Sommaire
1. Compétence de la CRE et processus d'élaboration tarifaire
1.1. Compétences de la CRE
1.2. Processus d'élaboration tarifaire
1.2.1. Consultation des parties prenantes
1.2.2. Transparence
2. Cadre de régulation tarifaire
2.1. Bilan et enjeux du cadre de régulation tarifaire
2.2. Rappel des grands principes du cadre tarifaire
2.2.1. Périmètre de régulation
2.2.2. Détermination du revenu autorisé des opérateurs de stockage
2.2.3. Coût du capital et couverture des investissements
2.2.4. Traitement des actifs sortis de l'inventaire
2.2.5. Compte de régularisation des charges et produits (CRCP)
2.2.6. Constitution de stocks de gaz par les opérateurs
2.2.7. Perception du revenu autorisé
2.3. Modalités d'évolution annuelle du tarif
2.3.1. Une période tarifaire d'environ quatre ans
2.3.2. Clauses de rendez-vous
2.3.3. Evolution annuelle du revenu autorisé
2.4. Régulation incitative à la maitrise des coûts
2.4.1. Régulation incitative des charges d'exploitation
2.4.2. Couverture au CRCP de certains postes de charges et de recettes
2.4.3. Régulation incitative des investissements
2.5. Régulation incitative portant sur la commercialisation
2.6. Pénalités en cas de restriction des droits des clients des stockages souterrains
2.7. Régulation incitative de la qualité de service
2.7.1. Rappel du dispositif de l'ATS2
2.7.2. Indicateurs relatifs aux indisponibilités des capacités de stockage
2.7.3. Indicateurs relatifs à l'environnement
2.8. Régulation incitative de la R&D&I
3. Niveau des charges à couvrir
3.1. Demande tarifaire des opérateurs et principaux enjeux qu'ils y associent
3.1.1. Storengy
3.1.2. Teréga
3.1.3. Géométhane
3.2. Réponses à la consultation publique
3.3. Charges nettes d'exploitation
3.3.1. Demande des opérateurs
3.3.2. Approche d'analyse retenue
3.3.3. Synthèse des résultats de l'audit et ajustements complémentaires de la CRE sur certains postes
3.4. Calcul des charges de capital normatives
3.4.1. Coût moyen pondéré du capital
3.4.2. Investissements
3.4.3. Trajectoire de charges de capital normatives
3.5. CRCP au 31 décembre 2023
3.5.1. Storengy
3.5.2. Teréga
3.5.3. Géométhane
3.6. Revenu autorisé sur la période 2024-2027
4. Tarif d'utilisation des infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel de Storengy, Teréga et Géométhane
4.1. Perception des revenus autorisés
4.1.1. Commercialisation des capacités de stockage
4.1.2. Compensation par les gestionnaires de réseau de transport des revenus manquants
4.2. Pénalités
Décision de la CRE
ANNEXE 1 : Indicateurs de suivi de la qualité de service
ANNEXE 2 : Références pour la mise à jour annuelle du tarif d'utilisation des infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel de Storengy, Teréga et Géométhane
ANNEXE 3 : Modalités de calcul des références pour la mise à jour des charges d'avantage en énergie (annexe confidentielle)
1. Compétence de la CRE et processus d'élaboration tarifaire
1.1. Compétences de la CRE
L'article L. 421-3-1 du code de l'énergie prévoit que « [l]es infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel qui garantissent la sécurité d'approvisionnement du territoire à moyen et long termes et le respect des accords bilatéraux relatifs à la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel conclus par la France avec un État membre de l'Union européenne ou un État membre de l'Association européenne de libre-échange sont prévues par la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-1. Ces infrastructures sont maintenues en exploitation par les opérateurs […] ».
En contrepartie et dans les limites de l'obligation de maintien en exploitation des sites de stockage considérés nécessaires à la sécurité d'approvisionnement dans la PPE, les opérateurs de stockage ont la garantie de voir leurs charges couvertes, dans la mesure où ces charges sont celles d'un opérateur efficace.
Les articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de l'énergie encadrent pour ce faire la compétence tarifaire de la CRE.
L'article L. 452-1 du code de l'énergie prévoit que « [l]es tarifs d'utilisation des réseaux de transport, les conditions commerciales d'utilisation de ces réseaux, ainsi que les tarifs des prestations annexes réalisées par les gestionnaires de ces réseaux ou par les opérateurs des infrastructures de stockage mentionnées à l'article L. 421-3-1, sont établis de manière transparente et non discriminatoire afin de couvrir l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires des réseaux de transport et les opérateurs des infrastructures de stockage mentionnées au même article L. 421-3-1, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'opérateurs efficaces. Ces coûts tiennent compte des caractéristiques du service rendu et des coûts liés à ce service, y compris des obligations fixées par la loi et les règlements ainsi que des coûts résultant de l'exécution des missions de service public et des contrats mentionnés au I de l'article L. 121-46 ».
Il précise que « [f]igurent notamment parmi les coûts supportés par les opérateurs des infrastructures de stockage mentionnées à l'article L. 421-3-1 une rémunération normale des capitaux investis, les coûts mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 421-6, les dépenses de recherche et développement nécessaires à la sécurité de ces infrastructures et les coûts supportés par ces opérateurs au titre de la modification de la nature ou des caractéristiques du gaz acheminé dans les réseaux de gaz naturel ».
Par ailleurs, l'article L. 452-2 du code de l'énergie dispose que « [l]es méthodes utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel, […] sont fixées par la Commission de régulation de l'énergie » et précise que « les opérateurs des installations de stockage mentionnées à l'article L. 421-3-1 adressent à la Commission de régulation de l'énergie, à sa demande, les éléments, notamment comptables et financiers, nécessaires lui permettant de délibérer sur les évolutions des tarifs d'utilisation des réseaux de gaz naturel ».
En outre, l'article L. 452-3 du code de l'énergie prévoit que « [l]a Commission de régulation de l'énergie délibère sur les évolutions tarifaires ainsi que sur celles des prestations annexes réalisées exclusivement par les gestionnaires de ces réseaux ou de ces installations avec, le cas échéant, les modifications de niveau et de structure des tarifs qu'elle estime justifiées au vu notamment de l'analyse de la comptabilité des opérateurs et de l'évolution prévisible des charges de fonctionnement et d'investissement » et ajoute que « [c]es délibérations, qui peuvent avoir lieu à la demande […] des opérateurs des installations de stockage mentionnées à l'article L. 421-3-1, peuvent prévoir un encadrement pluriannuel de l'évolution des tarifs ainsi que des mesures incitatives appropriées à court ou long terme pour encourager les opérateurs à améliorer leurs performances […] ».
Enfin, l'article L. 452-3 dispose que la CRE « procède, selon des modalités qu'elle détermine, à la consultation des acteurs du marché de l'énergie ».
Par la présente délibération, la CRE définit le revenu autorisé et le cadre de régulation des opérateurs de stockage de gaz naturel, Storengy, Teréga et Géométhane, pour la période ATS3 sur les années 2024 à 2027 inclus.
1.2. Processus d'élaboration tarifaire
1.2.1. Consultation des parties prenantes
Compte tenu du besoin de visibilité des parties intéressées et de la complexité des sujets, la CRE a organisé cinq ateliers thématiques ouverts au public entre février et septembre 2023 :
- le premier, en date du 22 février 2023, portait sur la structure tarifaire des tarifs de distribution de gaz. Cet atelier a notamment permis de présenter les évolutions envisagées par la CRE concernant l'introduction d'un terme tarifaire facturé en fonction du débit des compteurs des utilisateurs visant à prendre en compte le développement des usages appoint-secours en distribution. Cet atelier a regroupé 75 participants ;
- le deuxième, en date du 4 mai 2023, portait sur la structure tarifaire des tarifs de transport de gaz. Cet atelier a notamment permis de présenter les évolutions envisagées par la CRE concernant la structure du tarif du réseau de grand transport, en particulier les tarifs applicables aux interconnexions. Cet atelier a regroupé 70 participants ;
- le troisième, en date du 10 mai 2023, portait sur les gaz verts. Cet atelier a notamment permis de présenter les évolutions envisagées par la CRE concernant la tarification applicable à l'injection des gaz renouvelables et bas carbone dans les réseaux. Cet atelier a regroupé 85 participants ;
- le quatrième, en date du 20 juin 2023, portait sur l'avenir des infrastructures de gaz françaises et les adaptations possibles du cadre de régulation tarifaire pour prendre en compte la décroissance des consommations de gaz naturel. Cet atelier a notamment permis de présenter les évolutions envisagées par la CRE concernant la chronique d'amortissement de la BAR, la prise en compte de l'inflation dans la BAR et les incitations possibles à la maitrise des investissements. Cet atelier a regroupé 86 participants ;
- enfin, le cinquième atelier, en date du 13 septembre 2023, était consacré à la qualité de service de GRDF et a permis de présenter les évolutions envisagées par la CRE sur différents indicateurs de qualité de service, parmi lesquels les délais de mise en service, la qualité du comptage ou encore les délais de traitement des réclamations. Cet atelier a regroupé 61 participants.
