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Article AUTONOME (Avis n° 2024-0151 du 23 janvier 2024 concernant le projet de décret portant application de l'article L. 213-2 du code de la sécurité intérieure et relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre des dispositifs de protection contre les menaces résultant d'aéronefs circulant sans personne à bord)

Article AUTONOME (Avis n° 2024-0151 du 23 janvier 2024 concernant le projet de décret portant application de l'article L. 213-2 du code de la sécurité intérieure et relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre des dispositifs de protection contre les menaces résultant d'aéronefs circulant sans personne à bord)


Après en avoir délibéré le 23 janvier 2024,


1. Contexte de la saisine


L'article L. 36-5 du CPCE prévoit que l'ARCEP est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques, et participe à leur mise en œuvre.
Par courrier en date du 28 décembre 2023, le secrétaire général pour l'administration du ministère des armées a sollicité l'avis de l'ARCEP sur les dispositions d'un projet de décret portant application de l'article L. 213-2 du code de la sécurité intérieure et relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre des dispositifs de protection contre les menaces résultant d'aéronefs circulant sans personne à bord.
L'article 58 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 crée dans le code de la sécurité intérieure un article L. 213-2 disposant que : « Les services de l'Etat ainsi que ses établissements publics concourant à la défense nationale peuvent utiliser des dispositifs désignés par arrêté du Premier ministre destinés à rendre inopérant ou à neutraliser un aéronef circulant sans personne à bord, en cas de menace imminente, pour les besoins de l'ordre public, de la défense et de la sécurité nationale ou du service public de la justice ou afin de prévenir le survol par un tel aéronef d'une zone mentionnée à l'article L. 6211-4 du code des transports.
Les mesures prises en application du premier alinéa du présent article sont adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des finalités poursuivies.
Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et détermine les modalités de mise en œuvre des dispositifs mentionnés au même premier alinéa ».
Ce dispositif complète et étend le cadre juridique initialement prévu par l'article 24 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, décliné réglementairement par le décret n° 2023-204 du 27 mars 2023 relatif au brouillage des aéronefs circulant sans personne à bord et pour lequel l'ARCEP avait émis l'avis n° 2022-2279 en date du 22 novembre 2022.
Le projet de texte objet du présent avis vise à préciser, au niveau réglementaire, les modalités de mise en œuvre des dispositifs prévus dans le premier alinéa de l'article L. 213-2 précité.
L'analyse de l'ARCEP sur les dispositions qui lui ont été soumises se concentre exclusivement sur ce qui pourrait avoir un impact, d'une part, sur le bon fonctionnement des réseaux et des services de communications électroniques et sur les acteurs qu'elle régule et, d'autre part, sur la sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs dans la mise en œuvre des dispositifs envisagés.


2. Présentation du projet de décret


Le projet de décret soumis pour avis a pour objet d'apporter les modifications suivantes.
Tout d'abord, afin d'assurer l'accessibilité et l'intelligibilité de la norme, le projet de décret vise à intégrer dans un code unique, en l'espèce le code de la sécurité intérieure, les dispositions réglementaires relatives à la lutte « anti-drones », initialement réparties entre le code de la sécurité intérieure et le code de la défense. A ce titre, les dispositions réglementaires contenues dans le code de la défense ont été abrogées et réintégrées dans le code de la sécurité intérieure.
Ensuite, le projet de décret vise également à ajouter aux dispositifs de type brouillage d'autres dispositifs de lutte « anti-drones » et à définir le cadre juridique lié à leur utilisation. Le projet de texte prévoit en particulier la mise en place de dispositions communes à tous les dispositifs de lutte « anti-drones », subordonnant leur utilisation à une autorisation d'une durée de trois ans, à l'instar des dispositifs de type brouillage, et désignant les personnes qui, dans les administrations autorisées, peuvent les utiliser.
Enfin, le projet de décret vise à étendre, aux établissements publics concourant à la défense nationale, la possibilité de recourir à l'ensemble des dispositifs destinés à rendre inopérants ou à neutraliser les aéronefs circulant sans personne à bord représentant une menace imminente, pour les besoins de l'ordre public, de la défense et de la sécurité nationale ou du service public de la justice. A ce titre, le projet de décret prévoit notamment, outre des adaptations formelles aux dispositions en vigueur, de permettre aux établissements publics concourant à la défense nationale de recourir à des dispositifs de type brouillage pour assurer la protection de leurs sites sensibles, en sus de ce qui était initialement déjà prévu pour les services de l'Etat concourant à la défense nationale.


3. Observations de l'ARCEP


A titre liminaire, l'ARCEP note que la loi a consacré, en cohérence avec l'avis n° 2022-2279 qu'elle avait rendu sur le projet de décret (devenu décret n° 2023-204) le principe selon lequel « les mesures prises en application du premier alinéa du présent article sont adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des finalités poursuivies ».
En outre, l'ARCEP constate une plus grande cohérence et lisibilité du cadre juridique fondant l'utilisation de tels dispositifs de lutte « anti-drones » en rassemblant l'ensemble des dispositions réglementaires contenues dans les codes de la défense et de la sécurité intérieure dans ce dernier.
Par ailleurs, l'ARCEP prend acte des modifications liées à l'extension par la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 du périmètre des acteurs susceptibles d'utiliser les dispositifs de lutte « anti-drones » au bénéfice des établissements publics concourant à la défense nationale.
A cet égard, comme elle l'avait fait dans son avis n° 2022-2279 susvisé, l'ARCEP invite à ce qu'une attention particulière soit portée à la formation des personnes chargées, dans le cadre de l'autorisation délivrée, de mettre en œuvre ces dispositifs de brouillage, tant au niveau des services de l'Etat que de ses établissements publics concourant à la défense nationale.
Enfin, l'ARCEP note que ce projet de décret prévoit la mise en œuvre de dispositifs de protection, autres que les matériels de brouillage, contre les menaces résultant de l'utilisation de drones. Le projet de texte élargit donc le champ d'application du cadre juridique existant relatif à la protection contre les menaces résultant des aéronefs circulant sans personne à bord. L'Autorité souligne à cet égard que si l'usage de tels dispositifs, autres que ceux visant à brouiller les drones, devait engendrer des conséquences sur le bon fonctionnement des réseaux et des services de communications électroniques, alors la consultation des différentes administrations et autorités affectataires de fréquences concernées serait nécessaire, notamment dans le cadre de l'élaboration d'une étude d'impact menée préalablement par l'Agence nationale des fréquences, comme c'est le cas actuellement pour l'utilisation des dispositifs de brouillage.
Le présent avis sera transmis au secrétaire général pour l'administration du ministère des armées et sera publié au Journal officiel de la République française.