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Article AUTONOME (Avis n° 25-A-06 du 16 avril 2025 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)

Article AUTONOME (Avis n° 25-A-06 du 16 avril 2025 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)


Source : Ordre des avocats aux Conseils, traitement par l'Autorité de la concurrence


Une modulation des honoraires compensant les fluctuations de l'activité juridictionnelle :
90. Au titre de la période 2019-2023, la rémunération moyenne par dossier s'élève à 3 015 euros (soit une somme similaire à celle constatée pour la période 2017-2021) (75). Au cours de la période considérée, les honoraires moyens présentent d'importantes variations entre offices comme en témoigne la répartition par déciles de la rémunération moyenne par dossier.
91. En effet, pour les 28 offices pour lesquels des données adéquates sont disponibles sur l'ensemble de la période, la rémunération moyenne par dossier est supérieure à 2 000 euros pour le premier décile et supérieure à 4 000 euros pour le neuvième décile (bien qu'en légère baisse en comparaison avec la période 2017-2021 [76]). Cette disparité s'explique notamment par le choix des offices de se spécialiser sur des contentieux plus ou moins rémunérateurs. A cet égard, la rémunération moyenne par dossier des offices récemment créés se situerait pour la période en question autour de 2 500 euros (77), soit en-deçà de la médiane de l'ensemble des offices (située à 2 800 euros), comme cela était déjà le cas pour la période 2017-2021.


Figure n° 5. - Evolution de la rémunération moyenne par dossier (2012-2023)



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Lecture : L'échelle de gauche correspond au nombre d'affaires et l'échelle de droite aux honoraires moyens par dossier en euros.
Source : Ordre des avocats aux Conseils, rapports annuels 2023 de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, traitement par l'Autorité de la concurrence


Un volume toujours élevé de dossiers traités et des écarts marqués dans la répartition des dossiers :
92. Au cours de la période 2019-2023, le nombre moyen de dossiers traités par an et par associé (360, ou 390 en excluant les offices créés à partir de 2017) est en légère baisse comparé à celui observé sur la période 2017-2021 (375, ou 400 en excluant les nouveaux offices). Alors que l'Ordre a indiqué par le passé que le temps de traitement d'un dossier serait d'environ deux jours et demi par collaborateur (78), il s'avère que les dernières années ont démontré que le temps de traitement par associé se rapproche davantage d'un jour et demi. Le nombre maximum de dossiers traité par un associé en une année est de 985, et non plus de 1 550 comme relevé lors des derniers avis de l'Autorité (79), ce qui équivaut ainsi à environ 4 dossiers par jour ouvré.
93. Il convient de souligner que la baisse du nombre de dossiers au sein de la profession n'affecte pas les professionnels de la même manière. En effet, sur la période 2019-2023 et par rapport à la période 2017-2021 :


- le nombre moyen de dossiers par associé baisse pour les offices dont le chiffre d'affaires est le plus important mais s'accompagne d'une hausse de leur chiffre d'affaires ; et
- à l'inverse, le nombre moyen de dossiers par associé augmente pour les offices réalisant le plus faible chiffre d'affaires alors que leur chiffre d'affaires baisse.


Tableau n° 3. - Répartition par quartile (80) du nombre de dossiers par associé et par chiffre d'affaires sur les périodes 2017-2021 et 2019-2023


Répartition

Quartile de chiffre d'affaires

Chiffre d'affaires moyen par associé (2017-2021)

Chiffre d'affaires moyen par associé (2019-2023)

Répartition du nombre moyen de dossiers par associé par CA (2017-2021)

Répartition du nombre moyen de dossiers par associé par CA (2019-2023)

Minimum

0 %

18 729

100 370

Premier quartile

25 %

523 025

479 661

62

66

Médiane

50 %

791 178

823 637

121

103

Troisième quartile

75 %

1 427 722

1 440 436

195

180

Maximum

100 %

5 024 933

5 572 902

Rapport dernier/premier quartile

2,7

3,0

3,2

2,7


Source : Ordre des avocats aux Conseils, traitement par l'Autorité de la concurrence