A l'issue de ces ateliers, la CRE a organisé une consultation publique, publiée en français et en anglais qui s'est déroulée du 23 juillet 2023 au 9 octobre 2023, et a recueilli 24 réponses. Les réponses non confidentielles à cette consultation sont publiées sur le site de la CRE.
A la suite de cette consultation, la CRE a organisé trois tables rondes avec des fournisseurs, des associations de consommateurs et des autorités concédantes et collectivités locales afin de recueillir leurs remarques sur les orientations présentées dans les consultations publiques des tarifs de distribution, de transport et de stockage et sur l'impact de ces orientations tarifaires sur les consommateurs.
Enfin, la CRE a auditionné les opérateurs de stockage à plusieurs reprises, ainsi que leurs actionnaires respectifs.
1.2.2. Transparence
Dans un objectif de transparence, la CRE a publié les études externes réalisées dans le cadre de l'élaboration du tarif ATS3. Ces études portent sur les sujets suivants :
- un audit de la demande en termes de charges d'exploitation de Storengy, Teréga et Géométhane pour la période 2024-2027 (9) ;
- un audit de la demande de taux de rémunération des actifs régulés des opérateurs de stockage de gaz naturel de Storengy, Teréga et Géométhane (10).
2. Cadre de régulation tarifaire
2.1. Bilan et enjeux du cadre de régulation tarifaire
Stable dans ses grands principes depuis plus de 10 ans, le cadre tarifaire des réseaux et infrastructures de gaz et d'électricité poursuit trois objectifs principaux :
- inciter les gestionnaires d'infrastructures à maîtriser leurs coûts pour limiter l'impact des tarifs d'infrastructures sur le consommateur final ;
- permettre aux opérateurs de financer les investissements nécessaires dans les infrastructures ;
- viser un haut niveau de qualité de service, de sécurité et de continuité d'acheminement.
Pour cela, il s'appuie sur des mécanismes financiers visant à inciter les gestionnaires d'infrastructures à rechercher l'efficacité dans la durée. Ainsi, une période tarifaire de quatre ans et le principe d'incitations financières pluriannuelles sur les coûts et la qualité de service ont été introduits. Le cadre de régulation laisse une large liberté dans la gestion de chacun des opérateurs d'infrastructures, permettant à chacun de rechercher les améliorations de performance les plus pertinentes.
La CRE dresse un bilan positif de ce cadre, qui a permis de maitriser les coûts dans la durée tout en améliorant la qualité de service. Ce cadre s'est par ailleurs montré résilient face aux deux crises majeures traversées, crise sanitaire (11) et crise des prix de l'énergie, en donnant les moyens aux opérateurs d'assurer une continuité de l'activité dans de bonnes conditions.
La plupart des répondants à la consultation publique partagent les conclusions de la CRE sur le bilan positif du cadre de régulation pour la période ATS2, qui a permis de maîtriser efficacement les coûts au bénéfice du client final, de réaliser les investissements nécessaires et d'exploiter dans de bonnes conditions les infrastructures gazières dans un contexte inédit de crise d'approvisionnement.
Compte tenu de ce bilan (voir bilan détaillé en annexe 1 de la consultation publique), la CRE décide de reconduire pour l'ATS3 l'essentiel du de l'ATS2, en modifiant néanmoins quelques mécanismes. Les opérateurs de stockage ont notamment demandé à être davantage protégés de l'impact de la volatilité des conditions économiques actuelles (inflation, prix de l'énergie).
2.2. Rappel des grands principes du cadre tarifaire
L'élaboration du tarif ATS3 repose sur la définition, pour la période tarifaire de l'ATS3, d'une trajectoire de revenu autorisé pour chacun des opérateurs de stockage (Storengy, Teréga et Géométhane).
Le tarif ATS3 fixera également un cadre de régulation, afin, d'une part, de limiter le risque financier des opérateurs et/ou des utilisateurs pour certains postes de charges ou de produits prédéfinis, à travers un compte de régularisation des charges et des produits (CRCP) et, d'autre part, d'encourager les opérateurs de stockage à améliorer leur performance grâce à des mécanismes incitatifs.
La prise en compte de l'ensemble de ces éléments permet d'établir le tarif applicable pour 2024 ainsi que ses modalités d'évolution annuelle.
2.2.1. Périmètre de régulation
En application des articles L. 421-3-1, L. 421-10 et L. 452-1 du code de l'énergie, les coûts des opérateurs de stockage et leurs recettes sont considérés au périmètre des infrastructures de stockage prévu par la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Ils sont pris en compte dans la mesure où ils correspondent à ceux d'un opérateur efficace.
A l'entrée dans la régulation, le décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 (12) relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie prenait en compte dans ce périmètre l'ensemble des sites en activité et en exploitation réduite.
Par la suite, le décret du 26 décembre 2018 (13) a fait évoluer ce périmètre. Les 3 sites en exploitation réduite de Storengy (Soings-en-Sologne, Saint-Clair-sur-Epte et Trois-Fontaines) ainsi que les projets Lussagnet phase 1 (Teréga) et Manosque 2 (Géométhane) ont été retirés du périmètre des infrastructures considérées comme nécessaires à la sécurité d'approvisionnement. Ils ne sont en conséquence pas inclus dans le périmètre des sites régulés.
Le décret du 21 avril 2020 (14) précise le périmètre des infrastructures considérées comme nécessaires à la sécurité d'approvisionnement :
« Jusqu'à la publication de la révision de la présente PPE, les infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel considérées comme nécessaires à la sécurité d'approvisionnement du territoire à moyen et long termes sont celles mentionnées ci-dessous, pour des capacités de stockage à hauteur de 138,5 TWh en volume et de 2 376 GWh/j en débit de soutirage pour un remplissage correspondant à 45 % du volume utile :
Infrastructure |
Exploitant |
Année de mise en service |
Type de stockage |
---|---|---|---|
Beynes |
Storengy |
1956 |
Aquifère |
Céré-la-Ronde |
Storengy |
1993 |
Aquifère |
Cerville-Velaine |
Storengy |
1970 |
Aquifère |
Chémery |
Storengy |
1968 |
Aquifère |
Etrez |
Storengy |
1980 |
Salin |
Germigny-sous-Coulomb |
Storengy |
1982 |
Aquifère |
Gournay |
Storengy |
1976 |
Aquifère |
Lussagnet/ Izaute |
Teréga |
1957 |
Aquifère |
Manosque |
Géométhane |
1993 |
Salin |
Saint-Illiers-la-Ville |
Storengy |
1965 |
Aquifère |
Tersanne/ Hauterives |
Storengy |
1970 |
Salin |
. »
2.2.2. Détermination du revenu autorisé des opérateurs de stockage
Dans la présente délibération, sur la base du dossier tarifaire transmis par les opérateurs et de ses propres analyses, la CRE fixe le revenu autorisé prévisionnel de chaque opérateur de stockage sur la période 2024- 2027. Le revenu autorisé couvre les coûts des opérateurs sur une base calendaire dans la mesure où ceux-ci correspondent à ceux d'un opérateur efficace.
Ce revenu autorisé prévisionnel des opérateurs de stockage se compose des charges nettes d'exploitation (CNE) prévisionnelles, des charges de capital normatives (CCN) prévisionnelles et de l'apurement du solde du compte de régularisation des charges et des produits (CRCP) :
RA = CNE + CCN + CRCP
Avec :
- RA : revenu autorisé prévisionnel sur la période ;
- CNE : charges nettes d'exploitation prévisionnelles sur la période (cf. 3.3) ;
- CCN : charges de capital normatives prévisionnelles sur la période (cf. 3.4) ;
- CRCP : apurement du solde du CRCP (cf. 3.5).
Le cadre tarifaire permet de garantir la perception du revenu autorisé.
2.2.2.1. Charges nettes d'exploitation
Les charges nettes d'exploitation (CNE) se définissent comme les charges brutes d'exploitation desquelles sont déduits les produits d'exploitation (la production immobilisée et les produits extratarifaires notamment).
Les charges brutes d'exploitation se composent principalement des charges d'énergie, des consommations externes, des dépenses de maintenance et d'opération des stockages, des dépenses de personnel et des impôts et taxes.
Le niveau des CNE retenu est déterminé à partir de l'ensemble des coûts nécessaires à l'activité des opérateurs de stockage dans la mesure où, en application de l'article L. 452-1 du code de l'énergie, ces coûts correspondent à ceux d'un opérateur de stockage efficace.
2.2.2.2. Charges de capital normatives
Les charges de capital normatives (CCN) comprennent la rémunération et l'amortissement du capital immobilisé. Le calcul de ces deux composantes est établi à partir de la valorisation et de l'évolution des actifs exploités par les opérateurs - la base d'actifs régulés (BAR) - et des immobilisations en cours (IEC), c'est-à-dire les investissements effectués qui n'ont pas encore donné lieu à la mise en service d'actifs.
