Après en avoir délibéré le 3 décembre 2024,
Sommaire
1. Introduction
1.1. Processus d'analyse des marchés
1.2. Durée et territoire d'analyse
1.3. Réseaux et offres de gros d'accès fixes
1.3.1. Réseaux haut et très haut débit fixes
a) Les réseaux haut débit fixes
b) Les réseaux très haut débit fixes
1.3.2. Offres de gros d'accès fixe
a) Dégroupage de la boucle locale de cuivre
b) Accès passif à la fibre optique
c) Accès passif ou activé aux réseaux câblés
d) Offres de gros d'accès central
2. Définition du marché pertinent : la fourniture en gros d'accès central en position déterminée
2.1. Délimitation du marché en termes de produits et services
2.1.1. Principes généraux
2.1.2. Analyse liminaire des marchés de détail
a) Distinction entre offres de détail « grand public », « pro » et « entreprises »
b) Absence de substituabilité au détail entre les accès de haute qualité et les accès généralistes
c) Substituabilité entre les offres de détail du marché de masse haut et très haut débit
d) Substituabilité entre les offres de détail entreprises haut et très haut débit
2.1.3. Substituabilité entre les différents types d'accès central à destination du marché de masse
a) Substituabilité des offres d'accès central livré en IP et en Ethernet
b) Substituabilité des offres d'accès central sur DSL, sur fibre et sur câble coaxial
c) Substituabilité partielle des offres d'accès central reposant sur un accès filaire et reposant sur un accès hertzien
2.1.4. Absence de substituabilité des offres d'accès local et d'accès central aux boucles locales filaires
2.1.5. Absence de substituabilité entre les offres de gros d'accès activé de haute qualité et les offres de gros généralistes d'accès activé
2.1.6. Absence de substituabilité des offres d'accès central et des offres d'accès à des faisceaux hertziens
2.2. Délimitation géographique du marché
2.2.1. Principes
2.2.2. Analyse liminaire des marchés de détail
2.2.3. Choix de l'unité géographique pour l'analyse géographique du marché de gros
2.2.4. Premier niveau d'analyse : regroupement en cluster de communes présentant des caractéristiques similaires
2.2.5. Second niveau d'analyse : analyse concurrentielle des différentes zones définies
a) Définition des critères
b) Application des critères
2.3. Conclusion sur la définition du marché en termes de produits et de services et sur la délimitation géographique
3. Analyse de la pertinence d'une régulation ex ante au travers du test des trois critères
3.1. Méthode d'analyse
3.2. Premier critère : existence de barrières élevées et non provisoires à l'entrée
3.3. Deuxième critère : l'absence d'évolution vers une situation de concurrence effective à l'horizon de la présente analyse
3.4. Conclusion sur le test des trois critères
4. Mise en place d'une période transitoire sur le marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée
5. Avis de l'Autorité de la concurrence
5.1. Sur la définition du marché
5.2. Sur la levée de la régulation
5.2.1. Sur l'importance des offres bitstream et de leur compétitivité
5.2.2. Sur le test des trois critères
5.2.3. Sur la durée de la période transitoire
6. Observations de la Commission européenne
Décide :
1. Introduction
Dans les développements ci-après, l'Autorité procède à :
- la délimitation du périmètre du marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse (chapitre 2) ;
- l'analyse de la pertinence d'une régulation ex ante sur ce marché au travers du test des trois critères (chapitre 3) ;
- la fixation d'une période transitoire jusqu'au 31 mars 2026 avec maintien des obligations imposées par la décision n° 2020-1447 de l'Autorité (chapitre 4) avant la suppression de l'ensemble des obligations à l'issue de cette période.
1.1. Processus d'analyse des marchés
Le processus d'analyse des marchés consiste, conformément aux dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE :
- à déterminer la liste des marchés du secteur dont les caractéristiques en termes de développement de la concurrence justifient l'imposition d'un dispositif de régulation spécifique ;
- à désigner, le cas échéant, les opérateurs disposant sur ces marchés d'une influence significative ;
- à fixer les obligations spécifiques, adaptées et proportionnées aux problèmes concurrentiels constatés.
L'analyse menée par l'Autorité vise, en application des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, à analyser l'état et l'évolution prévisible de la concurrence sur ces marchés et à en déduire les conséquences en termes d'obligations réglementaires.
En application du III de l'article L 37-2 du CPCE, « L'Autorité n'impose d'obligations aux opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques qu'en l'absence de concurrence effective et durable et les supprime dès lors qu'une telle concurrence existe. Lorsqu'elle envisage de supprimer de telles obligations, l'autorité veille à ce que les opérateurs bénéficient d'une période de préavis appropriée, établie en recherchant un équilibre entre la nécessité d'assurer une transition durable pour les bénéficiaires de ces obligations et les utilisateurs finals, le choix des utilisateurs finals et la nécessité de ne pas maintenir la régulation plus longtemps que nécessaire. L'autorité peut fixer les conditions et les périodes de préavis spécifiques en ce qui concerne les conventions d'accès en vigueur. »
Conformément aux articles L. 37-3 et D. 301 du même code, l'Autorité recueille l'avis de l'Autorité de la concurrence, soumet son projet de décision à consultation publique, et le notifie à la Commission européenne, à l'ORECE et aux ARN des autres Etats membres.
L'Autorité mène ici l'analyse du marché de la « fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse ».
Au terme du sixième cycle d'analyse de marché correspondant au processus décrit ci-dessus, l'Autorité a adopté la décision n° 2020-1447 du 15 décembre 2020 et a mis en place une régulation ex ante sur le marché de gros des offres d'accès activé livré au niveau infranational, sur un périmètre correspondant à l'ensemble du territoire métropolitain, aux départements et régions d'outre-mer ainsi qu'aux collectivités d'outre-mer où les dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE s'appliquent, à l'exclusion des zones très denses telles que définies par sa décision n° 2009-1106 en date du 22 décembre 2009 modifiée par la décision 2013-1475 en date du 10 décembre 2013.
Au cours du processus de révision de la régulation des marchés du haut et du très haut débit fixes, pour les années 2024 à 2028, l'Autorité a décidé d'effectuer les travaux concernant le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse selon un calendrier différé par rapport au calendrier d'adoption des analyses des marchés de fourniture en gros d'accès local en position déterminée (marché 1), de fourniture en gros d'accès de haute qualité (marché 2) et de fourniture en gros d'accès aux infrastructures physiques de génie civil, afin de pouvoir mesurer et prendre en compte les évolutions que connaissait ce marché notamment depuis le lancement par Orange de son offre bitstream fibre « FTTH Access » annoncé le 12 octobre 2022 (1).
Au terme de ce cycle d'analyse, la Commission européenne a approuvé les projets d'analyse de marché de l'Autorité conservant la régulation des trois marchés susmentionnés. L'Autorité maintient plusieurs obligations faites à Orange à travers ses décisions, telles que la garantie d'un accès effectif aux infrastructures de génie civil et la fourniture des offres d'accès passif à la boucle locale optique mutualisée adaptées aux besoins des opérateurs du marché entreprises (marché 2). L'Autorité a aussi décidé d'alléger puis de lever les obligations tarifaires pesant sur Orange pour le réseau cuivre sur le marché de gros là où cela se justifie.
S'agissant du marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, au regard de l'avis de l'Autorité de la concurrence en date du 5 octobre 2023 et des observations de la Commission européenne sur les projets notifiés d'analyses des marchés 1, 2 et du génie civil en date du 27 novembre 2023, l'Autorité a, par sa décision n° 2023-2804 en date du 14 décembre 2023, prolongé d'un an sa décision n° 2020-1447 d'analyse du marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée, soit jusqu'au 15 décembre 2024, en application de l'article D. 301 du CPCE.
Le présent projet de décision prend en compte les réponses des acteurs dans le cadre de la consultation publique menée du 20 février 2023 au 3 avril 2023 sur une première version des projets de décisions d'analyses des marchés du haut et du très haut débit fixes pour laquelle 18 contributions ont été reçues, et de celle menée du 30 mai 2024 au 31 juillet 2024 sur le projet de décision portant sur la levée de la régulation du marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, à laquelle sept acteurs ont répondu.
Le projet de décision a été transmis pour avis à l'Autorité de la concurrence le 29 mai 2024, puis notifié à la Commission européenne, à l'ORECE et aux autres ARN, conformément à l'article L. 36-15 du CPCE, le 15 octobre 2024. La présente décision prend le plus grand compte de l'avis n° 24-A-08 rendu par l'Autorité de la concurrence le 16 septembre 2024 et des observations formulées par la Commission européenne le 14 novembre 2024.
1.2. Durée et territoire d'analyse
Conformément aux prescriptions de l'article D. 301 du CPCE, l'Autorité peut déclarer un marché pertinent « pour une durée maximale de cinq ans ». L'Autorité doit réviser son analyse de sa propre initiative « lorsque l'évolution de ce marché le justifie » ou « dans les trois ans suivant la modification de la recommandation de la Commission européenne [relative aux marchés pertinents] ». En outre, en application des articles D. 302 et D. 303 du même code, les décisions établissant l'existence d'une influence significative et imposant aux opérateurs des obligations sont réexaminées dans les mêmes conditions.
L'Autorité s'est attachée à effectuer une analyse prospective du marché sur une période de cinq ans et considère que la mise en œuvre d'une régulation de ce marché n'est plus pertinente au regard de l'évolution prévisible de ce dernier vers une situation de concurrence effective.
En tant que de besoin, par exemple en cas d'évolution significative de la structure du marché ou de ses acteurs, l'Autorité pourra toutefois se donner la possibilité d'effectuer une nouvelle analyse et, le cas échéant, prendre de nouvelles décisions.
Le territoire d'analyse comprend l'ensemble du territoire métropolitain, des départements et régions d'outre-mer, ainsi que les collectivités d'outre-mer où les dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE s'appliquent.
1.3. Réseaux et offres de gros d'accès fixes
1.3.1. Réseaux haut et très haut débit fixes
Par convention, on distingue le très haut débit du haut débit par un débit crête descendant supérieur ou égal à 30 Mbit/s. Néanmoins, cette distinction ne correspond pas à une segmentation des technologies puisque, pour certaines d'entre elles, le débit crête disponible pour le client final dépend des caractéristiques techniques de sa ligne et des équipements actifs.
a) Les réseaux haut débit fixes :
Les technologies DSL, déployées sur la boucle locale de cuivre, sont toujours les technologies les plus répandues pour la fourniture d'accès haut débit, et représentaient 8,9 millions d'accès haut débit au 31 décembre 2023. Compte tenu de l'affaiblissement des signaux DSL avec la longueur de la boucle locale de cuivre, le débit disponible en DSL n'est pas le même aujourd'hui pour tous les abonnés : environ 50 % des locaux éligibles au cuivre sont éligibles à un débit compris entre 8 Mbit/s et 30 Mbit/s et environ 20 % sont éligibles au très haut débit.
Le haut débit par câble coaxial, disponible dans les zones d'emprise des réseaux câblés, est très minoritaire (moins de 100 000 accès au 31 décembre 2023). Il s'agit principalement des abonnés câble qui n'ont pas profité de la modernisation du réseau de câble pour souscrire une offre à très haut débit, et qui disposent donc toujours d'un débit inférieur à 30 Mbit/s.
D'autres technologies (réseaux radio haut débit, Wimax, wifi, satellite) peuvent également être utilisées pour la fourniture d'accès haut débit. Le nombre d'accès haut débit fondés sur ces technologies reste à ce jour très limité, avec environ 600 000 accès au 31 décembre 2023.
En matière de couverture de réseaux à haut débit, la France est en 8e position dans l'Union européenne en 2022 et en première position pour ce qui concerne le taux de pénétration (2). Pour la part d'accès haut débit DSL en dégroupage, la France est dans le peloton de tête, en Europe comme au niveau mondial. Le dégroupage couvrait plus de 95 % des lignes au 31 décembre 2023.
b) Les réseaux très haut débit fixes :
La modernisation des réseaux existants et le déploiement de nouvelles infrastructures ont été mis en œuvre, en parallèle, pour assurer l'accès de la population et des entreprises à des offres fixes à très haut débit. Au 31 décembre 2023, 39,8 millions de logements ou locaux à usage professionnel (ci-après ensemble les « locaux ») y étaient éligibles. Fin décembre 2023, le très haut débit représente 75 % des abonnements internet haut et très haut débit.
Afin d'offrir le très haut débit, une première option a consisté à réutiliser une partie des réseaux en cuivre ou en câble coaxial sur la partie terminale, la plus proche des abonnés. C'est une des technologies retenues par Altice qui a déployé de la fibre optique jusqu'aux immeubles (FttB pour « Fibre to the Building ») à la place de son ancien réseau de câble coaxial, tout en conservant la partie terminale en câble coaxial, ce qui lui permet aujourd'hui, sur la base de la technologie DOCSIS 3.0, d'offrir un débit descendant pouvant atteindre 1 Gbit/s et 100 Mbit/s en débit remontant pour les mises à niveau les plus récentes de ce réseau FttB. Sur cuivre, l'introduction de la technologie VDSL2, dont la commercialisation a été autorisée progressivement à partir du 1er octobre 2013, peut permettre d'atteindre des débits descendants supérieurs à 30 Mbit/s dans le cas d'un utilisateur final titulaire d'une ligne suffisamment courte et raccordée à un répartiteur collecté en fibre optique.
Une seconde option a consisté à déployer des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH pour Fibre to the Home), ce qui permet d'offrir aujourd'hui généralement des débits descendants pouvant atteindre 1 Gbit/s et des débits remontants de l'ordre de 200 Mbit/s.
Depuis l'adoption des décisions susvisées de l'Autorité n° 2009-1106, n° 2010-1312, n° 2015-0776 et n° 2020-1432 respectivement en date du 22 décembre 2009, du 14 décembre 2010, du 2 juillet 2015 et du 8 décembre 2020, les déploiements des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné se sont accélérés aussi bien dans les zones très denses (3) que dans les zones moins denses (4). Au 31 décembre 2023, environ 38 millions de locaux étaient éligibles (5) aux offres FttH, soit une hausse de 10 % en un an. Pour 37,2 millions de ces locaux, au moins deux opérateurs sont en mesure de commercialiser des offres à très haut débit en fibre optique grâce aux mécanismes de mutualisation (mis en œuvre sous la forme d'un accès passif aux lignes, en co-investissement ou en location) prévus par le cadre réglementaire. Ces locaux représentent 98 % des locaux éligibles au FttH. Par ailleurs, parmi ces 38 millions de locaux, 30,7 millions sont situés en zones moins denses dont 14,9 millions sont éligibles via des Réseaux d'initiative publique (RIP).
Enfin, il existe aussi des technologies non-filaires d'accès au THD fixe (satellite, THD radio, 4G et 5G fixe) qui sont utilisées principalement par les opérateurs pour desservir les locaux isolés dont le raccordement par liaison filaire pourrait s'avérer complexe.
1.3.2. Offres de gros d'accès fixe
Les opérateurs de détail peuvent accéder aux réseaux haut et très haut débit fixes en cuivre, en fibre optique et câblés des opérateurs d'infrastructure via respectivement l'offre de dégroupage de la boucle locale de cuivre, des offres d'accès passif à la fibre optique et des offres d'accès passif ou activé aux réseaux câblés. Les opérateurs de détail peuvent également utiliser des offres de gros d'accès central livré au niveau infranational sur DSL pour accéder au réseau cuivre, ou des offres de gros d'accès central sur fibre optique.
