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Article AUTONOME (Décret n° 2025-754 du 30 juillet 2025 portant publication du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le Royaume d'Espagne, signé à Barcelone le 19 janvier 2023 (1))

Article AUTONOME (Décret n° 2025-754 du 30 juillet 2025 portant publication du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le Royaume d'Espagne, signé à Barcelone le 19 janvier 2023 (1))


TRAITÉ
SUR LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA DÉFENSE ENTRE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE ROYAUME D'ESPAGNE, SIGNÉ A BARCELONE LE 19 JANVIER 2023


La République française et le Royaume d'Espagne, ci-après dénommés conjointement les « Parties » et respectivement la « Partie française » et la « Partie espagnole » ;
Respectant les principes et objectifs de la Charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945, notamment l'égalité souveraine entre les Etats, l'intégrité territoriale et la non-intervention dans les affaires internes ;
Engagés conjointement par le Traité de l'Atlantique Nord, signé à Washington le 4 avril 1949, ainsi que par la convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces signée à Londres le 19 juin 1951, ci-après dénommée le « SOFA OTAN » ;
Vu l'accord général de sécurité entre la République française et le Royaume d'Espagne concernant l'échange et la protection des informations classifiées, signé à Madrid le 21 juillet 2006, ci-après dénommé l'« Accord général de sécurité » ;
Considérant la convention entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, signée à Madrid le 10 octobre 1995, ci-après dénommée la « Convention fiscale » ;
Compte tenu de leurs intérêts communs, de leur appartenance à un même ensemble politique, géographique et culturel et de leur relation ancienne, étroite et durable, fondée sur des valeurs communes et sur les principes de liberté, de démocratie, de droits de l'Homme, ainsi que sur le respect du droit international ;
Partageant leur analyse des menaces qui pèsent sur leurs intérêts nationaux et communs ;
Convaincus qu'une coopération renforcée entre les deux Etats, unis historiquement par leur amitié et leur intégration dans les mêmes espaces communs de sécurité et de défense, contribue à la stabilité, à la paix et à la sécurité internationales, ainsi qu'à l'affirmation de l'autonomie stratégique de l'Union européenne ;
Conscients du besoin exprimé dans la Déclaration finale du XXVIe sommet bilatéral de Montauban du 15 mars 2021 d'actualiser le cadre juridique de leurs relations bilatérales dans le domaine de la défense et de la sécurité établi par l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne, signé à Paris le 7 octobre 1983 ;
Sont convenus de ce qui suit :


Article 1er


Les Parties conviennent dans le cadre du présent Traité d'approfondir leur coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité et de définir les principes selon lesquels cette coopération est mise en œuvre.


Article 2


Au sens du présent Traité, les définitions suivantes s'appliquent :


- « Aéronef d'État » : un aéronef au sens de l'article 3 de la convention relative à l'aviation civile internationale, adoptée à Chicago le 7 décembre 1944 ;
- « Forces armées » : les unités et formations de l'armée de terre, de l'armée de l'air, de la marine et de tout autre corps militaire, ainsi que les services de soutien et les organismes interarmées relevant de l'une ou l'autre des Parties ;
- « Membre du personnel » : le personnel appartenant aux forces armées de l'une ou l'autre des Parties, ainsi que le personnel civil de l'une ou l'autre des Parties, employé par les ministères compétents dans le domaine de la défense et de la sécurité, participant à une coopération dans le cadre du présent Traité ;
- « Navire d'État » : un navire au sens de l'article 96 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982 ;
- « Partie d'accueil » : la Partie sur le territoire de laquelle est présent le membre du personnel de l'autre Partie dans le cadre du présent Traité ;
- « Partie d'origine » : la Partie dont relève le membre du personnel lorsqu'il est présent sur le territoire de l'autre Partie dans le cadre du présent Traité ;
- « Personne à charge » : le conjoint, la personne vivant maritalement avec le membre du personnel et les enfants à charge du membre du personnel, conformément à la législation de la Partie d'origine. Cette expression n'inclut pas les membres du personnel, ni les ressortissants de la Partie d'accueil, ni les personnes qui y ont leur résidence habituelle.