Les CCN correspondent à la somme de l'amortissement des actifs constitutifs de la BAR et de la rémunération du capital immobilisé. Cette dernière correspond au produit de la valeur de la BAR par le coût moyen pondéré du capital (CMPC) et au produit de la valeur des IEC par le coût de la dette.
CCN = Amortissement de la BAR + BAR x CMPC + IEC x coût de la dette
2.2.3. Coût du capital et couverture des investissements
2.2.3.1. Limiter le risque d'une hausse trop importante du coût unitaire d'acheminement pour les utilisateurs futurs du réseau
Dans son étude sur l'Avenir des infrastructures gazières (15), la CRE montre que malgré la baisse de la consommation, le dimensionnement des infrastructures gazières françaises ne devrait pas évoluer de manière significative d'ici 2050 :
- les réseaux de transport de gaz comme de distribution resteront en grande partie nécessaires. Des actifs seront néanmoins libérables, dans des proportions qui resteront limitées ;
- une part significative des capacités de stockage sera encore nécessaire pour répondre au besoin de modulation saisonnière de la consommation.
Les réseaux pourraient par ailleurs continuer à se développer pour accompagner le développement des gaz verts, devront s'adapter à l'apparition d'un usage secours. Ainsi, les charges des opérateurs gaziers ne devraient pas diminuer dans les mêmes proportions ni à la même vitesse que la consommation de gaz à l'horizon 2050, entrainant ainsi une hausse du coût unitaire d'acheminement (effet « ciseau »).
Le levier identifié pour limiter l'effet « ciseau » est d'adapter la répartition des charges de capital dans le temps, avec l'objectif de les augmenter à plus court terme afin de les réduire à plus long terme, en cohérence avec l'évolution anticipée de la consommation de gaz. Cela permet d'éviter de faire porter au consommateur de demain les charges d'aujourd'hui.
Dans la consultation publique, la CRE a présenté trois pistes permettant cette réallocation de charges de capital dans le temps :
1. Mettre fin à l'indexation à l'inflation de la BAR en passant à une rémunération de la BAR à un CMPC nominal et non plus réel ;
2. Adapter le rythme des amortissements (passage à des amortissements dégressifs, plus élevés au début et amoindris ensuite), pour que les charges d'amortissement soient plus cohérentes avec la décroissance de la consommation de gaz ;
3. Réduire la durée d'amortissement de certains actifs.
Même si le risque de ciseau tarifaire est bien identifié, la plupart des répondants ne partagent pas ou pas complètement les orientations telles qu'envisagées par la CRE. De nombreux répondants craignent une mise en œuvre trop brutale à un moment où le tarif est déjà en forte hausse. D'autres considèrent cette évolution impossible à déployer dans des délais si courts et s'inquiètent de leur neutralité économique. Enfin, une mise en œuvre progressive a été évoquée par divers répondants.
La CRE prend en compte les retours à la consultation publique selon lesquels il ne faudrait pas mettre en œuvre l'ensemble des mesures envisagées au sein de la consultation publique. En effet, la CRE considère que la mise en œuvre de ces mesures appliquées à l'ensemble des actifs de la BAR des opérateurs de stockage ne peut pas être envisagée en raison de l'accentuation de la hausse tarifaire qu'elle engendrerait.
En conséquence, la CRE décide, dans un objectif de continuité du cadre de régulation, de retenir de manière partielle deux des mesures présentées en les appliquant aux seuls nouveaux actifs qui entreront dans la BAR à partir du 1er janvier 2024 :
- les nouveaux actifs ne sont plus réévalués à l'inflation et se voient, en contrepartie, appliquer un CMPC nominal (c'est-à-dire incluant l'inflation) ;
- les nouveaux actifs de type « Puits, cavités, collecte » sont amortis sur 30 ans au lieu de 50 ans (ces actifs constituent les éléments des stockages, hors gaz coussin, pour lesquels la durée d'amortissement est la plus longue).
Ces mesures d'avenir ont chacune des effets inférieurs à 1 % sur la hausse tarifaire.
2.2.3.2. Modalités de calcul de la base d'actifs régulés (BAR)
La base d'actifs régulés (BAR) représente la somme des actifs corporels et incorporels immobilisés à l'actif de l'opérateur (évaluée au 1er janvier de chaque année) :
- la BAR augmente lorsqu'un actif est mis en service ;
- la BAR diminue avec l'amortissement des actifs, ou si un actif est mis au rebut ou cédé.
Pour les actifs dits « historiques » entrés dans la BAR jusqu'au 1er janvier 2023 :
La CRE reconduit pour le tarif ATS3 les modalités de calcul de la BAR en vigueur pour le tarif ATS2.
La valeur de la BAR est établie sur la base d'une méthodologie de type « coûts courants économiques » dont les principes essentiels ont été arrêtés par la Commission spéciale instituée par l'article 81 de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2001, chargée de fixer le prix de cession, par l'Etat, de ses réseaux de transport de gaz naturel.
Depuis 2006, la date conventionnelle d'entrée des actifs dans la BAR est fixée au 1er janvier de l'année suivant leur mise en service. Les valeurs brutes des actifs sont retraitées des écarts de réévaluation autorisés en 1976 et des subventions reçues au titre de la réalisation de ces investissements.
Une fois intégrés à la BAR, les actifs sont réévalués au 1er janvier de chaque année de l'inflation en glissement de juillet à juillet. Pour cette raison, la CRE utilise un CMPC réel n'incluant pas l'inflation. Depuis 2016, l'indice de réévaluation utilisé est l'indice 1763852 des prix à la consommation hors tabac, pour l'ensemble des ménages résidant en France.
Les actifs sont amortis linéairement sur la base de leur durée de vie économique. Les terrains sont pris en compte à leur valeur historique réévaluée non amortie.
Les durées de vie retenues par la CRE pour les principales catégories d'actifs sont les suivantes :
Catégorie d'actif |
Durée de vie normative |
---|---|
Gaz coussin |
75 ans |
Puits, cavités, collectes |
50 ans |
Installations de traitement, de compression, de livraison, de comptage |
20 à 30 ans |
Immobilier et constructions |
30 ans |
Matériel divers |
10 à 15 ans |
Logiciels, petits matériels |
5 ans |
Pour les actifs dits « nouveaux actifs » entrés la BAR à partir du 1er janvier 2034 :
La valeur de la BAR est calculée à partir de la valeur nette comptable des actifs en service. La date conventionnelle d'entrée des actifs dans la BAR est le 1er janvier de l'année suivant leur mise en service.
Les actifs sont amortis linéairement sur la base de leur durée de vie économique. Les terrains sont pris en compte à leur valeur historique réévaluée non amortie. Les valeurs brutes des actifs sont retraitées des subventions reçues au titre de la réalisation de ces investissements.
Les durées de vie retenues par la CRE pour les principales catégories d'actifs sont les suivantes :
Catégorie d'actif |
Durée de vie normative |
---|---|
Gaz coussin |
75 ans |
Puits, cavités, collectes |
30 ans |
Installations de traitement, de compression, de livraison, de comptage |
20 à 30 ans |
Immobilier et constructions |
30 ans |
Matériel divers |
10 à 15 ans |
Logiciels, petits matériels |
5 ans |
La CRE applique un CMPC nominal pour les actifs entrant dans la BAR à partir du 1er janvier 2024.
2.2.3.3. Modalités de calcul du coût moyen pondéré du capital (CMPC)
La méthode retenue pour fixer le taux de rémunération des actifs est fondée sur le CMPC à structure financière normative. En effet, le niveau de rémunération de l'opérateur de réseau doit, d'une part, lui permettre de financer les charges d'intérêt sur sa dette et, d'autre part, apporter à ses actionnaires une rentabilité des fonds propres comparable à celle qu'ils pourraient obtenir pour des investissements comportant des niveaux de risque comparables. Ce coût des fonds propres est estimé sur la base de la méthodologie dite du « modèle d'évaluation des actifs financiers » (MEDAF).
Dans la consultation publique du 26 juillet 2023, la CRE a envisagé de faire évoluer la méthode de calcul du CMPC pour prendre en compte la remontée des taux observée récemment.
Pour déterminer le CMPC applicable pendant le tarif ATS3, la CRE a envisagé de retenir :
- un taux déterminé selon la méthode utilisée pour l'ATS2 et les tarifs précédents, fondée sur l'analyse de paramètres constatés de long terme de long terme (par exemple : moyenne 10 ans des taux sans risques) ;
- un taux fondé sur la prise en compte de données économiques plus récentes.
La CRE a précisé dans sa consultation publique que ces taux pourraient être appliqués respectivement aux anciens et nouveaux actifs ou combinés dans un taux pondéré.
Sur la détermination du niveau du CMPC, les opérateurs de stockages et leurs actionnaires sont globalement favorables à une évolution de la méthode de CMPC afin de prendre davantage en compte la hausse récente des taux d'intérêt, tandis que les fournisseurs et associations de consommateurs y sont défavorables, argumentant que la stabilité de la méthode devrait prévaloir.
Par ailleurs, la plupart des répondants sont défavorables à la mise en place d'un double taux et soutiennent un taux pondéré.