Les différentes offres proposées sur les réseaux haut et très haut débit par les opérateurs d'infrastructure sont présentées dans la présente section.
a) Dégroupage de la boucle locale de cuivre :
Constitution de la boucle locale de cuivre :
Le 4° ter de l'article L. 32 du CPCE définit la boucle locale comme « l'installation qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente d'un réseau de communications électroniques fixe ouvert au public ». Dans le cas du réseau téléphonique commuté, la boucle locale est une paire de cuivre torsadée, dénommée dans l'analyse qui suit « boucle locale de cuivre », qui va du nœud de raccordement d'abonnés inclus (ci-après « NRA », siège du répartiteur principal) jusqu'à l'abonné.
Le sous-répartiteur constitue un point de flexibilité du réseau de la boucle locale de cuivre, situé entre le NRA et les abonnés. Au plus proche des abonnés, sont installés des boîtiers de branchement, ou points de concentration, regroupant en général jusqu'à sept lignes, qui constituent un deuxième point de flexibilité du réseau de la boucle locale de cuivre. On parle de sous-boucle locale de cuivre pour désigner les infrastructures de la boucle locale de cuivre comprises entre le sous-répartiteur et l'abonné, c'est-à-dire les tronçons de cuivre ainsi que les points de flexibilité (sous-répartiteurs, points de concentration).
On désigne par :
- segment de transport, le segment de la boucle locale de cuivre situé entre le NRA et le sous-répartiteur ;
- segment de distribution, le segment de la boucle locale de cuivre situé entre le sous-répartiteur et le boîtier de branchement ;
- segment de branchement, le segment de la boucle locale de cuivre situé entre le boîtier de branchement ou point de concentration et l'abonné.
A ce jour, les technologies DSL peuvent techniquement être injectées :
- au niveau du NRA, ce qui suppose l'installation des équipements DSL au plus proche du répartiteur général ;
- au niveau du sous-répartiteur, ce qui suppose l'installation des équipements DSL au plus proche du sous-répartiteur. Le sous-répartiteur devient de ce fait un nouveau NRA, ou NRA-XY, sous forme, par exemple, d'un NRA zone d'ombre (ci-après « NRA-ZO ») ou d'un NRA de montée en débit (ci-après « NRA-MED ») ;
- en aval du point de concentration, ce qui suppose de même l'installation des équipements DSL au plus proche du point de concentration. Un boitier de conversion (appelé DPU [6]) raccorde la fibre au segment métallique terminal de la paire de cuivre. Ce boîtier est alimenté en énergie par le réseau électrique de l'abonné via ce segment métallique. On parle alors de fibre jusqu'au palier (ci-après « FttDP » pour « Fibre to the Distribution Point »).
A priori, l'injection de signaux DSL au niveau du sous-répartiteur peut se faire selon deux modalités, proches sur les plans opérationnels et économiques, mais fondamentalement différentes :
- il est techniquement possible d'envisager que les accès DSL des abonnés situés en aval d'un sous-répartiteur puissent être activés dans le même temps au niveau du NRA et au niveau du sous-répartiteur : on parle alors de bi-injection. Cette technique suppose notamment que les signaux DSL injectés au niveau du sous-répartiteur soient techniquement modifiés pour ne pas perturber les signaux DSL injectés depuis le NRA ;
- il est par ailleurs possible d'envisager que l'activation des accès DSL de tous les abonnés situés en aval d'un sous-répartiteur ne puisse se faire qu'au niveau du sous-répartiteur : on parle alors de mono-injection, ce qui permet d'injecter les signaux DSL au niveau du sous-répartiteur sans contrainte technique particulière.
Accès à la boucle et à la sous-boucle :
L'accès à la boucle locale consiste en la mise à disposition au bénéfice d'un opérateur tiers d'un accès direct à la boucle locale, au niveau du NRA dans le cas de la boucle locale de cuivre. On parle alors de dégroupage de la boucle locale de cuivre.
L'accès à la sous-boucle consiste en la mise à disposition au bénéfice d'un opérateur tiers d'un accès direct à la sous-boucle, notamment au niveau du sous-répartiteur dans le cas de la boucle locale de cuivre. Compte tenu des contraintes d'atténuation des signaux, fonction des caractéristiques physiques du cuivre, les technologies DSL ont des performances liées à la longueur et à la section de la paire de cuivre. Aussi l'accès à la sous-boucle, qui réduit la distance entre le point d'injection des signaux DSL et l'abonné, permet concrètement à un opérateur de proposer, pour une ligne donnée, de meilleurs débits et services que dans le cas de l'accès à la boucle locale.
A ce jour, l'accès à la sous-boucle de cuivre en dégroupage est proposé au niveau du sous-répartiteur en mono-injection ou en bi-injection.
Deux formes de dégroupage sont aujourd'hui disponibles pour la boucle locale de cuivre et la sous-boucle :
- le dégroupage total correspond à la mise à disposition d'un opérateur tiers de l'ensemble de la boucle locale de cuivre reliant un abonné donné : la boucle locale est alors déconnectée du réseau de l'opérateur offreur au niveau du répartiteur ;
- le dégroupage partiel correspond à la mise à disposition d'un opérateur tiers, par l'intermédiaire d'un filtre, des seules fréquences hautes de la paire de cuivre, utilisées par la technologie DSL : l'abonné reste lié à l'opérateur offreur pour les fréquences basses de la paire de cuivre, utilisées pour la téléphonie commutée.
Accès avec une qualité de service standard ou renforcée :
Pour commercialiser leurs offres de détail haut et très haut débit, les opérateurs s'appuient souvent sur la boucle locale cuivre d'Orange. Compte tenu des exigences en matière de sécurité et continuité de service requises par certaines offres, Orange propose plusieurs options et caractéristiques additionnelles sur le dégroupage : processus de commande adapté, service après-vente prioritaire, etc.
Il est ainsi possible de distinguer les accès standard de ceux bénéficiant d'une qualité de service renforcée.
b) Accès passif à la fibre optique :
Par « accès passif à la fibre optique », on entend toute offre de mise à disposition passive de fibre optique jusqu'à l'utilisateur final ou de liaison passive en fibre optique permettant de remplacer ou de se superposer à tout ou partie de la boucle locale sur les réseaux en cuivre ou en câble coaxial existants, en vue de proposer des services à très haut débit.
Sur le périmètre de la boucle locale, par analogie avec le dégroupage de la boucle locale de cuivre, il est envisageable de considérer des offres passives d'accès à différents niveaux des réseaux et sur différents tronçons. En fonction du choix de technologie de l'opérateur, ces offres peuvent prendre différentes formes.
Dans le cadre d'un déploiement de la boucle locale optique mutualisée, deux technologies peuvent être utilisées :
- la technologie point-à-point - privilégiée pour satisfaire aux besoins de la clientèle entreprise - permet, par construction, la mise à disposition d'un accès passif sous la forme d'une fibre dédiée - en point-à-point - du NRO (Nœud de raccordement optique, équivalent du NRA pour les réseaux en fibre) jusqu'à l'abonné ;
- la technologie point-à-multipoints de type PON est utilisée pour satisfaire aux besoins du marché de masse : une fibre est dédiée par abonné seulement sur la partie terminale, entre les locaux et le point où est situé le dernier niveau de coupleurs.
Aussi, l'accès passif n'y est envisageable que sur la partie terminale, ou doit porter sur les éléments permettant de composer un arbre PON entier. En amont, des offres de fibre noire sont envisageables si l'opérateur a déployé de la fibre en capacité suffisante entre son NRO et ses coupleurs.
Les développements suivants concerneront uniquement les offres d'accès passif aux lignes à très haut débit en fibre optique de bout en bout.
En application des dispositions de l'article L. 34-8-3 du CPCE, tout opérateur établissant, ayant établi, ou exploitant une ligne en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final à l'intérieur d'un immeuble doit faire droit aux demandes raisonnables d'accès à cette ligne et aux moyens qui y sont associés.
Ainsi, les offres d'accès passif aux lignes des réseaux mutualisés à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné sont proposées par les « opérateurs d'infrastructure » (ci-après « OI ») (7), conformément aux dispositions des décisions de l'Autorité n° 2009-1106, n° 2010-1312, n° 2015-0776 et n° 2020-1432 respectivement du 22 décembre 2009, du 14 décembre 2010, du 2 juillet 2015 et du 8 décembre 2020, prises en application de l'article L. 34-8-3 du CPCE. Ce type d'accès permet aux opérateurs clients de ces offres de bénéficier d'une ligne continue en fibre optique entre un point de mutualisation (ci-après « PM ») et le logement ou local à usage professionnel de l'utilisateur final.
Cependant, il convient de noter que n'ont pas la qualité d'opérateur d'infrastructure, au sens des décisions de l'Autorité n° 2009-1106 et n° 2010-1312, les opérateurs « procédant, dans le cadre d'un déploiement dédié, exclusivement au raccordement ponctuel de clients d'affaires au moyen d'une boucle locale en fibre optique dédiée et adaptée, en vue de fournir à ces clients des services de capacités » (8). Ces déploiements dédiés et ponctuels, visant par exemple à raccorder un client d'affaires, généralement en vue de répondre à des besoins spécifiques exprimés par celui-ci, sont souvent désignés par le sigle FttO (pour « Fibre to the Office » ou fibre jusqu'aux sites des entreprises), mais l'on devrait plutôt les qualifier de « boucles locales optiques dédiées » (ci-après « BLOD ») par opposition aux « boucles locales optiques mutualisées » (ci-après « BLOM ») qui englobent notamment le FttH. Les opérateurs procédant à de tels déploiements dédiés et ponctuels ne sont pas soumis aux décisions de l'Autorité précitées, même si ces déploiements entrent dans le champ d'application de l'article L. 34-8-3 du CPCE, lorsque le réseau en fibre optique permet de desservir un utilisateur final.
Il ressort de ces précisions que seuls des raccordements ne s'inscrivant pas dans le cadre de déploiements capillaires et qui visent exclusivement à raccorder un client d'affaires, généralement en vue de répondre à des besoins spécifiques exprimés par celui-ci, sont susceptibles d'être déployés en dehors du cadre réglementaire défini par l'Autorité. A l'inverse, les réseaux déployés de façon capillaire et indépendamment d'une demande de raccordement émanant d'un client entreprise identifié, notamment lorsque ces déploiements sont destinés à permettre la desserte de plusieurs locaux à usages professionnels ou logements, sont soumis à ce cadre réglementaire.
c) Accès passif ou activé aux réseaux câblés :
Les réseaux câblés sont constitués d'un cœur de réseau en fibre optique et d'une terminaison en câble coaxial. Historiquement conçus pour diffuser des services de télévision, ces réseaux permettent depuis plusieurs années d'offrir également des services de téléphonie et d'accès à l'internet grâce à l'utilisation de la bande passante non mobilisée par les flux de télévision. Le débit d'accès à l'internet offert sur ces réseaux est en général asymétrique (cela est lié aux choix de l'opérateur) avec un débit descendant largement supérieur au débit montant. Sur ces réseaux, la bande passante allouée à la télévision est dédiée spécifiquement à ce service et séparée de la bande passante allouée aux flux de données (trames IP). Il est également possible de bénéficier d'usages simultanés et de services interactifs.
La modernisation des réseaux câblés consiste à rapprocher l'extrémité de la fibre optique des abonnés, et à déployer des équipements actifs de dernière génération au niveau des têtes de réseau du câblo-opérateur. Ces opérations permettent d'augmenter les débits descendants théoriques jusqu'à 1 Gbit/s, à un niveau alors comparable à celui offert par les technologies FttH actuellement commercialisées.
Les technologies d'accès utilisées sont fondées sur la norme DOCSIS qui permet, au niveau du nœud opto-électrique, le multiplexage temporel des accès de chaque abonné.
On peut actuellement distinguer deux situations pour les réseaux câblés :
- dans les réseaux FttLA (pour « Fibre to the Last Amplifier »), la fibre arrive à l'entrée de la rue ou du quartier, voire au pied de l'immeuble selon les zones (FttB) ; chaque paire de fibres se termine par un nœud opto-électrique qui dessert, pour les déploiements les plus capillaires, de l'ordre de 100 locaux. Si la portion de fibre optique entre la tête de réseau et le nœud opto-électrique est suffisamment importante et si des équipements actifs DOCSIS 3.0 sont installés, il est possible d'atteindre sur les réseaux câblés des débits descendants pouvant atteindre 1 Gbit/s et 60 Mbit/s en débits montants. Des équipements de nouvelle génération (DOCSIS 3.1 ou DOCSIS 4.0) pourraient permettre une nouvelle montée en débit (montants et descendants) ;
- dans les réseaux haut débit non rénovés dit « HFC » (réseaux hybrides fibre/câble coaxial), la zone couverte par chaque nœud optique est plus large que sur les réseaux FttLA (de l'ordre de 500 ou 1 000 logements ou locaux à usage professionnel) et on rencontre encore des amplificateurs sur la partie en câble coaxial ; sur ce type de réseaux, les débits descendants disponibles sont plus faibles, en général jusqu'à 30 Mbit/s.
Lors du rachat de SFR par Numericable en 2014, SFR s'est engagé, au titre du contrôle des concentrations (9) à proposer, pendant une période de 5 ans, deux offres de gros d'accès à ses réseaux soumises à l'agrément de l'Autorité de la concurrence :
- une offre de distribution en marque blanche ;
- une offre de gros d'accès activé central.
Le 28 octobre 2019, l'Autorité de la concurrence a décidé de ne pas reconduire les engagements souscrits lors du rachat de SFR (10). SFR continue de fournir ces offres d'accès mais le recours à ces offres est dorénavant très faible. Par ailleurs, à ce jour, aucune offre d'accès passif à la boucle locale n'est proposée sur les réseaux câblés.
d) Offres de gros d'accès central :
A titre liminaire, il convient de préciser que les accès fournis par Orange sur ses offres de gros d'accès central correspondent principalement à des accès activés livrés au niveau infranational (11) qui permettent aux opérateurs de proposer des offres de détail haut et très haut débit.
L'Autorité constate en effet que le volume d'accès central haut débit livré au niveau national par Orange n'a cessé de diminuer depuis le début d'année 2007 (12), et que la collecte nationale est aujourd'hui nettement minoritaire en ce qui concerne les accès fournis par Orange. Cette dynamique correspond à celle qui était déjà observée en 2007, lorsque la régulation ex ante imposée sur ces offres a été levée par l'ARCEP (13). L'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu de définir de nouveau dispositif de régulation ex ante pour les offres d'accès central livré au niveau national.
L'Autorité constate que plusieurs types d'offres de gros d'accès central haut débit proposées par Orange peuvent être considérées comme des offres infranationales, à savoir :
- des offres DSL permettant de prendre livraison des flux haut débit en mode IP (Internet Protocol) à un niveau régional, sur une soixantaine de points de livraison. L'offre correspondante d'Orange est dénommée « DSL Collect IP » (proposée avec l'offre « DSL Access » pour la composante accès généralistes) ;
- des offres DSL permettant de prendre livraison des flux haut débit en mode Ethernet à un niveau régional, sur une cinquantaine de points de livraison. Les offres correspondantes d'Orange sont dénommées « DSL Collect Ethernet » (proposées avec l'offre « DSL Access » pour la composante accès généralistes) ;
- des offres mixtes DSL/FttH permettant de prendre livraison des flux haut débit en mode Ethernet VPLS à un niveau régional, sur une cinquantaine de points de livraison. Les offres correspondantes d'Orange sont dénommées « DSL Optimum Collect » (proposées avec l'offre « DSL Access » pour la composante accès DSL généralistes et « FTTH Access », lancée en octobre 2022, pour la composante accès FttH généralistes).
