporaire ne doit pas excéder 6 mois.
Les statistiques publiées par le ministère du travail font apparaître que, dans la très grande majorité des cas, la durée limite de 6 mois se révèle suffisante pour répondre aux besoins courants des entreprises. Ainsi, la durée moyenne des missions de travail temporaire est en 1984 de 2 semaines environ.
Cependant, dans un certain nombre de situations économiques exceptionnelles, cette mesure peut se révéler arbitraire et faire échec à des initiatives économiquement utiles à l'entreprise comme à l'économie générale.
Afin de permettre à l'entreprise de bénéficier de dérogations éventuelles pour faire face à de telles situations, il est proposé de compléter ainsi la rédaction de l'article L. 124-2-3 du code du travail :
" Il peut être dérogé à cette durée maximale, sous réserve d'une autorisation préalable de la direction départementale du travail et de l'emploi, dans la limite de 18 mois (4), lorsque l'entreprise utilisatrice est confrontée à une situation exceptionnelle, telle qu'elle implique le recours temporaire à des moyens en personnel, qualitativement ou quantitativement exorbitants de ceux qu'elle utilise ordinairement et dont le comité d'entreprise aura été saisi dans le cadre de ses attributions (5).
Il s'agit par exemple de commandes exceptionnelles, de détachements à l'étranger, de commandes à l'exportation.
Par ailleurs la durée du recours au travail temporaire pour une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, ne devra pas excéder 1 an. "
4. Dispositions diverses
4.1. Période d'essai
Compte tenu des dispositions proposées concernant la durée des missions, les parties signataires conviennent d'aménager la durée de la période d'essai, notamment pour les missions de longue durée.
A cette fin, les organisations signataires proposent d'amender ainsi l'article L. 124-4-1 :
" Le contrat de travail peut comporter une période d'essai dont la durée est fixée par voie de convention collective ou d'accord collectif national du travail temporaire. A défaut, cette durée ne peut excéder 2 jours si le contrat est conclu pour une durée inférieure ou égale à 1 mois, 3 jours si le contrat est conclu pour une durée comprise entre 1 et 2 mois, 5 jours au-delà ; la rémunération afférente à cette période ne peut être différente de celle qui est prévue par le contrat. "
4.2. Rupture anticipée
Afin de permettre à l'entreprise de travail temporaire, dans les cas de rupture anticipée de mission, de couvrir par du travail la période restant à courir du contrat rompu, en cas de longue mission, les parties signataires proposent de compléter l'article L. 124-5 comme suit :
" Lorsque la durée restant à courir du contrat rompu est supérieure à 4 semaines, les obligations visées à l'alinéa précédent peuvent être satisfaites au travers de 3 contrats successifs au plus, proposés par écrit et conclus dans les conditions ci-dessus. "
4.3. Accord préalable au déplacement lorsque l'établissement utilisateur
a fait l'objet d'un licenciement économique dans les 12 mois
Afin de limiter la procédure d'autorisation préalable aux cas où elle est effectivement justifiée, et sans porter préjudice aux possibilités de reclassement, les organisations signataires proposent de modifier la rédaction de l'article L. 124-2 (4°, a) comme suit :
" Un accord préalable de l'autorité administrative est nécessaire si un licenciement individuel ou collectif, fondé sur un motif économique, est intervenu dans l'établissement utilisateur au cours des 12 mois précédents, sur les catégories d'emploi concernées par le recours au travail temporaire. "
4.4. Mise en poste anticipée
Afin de permettre une mise au courant en cas de remplacement d'un salarié permanent, les parties signataires conviennent d'une possibilité de mise en poste anticipée par la création d'un article L. 124-2-5 ainsi rédigé :
" Dans le cas mentionné au 1° de l'article L. 124-2, le contrat peut prendre effet avant le départ du salarié permanent à remplacer, à raison de 2 jours ouvrables pour une mission inférieure à 2 semaines, de 1 jour pour 5 jours, au-delà, dans la limite de 6 jours ouvrables.
Cette limite maximum est portée à 2 semaines lorsque le remplacement concerne un emploi de cadre.
Ces dispositions font l'objet d'une mention spécifique dans le contrat de mise à disposition et de travail. "
4.5. Succession de missions de travail temporaire et de contrats à durée déterminée
Les parties signataires sont convenues, sur ce point, qu'une harmonisation des conditions de succession de l'une et l'autre forme de contrat soit effectuée dans l'esprit et conformément au contenu des dispositions précisées dans le préambule (II, A).
(1) Les parties signataires se rapportent pour la définition des tâches occasionnelles à la circulaire du 23 février 1982 relative au contrat à durée déterminée, notamment en ce qui concerne l'interprétation qu'elle en donne concernant les entreprises du bâtiment. (2) Dans l'hypothèse ici prévue la durée devra être le cas échéant harmonisée avec celle qui pourrait être fixée par le législateur en matière de contrat déterminé. (3) La demande émanant de l'entreprise utilisatrice devra comporter les justificatifs de la situation visée pour ce cas de recours. A défaut de réponse dans les 15 jours suivant l'envoi de la demande, l'autorisation, valable globalement pour les emplois relevant de cette situation, serait réputée acquise. (4) Cette limite serait allongée dans le cas où la durée maximale prévue pour le contrat à durée déterminée dans des situations comparables serait elle-même prolongée. (5) La demande émanant de l'entreprise utilisatrice sera formée auprès de la direction départementale du travail et de l'emploi du siège de l'entreprise utilisatrice ou de l'établissement concernés et comportera les justifications à l'appui de sa demande. A défaut de réponse dans les 15 jours suivant l'envoi de la demande, l'autorisation sera réputée acquise.