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Article AUTONOME (Décision n° 2025-0928 du 15 mai 2025 modifiant la décision n° 2023-2802 d'analyse du marché 1 et rendant opposable l'engagement d'Orange sur les tarifs des accès à la boucle locale de cuivre en dégroupage total soumis à une obligation tarifaire de non-excessivité pour les années 2026 à 2028)

Article AUTONOME (Décision n° 2025-0928 du 15 mai 2025 modifiant la décision n° 2023-2802 d'analyse du marché 1 et rendant opposable l'engagement d'Orange sur les tarifs des accès à la boucle locale de cuivre en dégroupage total soumis à une obligation tarifaire de non-excessivité pour les années 2026 à 2028)


Après en avoir délibéré le 15 mai 2025,
Pour les motifs suivants :


1. Cadre juridique


En application des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, l'ARCEP analyse l'état et l'évolution prévisible de la concurrence sur les marchés du secteur des communications électroniques pertinents et établit la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur chacun de ces marchés.
Elle peut imposer à ces opérateurs, conformément aux articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE, des obligations spécifiques proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du même code.
Dans ce cadre, l'Autorité a adopté le 14 décembre 2023 la décision n° 2023-2802 portant sur la définition du marché pertinent de fourniture en gros d'accès local en position déterminée (marché 1), sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur à ce titre.
Cette décision n° 2023-2802 désigne Orange comme opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et prévoit des obligations de contrôle tarifaire des accès à la boucle locale de cuivre d'Orange dans les zones où le niveau de concurrence le nécessite. Elle prévoit ainsi une répartition des accès en 3 catégories :


- les accès qui demeurent soumis à une obligation tarifaire d'orientation vers les coûts. En effet, selon l'article 44 de la décision précitée, « Orange offre les prestations relatives aux offres de gros d'accès à la boucle locale de cuivre et à la sous-boucle de cuivre, ainsi que les ressources et services associés, à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes et objectifs d'efficacité, de non-discrimination et de concurrence effective et loyale. Le tarif d'un accès partagé correspond aux coûts incrémentaux de l'accès partagé, c'est-à-dire à ses coûts spécifiques. Les modalités de mise en œuvre de cette obligation seront précisées par une décision complémentaire. Cette décision pourra être modifiée en tant que de besoin. » ;
- les accès soumis à une obligation tarifaire de non-excessivité, définis par l'article 45 de la décision précitée comme ceux pour lesquels « [p]ar exception à l'Article 44, Orange est soumis à une obligation de pratiquer des tarifs non excessifs pour les accès situés dans les communes dont au moins 95 % des locaux sont raccordables à l'infrastructure FttH depuis plus de 9 mois selon l'observatoire des abonnements et déploiements du haut et très haut débit de l'Autorité » ; et
- les accès pour lesquels l'obligation de contrôle tarifaire est levée, définis par l'article 46 de la décision précitée, comme ceux « situés dans une commune fermée commercialement depuis 6 mois et pour laquelle une fermeture technique par zone a été annoncée par Orange dans moins de deux ans ».