Les opérateurs alternatifs sont susceptibles de proposer des offres de gros d'accès central haut et très haut débit en DSL alternatives à celles d'Orange, fondées sur le dégroupage. C'est le cas, notamment, d'Altice et des opérateurs de RIP, qui fournissent ce type d'offres.
En outre, l'Autorité note qu'une majorité des opérateurs ayant déployé des lignes à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné proposent, en sus d'une offre d'accès local au point de mutualisation, des offres d'accès central à très haut débit sur les réseaux de fibre optique qu'ils ont déployés.
Il est à noter que les opérateurs qui accèdent sous forme passive aux points de mutualisation installés par les opérateurs d'infrastructure sont susceptibles de proposer eux-mêmes des offres de gros d'accès central à très haut débit en fibre optique alternatives à celles des opérateurs d'infrastructure. A la connaissance de l'Autorité, en 2022, les opérateurs Altitude (à travers sa filiale Covage), Altice, Bouygues Telecom, commercialisaient, chacun, une offre d'accès central aux réseaux FttH auxquels ils ont accès. Dans le cas de Covage, opérateur uniquement de gros, cette offre d'accès central n'est pas un complément d'une activité de détail. En octobre 2022, Orange a annoncé le lancement d'une offre d'accès central, l'offre « FTTH Access », sur une partie des réseaux FttH auxquels il a accès (14). En avril 2024, le groupe Iliad a également lancé une offre de gros d'accès central sur la totalité des réseaux FttH auxquels il a accès. Le groupe Axione a, en mai 2024, étendu à l'échelle nationale la couverture de son offre de gros d'accès central aux réseaux FttH (15).
2. Définition du marché pertinent : la fourniture en gros d'accès central en position déterminée
Dans cette partie, l'Autorité met à jour son analyse de la substituabilité des offres d'accès central permettant aux opérateurs de fournir des services haut et très haut débit au marché de masse.
2.1. Délimitation du marché en termes de produits et services
2.1.1. Principes généraux
La Commission européenne a adopté le 7 mai 2018 des lignes directrices sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (2018/C 159/01).
La délimitation des marchés du point de vue des produits et services repose sur l'analyse de :
- la substituabilité du côté de la demande : deux produits appartiennent à un même marché s'ils sont suffisamment « interchangeables » (16) pour leurs utilisateurs, notamment du point de vue de l'usage qui est fait des produits et services, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de « migration » d'un produit vers l'autre. Afin d'apprécier cette notion d'interchangeabilité, l'analyse doit, entre autres, prouver que la substitution entre les deux produits est rapide (17) et prendre en compte les « coûts d'adaptation » (18) qui en découlent ;
- la substituabilité du côté de l'offre : elle est caractérisée lorsqu'un opérateur qui n'est pas actuellement présent sur un marché donné est susceptible d'y entrer rapidement en réponse à une augmentation du prix des produits qui y sont vendus.
Pour établir l'existence d'une éventuelle substituabilité du côté de la demande ou de l'offre, l'analyse peut impliquer la mise en œuvre de la méthode dite du « test du monopoleur hypothétique », ainsi que le suggèrent les lignes directrices de 2018 (19). Ce test consiste à étudier les effets qu'aurait sur l'offre ou la demande une augmentation légère mais durable des prix d'un service (de 5 % à 10 %), de manière à déterminer s'il existe, réellement ou potentiellement, des services vers lesquels les demandeurs sont susceptibles de s'orienter. Ce test est vérifié lorsqu'il est établi qu'une augmentation des prix relatifs à l'intérieur du ou des marché(s) géographique(s) et de produits défini(s) ne conduira pas les clients finals à opter pour des substituts directement disponibles ou à s'adresser à des fournisseurs établis sur d'autres territoires, et ne se traduira pas par l'entrée sur le marché de nouveaux fournisseurs. Ainsi que le mentionnent les lignes directrices de 2018, l'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel, sa mise en œuvre n'impliquant pas une étude économétrique systématique approfondie.
Conformément au point 9 des lignes directrices de 2018, l'Autorité se référera aux principes et aux méthodes du droit de la concurrence pour définir les marchés qui devront être soumis à une réglementation ex ante.
Dans ce qui suit, l'Autorité analyse la substituabilité de l'ensemble des offres de gros d'accès central permettant à un opérateur de proposer des offres haut et très haut débit sur le marché de détail de masse.
2.1.2. Analyse liminaire des marchés de détail
Avant d'étudier la délimitation des marchés de gros, l'Autorité réalise une analyse de la substituabilité entre les différentes offres de détail. Les besoins des utilisateurs finals sont en effet susceptibles d'agir sur le degré de substituabilité entre les produits de gros, comme le relève la Commission européenne dans ses lignes directrices de 2018 : « Bien que l'utilisation finale d'un produit ou service soit étroitement liée à ses caractéristiques physiques, différents types de produits ou de services peuvent être utilisés à une même fin » (20).
Dans la suite de cette section, l'Autorité délimite les contours des marchés de détail en étudiant la substituabilité entre les offres de détail à destination des clientèles résidentielle et non-résidentielle, entre les différents types d'accès sur lesquels reposent ces offres, et entre les offres de détail de masse haut et très haut débit.
a) Distinction entre offres de détail « grand public », « pro » et « entreprises » :
Les opérateurs commercialisant des accès haut et très haut débit fixes proposent aujourd'hui des offres à destination de la clientèle résidentielle et de la clientèle non-résidentielle (entreprises, professions libérales, organismes du secteur public, associations, etc.).
Les offres de détail à destination de la clientèle résidentielle :
Les offres conçues pour la clientèle résidentielle, ou offres « grand public », sont des offres standardisées multi-services double ou triple play qui intègrent l'accès à internet, la téléphonie en voix sur large bande et peuvent aussi inclure l'accès à des services audiovisuels ; ou encore des offres quadruple play qui incluent, en plus des services fixes, des services de téléphonie mobile. Ces offres multi-services sont, pour la plupart, construites autour d'un matériel spécifique à l'opérateur, composé d'un ou plusieurs boitiers, l'un étant à brancher à un écran de télévision - qui permet d'accéder à l'ensemble des services proposés. Avec la fin de la commercialisation des abonnements téléphoniques fondés sur les lignes analogiques et numériques du réseau téléphonique commuté (RTC), des offres de service uniquement téléphonique sont aussi fournies à la clientèle résidentielle à partir d'accès haut et très haut débit.
Le débit proposé pour les offres grand public n'est en général pas garanti. Il n'existe pas non plus de garantie élevée concernant le temps de rétablissement du service en cas de panne.
Une offre grand public est destinée à desservir un unique site, via un unique lien d'accès.
Sont qualifiés d'accès généralistes l'ensemble des liens d'accès haut et très haut débit fixes sur lesquels sont construites les offres grand public.
Les offres de détail à destination de la clientèle non-résidentielle :
Même si une partie de la clientèle non-résidentielle se satisfait des offres grand public (entreprise unipersonnelle, besoin basique d'accès à internet, etc.), la plupart de la clientèle non-résidentielle a recours à des offres qui peuvent être divisées en deux grandes catégories :
- les offres professionnelles, ou « pro », similaires ou très proches des offres grand public proposées aux clients résidentiels ;
- les offres entreprises qui disposent de caractéristiques structurelles spécifiques.
Les offres pro diffèrent des offres grand public par l'ajout de services supplémentaires simples (ex : accès à plusieurs numéros téléphoniques fixes), la suppression de services jugés inutiles (ex : offre sans décodeur TV) ou l'accès à un service après-vente spécifique avec garantie de temps d'intervention en cas d'incident. Les offres pro reposent sur les mêmes types de liens d'accès généralistes (mêmes caractéristiques techniques) que ceux utilisés pour les offres grand public, et sont en général destinées comme celles-ci à desservir un unique site au moyen d'un unique lien d'accès.
Enfin, en raison de leur activité ou de leur taille, d'autres entreprises ont des besoins spécifiques de fonctionnalité, de performance et/ou de qualité de service. Elles achètent alors des offres conçues spécifiquement pour adresser leurs besoins, les offres entreprises. Les offres entreprises sont très variées (téléphonie, accès à internet, VPN multisites, hébergement applicatif, etc.) et offrent pour certains sites clients des débits garantis et des niveaux de disponibilité élevés. Une offre entreprises peut proposer le raccordement d'un ou plusieurs sites d'un même client, chaque site pouvant être lui-même raccordé par un ou plusieurs liens d'accès, le cas échéant sur des technologies distinctes.
En général, les offres entreprises font appel conjointement à des accès généralistes et à des accès qui leur sont spécifiques, dits accès de haute qualité, caractérisés par un débit garanti et une garantie de temps de rétablissement en cas d'incident (en général de 4h).
Le tableau ci-dessous schématise les types d'accès haut et très haut débit utilisés dans les offres de détail ainsi que leurs correspondances sur le marché de gros.
Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page
Figure 1. - Tableau de correspondance Offres/Accès
b) Absence de substituabilité au détail entre les accès de haute qualité et les accès généralistes :
Les offres entreprises utilisent ainsi d'une part des liens d'accès généralistes et d'autre part des liens d'accès de haute qualité, conçus exclusivement pour ce marché et proposant des performances ou garanties élevées. Les accès de haute qualité se caractérisent par la fourniture d'un débit garanti et un délai maximum garanti de temps de rétablissement (GTR) égal ou inférieur à quatre heures.
Les offres entreprises peuvent panacher à la fois des accès généralistes et des accès de haute qualité. Par exemple, sur un réseau VPN MPLS multi-sites, certains sites peuvent nécessiter un débit garanti et un temps de rétablissement de quatre heures, quand d'autres, jugés moins critiques, vont se satisfaire des caractéristiques des accès généralistes. Dans certains cas, un même site pourra être raccordé via deux accès de haute qualité, ou via un accès de haute qualité en lien nominal et un accès généraliste qui assurera le transfert minimum de données en cas de panne de l'accès de haute qualité principal.
Les accès de haute qualité, du fait de leur coût (plusieurs centaines d'euros) ne sont jamais mobilisés dans les offres grand public ou pro.
Au vu de ces éléments, l'Autorité considère que les accès de haute qualité sont complémentaires et non substituables aux accès généralistes au sein des offres entreprises, et donc sur le marché de détail du haut et très haut débit fixe.
c) Substituabilité entre les offres de détail du marché de masse haut et très haut débit :
Il peut être considéré que les offres haut et très haut débit font partie du même marché, au sens du droit de la concurrence, si elles sont suffisamment substituables pour leurs utilisateurs. Pour ce faire, l'Autorité estime qu'il convient d'appréhender les produits de manière qualitative en se fondant sur un faisceau d'éléments tels que la nature du bien, l'utilisation qui en est faite, les caractéristiques de l'offre (les stratégies de commercialisation mises en place par les offreurs, comme la différenciation des produits ou celle des modes de distribution), l'environnement juridique, les différences de prix ou les préférences des demandeurs.
Dans ses décisions n° 2020-1446 et n° 2020-1447, l'Autorité estimait qu'à l'horizon du sixième cycle d'analyse de marché (21) : « il apparaissait difficile d'opérer une distinction claire entre haut débit et très haut débit au niveau des marchés de détail de masse notamment car les services permis par le très haut débit n'étaient pas encore significativement différents de ceux permis par le haut débit. Avec le déploiement avancé des réseaux à très haut débit et les mouvements de migration des abonnés, et le développement du télétravail avec l'épidémie liée à la COVID-19, il apparaît utile d'examiner dans quelle mesure cette analyse doit être réactualisée, éventuellement dans le sens d'une plus grande distinction entre haut débit et très haut débit ».
Dans le cadre de la présente analyse de marché, l'Autorité s'intéresse à la segmentation entre haut et très haut débit à horizon de cinq ans.
En premier lieu, en dépit du débit supplémentaire disponible sur les offres très haut débit, les usages haut et très haut débit apparaissent toujours comparables à ce stade. En effet, aucune « killer application » très haut débit, c'est-à-dire aucun service disponible uniquement sur les réseaux de nouvelle génération qui stimulerait la souscription d'offres de ce type, n'est encore apparu. Le débit plus élevé fourni par les offres très haut débit, comparativement aux offres haut débit, semble permettre avant tout une amélioration du confort d'utilisation des services existants.
Il n'est toutefois pas exclu que certains utilisateurs technophiles, sensibles au débit disponible, visent des usages spécifiques au très haut débit, comme par exemple le cloud gaming (22), qu'ils ne pourraient pas réaliser avec une offre haut débit. Ce type d'utilisateurs apparaît néanmoins minoritaire à ce stade. Il peut donc être considéré que les offres haut et très haut débit répondent aux mêmes usages à l'échelle du marché.
En deuxième lieu, les conditions de commercialisation des accès haut et très haut débit apparaissent relativement proches. Les catalogues d'offres haut et très haut débit semblent quasiment superposables à l'échelle nationale puisque les offres multiservices double play, triple play et quadruple play commercialisées par les principaux opérateurs sont généralement proposées aussi bien avec un accès haut débit qu'avec un accès très haut débit.
En troisième lieu, il convient d'étudier le positionnement tarifaire des offres haut et très haut débit. Sur le marché de détail de masse, les pratiques tarifaires ne sont pas homogènes entre les principaux opérateurs fixes de sorte qu'un écart de prix est parfois observé entre les offres haut et très haut débit. Toutefois, cette différence de prix, dans les cas où elle est observée, reste limitée et doit être relativisée car des offres très haut débit sont régulièrement commercialisées à des tarifs égaux ou inférieurs à ceux des offres haut débit dans le cadre d'opérations promotionnelles.
L'Autorité estime au vu des éléments convergents exposés ci-dessus que les offres de détail de masse haut et très haut débit font partie du même marché à l'horizon de la présente analyse.
L'Autorité est cependant consciente de l'évolution rapide qui caractérise ce secteur. Si elle ne dispose pas à ce stade de preuve manifeste qu'une absence de substituabilité entre les offres haut et très haut débit puisse être constatée à l'horizon de la présente analyse de marché, l'Autorité n'exclut pas que ce phénomène puisse s'observer avec l'apparition et la généralisation d'usages spécifiques au très haut débit.
d) Substituabilité entre les offres de détail entreprises haut et très haut débit :
La variété des offres de détail entreprises reflète la diversité des besoins de certaines entreprises pour lesquelles le bon fonctionnement des services de communications peut avoir un caractère critique.
Pour la clientèle entreprise, la performance et la qualité du service, notamment les débits montants et descendants garantis, constituent des critères de choix importants. Ainsi, un client entreprise ne se préoccupe généralement pas du support physique de son accès pour autant que la prestation réponde à ses besoins spécifiques avec le niveau de qualité de service attendu. Cette clientèle est également disposée à payer davantage pour une qualité (débits, maintenance, etc.) et des services supérieurs.