Article 3


1. Les Parties se consultent régulièrement, à tous les niveaux, sur tous les sujets de défense et de sécurité d'intérêt commun, dans le but, lorsque cela est possible, d'établir des positions communes, notamment au sein des organisations internationales et régionales, et d'agir conjointement.
2. Par ces positions et actions communes, les Parties s'efforcent, dans un esprit de solidarité, de défendre leurs intérêts, de maintenir la paix et la sécurité, de préserver le multilatéralisme dans le respect des principes et objectifs de la Charte des Nations unies et de renforcer l'Union européenne en matière de défense, en étroite complémentarité avec l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.


Article 4


La coopération couvre les domaines suivants :


1. Domaines stratégique et opérationnel :
a) veille stratégique sur les zones et thématiques d'intérêt commun ;
b) opérations communes dans le domaine de la prévention des conflits et de la gestion des crises ;
c) activités, missions et opérations de la politique de sécurité et de défense commune européenne ;
d) sécurité maritime ;
e) planification des capacités et de l'emploi des forces armées, préparation des forces armées, interopérabilité et exercices militaires conjoints ;
f) coordination et harmonisation des aspects militaires de la gestion des espaces aériens nationaux et européen, des survols et atterrissages et des opérations de recherche et sauvetage ;
g) escales navales ;
h) renseignement, lutte contre le terrorisme, cyberdéfense, menaces hybrides, spatial ; et
i) télécommunications militaires.


2. Domaine capacitaire :
a) identification des besoins communs à moyen et long termes ;
b) coopérations industrielle et technologique dans le domaine de la défense ;
c) projets et programmes communs dans le domaine capacitaire ;
d) coordination des positions et élaboration de propositions conjointes dans le cadre des initiatives européennes de défense en matière capacitaire ;
e) évaluation des possibilités de partage de capacités ;
f) expérimentation et homologation de nouveaux systèmes pour faciliter leur admission au service, leur interopérabilité et leur soutien commun.


3. Autres domaines :
a) énergie et changement climatique ;
b) capacités en matière de médecine militaire et de lutte contre les crises sanitaires ;
c) rôle des femmes au sein des forces armées ainsi que dans le règlement des conflits ;
d) activités géographiques, cartographiques, hydrographiques, océanographiques et météorologiques ; et
e) activités culturelles, historiques et sportives.


4. Tout autre domaine de coopération décidé d'un commun accord entre les Parties.


Article 5


1) La coopération entre les Parties prend notamment les formes suivantes :
a) échanges, stages et formations dans les écoles et centres d'enseignement dans les domaines de la sécurité et de la défense ;
b) échanges d'officiers de liaison et d'officiers d'échange ;
c) visites officielles d'autorités ;
d) entraînements et exercices communs ;
e) consultations, conférences, séminaires et autres rencontres sur des thèmes d'intérêt commun ;
f) échanges d'informations et de renseignements dans le domaine militaire ;
g) toute autre forme de coopération décidée d'un commun accord entre les Parties.
2) Les modalités de la coopération peuvent faire l'objet d'accords ou d'arrangements spécifiques.


Article 6


1. Le conseil franco-espagnol de défense et de sécurité (CFEDS) auquel participent les ministres en charge des Affaires étrangères et de la Défense des deux Parties se réunit tous les ans afin d'examiner conjointement les enjeux de politique étrangère et les progrès de la politique de sécurité et de défense, tant au niveau bilatéral qu'européen et international.
2. En complément, les ministres en charge de la Défense des Parties se consultent régulièrement et travaillent à des positions communes et au renforcement de leur coopération sur tout sujet d'intérêt commun.
3. Un dialogue stratégique a lieu chaque année entre la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère de la Défense pour la Partie française et la direction générale de la politique de défense (Dirección General de Politica de Defensa, DIGENPOL) du ministère de la Défense pour la Partie espagnole.
4. Des rencontres régulières ont lieu au niveau des états-majors interarmées, ainsi que de chaque armée ; elles donnent lieu à l'élaboration de plans de coopération bilatéraux.
5. Un comité d'armement est chargé de suivre la mise en œuvre des stipulations du présent Traité dans le domaine de l'armement. Ce comité est co-présidé par un représentant de la direction générale de l'armement (DGA) du ministère de la Défense, pour la Partie française, et un représentant de la direction générale de l'armement et du matériel (Dirección General de Armamento y Material, DiGAM) du ministère de la Défense, pour la Partie espagnole. Il se réunit sur demande de l'une des Parties et au moins une fois par an.