En application du I de l'article L. 38-1-1 du CPCE, l'Autorité « peut accepter les engagements souscrits auprès d'elle par les opérateurs, réputés exercer une influence significative sur un ou plusieurs marchés pertinents en application de l'article L. 37-1 relatifs au co-investissement ou aux conditions d'accès à leurs réseaux lorsqu'elle établit que ces engagements sont de nature à contribuer à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 et notamment au développement d'une concurrence effective dans le secteur des communications électroniques ».
Le II de ce même article dispose que « [l]a proposition d'engagements des opérateurs est suffisamment détaillée, notamment en ce qui concerne le calendrier et la portée de leur mise en œuvre, ainsi que leur durée, pour permettre à l'Autorité […] de procéder à son évaluation. / A cette fin, l'Autorité […] soumet les engagements proposés à consultation publique dans les conditions prévues au V de l'article L. 32-1, sauf lorsque ces engagements ne sont manifestement pas de nature à contribuer à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 et notamment au développement d'une concurrence effective dans le secteur des communications électroniques ».
Le III de ce même article prévoit qu'à la suite de cette évaluation, l'ARCEP « peut décider de rendre contraignant tout ou partie de ces engagements, pour une période donnée qui ne peut dépasser la durée proposée par l'opérateur ».
En application du IV de ce même article, elle « évalue les conséquences de cette décision sur l'évolution du marché et le caractère approprié de toute obligation qu'elle impose au titre des articles L. 38 et L. 38-2 ou qu'elle aurait, en l'absence de ces engagements, envisagé d'imposer ».
Enfin, l'article D. 316 du CPCE prévoit notamment que « [l]e cas échéant, l'opérateur peut réviser son offre initiale pour tenir compte des conclusions préliminaires de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et en vue de satisfaire aux critères énoncés à l'article L. 38-1-1 et aux articles L. 38, L. 38-2-1 et L. 38-2-2, selon le cas ».


2. Procédure d'engagement d'Orange pour les accès soumis à une obligation tarifaire de non-excessivité


Pour les années 2024 et 2025, Orange a formulé, en 2023, dans le cadre de la procédure d'engagement prévue à l'article L. 38-1-1 du CPCE une proposition d'engagement visant à respecter un plafond tarifaire pour les accès à la boucle locale de cuivre soumis à une obligation tarifaire de non-excessivité. Cet engagement a été soumis à consultation publique du 29 juin au 18 septembre 2023. Par l'article 49 de la décision n° 2023-2802, l'ARCEP a accepté l'engagement pris par Orange et l'a rendu opposable.
La société Orange a proposé à l'Autorité, par courrier en date du 21 janvier 2025, un nouvel engagement pour les accès soumis à une obligation de non-excessivité prévoyant un plafond tarifaire égal en euros courants à celui de 2025. Dans sa proposition d'engagement, Orange précise que celui-ci « porte sur la période allant du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2028, et […] entrera[it] en vigueur à la suite d'une décision de l'ARCEP le rendant contraignant ». Cette proposition d'engagement a été mise en consultation publique du 4 février au 7 mars 2025.
L'ARCEP a fait part à Orange par courrier en date du 20 mars 2025 des trois contributions à cette consultation publique et des conclusions préliminaires de son analyse au regard notamment des retours des différents acteurs et lui a demandé de communiquer des précisions sur sa proposition d'engagement et d'indiquer s'il la maintenait.
A la suite de cette demande, Orange a indiqué à l'Autorité maintenir sa proposition d'engagement, qui figure en Annexe de la présente décision, et a notamment précisé que les modalités de recouvrement de l'IFER pour les accès soumis à l'obligation de non-excessivité seraient les mêmes que celles applicables aux accès soumis à l'obligation d'orientation vers les coûts, telles que fixées dans la décision n° 2023-2821.