Sur le marché de détail, sans doute du fait de la diversité du tissu entrepreneurial, il apparaît à ce jour que les besoins en débits (symétriques ou asymétriques) des entreprises et les prix des offres forment un continuum, de sorte qu'il n'est pas possible de mettre en exergue un point de rupture.
Enfin, chacune des offres disponibles sur le marché de détail se décompose suivant une grande variété de débits possibles, le débit ne constituant pas un critère de segmentation des offres entre elles.
Au vu de ces éléments, l'Autorité considère que les offres de détail entreprises haut et très haut débit font partie du même marché à l'horizon de la présente analyse.
2.1.3. Substituabilité entre les différents types d'accès central à destination du marché de masse
Afin de délimiter le contour du marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée, l'Autorité a étudié le degré de substituabilité entre :
- les différentes interfaces de livraison du trafic ;
- les accès établis sur support cuivre, sur fibre optique et sur câble coaxial ;
- les offres d'accès central à destination du marché de masse et les offres d'accès central à destination du marché entreprises ;
- les offres d'accès haut débit et très haut débit central fondées sur les réseaux filaires et les offres fondées sur les technologies d'accès hertziennes terrestres de type Wi-Fi, 4G fixe, 5G fixe, THD Radio ou satellitaires.
a) Substituabilité des offres d'accès central livré en IP et en Ethernet :
A la suite de la fermeture du réseau ATM fin 2023, il existe à ce jour deux interfaces principalement utilisées pour la livraison d'accès central haut débit au niveau infranational. Il s'agit, en premier lieu, de la livraison en IP, plutôt adaptée, compte-tenu de ses caractéristiques techniques, à l'élaboration d'offres sur le marché de masse et, en second lieu, de la livraison en Ethernet qui apparaît comme une technologie de transmission efficace en termes de coûts et de qualité de service.
Ces deux interfaces via différentes technologies permettent de proposer une offre d'accès central haut et très haut débit livré au niveau infranational. Par conséquent, il convient d'inclure les offres d'accès livré sur l'ensemble des interfaces IP et Ethernet dans le même marché des offres de gros d'accès central haut et très haut débit livré au niveau infranational.
b) Substituabilité des offres d'accès central sur DSL, sur fibre et sur câble coaxial :
Il apparaît que les offres de gros d'accès central haut et très haut débit du câblo-opérateur ou des opérateurs de réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné sont substituables, du point de vue des demandeurs, avec les offres d'accès central haut et très haut débit utilisant la technologie DSL.
En effet, les offres de détail fondées sur ces offres de gros sous-jacentes sont très largement similaires, tant en termes de services disponibles pour l'utilisateur final (internet, téléphonie, télévision) qu'en termes de tarifs.
En outre, les points de livraison de ces offres, quoique limités, sont en partie proches des points de livraison DSL existants ; ainsi, basculer d'une offre d'accès central fondée sur le DSL vers une offre d'accès central fondée sur le réseau FttH ou sur le réseau FttLA n'entraînerait pas d'investissement conséquent.
Par ailleurs, la multiplicité des équipements terminaux (box) aujourd'hui disponibles sur le marché permet aux opérateurs clients des offres de bitstream de se fournir auprès des opérateurs de gros proposant des offres d'accès central aussi bien sur les réseaux DSL, que sur les réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné ou sur les réseaux à terminaison en câble coaxial. Il existe même des box compatibles avec deux technologies à la fois (par exemple DSL-FttH ou FttH-FttLA), le cas échéant via l'utilisation d'un boîtier supplémentaire de conversion du signal (par exemple optique - Ethernet ou optique - coaxial). Les principaux opérateurs fournissent au moins une box compatible DSL-FttH, par exemple les Freebox Delta, Pop, Ultra ou encore Revolution de Free, les Bbox Wi-fi 5 de Bouygues, ou encore la Livebox 4 d'Orange. En outre, la nouvelle box 8 de SFR est compatible avec toutes les technologies fixes mises à disposition par l'opérateur (DSL/FttH/fibre avec terminaison coaxiale).
A ce stade, dans les zones où la couverture des réseaux FttH et FttLA n'est pas complète, une solution de remplacement (en FttH ou FttLA) n'est pas forcement disponible pour tous les accès DSL. Pour évaluer la substituabilité entre les offres de gros d'accès central haut et très haut débit du câblo-opérateur ou des opérateurs de réseaux en fibre optique avec les offres d'accès central haut et très haut débit utilisant la technologie DSL, il convient donc d'analyser la propension des opérateurs FttH ou du câblo-opérateur à faire évoluer leurs réseaux pour être en mesure de proposer des offres à très haut débit fondées sur la fibre optique en cas d'augmentation des prix des produits de gros sur ce marché. Une telle augmentation des prix aurait pour conséquence une augmentation de l'espace économique pour commercialiser des offres sur fibre optique, ce qui pourrait accélérer le déploiement des réseaux FttH dans le cadre des nombreux projets privés ou publics en cours ou à venir. Pour le câblo-opérateur, le recours à la technologie FttH supposerait de déployer de la fibre optique sur le dernier segment de la boucle locale jusqu'à l'abonné ou de souscrire une offre de mutualisation de la partie terminale, ce qui, dans les deux cas, ne représenterait pas un investissement considérable au regard de l'investissement déjà réalisé pour moderniser le réseau coaxial.
Ainsi, les offres de gros d'accès central très haut débit fondées sur les réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné et celles fondées sur les réseaux en fibre optique à terminaison coaxiale paraissent substituables aux offres de gros d'accès central haut débit fondées sur la technologie DSL, sur la boucle locale de cuivre, à l'horizon de la présente analyse.
En conclusion, l'Autorité considère qu'en termes de produits et de services, le marché de gros des offres d'accès central à destination du marché de masse livré au niveau infranational regroupe l'ensemble des offres de gros d'accès central à destination du marché de masse, livré au niveau infranational, qu'elles soient fondées sur le cuivre en DSL, sur le câble coaxial ou sur la fibre optique, et quelle que soit leur interface de livraison.
c) Substituabilité partielle des offres d'accès central reposant sur un accès filaire et reposant sur un accès hertzien :
Des offres d'accès au haut et très haut débit peuvent être proposées par l'intermédiaire des technologies hertziennes terrestres de type Wi-Fi, THD Radio, 4G fixe et 5G fixe ou par des technologies satellitaires. Les offres de détail fondées sur ces offres de gros sous-jacentes sont très largement similaires, tant en termes de services disponibles pour l'utilisateur final (internet, téléphonie, télévision) qu'en termes de tarifs, aux offres reposant sur un accès central filaire haut et très haut débit.
L'Autorité relève que les offres d'accès fondées sur ces technologies reposent exclusivement sur des offres d'accès activé. Du point de vue de l'offre, ces offres apparaissent cependant comme partiellement substituables à des offres d'accès central reposant sur un accès filaire, leur périmètre géographique (pour les offres fondées sur des technologies hertziennes terrestres) ou la capacité offerte en termes de débit (pour les offres satellitaires) pouvant être plus restreints que les offres fondées sur un accès filaire. De plus, la qualité de service offerte pour l'utilisateur final par ces offres est aussi, dans certains cas, dégradée par rapport à celle offerte par les offres fondées sur un accès filaire pour des raisons propres à la technologie hertzienne employée (du point de vue, par exemple, de la stabilité de la connexion, de la latence, inévitable pour les offres satellitaires géostationnaires, ou de la quantité de données parfois limitée et de la variation du débit disponible).
Du point de vue de la demande, les investissements nécessaires pour fournir des services similaires à ceux disponibles sur cuivre ou sur fibre diffèrent suivant la technologie utilisée tout en demeurant bien inférieurs à ceux nécessaires pour accéder à des offres filaires reposant sur un accès local. De son côté, le nombre d'accès demandés reste pour l'instant faible malgré l'émergence de nouvelles offres à partir de constellations de satellites non géostationnaires.
Pour finir, l'utilisation d'offres d'accès fondées sur ces technologies afin de répondre aux usages fixes d'un large nombre d'utilisateurs finaux peut se heurter à des problèmes de saturation des ressources hertziennes mises en œuvre. Ainsi, pour augmenter la capacité de ces solutions, il serait nécessaire soit de déployer un large nombre d'antennes sur l'ensemble du territoire pour ce qui concerne les offres hertziennes terrestres, soit de mettre en orbite un grand nombre de satellites pour ce qui concerne les offres satellitaires, ce qui rendrait les solutions peu rentables économiquement. Par conséquent, il apparait que les offres fondées sur un accès hertzien peuvent être davantage considérées comme des compléments aux offres reposant sur un accès filaire, notamment dans les zones où les accès filaires sont opérationnellement complexes à mettre en œuvre.
Ainsi, l'Autorité considère que les offres d'accès proposées par l'intermédiaire des technologies hertziennes terrestres de type Wi-Fi, THD Radio, 4G fixe et 5G fixe ou par des technologies satellitaires sont partiellement substituables aux offres d'accès central sur DSL, sur le câble coaxial ou sur la fibre optique.
2.1.4. Absence de substituabilité des offres d'accès local et d'accès central aux boucles locales filaires
Une offre d'accès local telle que le dégroupage de la boucle locale de cuivre ou l'accès passif aux boucles locales optiques donne aux opérateurs tiers utilisateurs de ces boucles locales la maîtrise des services proposés à leurs abonnés ainsi qu'un espace économique plus important que celui disponible avec une offre d'accès central.
En premier lieu, des différences existent entre les fonctionnalités des offres d'accès local et les offres d'accès central.
L'utilisation d'un accès local permet en effet à l'opérateur tiers de disposer d'un certain contrôle sur les conditions de transmission du signal à destination du client final. En particulier, le recours à une offre d'accès passif permet de gérer l'ensemble des éléments actifs du réseau permettant de fournir le service au client final, notamment les DSLAM (23) sur la boucle locale de cuivre ou leur équivalent pour les boucles locales en fibre optique, à savoir les OLT (24). Ainsi, lorsqu'il s'appuie sur une offre d'accès local, l'opérateur tiers dispose, par rapport à une offre d'accès central, d'une plus grande capacité d'innovation et de différenciation, cruciale sur des marchés à évolution technologique rapide comme les marchés du haut et du très haut débit. Par ailleurs, ces configurations autorisent une indépendance industrielle et commerciale des opérateurs.
Les offres de gros d'accès central sont quant à elles des offres plus intégrées, fondées sur les équipements actifs d'un opérateur. Les opérateurs clients sont dès lors soumis aux choix techniques de l'opérateur qui leur propose ces offres et ont une capacité plus limitée à se différencier. Cette moindre différenciation se traduit, d'une part, par une faible appétence des opérateurs nationaux pour les offres d'accès activé sur fibre optique ou sur le câble coaxial lorsqu'ils sont présents au passif quelle que soit la technologie sous-jacente, et, d'autre part, par une plus faible intensité concurrentielle observée dans les zones non dégroupées de la boucle locale de cuivre.
En second lieu, l'utilisation d'offres d'accès local et le recours à des offres d'accès central sont associés à des modèles économiques distincts.
S'agissant des offres d'accès à destination du marché de masse, le niveau des coûts fixes et les économies d'échelle associées constituent un critère majeur de différenciation entre les offres d'accès local et d'accès central. Pour l'opérateur client, l'utilisation d'offres d'accès local génère des coûts fixes significatifs associés à l'installation et à l'exploitation des équipements actifs et à la collecte des nœuds des boucles locales. Ainsi, un opérateur peut privilégier cette solution s'il anticipe que son parc de clients du marché de masse en aval du nœud de raccordement considéré lui permettra de générer des économies d'échelle suffisantes pour disposer d'un coût unitaire par client compétitif. En revanche, lorsque les économies d'échelle attendues sont trop faibles, par exemple car le nœud de raccordement agrège peu de lignes, l'opérateur s'appuiera sur les offres d'accès central, associées à des coûts fixes plus limités.
S'agissant des offres d'accès à destination du marché entreprises, du point de vue de l'opérateur tiers, les chaînes de production associées à une offre d'accès central ou à une offre d'accès local présentent des caractéristiques différentes. En particulier, pour garantir une qualité de service similaire à celle d'une offre d'accès central en s'appuyant sur une offre d'accès local, l'opérateur tiers devrait déployer des équipes localement pour assurer la maintenance de ses équipements et pouvoir prendre des engagements concernant les temps d'intervention et de rétablissement du service. L'exploitation de ces bases de maintenance ferait supporter à l'opérateur tiers des coûts fixes importants qui pourraient conduire à une hausse importante de ses coûts unitaires s'il dispose d'un faible parc de clients.
Au terme de cette analyse, l'Autorité estime que les offres de fourniture en gros d'accès local, d'une part, et d'accès central, d'autre part, ne sont pas substituables.
2.1.5. Absence de substituabilité entre les offres de gros d'accès activé de haute qualité et les offres de gros généralistes d'accès activé
Comme indiqué précédemment (section 2.1.2b), les accès de haute qualité ne sont pas substituables aux accès généralistes sur le marché de détail, du fait de leurs caractéristiques spécifiques (débit garanti vs débit non garanti, GTR 4HO/HNO vs absence de GTR). Or, ces caractéristiques différencient les accès activés de haute qualité des accès activés généralistes aussi bien sur le marché de détail que sur le marché de gros : en effet, le débit ne peut être garanti sur le marché de détail que si l'accès activé sous-jacent est lui-même garanti et le délai de temps de rétablissement ne peut être garanti par l'opérateur de détail que si l'opérateur de gros s'engage lui aussi sur un délai maximum du temps de rétablissement de l'accès activé qu'il fournit à l'opérateur de détail. Ainsi, de même que sur le marché de détail, ces accès ne sont pas substituables sur le marché de gros.
Par conséquent, les offres de gros d'accès activé de haute qualité et les offres de gros généralistes d'accès activé ne sont pas substituables et n'appartiennent donc pas au même marché. Les offres de gros généralistes d'accès activé sont analysées dans le marché pertinent de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, objet de la présente analyse. Les offres de gros d'accès activé de haute qualité sont analysées dans le marché pertinent de la fourniture en gros d'accès de haute qualité (marché 2).
2.1.6. Absence de substituabilité des offres d'accès central et des offres d'accès à des faisceaux hertziens
Les faisceaux hertziens correspondent à des liaisons point-à-point entre deux stations radioélectriques fixes équipées d'antennes directives qui sont couramment utilisées pour les besoins d'infrastructure de nombreux réseaux de communications électroniques. Ces liaisons sans fil sont actuellement utilisées majoritairement par les opérateurs mobiles (environ 95 % du parc actif) pour le raccordement de leurs stations de base. Elles sont aussi utilisées par les opérateurs de diffusion audiovisuelle pour acheminer les signaux des régies des chaînes de télévision et de radio vers leurs sites de diffusion, ou par les collectivités pour leurs réseaux en propres.
Dans le cadre de la délimitation du marché pertinent, il est nécessaire de suivre une approche dynamique afin de réaliser une analyse de marché prospective, comme souligné par la Commission européenne dans sa note explicative accompagnant sa recommandation de 2020 sur les marchés pertinents (25). Plusieurs éléments tendent à montrer que les faisceaux hertziens ne sont pas substituables, pour la fourniture d'un accès central, aux offres d'accès central aux réseaux fixes, à l'horizon de la présente analyse de marché.