94. Ce constat suggère que les offices dégageant le plus de chiffres d'affaires seraient d'autant moins affectés par la baisse de la demande qu'ils disposent de leviers pour augmenter leur rentabilité, notamment la hausse de leurs honoraires, ainsi que la baisse de la rémunération ou du recours aux collaborateurs.
Un besoin toujours soutenu de collaborateurs libéraux :
95. Les offices d'avocats aux Conseils recourent, afin de traiter les dossiers, à des collaborateurs, le plus souvent extérieurs et rémunérés par des rétrocessions d'honoraires. Par ailleurs, le recours au salariat pour les avocats aux Conseils demeure toujours marginal (ce mode d'exercice n'a été que peu utilisé depuis sa création en 2014).
96. Bien que l'analyse des dossiers et la rédaction des mémoires soient assurées par des collaborateurs - qui peuvent, par ailleurs, travailler pour différents offices ou exercer cette activité parallèlement à une autre - la signature et la présentation de ces documents devant les hautes juridictions relèvent de la compétence exclusive des avocats aux Conseils. Cette pratique est renforcée par le règlement général de déontologie qui proscrit toute mention du nom des collaborateurs sur les actes de procédure et la correspondance officielle de l'avocat aux Conseils (81).
97. Les collaborateurs d'avocats aux Conseils étaient au nombre de 343 en 2023. L'analyse des données des 59 offices ayant communiqué leurs informations pour 2023 montre une forte disparité dans le recours aux collaborateurs. Si la moyenne globale s'établit à 6 équivalents temps plein (ci-après « ETP ») par office - et même 7 ETP en excluant les structures créées depuis 2017 - la réalité est très contrastée : de l'absence totale de collaborateurs à près de 27 ETP au maximum, avec un niveau médian de 4 collaborateurs par office.
98. Reprenant ses observations précédentes (82), l'Autorité constate à nouveau que les offices préservent leur capacité d'adaptation grâce aux deux mécanismes que sont la liberté de fixer leurs tarifs, permettant d'ajuster leurs revenus au volume d'affaires, et le recours à des collaborateurs rémunérés par des rétrocessions d'honoraires variables (83), offrant une flexibilité face aux fluctuations d'activité.


c) La situation des offices créés depuis 2017


99. Ce point détaille la situation des 10 offices créés entre 2017 et 2021, pour lesquels l'Autorité dispose de données concernant au moins un exercice complet. Ces structures, majoritairement constituées d'un seul avocat aux Conseils, emploient peu de collaborateurs (moins d'un ETP en moyenne). Par ailleurs, seuls deux offices (créés en 2019 et 2021) déclarent avoir eu recours à des salariés non collaborateurs entre 2019 et 2023.
100. En 2023, ces nouveaux offices traitent en moyenne 100 dossiers par avocat libéral et par an, contre 373 pour les offices préexistants. Sur cette même année, leur répartition d'activité par juridiction se distingue de celle du reste de la profession par une surreprésentation de l'activité devant le Conseil d'Etat (30 % contre 15 % pour l'ensemble de la profession) et, dans une moindre mesure, du contentieux pénal devant la Cour de cassation (15 % contre 10 % pour la profession). A l'inverse, l'activité en matière civile devant la Cour de cassation est relativement plus basse (52 % contre 66 %).
101. Par ailleurs, au sein de ces nouveaux offices, le chiffre d'affaires moyen par avocat libéral atteint 245 068 euros en 2023, bien inférieur au million d'euros de la profession, mais en progression notable (+ 18 % sur 2021-2023). Leur taux de marge surpasse également celui de la profession de plus de 15 points, certainement, comme l'avait souligné l'Autorité dans son précédent avis (84), en raison d'une structure de coûts plus légère que celle des offices dits « historiques », caractérisée par un moindre recours aux collaborateurs, et des charges fixes réduites.


