Après en avoir délibéré,
Emet l'avis suivant :
Le Gouvernement a saisi l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique d'un projet de décret portant notamment modification de l'article 38 du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions (chapitre I) et de l'article 24 du cahier des charges de la société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (chapitre II). Cette modification vise à renforcer les obligations des deux groupes publics en matière d'accessibilité des programmes.
I. - France Télévisions
Le projet de décret vise à prendre en compte les nouvelles dispositions de l'article 56-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui, d'une part, transfèrent les obligations des services linéaires en matière d'accessibilité des programmes des contrats d'objectifs et de moyens vers le cahier des charges et, d'autre part, prévoient des obligations nouvelles pour les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD).
- accessibilité des programmes des services linéaires aux personnes sourdes et malentendantes :
L'Autorité se réjouit que le principe d'accessibilité totale de la programmation aux personnes sourdes et malentendantes soit réaffirmé, et que les exceptions admises soient précisées.
Elle approuve à ce titre la nouvelle rédaction des dispositions figurant à l'article 38, qui clarifie, d'une part, le champ des programmes dont les caractéristiques justifient qu'ils dérogent à l'obligation d'accessibilité à destination des personnes sourdes et malentendantes, et, d'autre part, le régime applicable au service Franceinfo.
L'Autorité accueille favorablement la reprise dans le cahier des charges de l'obligation pour Franceinfo de proposer quotidiennement au moins six heures de programmes accessibles aux personnes sourdes et malentendantes, qui figurait jusqu'ici dans le contrat d'objectifs et de moyens de la société. Elle propose en outre de porter de deux à trois le nombre minimal d'éditions d'information traduites en langue des signes afin que le service public soit mieux-disant que les chaines privées d'information en continu.
- accessibilité des programmes des services linéaires aux personnes aveugles et malvoyantes :
L'Autorité accueille favorablement l'introduction dans le cahier des charges de France Télévisions d'une obligation portant, à terme, à 1500 heures annuelles le volume de programmes devant être rendus accessibles aux personnes aveugles et malvoyantes. Elle relève que cette obligation situerait la société à un niveau deux fois plus important que ce que proposent aujourd'hui les groupes audiovisuels privés de taille comparable.
L'Autorité suggère néanmoins, par souci de symétrie avec la rédaction des conventions applicables aux services privés de télévision, de valoriser au titre de cette obligation les seuls « programmes audiodécrits », et non les « programmes accessibles aux personnes aveugles et malvoyantes », qui sont susceptibles de couvrir un périmètre plus large. Elle propose, en outre, de compléter le II de l'article 38 afin d'y insérer des sous-quotas - quantifiés ou non - par genres, en particulier en matière d'œuvres d'animation à destination du jeune public.
- reprise des dispositifs d'accessibilité sur les services de télévision de rattrapage ou dans le cadre de la distribution des SMAD édités par France Télévisions :
Le III de l'article 38 du cahier des charges de France Télévisions, qui rappelle notamment les dispositions figurant au troisième alinéa de l'article 20-6 de la loi du 30 septembre 1986, mais intègre également des dispositions relatives à la reprise des dispositifs d'accessibilité dans le cadre de la distribution des SMAD édités par la société, n'appelle pas d'observation de la part de l'Autorité.
- accessibilité des programmes des SMAD aux personnes en situation de handicap auditif ou visuel :
Le projet de décret tire également les conséquences du troisième alinéa de l'article 56-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui dispose que le cahier des charges de France Télévisions prévoit les obligations de la société en matière d'accessibilité des programmes de ses SMAD, d'une part aux personnes sourdes et malentendantes et, d'autre part, aux personnes aveugles et malvoyantes. A cet égard, le texte prévoit que « France Télévisions rend accessible […] une part des programmes qu'elle finance au titre de la contribution à la production d'œuvres audiovisuelles prévue au IV de l'article 9 du présent cahier des charges et dont les contrats prévoient […] qu'ils sont destinés exclusivement à une exploitation sur un service de médias audiovisuels à la demande ».