Du côté de la demande, il n'est pas certain que cette solution hertzienne soit en mesure de répondre aux besoins d'un opérateur qui souhaiterait commercialiser une offre de détail haut ou très haut débit. Si les offres d'accès aux faisceaux hertziens peuvent représenter des alternatives pour les locaux isolés dont le raccordement par liaison filaire pourrait s'avérer complexe, l'Autorité observe que, dans la plupart des cas, lorsqu'une offre de gros sur cuivre ou sur fibre optique est disponible pour raccorder un local, les opérateurs privilégieront cette offre à une liaison hertzienne. Une utilisation généralisée des offres d'accès aux faisceaux hertziens pour construire des offres de détail haut et très haut débit n'est pas opérationnelle dans un environnement où la densité de population est forte, car cela entraînerait une saturation des ressources en spectre. En effet, l'utilisation d'une telle offre pour raccorder un local implique une demande d'attribution de fréquence, ce qui se révèlerait très contraignant dans le cas d'un marché de détail de masse. Ainsi, la capillarité des réseaux de boucle locales filaires, qu'il s'agisse de la boucle locale de cuivre de l'opérateur historique, ou des boucles locales optiques appelées à devenir l'infrastructure fixe de référence, rend peu pertinente, pour un nouvel opérateur entrant sur le marché de détail, l'utilisation généralisée des offres d'accès aux faisceaux hertziens pour le raccordement de la clientèle de masse. Par conséquent, les liaisons hertziennes et les offres d'accès central n'apparaissent pas substituables du côté de la demande.
Du côté de l'offre, les liaisons hertziennes et les liaisons filaires ne sont pas substituables car ces deux solutions s'appuient sur des solutions techniques très différentes et dont le déploiement nécessite des investissements importants. En effet, les réseaux et les équipements techniques impliqués dans la fourniture des deux offres sont différents et ne sont pas mutualisables. Ainsi, un offreur ayant déjà consenti à des investissements pour construire des offres de fourniture en gros d'accès central en position déterminée fondées sur des liaisons filaires ne peut basculer l'ensemble de ses accès vers une solution hertzienne qu'au prix d'un investissement important.
L'Autorité considère que les offres d'accès haut et très haut débit sur faisceaux hertziens et les offres d'accès central aux boucles filaires ne sont pas substituables.
2.2. Délimitation géographique du marché
2.2.1. Principes
Un marché géographique correspond au territoire sur lequel les conditions de concurrence, sur le marché de produits et services concerné, sont suffisamment homogènes et se distinguent significativement de celles observées sur les territoires voisins. Ce marché peut être local, régional, national voire transnational. La stabilité des frontières de ce marché géographique pour toute la durée du cycle envisagée est essentielle afin de garantir la prévisibilité du cadre réglementaire pour les acteurs du marché.
Pour analyser la délimitation du marché géographique, la Commission européenne précise, au point 51 de ses lignes directrices de 2018, que, dans le secteur des communications électroniques, l'étendue géographique du marché pertinent est traditionnellement déterminée par référence à deux critères principaux : le territoire couvert par les réseaux, d'une part, et l'existence d'instruments de nature juridique d'autre part.
Concernant l'unité géographique à retenir pour débuter l'analyse, la Commission européenne précise, au point 37 de sa recommandation « marchés pertinents » (26), qu'elle doit être d'une taille suffisamment petite pour prévenir toute variation de concurrence significative en son sein mais suffisamment grande pour éviter toute analyse fastidieuse inutilement consommatrice de ressources et risquant une fragmentation du marché. Par ailleurs, cette recommandation précise que cette unité géographique doit pouvoir refléter la structure du réseau de l'ensemble des opérateurs concernés, et être assorties de limites claires et stables dans le temps.
Dans la note explicative accompagnant cette recommandation, la Commission européenne (27) propose d'étudier la dimension géographique des marchés de détail avant de délimiter les marchés de gros. En effet, une segmentation géographique des marchés de gros peut résulter de conditions de concurrence hétérogènes des marchés de détail. De plus, la délimitation géographique des marchés de détail est un prérequis à l'évaluation de la nécessité d'une régulation ex ante sur un marché de gros puisque cet exercice peut conduire à apprécier les conséquences d'une dérégulation sur les utilisateurs finals. Afin de mener cette analyse des marchés de détail, la Commission européenne identifie plusieurs éléments d'appréciation comme le nombre d'offreurs présents, leurs politiques tarifaires, leurs stratégies marketing ou le contenu de leurs offres. Dans le document de position commune qu'il a publié en 2014 sur l'analyse géographique des marchés (28), et dont il a réaffirmé les conclusions dans son rapport publié en 2018 sur l'application par les ARN de la position commune de 2014 (29), l'ORECE préconise de mener une analyse de ces critères de manière cumulative en soulignant qu'il n'est pas pertinent de réaliser des segmentations sur le fondement d'un unique indicateur.
Par ailleurs, cette analyse doit être menée dans une approche prospective. Au point 39 de sa recommandation « marchés pertinents » (30), la Commission précise ainsi que « les variations significatives des conditions de concurrence devraient être prises en compte selon une approche prospective au stade de la définition du marché. La segmentation des mesures correctrices peut être utilisée pour prendre en charge les variations moins importantes ou moins stables des conditions de concurrence, notamment en ajustant périodiquement ou ponctuellement les mesures correctrices, sans nuire cependant à la prévisibilité de la réglementation. ». Dès lors, il apparaît que la délimitation géographique de marché retenue doit rester valable sur tout le cycle d'analyse du marché envisagé, et que, dans le cas où les variations des conditions de concurrence seraient marquées par une trop grande instabilité au cours du cycle, il pourrait être envisagé de les prendre en compte plutôt au moyen d'une segmentation géographique des mesures correctrices.
La Commission européenne a réaffirmé cette approche dans sa recommandation « sur la promotion réglementaire de la connectivité gigabit » du 6 février 2024, où elle indique que :
« (9) […] Les ARN devraient tenir compte des variations géographiques des conditions de concurrence, même au niveau de la définition des marchés.
« (10) Lorsque des marchés géographiques distincts ont été définis, les ARN devraient veiller à ce que la règlementation soit retirée sur les marchés géographiques dont il est constaté qu'ils sont effectivement concurrentiels en l'absence de réglementation. Toutefois, si ces variations ne sont pas suffisamment stables ou sont insuffisantes pour établir l'existence de marchés géographiques distincts, les ARN devraient appliquer des mesures correctrices géographiquement segmentées si nécessaire pour résoudre, de manière proportionnée, les problèmes de concurrence recensés dans les différentes zones définies. […] » (31)
2.2.2. Analyse liminaire des marchés de détail
Sur les marchés de détail, l'Autorité constate que les politiques tarifaires et commerciales des acteurs sont relativement homogènes sur le territoire national, indépendamment de l'état d'avancement du déploiement des réseaux en fibre optique. Si des disparités peuvent être observées entre le territoire métropolitain (y compris la Corse) et les territoires ultra-marins, il apparaît en effet que les stratégies des opérateurs sont établies de manière uniforme sur ces territoires. Le nombre d'infrastructures disponibles ne semble pas non plus intervenir dans la stratégie commerciale des opérateurs, comme en atteste la relative uniformité des tarifs des offres haut et très haut débit sur le territoire.
En particulier, sur les zones câblées, il n'existe pas de pratiques commerciales spécifiques qui soient fondamentalement différentes de celles observées sur les autres territoires. Les offres d'Altice en très haut débit commercialisées en zone câblée (gammes « THD » [32]) sont similaires en termes de prix, de services proposés ou encore de délais et de frais de raccordement, à celles proposées dans les zones de présence de la fibre optique (gamme « Fibre » [33]). Orange et Iliad ne proposent pas d'offre sur le réseau à terminaison en câble coaxial et ne segmentent pas leurs offres entre la zone câblée et les autres territoires. C'est également le cas de Bouygues Telecom qui a arrêté la commercialisation de ses offres FttLA depuis 2017.
Ainsi, il n'y a pas d'éléments sur les marchés de détail susceptibles de traduire une éventuelle segmentation géographique du marché de gros de l'accès central.
Dans ce qui suit, l'Autorité analyse plus spécifiquement la définition géographique du marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse.
Le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse propose des offres d'accès activé et ne représente qu'une partie réduite des accès haut et très haut débit au niveau national, soit une part se situant autour de 4 % de ces accès au dernier trimestre 2023 (1,2 million d'accès). Cependant ce marché revêt un intérêt particulier, d'une part, en l'absence d'infrastructure alternative, dans les zones arrière de NRA non dégroupés ; et d'autre part, pour les acteurs spécialisés du marché entreprises qui ont besoin d'un marché de gros activé dynamique sur l'ensemble du territoire pour pouvoir proposer des offres au détail attractives avec une couverture nationale.
2.2.3. Choix de l'unité géographique pour l'analyse géographique du marché de gros
Concernant l'unité géographique servant de point de départ à l'étude, la maille de la commune semble la plus appropriée.
La commune est la plus petite subdivision administrative française et constitue la maille la plus adaptée à la récolte des données qui permettent de mener une analyse des conditions de concurrence sur le marché. En effet, bien que la couverture du réseau des opérateurs ne coïncide pas forcément avec les frontières communales, la commune constitue une unité de référence identifiée par tous les opérateurs permettant d'obtenir des informations normalisées.
Si les nœuds de raccordement des opérateurs constituent une maille de collecte plus fine (dans les zones urbaines), ils ne permettent pas d'obtenir des données robustes dans le temps en raison des différences dans les architectures de réseaux fonction de la technologie concernée. En effet, le déploiement de la fibre optique et des NRO associés peuvent nécessiter, relativement au réseau cuivre et ses NRA, certaines évolutions dans l'architecture du réseau des opérateurs et entraîner une discontinuité dans les unités suivies avec, par exemple, le report de certains NRA sur des NRO ou la mise en place de nouveaux NRO.
L'échelon communal identifié administrativement par son code officiel géographique (défini par l'INSEE) permet d'obtenir des données uniformes et cohérentes sur le territoire national.
L'Autorité conclut donc que la commune est une maille appropriée pour servir de point de départ à l'analyse géographique du marché. Le choix de la commune est également cohérent avec les éléments énoncés par l'ORECE dans son document d'orientation de 2014 (34).
Pour autant, la commune constitue une unité de taille trop petite pour assurer un découpage cohérent des réseaux de communication électroniques, et pourrait au contraire entraîner une fragmentation artificielle du marché. On peut noter à ce sujet que les décisions d'investissements des opérateurs ont en général été formulées à des mailles plus agrégées (agglomérations ou établissements publics de coopération intercommunale) dans le cas des RIP, d'Appels à Manifestation d'intentions d'investissement (AMII) ou d'Appels à manifestation d'engagements locaux (AMEL). L'analyse doit donc s'attacher à travailler sur des ensembles ou des regroupements de communes, afin de mieux refléter la structure du réseau des opérateurs.
2.2.4. Premier niveau d'analyse : Regroupement en cluster de communes présentant des caractéristiques similaires
Une fois l'unité géographique de base définie, l'Autorité regroupe les communes présentant des conditions concurrentielles structurelles similaires, de sorte à ce que ces regroupements présentent des limites stables sur toute la durée du cycle envisagé. Les critères mobilisés pour ce regroupement permettent une analyse prospective conduite à la maille de la commune en se projetant sur l'empreinte géographique de la fibre à horizon de cinq ans dans un contexte de déploiement important et de migration vers cette nouvelle technologie. Cette projection sur l'empreinte géographique de la fibre à l'horizon du cycle permet ainsi de délimiter des regroupements dont les frontières resteront stables.
Les critères structurels retenus pour mener à bien ces regroupements en fonction des données disponibles à la maille de la commune sont :
- les technologies effectivement ou prospectivement déployées ;
- les principaux opérateurs d'infrastructure effectivement et prospectivement présents ;
- la densité de l'habitat et le schéma de déploiement retenu.
Ces différents critères sont détaillés ci-après.
- les technologies effectivement ou prospectivement déployées : le marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée est composé à la fois d‘offres de bitstream sur fibre, sur cuivre et sur câble (cf. section 2.1.3). Si l'infrastructure cuivre couvre effectivement l'ensemble du territoire, l'infrastructure FttH est en cours de déploiement. Il apparaît donc nécessaire, dans le cadre d'une approche prospective de prendre en compte le déploiement de l'infrastructure FttH à l'horizon du cycle. Concernant l'infrastructure câble, elle couvre aujourd'hui une partie circonscrite du territoire et n'a pas vocation à s'étendre. La contrainte concurrentielle qu'elle représente est toutefois prise en compte dans le cadre de l'analyse géographique afin de tenir compte des éventuelles variations des conditions concurrentielles qu'elle pourrait entraîner au niveau local ;
- les principaux opérateurs d'infrastructure effectivement et prospectivement présents : ce critère permet d'apprécier le degré d'intensité concurrentielle sur le marché de gros induit par la présence d'un nombre plus ou moins importants d'opérateurs d'infrastructure sur la commune. Par ailleurs, alors que les réseaux câble et cuivre sont détenus chacun respectivement en quasi-intégralité par un seul opérateur sur l'ensemble du territoire national, les réseaux fibre sont, selon les zones, déployés par plusieurs opérateurs d'infrastructure, dont ceux présents sur le câble et le cuivre. Ce critère permet également de suivre l'empreinte géographique des différents réseaux FttH à horizon de cinq ans et d'apprécier la dépendance des opérateurs du marché de détail à un opérateur particulier sur le marché de gros dans la zone considérée. Le fait de regrouper les communes en s'appuyant sur l'empreinte géographique de la fibre, non pas à date, mais à l'horizon du cycle, permet de plus de garantir que ces regroupements conserveront des frontières stables tout au long du cycle d'analyse envisagé ;
- la densité de l'habitat et le schéma de déploiement FttH retenu : la France est caractérisée par un schéma particulier de déploiement de l'infrastructure FttH mêlant selon les territoires différents niveaux de mutualisation et des déploiements d'initiative privée et d'initiative publique. L'ARCEP a défini en 2009 les « zones très denses », regroupant 106 communes parmi les plus denses du territoire, et sur lesquelles la partie mutualisée des réseaux FttH est plus limitée que sur le reste du territoire, les « zones moins denses ». Dans le cadre du plan France « très haut débit » (ci-après « PFTHD »), le Gouvernement distingue également deux catégories, qui ont résulté de l'Appel à manifestation d'intentions d'investissement (AMII) de 2010. Au cours de celui-ci, les intentions d'investissement des opérateurs privés ont délimité des zones sur lesquelles les opérateurs privés ont décidé d'investir sur fonds propres, dites « zones moins denses d'initiative privée ». Ces zones sont relativement plus denses que leurs compléments. En effet, un territoire avec une densité d'habitat très forte implique généralement des coûts de déploiements moins importants relativement à un territoire avec une densité d'habitat plus faible. La densité de la zone influe généralement sur le modèle économique des opérateurs et la viabilité économique des projets (du fait du nombre de locaux sur lesquels l'infrastructure peut être amortie), et fait dès lors varier les conditions de concurrence. Les zones complémentaires, dites « zones moins denses d'initiative publique », réputées non rentables à l'époque du lancement du PFTHD du fait de leur caractère moins dense et plus rural, ont fait l'objet de projets portés par les collectivités territoriales et soutenus par le Gouvernement dans le cadre du PFTHD. Le FttH y est déployé essentiellement par des RIP, aux côtés de quelques investissements privés décidés plus tardivement (fin 2017), dans le cadre des AMEL (35).