Compte tenu des retours à la consultation publique, la CRE décide pour la période tarifaire ATS3 de faire évoluer la méthode de calcul du coût moyen pondéré du capital en pondérant deux taux l'un fondé sur une analyse de paramètres de long terme (comme dans l'ATS2) et l'autre tenant compte de données économiques plus récentes.
Cette pondération repose sur une répartition normative de la part respective des anciens actifs et des nouveaux actifs dans la période tarifaire de l'ATS3 pour un opérateur gazier.
2.2.3.4. Modalités de rémunération des immobilisations en cours
Dans la consultation publique du 26 juillet 2023, la CRE a indiqué ne pas être favorable à une rémunération des IEC au CMPC, telle que demandé par certains opérateurs, car cela réduirait l'incitation forte des opérateurs à mettre en service les actifs au plus vite.
La CRE reconduit pour l'ATS3 le principe de la rémunération des immobilisations en cours (IEC) au coût de la dette nominale avant impôts prévu par l'ATS2, en cohérence avec la méthodologie généralement retenue pour les intérêts intercalaires.
Le montant de ces IEC est égal à la moyenne, pour chaque année d'application du tarif, entre leur niveau estimé au 1er janvier et celui au 31 décembre, compte tenu des dépenses d'investissements et des mises en service d'actifs effectuées au cours de l'année.
2.2.4. Traitement des actifs sortis de l'inventaire
2.2.4.1. Traitement des coûts échoués
Par « coûts échoués », la CRE entend la valeur comptable résiduelle des actifs retirés de l'inventaire avant la fin de leur durée de vie, ainsi que les charges relatives aux études techniques et démarches amont qui ne pourraient pas être immobilisées si les projets ne se réalisaient pas.
Les coûts échoués sont traités comme suit, sur présentation des dossiers par les opérateurs :
- les coûts échoués récurrents ou prévisibles font l'objet d'une trajectoire tarifaire sur la base d'une enveloppe annuelle fixée dans la présente délibération ;
- les frais d'études sans suite pour de grands projets ayant fait l'objet d'une approbation préalable de la CRE sont couverts par le tarif via le CRCP ;
- la couverture des autres coûts échoués est examinée par la CRE au cas par cas, sur la base de dossiers argumentés présentés par les opérateurs de stockage.
Les coûts à couvrir, le cas échéant, par les tarifs, sont pris en compte à hauteur de leur valeur comptable déduction faite des éventuels produits de cession.
2.2.4.2. Traitement des actifs cédés
Lorsqu'un actif est cédé par un opérateur, il quitte son patrimoine, sort de la BAR et cesse, de fait, de générer des charges de capital (amortissement et rémunération). Cette cession peut, le cas échéant, générer une plus- value pour l'opérateur, égale à la différence entre le produit de cession et la valeur nette comptable.
Dans le cadre tarifaire prévu dans le tarif ATS2, dans le cas d'une cession d'actifs immobiliers ou de terrains :
- si la cession donne lieu à une plus-value comptable, le produit de cession net de la valeur nette comptable de l'actif cédé est intégré à 80 % au CRCP de façon à faire bénéficier les utilisateurs des infrastructures de la majeure partie des gains tirés de la revente de ces actifs, dans la mesure où ces utilisateurs en ont supporté les coûts d'acquisition (le revenu autorisé des opérateurs couvrant l'amortissement annuel et la rémunération des actifs de la BAR), tout en préservant une incitation pour l'opérateur à maximiser ce gain. Celui-ci conserve en effet les 20 % du gain restant ;
- une cession donnant lieu à une moins-value comptable fera l'objet d'un examen de la CRE, sur la base d'un dossier argumenté présenté par l'opérateur.
La CRE a envisagé dans sa consultation publique de reconduire le cadre de régulation pour les actifs immobiliers et terrains cédés prévu dans l'ATS2 et de l'appliquer pour la période ATS3. La prise en compte dans le tarif des plus-values de cession est en effet justifiée, considérant que le tarif a participé au financement des actifs concernés. La majorité des acteurs est favorable à cette reconduction.
En conséquence, la CRE décide de reconduire ce cadre de régulation pour les actifs immobiliers et terrains cédés pour la période ATS3.
2.2.4.3. Traitement des coûts de démantèlement
Dans leurs dossiers tarifaires, Storengy, Teréga et Géométhane demandent une couverture de l'ensemble des provisions pour démantèlement des actifs qu'ils constitueraient. Cette demande n'est pas accompagnée d'une trajectoire prévisionnelle de provision.
Durant l'ATS2, les provisions constituées par les opérateurs étaient couvertes par le tarif au prorata de la durée de présence des actifs de stockage concernés dans la régulation.
La CRE rappelle en premier lieu que le retrait d'une infrastructure de la liste des sites nécessaires à la sécurité d'approvisionnement n'impose pas de démanteler ces sites, cette décision restant celle de l'opérateur. En effet, si l'inclusion dans le périmètre de la régulation impose, au titre de l'article L. 421-3-1 du code de l'énergie, que l'opérateur maintienne le site en exploitation il n'y a a contrario aucune obligation si le site ne figure pas dans le périmètre de la PPE. Par ailleurs conformément à cet article, la couverture des coûts de démantèlement ne pourrait pas intervenir une fois ces sites sortis du périmètre régulé.
Le cadre de l'ATS2 permettait ainsi de couvrir les coûts de démantèlement dans le cas spécifique du stockage régulé.
Les sites de stockage régulés ont été mis en service entre 1956 et 1993. La régulation est intervenue en 2018. Ainsi les sites ont majoritairement été exploités hors régulation (à date en moyenne 43 ans d'exploitation non régulée et 5 ans d'exploitation régulée).
Les comptes des opérateurs n'intègrent pas à ce jour de provisions pour le démantèlement des actifs.
Une couverture de l'ensemble des provisions conduirait à une couverture par le tarif qui ne tiendrait pas compte de la période d'exploitation hors du périmètre de la régulation, soit avant 2018.
En conséquence, la CRE décide pour l'ATS3 de maintenir le cadre prévu par l'ATS2. Ainsi conformément à l'article L. 421-3-1 du code de l'énergie, la couverture des coûts de démantèlement ne pourrait pas intervenir une fois ces sites sortis du périmètre régulé. Pour autant, ces sites auront contribué à la sécurité d'approvisionnement pendant leur présence dans la régulation. En conséquence, dans le cas où les opérateurs de stockage viendraient à constituer, au cours de la période ATS3, des provisions pour démantèlement dans leurs comptes, le tarif ATS3 en couvrira une partie, au prorata de la durée de présence des actifs concernés dans la régulation. Ces provisions seront couvertes à 100 % au CRCP.
La majorité des acteurs s'étant exprimés sur cette orientation, présentée dans la consultation publique de la CRE du 26 juillet 2023, y est favorable.
2.2.4.4. Cas des actifs convertis à l'hydrogène
Les objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre pourraient conduire à terme au développement de sites de stockage d'hydrogène. Dans ce cadre, certaines infrastructures de stockage pourraient être converties et réutilisées pour le stockage d'hydrogène.
La conversion d'un actif de stockage de gaz à l'hydrogène suppose la sortie de cet actif de la BAR de l'opérateur qui l'exploite, et son transfert à un autre opérateur (ou une autre base d'actifs s'il s'agit du même acteur, que l'activité de stockage d'hydrogène soit régulée ou non). Cela pose la question du prix de cession des actifs concernés, et du partage de la plus-value éventuelle entre l'opérateur et les utilisateurs.
Le cadre européen concernant le marché de l'hydrogène n'est pas encore défini à ce stade : la Commission européenne a publié le 15 décembre 2021 une proposition législative révisant les règles de l'Union européenne en matière d'accès au marché et aux réseaux de gaz, qui comprend des modalités visant à faciliter le développement du marché de l'hydrogène. Cette proposition législative fait l'objet de discussions et n'a pas encore été adoptée. Dans sa version actuelle, le texte prévoit que l'ACER publie des recommandations concernant la valorisation des actifs gaziers convertis à l'hydrogène.
Le tarif ATS2 ne prévoyait pas de cadre de régulation spécifique pour les actifs qui seraient cédés en vue d'une conversion à l'hydrogène. Si aucun cas de conversion durant la période tarifaire de l'ATS3 n'a été identifié à ce stade parmi les actifs des opérateurs de stockage, il n'est cependant pas possible d'exclure que la situation se présente.
En l'absence de cadre européen en vigueur et compte tenu de l'absence de cas de conversion envisagés par les opérateurs de stockage pour la période tarifaire de l'ATS3, la CRE a envisagé dans sa consultation publique de traiter au cas par cas les actifs cédés en vue d'une conversion à l'hydrogène, sur la base de dossiers argumentés présentés par les opérateurs de stockage. La CRE sera attentive à ce que le prix de cession soit fixé de manière à éviter les subventions croisées entre les utilisateurs des stockages de gaz et d'hydrogène, et à ce que le partage de l'éventuelle plus-value entre les opérateurs de stockage et les utilisateurs soit pertinent. Dans l'hypothèse où les futurs stockages d'hydrogène seraient régulés, la CRE veillera également à ce que leurs futurs utilisateurs n'aient pas à couvrir des coûts déjà couverts par les précédents utilisateurs gaziers.