3. Analyse de l'Autorité


Au préalable, il convient de rappeler que l'obligation de non-excessivité s'appliquera dans les communes dont au moins 95 % des locaux sont raccordables au réseau FttH depuis un délai précisé dans la partie 4.4.3 d de la décision n° 2023-2802. Dans ces communes, les opérateurs commerciaux sont en capacité de proposer une offre très haut débit sur fibre pour la plupart des locaux.
La proposition d'engagement tarifaire d'Orange, qui présente des plafonds tarifaires pour les années 2026 à 2028, permet de répondre aux besoins de prévisibilité pour les acteurs et de stabilité du niveau tarifaire du dégroupage.
Afin d'apprécier le niveau des plafonds tarifaires proposés par Orange (10,70 €/paire/mois hors IFER) dans le contexte décrit dans la décision n° 2023-2802, notamment de forte présence de l'infrastructure fibre dans les zones soumises à l'obligation de non-excessivité, l'Autorité considère pertinent de tenir compte des éléments d'appréciation suivants.
Tout d'abord, la fourchette de tarifs correspondant aux coûts estimés par la modélisation ascendante d'un réseau de boucle locale optique mutualisée (modèle BLOM) est de 7,17 à 10,23 €/paire/mois hors IFER pour la période 2026-2028. Les plafonds tarifaires proposés par Orange sont proches de la borne haute du modèle BLOM (1).
Par ailleurs, la fourchette du tarif du dégroupage figurant dans la recommandation du 11 septembre 2013 « non-discrimination et méthodes de coûts » susvisée, indexée de l'inflation, et reprise dans le projet de décision n° 2025-0668 fixant un encadrement tarifaire pour les années 2026 à 2028 des accès à la boucle locale cuivre soumis à l'obligation d'orientation vers les coûts notifié à la Commission européenne le 27 février 2025, est de 10,65 à 13,32 €/paire/mois pour 2026, de 10,85 à 13,57 €/paire/mois pour 2027 et de 11,06 à 13,83 €/paire/mois pour 2028. Les plafonds tarifaires proposés par Orange sont proches voire en deçà du bas de ces fourchettes.
Enfin, compte tenu du contexte de migration des accès cuivre vers la fibre dans lequel s'inscrit le cycle d'analyse 2024-2028 et du fait que les tarifs s'appliqueraient dans des communes où les opérateurs dégroupeurs peuvent proposer des offres de détail sur le réseau fibre pour la plupart des locaux, un élément d'appréciation correspond aux tarifs de gros d'accès à la boucle locale optique, tels qu'observés par l'ARCEP. A cet égard, il apparaît que les plafonds tarifaires proposés par Orange sont inférieurs à ces tarifs.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, les plafonds tarifaires proposés par Orange n'apparaissent pas excessifs et permettent à la concurrence de s'exercer sur le marché de détail.
Ainsi, il ressort de l'analyse de l'Autorité, compte tenu de ce qui précède, que rendre opposable l'engagement d'Orange sur ces plafonds tarifaires est de nature à fournir plus de visibilité sur les tarifs d'Orange pour les accès soumis à l'obligation de non-excessivité. En conséquence, l'engagement d'Orange est de nature à contribuer à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE et en particulier les objectifs suivants :


- 3° du II : le développement de l'investissement, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
- 1° du III : une concurrence effective et loyale ;
- 2° du III : l'égalité des conditions de la concurrence ;
- 3° du IV : l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;
- 4° du IV : la promotion, lorsque cela est approprié, d'une concurrence fondée sur les infrastructures.


4. Conclusion


L'analyse de l'Autorité l'amène à conclure que l'engagement d'Orange pour 2026 à 2028, figurant en Annexe de la présente décision, répond aux différents objectifs identifiés dans le cadre de son analyse et est de nature à contribuer à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE et notamment au développement d'une concurrence effective et loyale dans le secteur des communications électroniques au bénéfice des utilisateurs finals. En conséquence, au regard des contributions à la consultation publique et des éléments qui précèdent, l'Autorité considère qu'il est justifié et proportionné de rendre contraignant l'engagement proposé sur le fondement de l'article L. 38-1-1 du CPCE par Orange.
L'Autorité rappelle que cet engagement est rendu opposable à Orange et qu'elle pourra en contrôler le respect, en demandant notamment à ce dernier tout élément d'information utile.


5. Observations de la Commission européenne


En application de l'article 32 de la directive (UE) 2018/1972 susvisée, l'ARCEP a notifié à la Commission européenne, à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et aux autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, le 1er avril 2025, le projet de décision de l'Autorité modifiant la décision n° 2023-2802 d'analyse du marché 1 et rendant opposable l'engagement d'Orange sur les tarifs des accès à la boucle locale de cuivre en dégroupage total soumis à une obligation tarifaire de non-excessivité pour les années 2026 à 2028.
En date du 30 avril 2025, la Commission européenne a indiqué qu'elle « n'[avait] pas d'observation à formuler » et qu'« [e]n application de l'article 32, paragraphe 9, du code, l'ARCEP [pouvait] adopter le projet de mesure […] »
Décide :