L'Autorité détaille ci-dessous les caractéristiques de densité de l'habitat ainsi que les modalités techniques et financières de déploiement sur chacun des types de zones susmentionnés.
Les zones très denses :
« Les communes à forte concentration de population, pour lesquelles, sur une partie significative de leur territoire, il est économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer […] leurs réseaux de fibre optique, au plus près des logements » également appelées « zones très denses » dans le cadre règlementaire du déploiement des réseaux FttH (36), comptent 106 communes et représentent plus de 7,8 millions de locaux (37) (logements et locaux à usage professionnel) au quatrième trimestre de 2023. La mutualisation a généralement lieu en pied d'immeubles ou au niveau d'armoires de rue réunissant 100 ou 300 locaux, selon la densité des poches à déployer. Les réseaux y sont déployés par les opérateurs privés sur fonds propres hors du cadre de l'AMII.
Les zones moins denses :
Les zones moins denses d'initiative privée :
Les zones moins denses d'initiative privée rassemblent une partie des zones moins denses réglementaires avec environ 17,6 millions de locaux au quatrième trimestre de 2023, généralement situés dans et autour de villes moyennes. Une partie des zones moins denses relevant de l'initiative privée sont communément appelée « zones AMII ». Elles ont en effet été initialement définies à la suite d'un appel à manifestation d'intentions d'investissement (AMII) lancé par le Gouvernement visant à révéler les projets de déploiement de réseaux très haut débit, sur fonds propres des opérateurs en dehors des zones très denses. Les intentions de déploiements FttH des opérateurs Orange et Altice (38) en zones AMII, qui ont été rendues juridiquement opposables, concernent aujourd'hui les locaux d'environ 3 600 communes. Ces intentions de déploiements correspondent, au quatrième trimestre 2023, à respectivement environ 13,7 millions et 3 millions de locaux. La grande majorité des communes en zones AMII comptent un unique opérateur d'infrastructure FttH par commune.
Les zones moins denses d'initiative publique :
Ces zones, complémentaires des zones moins denses d'initiative privé au sein des zones moins denses, regroupent environ 18,6 millions de locaux au quatrième trimestre 2023, parmi environ 31 000 communes. Elles correspondent en général à des territoires plus ruraux. Les déploiements y sont réalisés par les collectivités territoriales dans le cadre de RIP, ou par des opérateurs privés dans le cadre d'AMEL. Cela correspond, au quatrième trimestre 2023, à respectivement environ 17,2 millions de locaux en zones RIP et environ 1,4 millions de locaux en zones AMEL. La grande majorité des RIP sont élaborés au sein du PFTHD.
Dans le cadre des AMEL lancés à partir de fin 2017, des opérateurs privés se sont engagés de manière juridiquement opposable auprès du Gouvernement à déployer un réseau FttH sur leurs fonds propres, dans des zones généralement plus rurales que les zones AMII.
Les zones moins denses d'initiative publique, dont le déploiement FttH est accompagné par des autorités publiques, représentent généralement des zones plus rurales pour lesquelles les déploiements ont été entamés plus tardivement et s'effectuent moins rapidement. Il pourrait donc en résulter des conditions de concurrence distinctes des zones AMII. La très grande majorité des communes en zone moins dense d'initiative publique comptent un unique opérateur d'infrastructure FttH par commune.
Ce critère relatif au schéma de déploiement FttH retenu et à la densité d'habitation permet également de prendre en compte « l'existence d'instruments de nature juridique (législatifs et règlementaires) » (39) puisque les projets de déploiements relèvent d'un cadre juridique précis distinguant ces zones.
L'application cumulative des critères précités dans le cadre de cette première analyse de la situation prévalant à l'échelon communal permet d'identifier la formation de 13 zones aux limites clairement définies et robustes (40) pour toute la durée du présent cycle, décrites ci-après (quatrième trimestre 2023) :
Nom de la zone |
Description de la zone |
---|---|
Zone 1 |
En zones très denses, cette zone regroupe 77 communes et plus de 6,4 millions de locaux sur lesquels une offre câble est proposée. ll est économiquement rentable que plusieurs opérateurs d'infrastructure déploient sur une même commune au plus près des logements. |
Zone 2 |
En zones très denses, cette zone regroupe 29 communes et près d'1,4 millions de locaux. L'opérateur câble n'est pas présent sur la zone. ll est économiquement rentable que plusieurs opérateurs d'infrastructure déploient sur une même commune au plus près des logements. |
Zone 3 |
En zones AMII, cette zone regroupe environ 400 communes et près de 4,6 millions de locaux. Orange est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone et une offre câble est proposée. |
Zone 4 |
En zones AMII, cette zone regroupe environ 2 500 communes et près de 9 millions de locaux. Orange est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone mais il n'est pas proposé d'offre sur câble. |
Zone 5 |
En zones AMII, cette zone regroupe environ 600 communes et près de 3 millions de locaux. Altice est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone. |
Zone 6 |
En zones AMEL, cette zone regroupe environ 800 communes et plus de 400 milliers de locaux. Orange est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone. |
Zone 7 |
En zones AMEL, cette zone regroupe environ 1 300 communes et près de 900 milliers de locaux. Altice est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone. |
Zone 8 |
En zones AMEL, cette zone regroupe environ 500 communes et plus de 200 milliers de locaux. Altitude est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur cette zone. |
Zone 9 |
En zones moins denses d'initiative publique, cette zone regroupe environ 7 900 communes et environ 5,2 millions de locaux. Orange est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone. |
Zone 10 |
En zones moins denses d'initiative publique, cette zone regroupe environ 4 700 communes et environ 3,5 millions de locaux. Altice est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone. |
Zone 11 |
En zones moins denses d'initiative publique, cette zone regroupe environ 8 800 communes et plus de 4,5 millions de locaux. Altitude est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone. |
Zone 12 |
En zones moins denses d'initiative publique, cette zone regroupe environ 5 800 communes et près de 2,8 millions de locaux. Axione est l'opérateur d'infrastructure qui déploie l'infrastructure FttH sur la zone. |
Zone 13 |
Cette zone regroupe environ 1 400 communes et plus de 1,6 million de locaux. Cette zone regroupe des communes des zones moins denses d'initiative publique ainsi que des communes couvertes sur fonds privés hors engagement pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE, déployées par des opérateurs d'infrastructure de taille plus modeste. L'Autorité note que pour ces communes, à de rares exceptions près, l'infrastructure FttH est déployée par un seul opérateur d'infrastructure sur l'ensemble du territoire de la commune. |
L'Autorité a fait évoluer la liste de ces zones par rapport au sixième cycle d'analyse de marché.
Ainsi, la zone 13 définie dans les décisions n° 2020-1446, n° 2020-1447 et n° 2020-1448 susvisées, qui regroupait les communes des zones moins denses d'initiative publique pour lesquelles Covage était l'opérateur d'infrastructure déployant l'infrastructure FttH, n'apparaît plus dans la liste des zones pour ce cycle. En effet, Altice a acquis l'opérateur Covage le 9 décembre 2020 (41). Cette acquisition avait été autorisée par la Commission européenne le 27 novembre 2020 (42), en la subordonnant au respect d'une série d'engagements incluant la cession à un acquéreur approprié de 25 filiales et d'actifs représentant au total environ 95 % de l'activité BLOD de Covage. Ces filiales et actifs ont été acquis par l'opérateur Altitude le 30 septembre 2021 (43). Les communes de la zone 13 définie au sixième cycle sont désormais intégrées pour une part dans les zones moins denses d'initiative publique déployées par Altice (zone 10 du tableau ci-dessus), et pour une autre part dans les zones moins denses d'initiative publique déployées par Altitude (zone 11 du tableau ci-dessus).
De plus, la zone 8 était définie lors du cycle précédent comme regroupant les communes des zones AMEL sur lesquelles des opérateurs d'infrastructure (non verticalement intégrés) autres que Orange et Altice déployaient l'infrastructure FttH. Elle représente ici des zones AMEL sur lesquelles Altitude est désormais le seul opérateur d'infrastructure présent, du fait du rachat de Covage.
En tenant compte notamment de l'empreinte géographique prospective des réseaux FttH, une telle définition permet d'assurer que les limites des zones resteront claires et robustes pour toute la durée du cycle d'analyse envisagée. En effet, compte tenu du rythme de progression des déploiements en fibre, des regroupements de communes opérés par exemple sur la base de l'empreinte FttH à date conduiraient à retenir des zones dont les frontières seraient instables. Or la stabilité de la délimitation géographique du marché tout au long du cycle d'analyse est indispensable pour garantir la prévisibilité du cadre réglementaire pour les acteurs du marché, comme rappelé par la Commission européenne dans sa recommandation « marchés pertinents » (44). Dès lors, la définition de ces zones permet à l'Autorité de disposer d'une maille plus agrégée et aux limites stables, permettant d'appliquer des critères quantitatifs d'analyse des conditions de concurrence.
2.2.5. Second niveau d'analyse : analyse concurrentielle des différentes zones définies
Lors du sixième cycle d'analyse du marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, l'Autorité constatait que les zones très denses présentaient des conditions concurrentielles différentes du reste du territoire, et qu'Orange n'y exerçait pas d'influence significative. Dès lors, l'Autorité avait procédé à la levée de la régulation asymétrique dans ces zones (45). Pour ce nouveau cycle d'analyse, le niveau de dégroupage de la boucle locale de cuivre dans l'ensemble des zones très denses et l'avancement du déploiement et de la mutualisation de la boucle locale optique ne semblent pas nécessiter de revenir sur ces conclusions.
Par conséquent, le périmètre géographique analysé dans la suite de cette section correspond aux zones couvrant l'ensemble du territoire métropolitain, aux départements et régions d'outre-mer ainsi qu'aux collectivités d'outre-mer où les dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE s'appliquent à l'exclusion des zones très denses telles que définies par la décision n° 2009-1106 en date du 22 décembre 2009 modifiée par la décision n° 2013-1475 en date du 10 décembre 2013.
a) Définition des critères :
Dans sa recommandation « marchés pertinents » de 2020, la Commission européenne précise que, pour évaluer la similitude des conditions de concurrence des zones aux fins de la définition du marché géographique, des preuves structurelles et comportementales supplémentaires sont nécessaires (46). Pour conduire ce second niveau d'analyse sur les zones précédemment définies, l'Autorité identifie trois critères pertinents, sur lesquels elle s'appuie pour apprécier quantitativement la situation concurrentielle à travers le territoire :
- critère 1 : la part des locaux pour lesquels il y a au moins deux opérateurs dégroupeurs proposant une offre de bitstream sur le réseau cuivre.
Ce critère permet d'apprécier la concurrence effective sur le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, et si les opérateurs de détail alternatifs à Orange disposent d'autres offres de gros d'accès activé fondées sur le cuivre, en parallèle de celle proposée par l'opérateur historique. Le seuil de deux opérateurs dégroupeurs proposant une offre de bitstream cuivre permet raisonnablement de définir un marché de gros dynamique reposant sur trois acteurs.
- critère 2 : la part de marché d'Orange sur le marché de gros de l'accès central, toutes technologies confondues.
Ce critère permet d'évaluer dans quelle mesure les opérateurs alternatifs désirant proposer des offres de détail fondées sur des accès activés, toutes technologies confondues, sont dépendants des offres de gros proposées par Orange.
Une forte dépendance des opérateurs alternatifs à l'opérateur historique permettrait à ce dernier de retrouver sa position initiale en cas de levée de la régulation (ce critère permet donc d'anticiper les effets d'une levée de la régulation asymétrique conformément à une approche Greenfield Modifiée préconisée par la Commission [47]). A contrario, le développement d'un marché de gros activé dynamique s'appuyant largement sur une pluralité d'opérateurs pourra permettre aux opérateurs, à terme, de se libérer de cette dépendance à l'opérateur historique en recourant à des offres de gros alternatives.
- critère 3 : la part de locaux accessibles par au moins deux offres bitstream sur FttH alternatives à Orange, notamment à destination des entreprises (48).
Comme évoqué précédemment, le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée revêt une importance particulière pour les opérateurs spécialisés entreprises. Ces derniers n'ont pas les capacités financières pour déployer un réseau aussi capillaire que celui de l'opérateur historique ou que celui d'un opérateur intégré adressant le marché de détail résidentiel. De plus, une partie du marché de détail spécifique entreprise comporte des besoins multisites imposant à ces opérateurs spécialisés de pouvoir disposer d'une empreinte nationale. Le critère se restreint à des offres bitstream sur fibre qui constitue l'infrastructure de référence à venir sur laquelle la concurrence doit se pérenniser.
b) Application des critères :
Concernant la part des locaux pour lesquels il y a au moins 2 opérateurs dégroupeurs proposant une offre de bitstream sur le réseau cuivre (1er critère)
Au quatrième trimestre 2023, entre 45 % et 50 % des lignes cuivre, disposent d'au moins 2 opérateurs dégroupeurs proposant une offre de bitstream, soit une augmentation entre [5 - 10] points de % par rapport au sixième cycle d'analyse de marché (49).
Les zones AMII (zones 3 à 5) se distinguent par des niveaux très élevés avec en moyenne plus de 70 % des locaux desservis par 2 opérateurs dégroupeurs. La part des locaux pour lesquels il existe des alternatives (sur le réseau cuivre) à l'offre bitstream cuivre de l'opérateur historique des autres zones (zones 6 à 13) est comprise entre 10 % et 35 %.
Concernant la part de marché de gros d'Orange, toutes technologies confondues (2e critère)
Au quatrième trimestre 2023, Orange dispose d'une part de marché comprise entre 50 % et 55 % à l'échelle nationale, soit une baisse de [0-5] points de % par rapport au sixième cycle d'analyse.
Les parts de marché de gros d'Orange sont plus faibles sur les zones AMII, où elles se situent entre environ 20 % et environ 40 %.
Sur le reste des zones, les parts de marché de gros d'Orange varient entre environ 30 % et environ 80 % avec deux d'entre elles (zones 12 et 13) qui présentent des niveaux en dessous de 50 %.
Concernant le pourcentage de locaux accessibles par au moins deux offres bitstream sur FttH alternatives à Orange notamment à destination des entreprises (3e critère)
Au quatrième trimestre 2023, la part des locaux accessibles par au moins deux offres de bitstream sur FttH alternatives à Orange se situe entre 80 % et 85 % à l'échelle nationale, contre entre environ 15 % et 25 % au sixième cycle d'analyse.
La concurrence sur le bitstream FttH s'est développée fortement en l'espace de trois ans sur l'ensemble des zones. Ainsi, au quatrième trimestre 2023, les pourcentages de locaux accessibles par au moins deux offres bitstream sur FttH sont compris entre environ 40 % et 95 %, avec six zones qui présentent un pourcentage supérieur à 80 %.
Analyse cumulative des critères :
L'analyse cumulative des critères (50) démontre une amélioration globale des conditions concurrentielles pour l'ensemble des zones, notamment via la progression importante des niveaux du critère 3 relatif à la couverture des offres de bitstream FttH. Il apparaît que si les zones AMII pourraient, à date, se distinguer des autres zones en présentant des conditions concurrentielles plus favorables sur l'ensemble des critères, plusieurs éléments sont de nature à faire converger l'ensemble des zones vers une situation concurrentielle similaire à horizon de cinq ans.