La grande majorité des répondants est favorable à l'orientation de la CRE présentée dans la consultation publique.
Quelques répondants mentionnent en particulier la nécessité d'éviter les subventions croisées.
Compte tenu de l'absence de cadre européen, de l'absence de cession d'actif envisagée pour la période tarifaire à venir et du manque de visibilité à date sur les modèles économiques du secteur de l'hydrogène, la CRE décide, pour la période tarifaire ATS3, de traiter au cas par cas, sur la base de dossiers argumentés présentés par les opérateurs de stockage, les actifs cédés en vue d'une conversion à l'hydrogène.
2.2.5. Compte de régularisation des charges et produits (CRCP)
2.2.5.1. Calcul et apurement
Le niveau du tarif ATS3 est fixé par la CRE à partir d'hypothèses sur le niveau prévisionnel des charges et des recettes de chaque opérateur. Un mécanisme de régularisation a posteriori, le compte de régularisation des charges et produits, a été introduit afin de prendre en compte tout ou partie des écarts entre les charges et les produits réellement constatés et les charges et les produits prévisionnels, sur des postes prédéfinis. Le CRCP protège en conséquence les opérateurs de la variation de certains postes de coûts ou de recettes en compensant certains déficits, et protège également le consommateur en permettant la rétrocession de certains surplus. Il est également utilisé pour le versement des incitations financières résultant de l'application des mécanismes de régulation incitative, calculé sur la base des résultats constatés.
Pour l'ATS3, le CRCP calculé au 31 décembre de chaque année N, est apuré, dans la limite d'une évolution tarifaire annuelle associée à cet apurement de +/- 5 %. La CRE maintient pour le tarif ATS3 le seuil de +/- 5 % retenu pour le tarif ATS2.
Dans le cas où cette limite est atteinte et ne permet pas l'apurement intégral du solde du CRCP dans l'évolution tarifaire de l'année N+1, le solde non apuré au cours de l'année N+1 est reporté à l'année N+2. En outre, le solde du CRCP constaté en fin de période tarifaire est pris en compte lors de l'établissement du revenu autorisé de la période suivante. Le solde du CRCP est ainsi remis à zéro en début de chaque période tarifaire.
2.2.5.2. Neutralité financière du dispositif
Afin d'assurer la neutralité financière du dispositif, le solde du CRCP au 1er janvier de l'année N+1 est obtenu en actualisant le solde du CRCP au 31 décembre de l'année N. Depuis l'introduction du mécanisme du CRCP en ATRD3, en ATS1 et en ATRT3, ce taux d'actualisation a été défini comme le taux sans risque.
En raison d'un solde de CRCP prévisionnel de fin de période important, plusieurs opérateurs demandent une évolution de ce paramètre. GRDF demande que le taux d'actualisation corresponde au CMPC nominal avant impôts ou au coût nominal de la dette, car il considère devoir supporter des coûts de financement dans l'attente
de l'apurement du CRCP. Teréga demande un taux d'actualisation de 3,30 %, intégrant un taux sans risque et une « prime de confort », qui est un ajustement spécifique du rendement des obligations d'Etat.
La CRE rappelle que la restitution du solde du CRCP est toujours garantie, indépendamment de son niveau. De plus, il est rendu à relativement court terme à l'opérateur. Le niveau de risque long terme inclus dans le niveau du CMPC ou du coût de la dette n'est pas pertinent pour actualiser le solde du CRCP. La CRE estime ainsi que le taux sans risque reste le paramètre pertinent pour l'actualisation du solde du CRCP.
Néanmoins, la CRE a envisagé dans sa consultation publique de retenir le taux sans risque appliqué aux nouveaux actifs pour actualiser le solde du CRCP, en cohérence avec le nouveau cadre de la rémunération des actifs (voir partie 2.2.3) et le rythme d'apurement du CRCP. La nouvelle méthode de détermination du CMPC prend en effet en compte un taux sans risque fondé sur des paramètres historiques et un taux sans risque sur des données de court terme qui s'appliquent respectivement aux historiques et aux nouveaux actifs.
Une partie des répondants à la consultation publique, dont des fournisseurs et des opérateurs d'infrastructures, est favorable à l'orientation de la CRE d'actualisation du CRCP au taux sans risque court terme.
Certains acteurs (principalement opérateurs d'infrastructures) sont favorables à la rémunération du CRCP au CMPC, afin de compenser les coûts de financement dans l'attente de l'apurement du solde du CRCP.
D'autres contributeurs demandent de retenir une rémunération du CRCP au coût de la dette, afin de compenser le coût d'endettement pour les opérateurs de stockage qui peuvent recourir à ce levier financier dans l'attente de l'apurement du solde du CRCP.
La CRE maintient ses analyses présentées dans la consultation publique, et décide d'actualiser le solde du CRCP au taux sans risque fondé sur des données de court terme appliqué aux nouveaux actifs durant la période tarifaire ATS3, soit un taux de 3,8 %.
2.2.6. Constitution de stocks de gaz par les opérateurs
Les opérateurs de stockages souterrains de gaz naturel peuvent être amenés à constituer des stocks de gaz naturel, notamment dans les cas suivants :
constitution de stocks de gaz strictement nécessaires au fonctionnement et au maintien de la performance d'un site de stockage (dit « gaz de performance ») ;
constitution de stocks de gaz complémentaires consécutifs à la mise en œuvre d'obligations législatives et réglementaires de remplissage telles que prévues à l'article L. 421-6 du code de l'énergie.
Pour ces opérations, les gains ou pertes dégagés par les achats-ventes de gaz sont calculés à la date de revente du gaz. Le gaz stocké est rémunéré au même taux que celui des immobilisations en cours (coût de la dette nominal, avant impôt). Le niveau de ce taux est précisé au paragraphe 3.4.1 de la présente délibération.
Les opérations de constitution de stocks de gaz complémentaires consécutifs à la mise en œuvre d'obligations législatives et réglementaires de remplissage telles que prévues à l'article L. 421-6 du code de l'énergie sont couvertes au CRCP.
2.2.7. Perception du revenu autorisé
La perception des revenus autorisés de Storengy, Teréga et Géométhane est réalisée pour chaque année civile :
- d'une part, au travers de recettes perçues directement par les opérateurs de stockage auprès de leurs clients, majoritairement issues de la commercialisation de capacités de stockages souterrains de gaz naturel dont les modalités sont fixées par la CRE dans la délibération du 7 octobre 2022 (16) ;
- d'autre part, dans l'hypothèse où les recettes perçues directement par les opérateurs sont inférieures à leur revenu autorisé, au travers d'une compensation collectée par les gestionnaires de réseau de transport (GRT) auprès de leurs clients et reversée aux opérateurs de stockage. Les modalités de collecte et de reversement de cette compensation sont fixées dans la délibération de la CRE n° 2024-22 du 30 janvier 2024 (ATRT8).
2.3. Modalités d'évolution annuelle du tarif
2.3.1. Une période tarifaire d'environ quatre ans
Le tarif ATS3 s'appliquera pour une durée d'environ 4 ans. Il vise à couvrir les charges des années calendaires de 2024 à 2027. Il évoluera annuellement selon les modalités décrites au 2.3.3 de la présente délibération.
Dans leurs réponses à la consultation du 26 juillet 2023, les acteurs de marché se sont déclarés favorables au maintien de cette durée d'environ 4 ans, considérant, comme la CRE, qu'elle offre au marché de la visibilité sur l'évolution des tarifs d'infrastructures et qu'elle donne aux opérateurs le temps nécessaire pour engager des efforts de productivité.
2.3.2. Clauses de rendez-vous
Clause de rendez-vous à mi-période tarifaire
Le tarif ATS3 prévoit, comme c'était le cas dans le tarif précédent, une clause de rendez-vous, activable par les opérateurs de stockage au bout de deux ans.
Ainsi, les conséquences éventuelles de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires ou d'une décision juridictionnelle ou quasi-juridictionnelle pourront donner lieu à un réexamen de la trajectoire tarifaire pour les deux dernières années de la période tarifaire (2026 et 2027) si le niveau des charges nettes d'exploitation retenues dans le tarif ATS3 se trouve modifié d'au moins 1 %.
Clause de rendez-vous concernant l'impact du futur règlement sur la réduction des émissions de méthane dans le secteur de l'énergie
Le tarif ATS3 prévoit également une clause de rendez-vous pour prendre en compte les charges supplémentaires qui pourraient être induites par le futur règlement sur la réduction des émissions de méthane dans le secteur de l'énergie. Au vu des incertitudes qui demeurent sur la nature des mesures qui s'imposeront aux opérateurs de stockages et aux coûts qui en résulteront, la CRE décide de ne pas fixer de trajectoire de charge a priori sur ce poste. La majorité des répondants à la consultation publique se sont exprimés en ce sens. Chaque opérateur de stockage pourra, une fois le règlement sur la réduction des émissions de méthane publié, demander le réexamen de sa trajectoire de charges nettes d'exploitation pour prendre en compte les nouveaux coûts directement induits par ce règlement. L'opérateur de stockage présentera un dossier dûment étayé à la CRE. Le cas échéant, la CRE pourra par ailleurs prévoir des dispositifs de régulation incitative dédiés à ces mesures.