Figure n° 6. - Evolution du taux de marge moyen entre 2017 et 2023



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Source : Ordre des avocats aux Conseils, traitement par l'Autorité de la concurrence


102. Les offices établis en 2017 affichent une progression remarquable sur la période 2021-2023, avec une hausse de 32 % de leur chiffre d'affaires et de 18 % de leur bénéfice. Une dynamique similaire caractérise les offices créés en 2019 puisque, nonobstant le contexte de crise sanitaire, ils enregistrent une croissance de 23 % de leur chiffre d'affaires et de 4 % de leur bénéfice sur la période considérée.


Figure n° 7. - Chiffre d'affaires par avocat aux Conseils dans les offices créés depuis 2017 (en milliers d'euros)



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Source : Ordre des avocats aux Conseils, traitement par l'Autorité de la concurrence


103. Il s'avère, en conséquence, que les données annuelles sur la période 2017-2023 confirment les conclusions du précédent avis de l'Autorité quant à la réussite du lancement des offices créés depuis 2017. Aucun d'entre eux ne présente de fragilité financière et ils ont au contraire démontré pouvoir maintenir un chiffre d'affaires élevé et relativement continu depuis leur création. L'introduction de nouveaux acteurs a donc enrichi le jeu concurrentiel au sein de la profession sans déstabiliser son équilibre économique.
104. Malgré leur bonne santé financière, et comme souligné par l'Autorité dans son précédent avis (85), les nouveaux offices pourraient toutefois rencontrer des obstacles dans leur développement à moyen terme. Deux freins principaux limitent toujours la mobilité de la clientèle : une forte fidélité de la clientèle existante aux avocats aux Conseils déjà en place et une difficulté d'accès aux clients institutionnels. Les appels d'offres, bien que représentant une opportunité théorique de développement, s'avèrent en réalité également peu accessibles pour ces nouvelles structures en raison de leur lourdeur administrative et de critères de sélection favorisant l'expérience et les moyens humains, deux aspects dont ne bénéficient pas en général les offices récemment créés (86).
105. Enfin, il est à souligner qu'à la suite de la publication du décret n° 2023-146 du 1er mars 2023 relatif au code de déontologie des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats aux Conseils peuvent désormais faire usage de certaines formes de publicité personnelle (87), qui étaient auparavant interdites. Cette publicité doit toutefois se faire dans le respect des principes déontologiques de la profession et dans les limites du cadre posé par le décret. Les offices, et en particulier ceux nouvellement créés, bénéficient donc de la possibilité de développer leur clientèle par ce moyen bien que celui-ci demeure strictement encadré.


B. - Etat des lieux de la demande


106. Les critères du décret n° 2016-215 susvisé permettant d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de la demande sont les suivants :


- l'évolution de l'activité de la Cour de cassation et de la section du contentieux du Conseil d'Etat au cours des cinq dernières années, telle que résultant des rapports d'activité publiés annuellement par ces deux juridictions (sur le fondement des articles R. 431-9 du code de l'organisation judiciaire et R. 123-5 du code de justice administrative) ; et
- l'évolution du nombre de décisions prononcées par les juridictions du fond susceptibles de pourvoi en cassation au cours des cinq dernières années.