Premièrement, les écarts observés entre les zones sont le résultat d'un décalage temporel dans le déploiement de la fibre et la migration des abonnés vers cette technologie. En effet, dans les premières années du déploiement de la fibre, les déploiements se sont initialement concentrés dans les zones très denses. Par la suite, la croissance des déploiements a été portée par les zones moins denses d'initiative privée, et est désormais portée depuis l'année 2021 par la zone d'initiative publique. Le critère 3 illustre l'effet de rattrapage des zones qui accusaient un retard. Ainsi, en trois ans, le niveau de locaux accessibles par au moins deux offres bitstream sur FttH alternatives à Orange a triplé, avec une progression particulièrement prononcée dans la zone d'initiative publique où il a quadruplé. Avec la perspective, d'une part, de l'horizon donné pour l'atteinte des objectifs du PFTHD en matière de couverture FttH sur la majorité du territoire, et d'autre part, de la fermeture commerciale nationale du réseau cuivre au 31 janvier 2026 et de la fermeture technique nationale d'ici à 2030, cette dynamique devrait se poursuivre à horizon de cinq ans.
Deuxièmement, une partie des opérateurs auparavant dépendants des offres de bitstream cuivre d'Orange ont fait le choix de désormais raccorder la totalité de leurs abonnés à leur réseau fibre propre ou via les accès de gros passifs aux réseaux FttH, et n'ont donc pas recours aux offres bitstream FttH. Ces opérateurs représentent plus de 40 % des accès totaux (51) du marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée. La migration des accès de ces opérateurs devrait réduire significativement la part de marché de gros d'Orange, en particulier dans les zones où les opérateurs s'appuient encore largement sur le bitstream cuivre d'Orange. De ce fait, s'agissant du critère 2, les écarts observés entre les différentes zones devraient diminuer à mesure que progresse la migration vers la fibre.
Enfin, en ce qui concerne le critère 1, les évolutions de marché à venir amoindrissent la portée de ce critère. En effet, on observe une baisse importante du volume d'accès de bitstream cuivre, d'environ 50 % (tous opérateurs confondus) entre 2020 et 2023. Fin 2023, le parc d'accès bitstream cuivre comptait environ 1 million d'accès. Ces éléments, conjugués à la perspective de la fermeture du cuivre, ont pour effet de désinciter les opérateurs alternatifs à dégrouper de nouveaux NRA pour augmenter leur couverture géographique de bitstream cuivre. Ainsi, les évolutions observées à travers ce critère traduisent dorénavant l'attrition du réseau cuivre et non une dégradation de la situation concurrentielle. La contraction déjà significative du volume d'accès de bitstream cuivre devrait se poursuivre et conduira à un faible nombre d'accès bitstream cuivre restant à horizon de cinq ans.
Au regard de l'ensemble de ce qui précède, et même si à date des écarts peuvent être observés entre certaines zones sur certains critères, l'ensemble des zones devrait converger à horizon de cinq ans. Il n'apparait donc pas pertinent de distinguer les zones.
En effet, une délimitation géographique qui distinguerait les zones dans lesquelles la dépendance des opérateurs alternatifs à Orange est encore très élevée des zones où elle l'est moins, bien qu'encore significative, conduirait à définir des marchés géographiques aux frontières instables, notamment compte tenu de la forte dynamique observée. L'Autorité serait alors amenée à redéfinir ces marchés géographiques en cours de cycle. Or, la perspective d'une redéfinition des marchés géographiques en cours de cycle nuirait à la prévisibilité du cadre règlementaire pour les acteurs du marché.
Au surplus, l'Autorité note que cette définition est cohérente avec l'avis exprimé par l'ORECE. Dans son document de position commune précité (52), il rappelle en effet que la délimitation du marché n'est pas une fin en soi mais un outil permettant d'évaluer la puissance de marché et in fine la nécessité d'une régulation ex ante.
2.3. Conclusion sur la définition du marché en termes de produits et de services et sur la délimitation géographique
Au vu de l'analyse qui précède, l'Autorité considère que l'ensemble des offres d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, livré au niveau infranational, appartiennent au même marché de produit, qu'elles soient fondées sur le cuivre en DSL, sur le câble coaxial ou sur la fibre optique, et quelle que soit leur interface de livraison. En particulier, les offres d'accès livré en IP et en Ethernet sont incluses dans ce marché.
L'Autorité exclut en revanche du périmètre du marché de produit ainsi identifié les offres suivantes :
- les offres d'accès local, comme le dégroupage de la boucle locale de cuivre, et les offres d'accès passif sur fibre optique ;
- les offres de gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse livré au niveau national, qu'elles soient fondées sur le cuivre en DSL, sur le câble coaxial ou sur la fibre optique ;
- les offres d'accès de haute qualité du segment terminal ;
- les offres de gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse fondées sur les technologies d'accès hertziennes terrestres, de type Wi-Fi ou 4G Fixe, 5G fixe, THD Radio, satellitaires.
Concernant la dimension géographique du marché, l'Autorité constate :
- sur le périmètre des zones très denses où la régulation asymétrique a été levée lors du sixième cycle, que les conditions concurrentielles ne semblent pas avoir évolué de manière à réviser cette délimitation géographique ;
- sur le périmètre des zones analysées ci-avant, même si à date des écarts peuvent être observés entre certaines zones sur certains critères, la dynamique de convergence observée devrait conduire à une homogénéisation de la situation concurrentielle de l'ensemble de ces zones à horizon de cinq ans. Il n'apparait donc pas pertinent de délimiter des marchés distincts géographiquement.
Dès lors, l'Autorité retient donc, pour la délimitation géographique du marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée, l'ensemble du territoire métropolitain, les départements et régions d'outre-mer, ainsi que les collectivités d'outre-mer où les dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE s'appliquent à l'exception des zones très denses (53).
Le marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse n'étant pas recensé par la Commission européenne dans sa recommandation « marchés pertinents », l'Autorité doit ainsi procéder au « test des trois critères ». En effet, la Commission indique dans la recommandation précitée que « les autorités réglementaires nationales peuvent recenser des marchés autres que ceux énumérés dans la présente recommandation et leur appliquer le test des trois critères ».
3. Analyse de la pertinence d'une régulation ex ante au travers du test des trois critères
3.1. Méthode d'analyse
A titre liminaire, il convient de rappeler que, par sa recommandation « marchés pertinents » du 18 décembre 2020, la Commission européenne a retiré le marché de la fourniture en gros d'accès central (54) de la liste des marchés pertinents pour une régulation ex ante. La Commission estime en effet que ce marché ne remplit plus le test des trois critères à l'échelle de l'Union européenne (55).
Dans la note explicative accompagnant la recommandation, la Commission considère notamment qu'à l'échelle de l'Union, un nombre suffisant d'opérateurs ont surmonté les barrières à l'entrée et sont en mesure de proposer des offres de gros d'accès central, reposant soit sur les infrastructures qu'ils ont déployé en propre, soit sur des produits appartenant à des marchés plus en amont (dégroupage de la boucle locale de cuivre, accès virtuel à la boucle locale dit « VULA (56) », accès à la boucle locale optique) (57). De plus, la Commission pointe le fait que le câble est la plupart du temps inclus dans le périmètre du marché de produit de l'accès central, et qu'il peut ainsi exercer, dans sa zone de couverture, une certaine pression sur l'opérateur en situation d'exercer une influence significative (58). Enfin, la Commission européenne note le développement des offres d'accès fixe fondées sur les technologies sans fil (59).
Par ailleurs, dans sa recommandation « marchés pertinents » susvisée, la Commission européenne indique que les marchés définis lors de l'analyse de substituabilité sont susceptibles d'être soumis à une régulation ex ante s'ils remplissent cumulativement les trois critères suivants :
- le premier critère est la présence d'obstacles à l'entrée importants et non transitoires d'ordre structurel, juridique ou réglementaire ;
- le deuxième critère sert à établir si la structure du marché présage d'une évolution vers une concurrence effective au cours de la période visée, compte tenu de la situation de la concurrence fondée sur les infrastructures et d'autres facteurs influant sur la concurrence, indépendamment des obstacles à l'entrée ; et
- le troisième critère réside dans l'incapacité du droit de la concurrence à remédier à lui seul, de manière adéquate, aux défaillances du marché constatées.
Comme mentionné en section 2.2.5, l'Autorité avait procédé à la levée de la régulation asymétrique dans les zones très denses lors du sixième cycle d'analyse, et les conditions concurrentielles de ces zones ne semblent pas nécessiter de revenir sur cette conclusion pour ce nouveau cycle.
Dès lors, dans la suite de cette section 3, l'Autorité procède à l'analyse des trois critères susmentionnés sur le périmètre recouvrant l'ensemble du territoire national à l'exception des zones très denses.
3.2. Premier critère : existence de barrières élevées et non provisoires à l'entrée
S'agissant du premier critère, la Commission indique dans sa recommandation « marchés pertinents » susvisée que deux catégories de barrières à l'entrée sont à considérer : les barrières structurelles d'une part, et les barrières légales ou réglementaires d'autre part.
Selon la Commission, les barrières structurelles « découlent des conditions différentes en matière de coûts ou de demande, qui donnent lieu à des conditions de concurrence asymétriques entre les opérateurs en place et ceux qui souhaitent accéder au marché, freinant ou empêchant l'entrée de ces derniers sur le marché. Ainsi, les barrières structurelles peuvent également s'avérer élevées sur un marché caractérisé par des avantages de coûts absolus ou de substantielles économies d'échelle et/ou des effets de réseau, des contraintes de capacité et/ou des coûts irrécupérables importants. Des barrières structurelles peuvent également exister lorsque la fourniture de services implique d'avoir à disposition un élément de réseau qui ne peut être reproduit pour des raisons techniques ou dont la reproduction n'est pas faisable d'un point de vue économique. » (60)
La fourniture d'une offre de gros d'accès central nécessite d'avoir déployé un réseau en propre jusqu'à l'abonné (c'est le cas d'Orange sur l'infrastructure cuivre ou des opérateurs d'infrastructure ayant déployé des lignes à très haut débit en fibre optique), ou d'avoir recours auprès d'un autre opérateur à une offre de gros d'accès local en position déterminée (c'est le cas des opérateurs ayant dégroupé la boucle locale de cuivre d'Orange et des opérateurs accédant sous forme passive aux boucles locales optiques déployées par les opérateurs d'infrastructure FttH).
Comme mentionné en section 2.2.5.b, au quatrième trimestre 2023, le pourcentage de locaux accessibles par au moins deux offres de bitstream alternatives à Orange sur FttH se situe entre 80 % et 85 % sur l'ensemble du territoire national. La forte progression, depuis le sixième cycle d'analyse de marché, de ce pourcentage de locaux indique que de plus en plus d'opérateurs alternatifs ont désormais les capacités d'investissement nécessaires pour la fourniture d'une offre de gros d'accès central sur la fibre, qui constitue l'infrastructure de référence à venir.
Un nombre croissant d'opérateurs alternatifs ont ainsi raccordé une part élevée des PM FttH ou des NRO du territoire pour accéder aux réseaux FttH sous forme passive. Ces opérateurs alternatifs ont progressivement proposé des offres de gros d'accès central sur la fibre. A ce titre, l'Autorité rappelle qu'en 2024, le groupe Iliad a lancé une offre de gros d'accès central sur la totalité des réseaux FttH auxquels il a accès, et le groupe Axione a étendu à l'échelle nationale la couverture de son offre de gros d'accès central aux réseaux FttH. Les offres de bitstream FttH des opérateurs alternatifs présentent désormais une couverture comparable à l'offre « FTTH Access » de l'opérateur historique.
Par ailleurs, la régulation ex ante des marchés en amont du marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse (61), associée aux dispositions du cadre de régulation des réseaux FttH (62) dit « cadre symétrique », fournit un cadre sécurisant les investissements consentis par les opérateurs alternatifs pour l'accès passif aux réseaux FttH, et par là sécurisant la fourniture d'offres bitstream FttH par ces mêmes opérateurs.
Au regard de l'ensemble des éléments précédents, il apparaît que le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse ne peut être caractérisé par l'existence de barrières élevées et non provisoires à l'entrée.
3.3. Deuxième critère : l'absence d'évolution vers une situation de concurrence effective à l'horizon de la présente analyse
Conformément au cadre européen, « le deuxième critère sert à déterminer si une structure de marché présage d'une évolution vers une concurrence effective dans un délai déterminé, compte tenu de la situation et des perspectives de la concurrence fondée sur les infrastructures et d'autres sources de concurrence, indépendamment des barrières à l'entrée. » (63)
En premier lieu, sur le segment bitstream cuivre, l'Autorité constate qu'en trois ans, le volume d'accès bitstream cuivre a été divisé par deux, passant d'environ 2 millions d'accès fin 2020 à environ un million d'accès fin 2023. Ainsi, bien que l'Autorité observe, depuis le sixième cycle d'analyse de marché, une croissance modérée de la part de locaux pour lesquels au moins deux opérateurs dégroupeurs proposent une offre de bitstream (cf. section 2.2.5.b), cette faible augmentation s'accompagne d'une décroissance très prononcée du volume d'accès bitstream cuivre vendus sur l'ensemble du marché. Dans un contexte de transition vers la fibre, conjugué aux fermetures commerciales et techniques du réseau cuivre au niveau national, cette dynamique de forte décroissance devrait se poursuivre à horizon de cinq ans.
De plus, comme mentionné précédemment en 2.2.5.b), une partie des opérateurs auparavant dépendants des offres de bitstream cuivre d'Orange ont fait le choix de désormais raccorder la totalité de leurs abonnés à leur réseau fibre propre ou via les accès de gros passifs aux réseaux FttH. Ceci a pour effet d'accentuer la décroissance des volumes d'accès bitstream.
En second lieu, sur le segment bitstream FttH, l'Autorité observe que le nombre d'accès est en croissance, pour atteindre environ 215 000 accès à la fin 2023 (soit une augmentation de 20 % depuis fin 2020). De plus, comme mentionné précédemment, l'Autorité constate une forte croissance de l'éligibilité des locaux à des offres fournies par des opérateurs alternatifs. Si, au moment où a été annoncé son lancement en octobre 2022, l'offre « FTTH Access » de l'opérateur historique pouvait présenter une couverture significativement plus étendue que les offres bitstream FttH des opérateurs alternatifs, plusieurs d'entre eux accèdent désormais aux réseaux FttH sous forme passive sur une portion du territoire suffisamment importante pour fournir des offres bitstream FttH d'une couverture comparable à celle de l'offre « FTTH Access ». Par ailleurs, la part de marché d'Orange sur le bitstream FttH, en termes d'acquisition de nouveaux clients, n'est pas prédominante depuis le lancement de son offre « FTTH Access ». Les opérateurs alternatifs semblent ainsi en mesure d'animer la concurrence sur le marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée à horizon de cinq ans, à mesure que se finalisera la transition depuis le réseau cuivre vers la nouvelle infrastructure de référence que constitue la fibre.
Ce faisant, l'Autorité considère qu'à l'horizon de cinq ans, le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse évoluera vers une situation de concurrence effective, notamment du fait de la dynamique favorable déjà observée sur la part des locaux accessibles par au moins deux offres bitstream alternatives à Orange sur FttH (cf. l'analyse du troisième critère quantitatif dans la section 2.2.5.b).