2.3.3. Evolution annuelle du revenu autorisé
Le revenu annuel autorisé évolue chaque année par rapport à la trajectoire initiale de revenu annuel autorisé de la manière suivante :
RAN = RAIN * (1 + j)
Où :
- RAN est le revenu autorisé pour l'année N lors de l'évolution annuelle ;
- RAIN est le revenu autorisé initial fixé par la CRE pour l'année N dans sa délibération ATS3 mis à jour de l'inflation ;
- j est l'évolution du revenu autorisé, exprimé en pourcentage, résultant de l'apurement du solde du compte de régularisation des charges et des produits ; j est compris entre + 5 % et - 5 %.
Le coefficient est fixé à 5 % pour le tarif ATS3 car la variabilité annuelle des charges et des revenus des opérateurs de stockage est plus forte que celle des autres opérateurs régulés.
En outre, la CRE pourra prendre en compte, lors des évolutions annuelles du tarif ATS3, des évolutions, liées notamment aux dispositifs de régulation incitative à la commercialisation et à la qualité de service.
2.3.3.1. Calcul du solde du CRCP au 1er janvier de l'année N
Le solde global du CRCP est calculé avant la clôture définitive des comptes annuels. Il est donc égal au montant à verser ou à déduire du CRCP (i) au titre de l'année écoulée, sur la base de la meilleure estimation des charges et recettes annuelles (dit CRCP estimé), et (ii) au titre de l'année précédente, par comparaison entre les charges et recettes réalisées et l'estimation qui en avait été faite un an plus tôt (dit CRCP définitif), auquel s'ajoute le solde du CRCP non apuré au titre des années antérieures.
Le solde prévisionnel du CRCP au 31 décembre 2023 est pris en compte pour l'élaboration des revenus prévisionnels du tarif ATS3, et apuré sur les 4 ans du tarif. Il est donc remis à 0 au 1er janvier 2024.
Les écarts définitifs à reverser au CRCP pour l'année 2023 seront pris en compte lors de la mise à jour annuelle du 1er avril 2025. Les montants de référence et des taux de couverture permettant de calculer ce solde définitif sont définis dans la délibération de la CRE n° 2020-011 du 23 janvier 2020, et dans la délibération de la CRE n° 2023-46 du 31 janvier 2023.
Le montant à verser ou à déduire au CRCP est calculé par la CRE, au 31 décembre de chaque année, en fonction de l'écart du réalisé, pour chaque poste concerné, par rapport aux montants de référence définis en annexe 2. Tout ou partie de l'écart est versé au CRCP, la quote-part est déterminée en fonction du taux de couverture prévu par la présente délibération.
Les charges et recettes couvertes pour tout ou partie au CRCP pour la période ATS3 sont fixées au 2.4.2 de la présente délibération.
2.3.3.2. Calcul du coefficient en vue notamment de l'apurement du solde du CRCP
L'évolution du revenu autorisé à recouvrir prend en compte un coefficient j qui vise notamment à apurer, d'ici le 31 décembre de l'année N, le solde du CRCP au 31 décembre de l'année N-1. Le coefficient j est plafonné à +/- 5 %.
Le coefficient j est déterminé de manière que le revenu à recouvrir permette d'égaliser dans la limite du plafonnement du coefficient j :
- le revenu autorisé prévisionnel mis à jour de l'inflation (voir annexe 2 de la délibération) ;
- le solde du CRCP.
2.4. Régulation incitative à la maitrise des coûts
2.4.1. Régulation incitative des charges d'exploitation
Le tarif ATS2 prévoyait que les charges nettes d'exploitation, à l'exception de certains postes prédéfinis difficiles à maîtriser pour les opérateurs, font l'objet d'une incitation à 100 %.
Au vu du bilan positif des précédentes périodes tarifaires et de l'appréciation favorable des acteurs formulée dans le cadre de la consultation publique du 26 juillet 2023, la CRE reconduit ce principe pour le tarif ATS3.
Ainsi, à l'exception des natures de charges et recettes couvertes en tout ou partie au CRCP, présentées au 2.4.2 de la présente délibération, tout écart par rapport à la trajectoire fixée pour la période ATS3 restera à la charge ou au bénéfice de l'opérateur.
2.4.2. Couverture au CRCP de certains postes de charges et de recettes
Le tarif ATS3 est calculé à partir d'hypothèses sur les charges et les recettes qui permettent de définir des trajectoires d'évolution pour les différents postes. Comme indiqué au 2.2.5.1 de la présente délibération, un mécanisme de régularisation a posteriori, le CRCP, permet de prendre en compte les écarts entre les charges et les produits réellement constatés, et les charges et les produits prévisionnels de certains postes préalablement identifiés. Il s'agit des postes peu prévisibles et peu maîtrisables par les opérateurs.
La CRE considère que l'intégration d'un poste au CRCP doit être appréhendée notamment à l'aune des deux axes suivants :
la prévisibilité : un poste prévisible est un poste pour lequel il est possible, pour l'opérateur et pour la CRE, de prévoir, avec une confiance raisonnable, le niveau des coûts supportés et des recettes perçues par l'opérateur sur une période tarifaire ;
la maîtrise : un poste maîtrisable est un poste pour lequel l'opérateur est en mesure de contrôler le niveau de dépenses/recettes au cours d'une année, ou bien dispose d'un pouvoir de négociation ou d'influence quant à son niveau, si celui-ci découle d'une tierce partie.
Ces principes sont en vigueur depuis plusieurs périodes tarifaires et sont largement soutenus par les acteurs ayant répondu à la consultation publique. Par ailleurs, le traitement tarifaire ne peut se résumer à une alternative unique s'agissant de la couverture du poste, entre 100 % et 0 % au CRCP. Ainsi, pour certains postes faiblement maîtrisables et/ou prévisibles, la CRE considère qu'il est pertinent d'inciter partiellement les opérateurs.
Dans sa consultation publique du 26 juillet 2023, la CRE envisageait plusieurs évolutions par rapport à la période ATS2 concernant la couverture des charges et produits des opérateurs de stockage par le CRCP :
Charges d'avantage en nature énergie (« tarif agent »)
Les salariés de la branche des Industries Électriques et Gazières (IEG) et les retraités ayant travaillé au moins 15 ans dans cette branche, dont font partie GRDF, GRTgaz et Storengy, bénéficient d'un tarif préférentiel pour le gaz et l'électricité (dit « tarif agent »). Chaque entreprise de la branche qui emploie des salariés au statut IEG faisant partie des IEG verse, en contrepartie à EDF et Engie, chaque année un montant visant à couvrir l'écart entre le tarif agent et le coût que ces deux entreprises indiquent supporter au titre de l'approvisionnement en énergie des salariés bénéficiant du tarif agent.
Dans le cadre de l'ATS2, ces charges étaient entièrement incitées, comme la majorité des charges d'exploitation. Storengy demande qu'elles soient désormais couvertes à 100 % au CRCP pour la période tarifaire de l'ATS3, en raison des incertitudes pesant sur les prix de l'électricité et du gaz. GRDF a demandé que les écarts dus aux effets prix, c'est-à-dire les écarts entre les tarifs de référence en électricité et en gaz choisis par EDF et ENGIE et les tarifs d'électricité et de gaz fixés pour les agents IEG soient couverts au CRCP.
Le montant des reversements des opérateurs à EDF et Engie est fixé dans le cadre d'un contrat négocié entre les différentes entreprises concernées. Lors de la consultation publique, la CRE a considéré qu'il est justifié de maintenir un cadre de régulation incitant à la fixation d'un niveau pertinent. La CRE a également envisagé dans la consultation publique de maintenir une incitation portant sur les volumes d'énergie consommés.
Certains acteurs partagent l'analyse de la CRE présentée dans sa consultation publique et soutiennent que le maintien de cette incitation est justifié dans la perspective de la politique de sobriété énergétique. Néanmoins, un grand nombre d'acteurs évoquent le caractère imprévisible et non maîtrisable des prix de l'énergie pour justifier une couverture des charges d'ANE au CRCP. GRDF a par exemple demandé que les écarts dus aux effets prix, c'est-à-dire les écarts entre les tarifs de référence en électricité et en gaz choisis par EDF et ENGIE et les tarifs d'électricité et de gaz fixés pour les salariés bénéficiant du tarif agent, soient couverts au CRCP.
La CRE décide de maintenir l'incitation sur la partie « volume » des charges d'ANE, considérant qu'elle est en partie maîtrisable et prévisible par Storengy en ce que l'opérateur de stockage peut notamment, mener des actions pour inciter les bénéficiaires du tarif agent à adapter leur consommation d'énergie et que les efforts de sobriété de consommation s'appliquent également aux bénéficiaires du tarif agent.