Article 7


Les membres du personnel militaire de la Partie d'origine revêtent l'uniforme et les insignes militaires conformément aux stipulations de l'article V du SOFA OTAN.


Article 8


1. Dans le cadre du présent Traité, les membres du personnel militaire de la Partie d'origine sont autorisés à porter et utiliser leurs armes et leurs munitions sur le territoire de la Partie d'accueil ou à bord de l'un de ses aéronefs d'Etat ou navires d'Etat, conformément à la législation de la Partie d'accueil et aux prescriptions des autorités compétentes de cette Partie.
2. Le transport, la garde et l'utilisation des armes et munitions s'effectuent dans les conditions prévues par la législation de la Partie d'accueil et les règlements applicables aux installations où elles sont stockées ou utilisées.


Article 9


1. La Partie d'origine s'assure que les membres du personnel répondent aux exigences d'aptitudes médicale, dentaire et physique requises avant leur arrivée sur le territoire de la Partie d'accueil.
2. Les membres du personnel de la Partie d'origine et les personnes à leur charge ont accès gratuitement aux services de santé militaires sur le territoire de la Partie d'accueil dans les mêmes conditions que les membres du personnel de la Partie d'accueil.
3. Les membres du personnel de la Partie d'origine et les personnes à leur charge ont accès aux services de santé civils sur le territoire de la Partie d'accueil dans les mêmes conditions que les membres du personnel de la Partie d'accueil. Toute prestation médicale dans un service de santé civil, de même que les rapatriements sanitaires, est à la charge de la Partie d'origine.
4. Dans le cadre de la coopération, les professionnels de santé appartenant aux membres du personnel militaire de la Partie d'origine sont autorisés à réaliser les actes pour lesquels ils sont habilités dans l'Etat de la Partie d'origine, ainsi qu'à utiliser les médicaments, dispositifs médicaux et autres produits de santé de la Partie d'origine, à l'égard des membres du personnel de la Partie d'origine et de leurs personnes à charge, ainsi qu'à l'égard des membres du personnel de la Partie d'accueil.


Article 10


1. En cas de décès d'un membre du personnel ou d'une personne à charge de la Partie d'origine sur le territoire ou à bord d'un aéronef d'Etat ou d'un navire d'Etat de la Partie d'accueil, un médecin habilité enregistre le décès et dresse le certificat de décès, conformément à la législation en vigueur de la Partie d'accueil.
2. Les autorités compétentes de la Partie d'accueil adressent dans les meilleurs délais aux autorités de la Partie d'origine une copie certifiée conforme du certificat de décès.
3. Lorsque l'autorité compétente de la Partie d'accueil ordonne l'autopsie du défunt, celle-ci est effectuée par un médecin désigné par l'autorité compétente de la Partie d'accueil. L'autorité compétente de la Partie d'origine ou un médecin désigné par elle peut assister à l'autopsie lorsque la législation de la Partie d'accueil le permet.
4. Les autorités compétentes de la Partie d'origine disposent du corps dès que l'autorisation leur en a été notifiée par les autorités compétentes de la Partie d'accueil. Le transport du corps est effectué conformément aux accords internationaux en vigueur, ainsi qu'à la législation de la Partie d'accueil. La Partie d'origine prend en charge le transport du corps du territoire de la Partie d'accueil vers celui de la Partie d'origine.


Article 11


Les forces armées de la Partie d'origine bénéficient sur le territoire de la Partie d'accueil des services de courrier, de télécommunications et de transport dans les mêmes conditions que les forces armées de la Partie d'accueil et conformément à sa législation.