3.4. Conclusion sur le test des trois critères
Au vu de l'analyse exposée ci-avant, il apparaît que, à l'horizon du cycle envisagé, au moins deux des trois critères tels que mentionnés par la Commission européenne dans sa recommandation « marchés pertinents » de 2020 ne sont pas réunis en ce qui concerne le marché de l'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, sur le périmètre recouvrant l'ensemble du territoire national à l'exception des zones très denses (telles que définies par la décision n° 2009-1106 en date du 22 décembre 2009 modifiée par la décision n° 2013-1475 en date du 10 décembre 2013). Or, la recommandation « marchés pertinents » précise que l'imposition d'obligations réglementaires ex ante ne peut être justifiée que sur les marchés où les trois critères sont cumulativement remplis.
En ce qui concerne les zones très denses, où l'Autorité avait procédé à la levée de la régulation asymétrique par sa décision n° 2020-1447, les conditions concurrentielles de ces zones ne nécessitent pas de revenir sur cette conclusion.
Dès lors, l'Autorité considère que le maintien d'une régulation ex ante sur le marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, que ce soit sur le périmètre recouvrant les zones très denses, ou sur le périmètre recouvrant l'ensemble du territoire national à l'exception des zones très denses, n'est plus justifié.
4. Mise en place d'une période transitoire sur le marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée
Le III de l'article L. 37-2 du CPCE dispose que :
« [l]'Autorité n'impose d'obligations aux opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques qu'en l'absence de concurrence effective et durable et les supprime dès lors qu'une telle concurrence existe.
« Lorsqu'elle envisage de supprimer de telles obligations, l'autorité veille à ce que les opérateurs bénéficient d'une période de préavis appropriée, établie en recherchant un équilibre entre la nécessité d'assurer une transition durable pour les bénéficiaires de ces obligations et les utilisateurs finals, le choix des utilisateurs finals et la nécessité de ne pas maintenir la régulation plus longtemps que nécessaire.
« L'autorité peut fixer les conditions et les périodes de préavis spécifiques en ce qui concerne les conventions d'accès en vigueur ».
A cet égard, le deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 67 de la directive n° 2018/1972, que l'article L. 37-2 précité du CPCE vient transposer, dispose que :
« Les autorités de régulation nationales veillent à ce que les parties concernées par ce retrait d'obligations bénéficient d'une période de préavis appropriée, établie en recherchant un équilibre entre la nécessité d'assurer une transition durable pour les bénéficiaires de ces obligations et les utilisateurs finaux, le choix des utilisateurs finaux, et la nécessité de ne pas maintenir la régulation plus longtemps que nécessaire. Lorsqu'elles fixent la durée de cette période de préavis, les autorités de régulation nationales peuvent fixer des conditions et des périodes de préavis spécifiques en ce qui concerne les accords existants en matière d'accès. » (64)
Si le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée ne justifie plus l'imposition d'obligations ex ante, il convient néanmoins de prévoir une période transitoire pour répondre au besoin de prévisibilité des opérateurs bénéficiaires de ces obligations.
Cette période transitoire vise notamment à accorder aux opérateurs le temps d'identifier une solution alternative et de la mettre en œuvre, dans un contexte de dérégulation de l'offre bitstream cuivre d'Orange. Une telle période est essentielle dans une dynamique de migration vers une nouvelle technologie, notamment pour les opérateurs « entreprises ».
En complément de son analyse, l'Autorité a porté une attention particulière sur les pratiques des régulateurs nationaux européens sur le marché de la fourniture en gros d'accès central, tout en considérant les spécificités de chaque marché. A titre d'exemple, dans sa décision du 18 janvier 2024 (65), le régulateur irlandais ComReg a instauré une période de transition de 12 mois, tandis que le régulateur italien AGCOM a opté pour une transition de 18 mois (66). Ces durées de période transitoire correspondent au délai estimé nécessaire, pour chacun de ces pays, pour que les opérateurs puissent identifier et mettre en place une solution alternative.
Au regard du mouvement d'attrition observé sur le marché national du bitstream cuivre et des différents éléments susmentionnés, l'Autorité estime qu'il apparaît justifié et proportionné au regard des objectifs de régulation prévus à l'article L. 32-1 du CPCE, et notamment ceux prévus aux 3° et 4° du II et aux 1° et 2° du III, que la période transitoire s'étende jusqu'au 31 mars 2026. Durant cette période, Orange est tenu de respecter les articles 3 à 31 de la décision n° 2020-1447.
L'Autorité continuera de veiller, y compris pendant cette période transitoire, à l'évolution des conditions concurrentielles sur ce marché et pourra, le cas échéant, réexaminer la nécessité d'une nouvelle intervention ex ante sur celui-ci.
Enfin, l'Autorité entend apporter des précisions quant à l'appréciation de certains remèdes applicables pendant cette période transitoire.
De telles précisions ont été introduites dans le cadre de la prolongation de la décision n° 2020-1447, afin d'assurer une cohérence entre les remèdes prévus par la décision n° 2020-1447 et les remèdes prévus par la décision n° 2023-2802 d'analyse du marché de fourniture de gros d'accès local en position déterminée (ci-après « marché 1 »). A cet égard, la décision n° 2023-2804 indiquait que « les obligations de la décision n° 2020-1447 que la présente décision prolonge sont sans préjudice des dispositions prévues par la décision n° 2023-2802 d'analyse du marché 1 ».
Dans ce contexte, il apparaît également pertinent que les obligations de la décision n° 2020-1447 qu'Orange doit respecter pendant la période transitoire soient sans préjudice des dispositions prévues par la décision d'analyse du marché 1, et en particulier celles relatives à la fermeture du réseau cuivre, l'obligation de contrôle tarifaire et de la qualité de service.
Fermeture du réseau cuivre durant la période transitoire :
Par sa décision n° 2020-1447, l'Autorité a, conformément à l'article L. 38-2-3 du CPCE, précisé un ensemble de dispositions encadrant les modalités de fermeture par Orange de son réseau cuivre.
Dans le cadre du septième cycle d'analyses des marchés, l'Autorité poursuit l'encadrement de la fermeture du réseau cuivre tout en apportant certaines modifications au cadre posé en décembre 2020. En particulier, les critères préalables à la fermeture commerciale ou technique du réseau à la maille d'une commune, d'un arrondissement municipal, d'une zone arrière de NRA ou d'un groupement d'IRIS pour les communes de plus de 50 000 locaux et sous certaines conditions spécifiques sont actualisés. Les délais de prévenance applicables sont également actualisés notamment avec l'introduction d'un délai raccourci pour les zones les plus avancées dans la transition cuivre-fibre, et l'introduction d'une fermeture technique à la maille de l'adresse. Ces critères et délais de prévenance de fermeture du cuivre sont précisés aux articles 9 à 14 de la décision n° 2023-2802 d'analyse du marché de fourniture de gros d'accès local en position déterminée.
Dans la continuité de la décision n° 2023-2804 prolongeant la décision n° 2020-1447, l'ARCEP précise que l'application de la présente décision n'empêche pas la fermeture du réseau cuivre telle que prévue par la décision n° 2023-2802 d'analyse du marché 1.
L'obligation d'orientation vers les coûts durant la période transitoire :
L'article 28 de la décision n° 2020-1447 dispose que :
« Dans la zone correspondant à l'ensemble des NRA où aucun opérateur tiers ne propose ou n'est susceptible de proposer rapidement des offres de gros d'accès central haut et très haut débit de masse, sur DSL sur la base du dégroupage ou sur câble coaxial ou fibre optique dans des conditions équivalentes, livré au niveau infranational, Orange offre les prestations de gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse livré sur DSL au niveau infranational, ainsi que les ressources et services associés, à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes et objectifs d'efficacité, de non-discrimination et de concurrence effective et loyale.
« Les modalités de mise en œuvre de cette obligation, s'agissant de la composante accès, seront précisées par une décision complémentaire. Cette décision pourra être modifiée en tant que de besoin. »
Dans le cadre de la mise en œuvre de ce remède d'orientation vers les coûts, l'Autorité avait souhaité imposer un encadrement tarifaire sur certaines composantes des prestations régulées, conformément aux dispositions du I de l'article D. 311 du CPCE. Cet encadrement tarifaire a été fixé par l'ARCEP pour les années 2021 à 2023 par la décision n° 2020-1493 de l'ARCEP en date du 16 décembre 2020 (67).
Pendant la période de prolongation, l'Autorité a indiqué que :
« [c]ompte-tenu notamment de la durée limitée de la prolongation de la décision n° 2020-1447, il n'apparaît pas justifié de maintenir un encadrement tarifaire comparable à celui prévu par la décision n° 2020-1493 de l'ARCEP en date du 16 décembre 2020 durant cette période.
« En l'absence d'un tel encadrement tarifaire, l'Autorité appréciera l'obligation faite à Orange de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants, prévue à l'article 28 précité, au regard notamment de l'évolution des tarifs appliqués par Orange sur le marché 1, en considérant que les offres d'accès du marché 3b, dont le cycle d'analyse est prolongé par la présente décision, se construisent à partir des offres du marché 1. »
Dans la continuité de la décision n° 2023-2804 prolongeant la décision n° 2020-1447, l'ARCEP précise que dans l'application de la présente décision, elle appréciera l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants au regard notamment de l'évolution des tarifs appliqués par Orange sur le marché 1.
5. Avis de l'Autorité de la concurrence
Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'ARCEP a sollicité l'avis de l'Autorité de la concurrence sur la délimitation des marchés pertinents et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative. L'Autorité de la concurrence a ainsi fait part de ses observations dans son avis n° 24-A-08 en date du 16 septembre 2024.
5.1. Sur la définition du marché
L'Autorité de la concurrence « partage l'analyse de l'ARCEP » (§ 43) quant à la « substituabilité de la demande s'agissant des offres à haut et très haut débit » (§ 42). Elle invite toutefois l'ARCEP « à observer les évolutions de nature à confirmer ou infirmer cette conclusion, notamment dans le cadre du processus de fermeture à grande échelle du réseau de boucle locale cuivre et à en tirer, le cas échéant, toutes les conséquences » (§ 44). Sur ce point, l'ARCEP pourra, en tant que de besoin, se donner la possibilité d'effectuer une nouvelle analyse de marché.
Sur la délimitation géographique du marché, l'Autorité de la concurrence « constate que la méthode proposée par l'ARCEP est fondée sur des critères objectifs permettant une analyse ex ante robuste tant de la situation concurrentielle actuelle que des évolutions prévisibles de celle-ci. » (§ 47).
Les remarques de l'Autorité de la concurrence n'appellent pas de modification de la présente décision.
5.2. Sur la levée de la régulation
5.2.1. Sur l'importance des offres bitstream et de leur compétitivité
Sans remettre en cause la levée de la régulation, l'Autorité de la concurrence rappelle que les offres bitstream permettent à de nouveaux acteurs « d'entr[er] sur le marché de détail sans qu'il leur soit nécessaire d'investir directement dans le dégroupage du réseau en cuivre ou dans le déploiement ou la mutualisation du réseau FttH. » (§ 51).
Sur le segment du bitstream cuivre, l'Autorité de la concurrence indique qu'elle sera « attentive aux évolutions contractuelles qui interviendront à l'issue de la levée de la régulation, notamment en ce qui concerne les prix de gros pratiqués par [Orange] » (§ 54).
Sur le segment du bitstream FttH, qui n'est pas régulé, l'Autorité de la concurrence appelle à la vigilance de l'ARCEP quant à « l'émergence et la stabilité d'offres de gros accessibles pour les opérateurs indépendants afin qu'une concurrence par les services perdure sur le segment fibre, malgré l'extinction de la régulation du marché 3b. » (§ 55).
Les remarques de l'Autorité de la concurrence n'appellent pas de modification de la présente décision. L'ARCEP rappelle qu'elle sera vigilante à l'évolution de la dynamique concurrentielle, en particulier sur le segment du bitstream FttH. L'ARCEP réalise notamment un suivi de ce type d'offres, à partir des données qu'elle collecte périodiquement auprès des opérateurs au moyen de questionnaires.
5.2.2. Sur le test des trois critères
L'Autorité de la concurrence « souscrit à l'analyse de l'ARCEP concluant à l'absence de barrières sur le marché » (§ 60). En ce qui concerne l'évolution des conditions de marché vers une situation de concurrence effective, l'Autorité de la concurrence constate que « le transfert de la dynamique de marché vers les offres reposant sur le réseau FttH semble créer des conditions de marché plus concurrentielles que celles qui existent sur le segment cuivre » (§ 62). L'Autorité de la concurrence indique cependant que les opérateurs qu'elle a entendus ont présenté des éléments qui « justifient qu'il soit prêté, au cours du cycle d'analyse, une attention particulière à l'évolution de la situation concurrentielle » sur le segment fibre. Cependant l'Autorité de la concurrence considère « qu'ils ne sont pas de nature à remettre en cause le constat de l'évolution du marché vers une situation de concurrence effective » (§ 64).
L'Autorité de la concurrence considère que « l'analyse des deux premiers critères tenant à l'absence de barrières à l'entrée sur le marché et l'évolution du marché vers une situation de concurrence effective permet de justifier la levée des mesures de régulation » (§ 65).
Les remarques de l'Autorité de la concurrence n'appellent pas de modification de la présente décision. L'ARCEP rappelle qu'elle sera vigilante à l'évolution des conditions concurrentielles sur le segment du bitstream FttH.
5.2.3. Sur la durée de la période transitoire
L'Autorité de la concurrence souligne que « l'ARCEP pourrait apporter, dans sa décision finale, des éléments permettant de justifier le caractère suffisamment proportionné de la durée de période transitoire retenue ». Elle précise que « la pratique des autorités européennes de régulation sectorielle en la matière pourrait constituer un guide d'analyse utile » (§ 72) comme élément justificatif. L'Autorité de la concurrence invite également l'ARCEP à ce que les éléments apportés « démontr[en]t le caractère proportionné du délai défini, notamment au regard des circonstances et temporalités spécifiques au marché entreprises ». Sur ce sujet, l'ARCEP indique (cf. section 4) que la durée de la période transitoire retenue tient compte du besoin de prévisibilité des opérateurs.
Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence indique qu'il pourrait « être utile que l'ARCEP s'assure au moment de la levée de la régulation que l'évolution envisagée des conditions concurrentielles se soit matérialisée et justifie la levée de la régulation » (§ 73). Sur ce point, comme indiqué en section 4, l'ARCEP rappelle qu'elle sera vigilante à l'évolution de la dynamique concurrentielle du marché, y compris pendant la période transitoire, et pourra, le cas échéant, réexaminer la nécessité d'une nouvelle intervention ex ante sur celui-ci.
6. Observations de la Commission européenne
En application de l'article 32, paragraphe 3 de la directive n° 2018/1972, l'ARCEP a notifié à la Commission européenne, à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et aux autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, le 15 octobre 2024, le projet de décision de l'Autorité portant sur la levée de la régulation du marché de la fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse.
En date du 14 novembre 2024, la Commission européenne a indiqué qu'« ayant examiné la notification et les informations supplémentaires fournies [… elle] n'a[vait] pas d'observation à formuler ».
Décide :