S'agissant des effets prix, la CRE décide de couvrir à 100 % au CRCP les effets liés à l'évolution des prix de marché et des taxes sur les prix de l'énergie en raison du manque de maîtrise et de prévisibilité de l'évolution des prix. Ainsi, elle retient pour la période tarifaire de l'ATS3, une référence de prix de l'électricité et du gaz fondée sur des publications régulières et objectives :
- pour l'électricité, la CRE retient les tarifs règlementés de vente de l'électricité (hors effets de bouclier tarifaire) ;
- pour le gaz, la CRE retient le prix repère de vente du gaz, adapté à la consommation moyenne des bénéficiaires du tarif agent.
L'écart de prix entre la trajectoire prévisionnelle et ces références, constaté chaque année lors de l'évolution annuelle, sera couvert au CRCP à 100 %.
En revanche, les écarts provenant d'une référence de prix pour le calcul de l'ANE différente que celles retenues par la CRE ne sont pas couverts au CRCP. Les modalités de calcul sont décrites dans l'annexe 3 confidentielle de la présente délibération.
Charges d'énergie (énergie motrice et quotas de CO2)
Teréga a demandé pour l'ATS3 que la mise à jour annuelle des hypothèses de charges d'énergie soit prise en compte directement dans son revenu autorisé de l'année N et non via le CRCP. La CRE n'y est pas favorable, et souhaite maintenir une régulation incitative (prix et volume) pour ce poste.
Au cours des prochains mois, la CRE poursuivra le travail de fond amorcé avec les opérateurs de stockage pour la mise en place d'un tel dispositif en cours d'ATS3. A ce stade, la CRE retient le cadre d'incitation tel qu'il était prévu à la fin de l'ATS2 (17).
Provisions pour démantèlement
Les opérateurs de stockage demandent une couverture de l'ensemble des provisions pour démantèlement des actifs qu'ils constitueraient. Dans le cadre de l'ATS2, les provisions qui auraient été constituées par les opérateurs étaient couvertes par le tarif ATS au prorata de la durée de présence des actifs de stockage concernés dans la régulation.
Le cadre prévu par l'ATS2 permet ainsi de couvrir les coûts de démantèlement dans le cas spécifique du stockage régulé.
La CRE considère que la couverture au prorata temporis est équilibrée et reconduit le cadre de l'ATS2 pour l'ATS3, comme indiqué dans la partie 2.2.4.3.
Opérations d'achat/vente de gaz de performance
Storengy indique que des opérations d'achat et revente (ou de vente et rachat) peuvent être nécessaires afin d'assurer la performance des stockages. Storengy demande que les gains et les pertes liés à ces transactions soient couverts à 80 % au CRCP.
La CRE note que ces opérations peuvent dans certains cas être en concurrence avec d'autres solutions (commercialisation de produits de stockage spécifiques, achat de gaz coussin supplémentaire…).
Les opérations d'achat et de ventes de gaz de performance de Storengy faisaient l'objet dans le cadre du tarif ATS2 d'une trajectoire incitée (sans couverture au CRCP). La majorité des répondants à la consultation publique est en faveur du maintien de ce cadre.
Compte tenu des réponses à la consultation publique, la CRE décide de reconduire ce mécanisme pour l'ATS3.
Développement de capacité à Etrez
La CRE a approuvé un projet de développement de capacités sur le site de Storengy à Etrez. Tel que précisé dans la délibération de la CRE n° 2023-210, la réalisation de ce projet conduirait à 4,2 M€ de charges d'exploitation en 2025 qui seront intégrées au CRCP.
En conséquence, les postes inclus au périmètre du CRCP pour le tarif ATS3 sont les suivants :
Postes couverts en totalité au CRCP :
Les charges en totalité couvertes au CRCP sont les suivantes :
- les charges de capital, prises en compte à 100 %, à l'exception de celles qui font l'objet du mécanisme de régulation incitative des charges de capital « hors infrastructures » ;
- les pénalités versées aux clients en cas de manquement aux obligations contractuelles, c'est-à-dire lorsque l'opérateur n'est pas en mesure de délivrer les performances d'injection/soutirage commercialisées, couvertes à 100 % au CRCP au-delà d'un plafond annuel de 10 M€ pour Storengy et de 3 M€ pour Teréga. Ainsi, les opérateurs sont incités sur ce poste jusqu'à ce plafond de coût, au-delà duquel l'impact financier est neutralisé, afin de ne pas leur faire supporter un risque trop significatif en cas de situation exceptionnelle (voir la partie 2.6 de la présente délibération) ;
- les provisions pour démantèlement des sites de stockage qui seraient constituées par l'opérateur de stockage en cours de période tarifaire, au prorata de la durée de vie dans la régulation des actifs ;
- les opérations d'achats-vente relatives à constitution de stocks de gaz complémentaires consécutifs à la mise en œuvre d'obligations législatives et réglementaires de remplissage telles que prévues à l'article L. 421-6 du code de l'énergie ;
- les charges d'exploitation de R&D, avec un traitement particulier (cf. partie 2.8) : en fin de période tarifaire, si l'opérateur a dépensé moins que la trajectoire prévisionnelle, l'écart est restitué aux utilisateurs à 100 % via le CRCP. Si l'opérateur a dépensé davantage que la trajectoire prévisionnelle, l'écart reste à la charge de ce dernier ;
- l'écart entre l'inflation prévisionnelle prise en compte par la CRE pour les charges d'exploitation, et l'inflation réellement constatée ;
- les charges associées aux contrats avec les autres opérateurs régulés, notamment les gestionnaires de réseau de transport. Ce traitement tarifaire est globalement neutre pour les utilisateurs des infrastructures régulées ;
- les frais d'études sans suite pour des grands projets ayant fait l'objet d'une approbation préalable de la CRE ou les autres coûts échoués traités au cas par cas dont la CRE approuverait la couverture ;
- si le projet de développement de capacité sur le site de Storengy à Etrez est décidé, les charges d'exploitation nécessaires à la réalisation de ce projet telles que précisées dans la délibération de la CRE n° 2023-210.
Les produits en totalité couverts au CRCP sont les suivants :
- les recettes issues du terme tarifaire de compensation reversées par les GRT et les recettes de commercialisation des capacités de stockages. La trajectoire de référence est mise à jour annuellement ;
- les recettes associées aux contrats avec les autres opérateurs régulés.
Postes en partie couverts au CRCP :
Les postes de charges suivants sont en partie couverts au CRCP :
- les charges d'énergie (gaz et électricité) et les achats et ventes de quotas de CO2 :
- à 90 % par le CRCP pour la fraction de l'écart entre le réalisé et la trajectoire prévisionnelle de référence des charges d'énergies inférieure ou égale, en valeur absolue, à 50 % de la trajectoire prévisionnelle ;
- à 100 % par le CRCP pour la fraction de l'écart entre le réalisé et la trajectoire prévisionnelle de référence des charges d'énergies, en valeur absolue, au-delà de 50 % de la trajectoire prévisionnelle ;
- l'écart entre la trajectoire mise à jour et la trajectoire initiale est couvert à 100 % au CRCP ;
- les consommables et les charges de traitement des effluents spécifiques au stockage, pris en compte à 80 % au CRCP. La trajectoire de référence est mise à jour annuellement. L'écart entre la trajectoire mise à jour et la trajectoire initiale est couvert à 100 % au CRCP ;
- les plus-values réalisées dans le cadre de la cession d'actifs immobiliers ou de terrains, prises en compte à 80 % au CRCP ;
- les écarts avec la trajectoire de référence de l'expérimentation « TOTEX » de Teréga couverts à 50 % au CRCP, calculés en fin de période ATS3 ;
- les écarts de charges d'avantage nature en énergie liées aux écarts du prix par rapport aux références de prix de l'électricité et du gaz retenues par la CRE sont couverts à 100 % au CRCP (voir annexe confidentielle). Le reste de ces écarts de charges n'est pas couvert au CRCP.
En outre, les bonus et pénalités résultant des différents mécanismes de régulation incitative décrits dans les parties suivantes (régulation incitative des investissements au 2.4.3, régulation incitative portant sur la commercialisation au 2.5, régulation incitative de la qualité de service au 2.6, et régulation incitative de la R&D&I au 2.8 de la délibération) sont versés aux opérateurs de stockage via le CRCP.
2.4.3. Régulation incitative des investissements
2.4.3.1. Incitation à la maîtrise des coûts pour les investissements d'un budget supérieur à 20 M€
Le tarif ATS2 prévoyait une incitation à la maîtrise des coûts pour les projets d'un budget supérieur à 20 M€ : ces derniers font l'objet d'un audit permettant de fixer un budget-cible, et un bonus ou malus est attribué à l'opérateur en fonction de l'écart entre le budget-cible et les dépenses réellement constatées, avec une bande de neutralité de +/- 5 % autour du budget-cible.
