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Article AUTONOME (Décision n° 2024-656 du 3 juillet 2024 portant sanction à l'encontre de la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.))

Article AUTONOME (Décision n° 2024-656 du 3 juillet 2024 portant sanction à l'encontre de la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.))


Lors de la séance du 26 juin 2024, l'Autorité a entendu le rapporteur ainsi que M. Gérald Brice Viret, directeur général de Canal+ France en charge des antennes et des programmes, Mme Laetitia Ménasé, secrétaire générale du groupe Canal +, M. Christophe Roy, directeur des affaires réglementaires et concurrence du groupe Canal +, M. Serge Nedjar, directeur général de CNews, M. Thomas Bauder, directeur de la rédaction de CNews, et Me Claire Vannini.
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. En premier lieu, en vertu de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée : « Si la personne faisant l'objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant déjà fait l'objet d'une mise en demeure, une des sanctions suivantes : […] 3° Une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme […] ». L'article 42-2 de cette même loi dispose que : « Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. ». Par ailleurs, aux termes de l'article 4-2-2 de la convention susvisée conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.), le 27 novembre 2019 : « Si l'éditeur ne se conforme pas à une mise en demeure, [l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] peut, dans les conditions prévues à l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, prononcer contre l'éditeur une des sanctions suivantes : / 1° une sanction pécuniaire dans les conditions prévues à l'article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée […] ». L'article 4-2-4 de la même convention prévoit que : « Les pénalités contractuelles mentionnées aux articles 4-2-2 et 4-2-3 sont prononcées par [l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] dans le respect des garanties fixées par les articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. »
2. En deuxième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, « l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l'article 1er de [cette] loi » affirmant le principe de la liberté de la communication au public par voie électronique. Sur ce fondement, l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 susvisée dispose que l'éditeur « veille au respect d'une présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l'expression des différents points de vue par les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d'antenne ». Par ailleurs, l'article 2-3-7 de la convention susvisée stipule que « l'exigence d'honnêteté s'applique à l'ensemble des programmes. L'éditeur respecte la délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent ».
3. En troisième lieu, l'article 2-2-1 de la convention du 27 novembre 2019 susvisée stipule que : « L'éditeur est responsable du contenu des émissions qu'il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne. »
4. En quatrième lieu, par une décision du 10 mai 2022, la Société d'exploitation d'un service d'informations (S.E.S.I.) a été mise en demeure de respecter, à l'avenir, concernant le service CNews, d'une part, les dispositions précitées de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relatives à l'obligation d'honnêteté et de rigueur de l'information, ainsi que celles relatives à l'obligation de présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l'expression des différents points de vue, auxquelles renvoient les stipulations précitées de l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019, et d'autre part, les stipulations précitées de l'article 2-2-1 de cette même convention relatives à l'obligation de maîtrise de l'antenne. Par ailleurs, par une seconde décision du 10 mai 2022, la Société d'exploitation d'un service d'informations (S.E.S.I.) a été mise en demeure de respecter, à l'avenir, concernant le service CNews, d'une part, les dispositions précitées de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relatives à l'obligation d'honnêteté et de rigueur de l'information, auxquelles renvoient les stipulations précitées de l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019, et d'autre part, les stipulations précitées de l'article 2-2-1 de cette même convention relatives à l'obligation de maîtrise de l'antenne.
Sur l'émission « Punchline Eté » diffusée le 8 août 2023 :
5. Il ressort du compte rendu de visionnage de l'émission « Punchline Eté » diffusée le 8 août 2023 qu'une séquence a été consacrée à l'information selon laquelle le mois de juillet 2023 avait été le mois le plus chaud jamais enregistré. Au cours de cette séquence, l'un des intervenants a contesté l'influence anthropique sur le réchauffement climatique en déclarant notamment : « Le réchauffement climatique anthropique est un mensonge, une escroquerie, à un moment il va falloir poser les choses scientifiquement, c'est pas une loi de la science […] » ; « Il y a un réchauffement climatique depuis le milieu du XIXe siècle, mais qui suit un mini âge glacière, […] donc le climat a toujours évolué, il va continuer de le faire, mais nous expliquer que c'est à cause de l'Homme ça non, ça c'est de l'ordre du complot, et pourquoi ça a autant de poids ? Parce que ça justifie l'intervention de l'Etat dans notre vie, et ça aussi absout l'Etat de devoir diminuer ses dépenses publiques. Elisabeth Borne a annoncé qu'on allait dépenser 60 milliards d'euros par an pour lutter contre la… contre ce soi-disant réchauffement, comme ça l'Etat dit « bah j'peux pas faire d'économies y a le réchauffement », c'est très pratique et puis ça permet d'intervenir dans l'agenda, dans la vie des gens, l'habitation, le transport, l'industrie, l'agriculture et c'est… pour moi c'est une forme de totalitarisme. Moi qui suis un économiste libéral, c'est une forme de totalitarisme. ». Ces propos de l'intervenant sur l'absence d'influence humaine sur le réchauffement climatique n'ont suscité aucune réaction de la part des autres personnes présentes en plateau.
6. Il ressort ainsi du compte rendu de visionnage de cette émission qu'un intervenant a contesté de manière véhémente l'existence d'un réchauffement climatique dû aux activités humaines, la qualifiant de « mensonge » et d'« escroquerie », imputable à un « complot » destiné à justifier l'intervention de l'Etat dans la vie quotidienne et dans d'autres domaines, laquelle s'apparenterait à une forme de « totalitarisme ». L'intervenant a ainsi pu exprimer une thèse controversée et non vérifiée par les données acquises de la science sans que la position qu'il défendait ne soit mise en perspective et sans qu'une contradiction sur ce sujet ne soit exprimée à la suite de ces propos. Dès lors, cette situation caractérise un manquement de l'éditeur aux stipulations précitées de l'article 2-3-7 de sa convention et aux dispositions précitées de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie, selon lesquelles l'éditeur est tenu d'assurer une présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l'expression des différents points de vue.
7. Par ailleurs, les déclarations de l'intervenant mentionnées au point 5 n'ayant donné lieu à aucune réaction de la part des autres personnes présentes en plateau, un manquement aux stipulations de l'article 2-2-1 de la convention du 27 novembre 2019 précitée est également caractérisé.
Sur la sanction prononcée :
8. Au regard de la nature des manquements constitutifs d'une méconnaissance, d'une part, aux dispositions précitées de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relatives à l'obligation de présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l'expression des différents points de vue, auquel renvoie les stipulations précitées de l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 et, d'autre part, aux stipulations précitées de l'article 2-2-1 de cette même convention, il y a lieu de prononcer une sanction de 20 000 euros à l'encontre de la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.).
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder également à la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l'Autorité.
Après en avoir délibéré,
Décide :