L'Autorité observe que le périmètre de cette obligation serait relativement restreint. Seraient effectivement exclus les contenus audiovisuels qui ne font pas l'objet d'une exploitation exclusive sur les SMAD, les œuvres ne comptant pas au nombre de celles énumérées au deuxième alinéa du 3° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 - à savoir les « œuvres de fiction, d'animation, de documentaires de création, y compris de ceux qui sont insérés au sein d'une émission autre qu'un journal télévisé ou une émission de divertissement, de vidéo-musiques et de captation ou de recréation de spectacles vivants » -, ainsi que les programmes qui, bien que satisfaisant aux deux premières conditions mentionnées ci-dessus, et notamment à la deuxième, n'auraient pas été déclarés par France Télévisions à l'Autorité pour attester du respect des obligations figurant au IV de l'article 9 de son cahier des charges. L'Autorité s'interroge sur la pertinence d'une telle restriction.
Par ailleurs, le projet de décret prévoit que 20% des programmes répondant aux conditions énumérées ci-dessus soient accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes. Au regard d'une part, de l'obligation de France Télévisions s'agissant des services linéaires qu'elle édite et, d'autre part, des genres de programmes sur lesquels porterait, en l'état actuel du projet de décret, cette obligation - à savoir les œuvres dites « patrimoniales » - l'Autorité estime qu'un tel taux est insuffisamment ambitieux.
Enfin, le projet propose que, parmi les programmes répondant aux conditions énumérées ci-dessus, ceux rendus accessibles aux personnes aveugles et malvoyantes représentent au moins 20 heures. L'Autorité estime que le choix d'un calcul en valeur absolue plutôt qu'en pourcentage de l'assiette, parfaitement opportun s'agissant de l'offre linéaire, semble en revanche peu adapté à une obligation fondée sur un volume de programmes appelé à fluctuer chaque année.
- qualité des dispositifs d'accessibilité proposés :
L'Autorité se réjouit que le projet de décret prévoie de faire figurer dans le cahier des charges de France Télévisions des dispositions relatives à l'accessibilité aux personnes aveugles et malvoyantes des interfaces permettant la navigation dans les catalogues des SMAD que la société édite. De même, elle accueille favorablement l'insertion de références, d'une part à la charte relative à la qualité du sous-titrage à destination des personnes sourdes ou malentendantes et, d'autre part, au guide de l'audiodescription rédigé par les auteurs de versions audiodécrites et par la CFPSAA sous son égide. Elle souhaiterait néanmoins que figure également à cet alinéa une référence à la charte de qualité pour l'usage de la langue des signes française dans les programmes télévisés, dont France Télévisions est signataire depuis le 15 janvier 2015.
II. - France Médias Monde
Le chapitre II du projet de décret porte sur les modifications du cahier des charges de la société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France. Celles-ci visent, pour l'essentiel, à prendre en compte les nouvelles dispositions de l'article 56-1 de la loi du 30 septembre 1986. Le projet de décret modifie ainsi l'article 24 du cahier des charges de la société, relatif à l'accessibilité des programmes aux personnes handicapées, en prévoyant que celle-ci « diffuse quotidiennement trois journaux d'information sous-titrés à destination des personnes sourdes ou malentendantes sur son service de télévision diffusé en français ».
L'Autorité observe qu'un tel niveau d'obligation situerait l'antenne de France 24 en français dans la moyenne des chaînes d'information en continu privées, voire en deçà. Elle relève par ailleurs que ce niveau correspond à l'offre existante sur le service, et n'inciterait donc pas la société à accroître son offre de programmes accessibles. Enfin, l'Autorité souligne qu'au-delà de l'intérêt qu'il présente pour les personnes sourdes ou malentendantes, le sous-titrage des journaux d'information peut présenter un intérêt pour des publics en apprentissage de la langue française. De tels dispositifs s'accordent ainsi pleinement avec les missions de la société. L'Autorité souhaite donc que le nombre de journaux d'information devant être sous-titrés à destination des personnes sourdes ou malentendantes soit réévalué. Au besoin, cette réévaluation pourrait intégrer une montée en charge permettant à la société de conserver, dans un premier temps, le rythme de trois programmes rendus accessibles quotidiennement.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.