1. L'activité contentieuse devant le Conseil d'Etat
a) La baisse du contentieux devant le Conseil d'Etat


107. Les avocats aux Conseils interviennent en amont de l'introduction d'un pourvoi ou d'un recours devant le Conseil d'Etat, puis tout au long de la procédure pour les pourvois et recours ayant fait l'objet d'une admission (mémoires en défense, en réplique, audiences, observations orales, etc.). L'indicateur d'activité le plus pertinent est donc le nombre d'affaires enregistrées, car il fournit une indication précise de l'activité des avocats aux Conseils au cours de l'année concernée, mais également au cours des années suivantes, compte tenu du délai de traitement des dossiers.
108. Le nombre d'affaires enregistrées par le Conseil d'Etat a baissé de 6 % entre 2019 et 2023 (88). Au sein de la période, les années 2020, 2021 et 2022 sont marquées par des évolutions atypiques générées par le contexte de crise sanitaire (89). Cet évènement est notamment à l'origine d'une hausse ponctuelle du nombre de référés, qui explique l'ampleur de l'augmentation du nombre d'affaires enregistrées en 2021 (+ 13 %) et de la diminution qui a suivi en 2022 (- 14 %).
109. Exception faite de cette situation particulière, on observe donc une tendance légèrement baissière de l'activité du Conseil d'Etat. Puis, en 2024, les premiers chiffres publiés par le Conseil d'Etat font état d'une baisse de 0,5 % par rapport à 2023 (90). De même, le nombre d'affaires en stock diminue faiblement en 2023 (- 3 % par rapport à 2022 et - 2 % par rapport à 2019). Le nombre d'affaires jugées, pour sa part, a diminué en 2023 (- 1 % par rapport à 2022 et - 6 % par rapport à 2019) mais serait demeuré assez stable en 2024 (+ 0,2 %) (91).


Tableau n° 4. - Nombre d'affaires portées devant le Conseil d'Etat (données nettes de séries)


Evolution

2019

2020

2021

2022

2023

2021-2022

2022-2023

2019-2023

Affaires enregistrées

10 216

10 034

11 313

9 772

9 574

- 14 %

- 2 %

- 6 %

Affaires enregistrées hors ordonnances du président de la section du contentieux

8 598

8 869

9 832

8 373

8 204

- 15 %

- 2 %

- 5 %

Décisions rendues

10 493

9 780

11 757

9 934

9 835

- 16 %

- 1 %

- 6 %

Décisions hors ordonnances du président de la section du contentieux

8 508

8 442

10 114

8 504

8 304

- 20 %

+ 3 %

- 2 %

Affaires réglées

10 320

9 671

11 633

9 833

9 746

- 15 %

- 1 %

- 6 %

Affaires en stock

5 323

5 851

5 562

5 387

5 205

- 3 %

- 3 %

- 2 %


Source : Conseil d'Etat, Rapport public 2023 traitement par l'Autorité de la concurrence


110. La baisse du nombre d'affaires enregistrées entre 2019 et 2023 est due à la baisse constatée des affaires en cassation (- 9 %) alors que les affaires en premier ressort et en appel ont respectivement augmenté de 13 % et de 2 %. En effet, les affaires en cassation représentent la plus grande part de l'ensemble des affaires (64 %).


Tableau n° 5. - Répartition des affaires enregistrées devant le Conseil d'Etat par mode de saisine


2019

2020

2021

2022

2023

Evolution
2019-2023

Poids du mode
de saisine
2019-2023

Premier ressort

1 185

2 210

2 030

1 441

1 340

+ 13 %

16 %

Appel

302

600

489

301

309

+ 2 %

4 %

Cassation

6 845

5 920

7 156

6 285

6 207

- 9 %

64 %

1. Cassation des décisions des cours administratives d'appel

3 224

2 941

3 276

2 896

2 979

- 7 %

2. Cassation des décisions des tribunaux administratifs statuant en référé

763

812

1 027

939

953

+ 25 %

3. Cassation des décisions des tribunaux administratifs statuant en premier et dernier ressort hors référés

1 593

1 273

1 400

1 305

1 277

- 20 %

4. Cassation des décisions des juridictions administratives spécialisées

1 265

894

1 453

1 145

998

- 21 %

Autres (*)

1 884

1 304

1 638

1 745

1 718

- 9 %

16 %

TOTAL

10 216

10 034

11 313

9 772

9 574

- 6 %

100 %


(*) Il s'agit principalement des affaires relevant des compétences propres du président de la section du contentieux : les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle et le règlement des questions de répartition des compétences au sein de la juridiction administrative.