Article 12


1. Les membres du personnel sont exonérés par la Partie d'accueil du paiement de tout impôt lié aux biens mobiliers à usage personnel dont ils sont propriétaires et qui sont en lien direct avec leur présence temporaire sur le territoire de la Partie d'accueil en vertu du présent Traité.
2. Pour l'application des impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que des droits de succession et de donation, les membres du personnel de la Partie d'origine qui, à seule fin d'exercer leurs fonctions, établissent leur résidence sur le territoire de la Partie d'accueil sont considérés, aux fins de l'application de la Convention fiscale, comme conservant leur résidence fiscale dans la Partie d'origine qui leur verse leurs soldes, traitements et autres rémunérations similaires. Cette stipulation s'applique également aux personnes à charge sous réserve qu'elles n'exercent pas d'activité professionnelle propre.
3. Les soldes, traitements et autres rémunérations similaires, autres que les pensions, payés par la Partie d'origine aux membres du personnel en cette qualité ne sont imposables que dans cet Etat.
4. Les exonérations prévues aux points 1 à 3 du présent article ne sont pas applicables aux membres du personnel lorsque ceux-ci ont la nationalité ou sont résidents de la Partie d'accueil conformément à la législation fiscale de cet Etat et aux accords internationaux applicables aux fins d'éviter la double imposition.


Article 13


1. La Partie d'origine exerce une compétence exclusive sur les membres de son personnel en matière disciplinaire. En cas de manquement à la discipline, elle informe les autorités compétentes de la Partie d'accueil de la nature des sanctions éventuelles avant leur exécution.
2. La Partie d'accueil peut demander qu'un membre du personnel de la Partie d'origine quitte son territoire à la suite d'un comportement contraire aux règlements en vigueur dans ses propres forces armées. Cette décision est communiquée à la Partie d'origine en vue des préparatifs nécessaires à la mise en œuvre de la décision de la Partie d'accueil.


Article 14


En cas d'infractions commises par les membres du personnel de la Partie d'origine sur le territoire de la Partie d'accueil dans le cadre du présent Traité, les stipulations de l'article VII du SOFA OTAN s'appliquent.


Article 15


En cas de dommages causés par les membres du personnel de la Partie d'origine sur le territoire de la Partie d'accueil dans le cadre du présent Traité, les stipulations de l'article VIII du SOFA OTAN s'appliquent.


Article 16


1. Chaque Partie prend en charge les frais relatifs à la participation des membres de son personnel aux activités accomplies dans le cadre du présent Traité.
2. Le financement des activités accomplies dans le cadre du présent Traité peut faire l'objet d'accords, d'arrangements ou, de tout autre instrument approprié.


Article 17


La protection des informations classifiées échangées entre les Parties, leurs représentants ou d'autres entités dans le cadre du présent Traité est régie par l'accord général de sécurité.


Article 18


Tout différend lié à l'interprétation ou à la mise en œuvre du présent Traité est réglé par voie de consultations ou de négociations entre les Parties.


Article 19


1. Chaque Partie notifie à l'autre Partie l'accomplissement des procédures internes requises pour l'entrée en vigueur du présent Traité, qui prend effet le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification.
2. Le présent Traité est conclu pour une durée indéterminée.
3. L'une ou l'autre des Parties peut dénoncer à tout moment le présent Traité par notification écrite, transmise par voie diplomatique. Cette dénonciation prend effet quatre-vingt-dix jours après la date de réception de la notification par l'autre Partie.
4. La fin du présent Traité n'affecte pas les droits et obligations des Parties résultant de son exécution, préalablement à sa dénonciation.
5. Le présent Traité peut être amendé à tout moment d'un commun accord écrit entre les Parties.
6. Les amendements entrent en vigueur dans les conditions prévues au point 1 du présent article.
7. A la date de son entrée en vigueur, le présent Traité met fin à l'accord de coopération dans le domaine de la défense conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne, signé à Paris le 7 octobre 1983.


En foi de quoi, les représentants des deux Parties, dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent Traité et y ont apposé leur sceau.
Fait à Barcelone, le 19 janvier 2023 en double exemplaire en langues française et espagnole, les deux textes faisant également foi.


Pour la République française :
Sébastien Lecornu,
Ministre des Armées de la République française


Pour le Royaume d' Espagne :
Maria Margarita Robles Fernandez,
Ministre de la Défense du Royaume d'Espagne