Après en avoir délibéré,
Emet l'avis suivant :
Saisie par le Gouvernement d'un projet de décret relatif au retrait des contenus à caractère pédopornographique et des images de tortures ou d'actes de barbarie, pris en application de l'article 6-2-2 de la loi du 21 juin 2004 et de l'article 5 de la loi du 21 mai 2024 susvisées, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), après en avoir délibéré le 27 novembre 2024, émet un avis favorable, assorti des observations suivantes.
Economie générale et objet du projet de décret :
Le III de l'article 4 de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, qui créé l'article 6-2-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, instaure des voies de recours spéciales permettant aux fournisseurs de contenus, de services d'hébergement ainsi qu'à la personnalité qualifiée désignée au sein du collège de l'ARCOM de contester devant le juge administratif les injonctions de l'office anti-cybercriminalité (OFAC) sur des contenus à caractère pédopornographique, émises au titre de l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004.
L'article 5 de la loi SREN procède à une extension expérimentale, pour une durée de deux ans, des pouvoirs d'injonction administrative de l'OFAC à l'encontre des images de tortures et d'actes de barbarie au sens de l'article 222-1 du code pénal. La personnalité qualifiée, ainsi que les fournisseurs de contenus et de services d'hébergement, peuvent mettre en œuvre les mêmes voies de recours spéciales que celles issues du nouvel article 6-2-2 de la loi du 21 juin 2004 pour contester ces injonctions.
Ces voies de recours spéciales, inspirées de celles applicables aux injonctions de retrait de contenus à caractère terroriste adressées par l'OFAC sur le fondement de l'article 6-1-1 de la loi du 21 juin 2004, permettent d'obtenir une décision du juge dans des délais courts. En parallèle, la personnalité qualifiée a aussi la possibilité d'adresser une recommandation à l'OFAC et, en cas de désaccord, saisir la juridiction administrative dans les conditions de droit commun pour contester les injonctions sur des contenus à caractère pédopornographique et sur des images de tortures ou d'actes de barbarie (comme à l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004).
La saisine pour avis de l'ARCOM sur le projet de décret se justifie au regard de la mission de contrôle confiée à la personnalité qualifiée à l'article 4 de la loi du 21 mai 2024 et à l'article 6-2-2 de la loi du 21 juin 2004, qui contribue à garantir que les injonctions soient strictement circonscrites aux contenus visés par la loi pénale et que l'appréciation de leur caractère illicite ne soit pas laissée à la seule appréciation de l'autorité administrative d'émission des injonctions.
L'ARCOM formule sur ce projet de décret les observations suivantes.
S'agissant de la compétence de l'OFAC pour adresser les injonctions de retrait administratif des images de tortures et d'actes de barbarie :
Le projet de décret précise la compétence de l'OFAC pour adresser les injonctions de retrait de contenus dans le cadre du dispositif expérimental prévu au titre de l'article 5 de la loi du 21 mai 2024.
La désignation de l'office, déjà responsable des injonctions sur des contenus à caractère terroriste (en application des article 6-1 et 6-1-1 de la LCEN) et à caractère pédopornographique (en application de l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004) est un gage de cohérence reconnaissant la haute technicité acquise par l'OFAC dans l'exercice de ses missions propres.
S'agissant des modalités d'informations par l'OFAC de la personnalité qualifiée et de l'ARCOM pour le contrôle des injonctions de retrait des images de tortures et d'actes de barbarie :
Les articles 3 et 4 du projet de décret fixent l'objet et les modalités de communication entre l'OFAC, l'ARCOM, et la personnalité qualifiée. Ils précisent que la personnalité qualifiée ainsi que l'ARCOM reçoivent copie sans délai des injonctions de l'OFAC (article 3) et, plus généralement, que les communications entre les trois autorités s'effectuent « par des moyens de communication électroniques garantissant l'identification des parties à la communication, l'intégrité, la sécurité et la confidentialité des échanges. » (article 4).
Cette formule, qui prévoit que l'OFAC échange tant avec la personnalité qualifiée de l'ARCOM que l'Autorité elle-même, semble inspirée des dispositions prévues à l'article 2 du décret d'application n° 2023-432 du 3 juin 2023 relatif au retrait des contenus à caractère terroriste en ligne, pris en application des articles 6-1-1 et 6-1-5 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
Dans le cadre du décret du 3 juin 2023 précité, la double transmission de la copie de l'injonction est justifiée dès lors que l'ARCOM peut se fonder sur les injonctions ayant été adressées par l'OFAC pour exercer ses missions au titre du règlement (UE) 2021/784 du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne (notamment pour désigner des opérateurs « exposés » à des contenus à caractère terroriste).
Toutefois, dans le cadre des injonctions portant sur des images de tortures et d'actes de barbarie, la transmission des injonctions à l'ARCOM, prévue à l'article 3 du projet de décret dont elle est saisie pour avis, ne se justifie pas. En effet, la loi SREN ne prévoit pas de compétence propre à l'Autorité s'agissant du dispositif expérimental introduit à l'article 5. Par ailleurs, la personnalité qualifiée désignée en son sein exerce ses missions de contrôle de légalité des injonctions de l'OFAC en toute indépendance et sans interférence de l'Autorité.
Aussi, il est suggéré de retirer la mention « Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » des articles 3 et 4 du projet de décret.
S'agissant des voies de recours contentieux spéciales contre les injonctions de retrait portant sur des contenus à caractère pédopornographique ou relatifs à des images de tortures ou d'actes de barbarie :
Les articles 6, 7, 8 et 9 du projet de décret adaptent les dispositions règlementaires du code de justice administrative afin d'intégrer le nouveau recours prévu par la loi du 21 mai 2024 ouvert à la personnalité qualifiée (ainsi qu'aux utilisateurs et aux hébergeurs ciblés) pour contester, sous 48 heures, les injonctions de retrait sur des contenus à caractère pédopornographique et des images de tortures ou d'actes de barbarie.
L'Autorité prend acte de ces modifications et relève que le décret n° 2023-432 du 3 juin 2023 relatif au retrait des contenus à caractère terroriste en ligne procède à l'identique, en modifiant les mêmes dispositions du code de justice administrative, afin de permettre la mise en œuvre des recours créés à l'article 6-1-5 de la loi du 21 juin 2004 pour l'application du règlement relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne du 29 avril 2021.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.