Pendant la période tarifaire ATS2, la CRE a audité 5 projets d'un budget supérieur à 20 M€. Les audits ont conduit, en moyenne, à des ajustements des budgets présentés de - 3 % pour les opérateurs de stockage. Ces audits permettent également d'analyser les méthodes de fixation des coûts des opérateurs.
La CRE a approuvé (18) deux projets de développement de capacités de stockages pour lesquels elle a fixé un budget d'investissement maximal. Pour ces projets la CRE envisage d'étudier au cas par cas la couverture des coûts d'investissement au-delà de ces plafonds. A titre d'illustration, la CRE pourrait ne retenir que 50 % des coûts excédentaires.
Pour les autres projets, la CRE envisageait dans sa consultation publique de maintenir le dispositif existant pour le tarif ATS3.
La majorité des répondants est favorable au maintien du dispositif de budget cible à la suite d'un audit pour les projets d'un budget supérieur à 20 M€.
En conséquence, pour les projets d'investissements dont la décision d'engagement du projet sera prise à compter de la publication de la présente délibération et dont le budget estimé serait supérieur ou égal à 20 M€ :
- la CRE auditera le budget présenté par l'opérateur de stockage et fixera un budget cible ;
- quelles que soient les dépenses d'investissement réalisées par l'opérateur de stockage, l'actif entrera dans la BAR à sa valeur réelle lors de sa mise en service (diminuée des subventions éventuelles) ;
- si les dépenses d'investissement réalisées par l'opérateur de stockage pour ce projet se situent entre 95 % et 105 % du budget cible, aucune prime ni pénalité ne sera attribuée ;
- si les dépenses d'investissement réalisées sont inférieures à 95 % du budget cible, l'opérateur de stockage bénéficiera d'une prime égale à 20 % de l'écart entre 95 % du budget cible et les dépenses d'investissement réalisées ;
- si les dépenses d'investissement réalisées sont supérieures à 105 % du budget cible, l'opérateur de stockage supportera une pénalité égale à 20 % de l'écart entre les dépenses d'investissement réalisées et 105 % du budget cible.
2.4.3.2. Incitation à la maîtrise des coûts des projets en dehors d'un budget inférieur à 20 M€
Le tarif ATS2 a introduit un mécanisme incitatif fondé sur la sélection sans critère prédéfini, par la CRE, de quelques projets ou catégories de projets dont le budget est en deçà du seuil de 20 M€, afin de les auditer et d'appliquer une régulation incitative identique à celle applicable aux projets d'investissements dont le budget est supérieur ou égal à 20 M€.
La majorité des répondants est favorable à la reconduction du mécanisme incitatif, dont une partie souligne la nécessité pour les budgets cibles de conserver un caractère exceptionnel au vu des coûts engendrés. Quelques répondants, dont une moitié d'opérateurs d'infrastructures, y sont défavorables, pour cette même raison de perte d'efficience du mécanisme sur les projets de plus petite taille.
Compte tenu des réponses à la consultation publique, la CRE décide de reconduire pour l'ATS3 le mécanisme d'incitation à la maîtrise des coûts des projets d'un budget inférieur à 20 M€ prévu par l'ATS2.
2.4.3.3. Incitation à la maîtrise des coûts pour les investissements « hors infrastructures »
Les opérateurs de stockage de gaz sont incités à maîtriser leurs charges de capital au même titre que leurs charges d'exploitation sur un périmètre de charges dites « hors infrastructures » comprenant des actifs tels que l'immobilier, les véhicules et les systèmes d'information (SI). Ce cadre de régulation a été introduit dans le tarif ATS2.
En effet, ces postes de charges sont par nature susceptibles de donner lieu à des arbitrages entre investissements et charges d'exploitation. Ce mécanisme incite par conséquent les opérateurs à optimiser globalement l'ensemble de leurs charges sur ces trois postes de coûts. Il consiste à définir, pour la période tarifaire, la trajectoire d'évolution des charges de capital, qui sont exclues du périmètre du CRCP (19). Les gains ou les pertes réalisés sont donc conservés à 100 % par l'opérateur pendant la période tarifaire. En fin de période tarifaire, la valeur effective des immobilisations est prise en compte dans la BAR, ce qui permet, pour les périodes tarifaires suivantes, un partage des gains ou des surcoûts avec les utilisateurs des infrastructures.
Dans sa consultation publique du 26 juillet 2023, la CRE a envisagé reconduire le mécanisme de régulation incitative à la maîtrise des investissements « hors infrastructures », considérant que le retour d'expérience sur les dernières périodes tarifaires a montré que ce mécanisme de régulation incitait de manière efficace les opérateurs à maîtriser leurs charges.
En outre, la CRE a introduit dans le tarif ATS2 un mécanisme expérimental spécifique sur les charges relatives au SI de Teréga. Ce mécanisme incite l'opérateur sur une trajectoire commune comprenant les charges d'exploitation et les mises en service et prévoit que les actifs entrent dans la BAR sur la base d'un montant fixé ex ante dans la trajectoire, et non sur la base des dépenses réellement réalisées en fin de période tarifaire. La CRE a fixé un taux de partage à 50 % des gains ou pertes de l'opérateur en intégrant dans le CRCP de Teréga, les écarts par rapport à la trajectoire globale à hauteur de 50 %.
Dans sa consultation publique du 26 juillet 2023, la CRE a envisagé, pour la période ATS3, reconsidérer l'intérêt de ce cadre spécifique appliqué sur les investissements SI de Teréga par rapport au cadre appliqué aux autres opérateurs.
La plupart des acteurs considèrent qu'un seul cadre de régulation pourrait être appliqué aux investissements SI de tous les opérateurs. Teréga est néanmoins défavorable à la suppression du mécanisme spécifique sur ses investissements SI en affirmant que ce cadre de régulation est plus adapté à son activité tout en étant plus efficace du point de vue régulatoire.
La CRE considère que les éléments partagés par Teréga (tenu des calendriers des projets, meilleure efficience) et le bilan réalisé par la CRE permettent de poursuivre l'expérimentation de ce cadre de régulation spécifique une période tarifaire supplémentaire.
Teréga demande que les coûts liés au SI industriel soient exclus du périmètre de régulation incitative « hors infrastructures ». La CRE considère que ce type de dépenses doit rester incitée au même titre que les autres dépenses de SI, en raison de la possibilité d'arbitrage entre investissements et charges d'exploitation.
Par conséquent, la CRE reconduit pour le tarif ATS3 l'ensemble des mécanismes de régulation incitative à la maîtrise des investissements « hors infrastructures » appliqués aux différents opérateurs (y compris mécanisme expérimental spécifique sur les charges relatives au SI de Teréga).
Pendant la période du ATS3, les charges de capital pour les actifs dits « hors infrastructures » incitées seront calculées à partir des valeurs prévisionnelles définies dans la partie 3.4.3 de la présente délibération. En fin de période tarifaire, la CRE mènera une analyse des trajectoires de mise en service des investissements concernés afin de s'assurer que les gains éventuels réalisés au cours de la période tarifaire n'ont pas pour contrepartie des charges plus élevées pour les périodes tarifaires suivantes, du fait par exemple de retards de certains projets.
Le montant estimé des investissements « hors infrastructures » soumis à cette régulation incitative pour Storengy, Teréga et Géométhane sont respectivement de 12,2 M€, 2,4 M€ et 0,04 M€ par an en moyenne (véhicules et immobilier uniquement pour Teréga), soit respectivement environ 5,1 %, 5,2 % et 0,2 % du total des investissements prévus dans la trajectoire de l'opérateur pour ATS3.
La trajectoire de mises en services pour le SI de Teréga est fixée dans la partie 3.4.3 de la présente délibération. Ces investissements représentent environ 1,3 % des investissements de l'opérateur sur la période ATS3.
2.5. Régulation incitative portant sur la commercialisation
La CRE rappelle que l'objectif premier de la commercialisation aux enchères des capacités de stockage est de maximiser les souscriptions pour assurer la sécurité d'approvisionnement du pays en hiver. Dans un second temps, l'objectif de maximisation du revenu issu des enchères est recherché. En effet, si les recettes de commercialisation ne couvrent pas le revenu autorisé des opérateurs, la différence est perçue via une composante spécifique du tarif de transport de gaz, payée in fine par les consommateurs de gaz.
Il est donc essentiel d'encourager fortement les opérateurs de stockage à maximiser d'une part le volume de capacités vendues, d'autre part les recettes issues de ces ventes.
Durant l'ATS2, la CRE a mis en place à cette fin un régime spécifique d'incitations financières. Le tarif ATS2 prévoyait ainsi un mécanisme attribuant aux opérateurs un bonus conditionné à l'atteinte d'un niveau minimal de souscription. Le seuil retenu était le niveau du dernier arrêté relatif aux stocks minimaux de gaz naturel nécessaires au 1er novembre pour garantir la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel pendant la période comprise entre le 1er novembre et le 31 mars (20).
Ce bonus s'appliquait à l'ensemble des capacités commercialisées aux enchères, y compris les capacités commercialisées lors de ventes additionnelles ultérieures de produits de court terme. Le calcul du bonus tenait compte des recettes et du « premium » de chaque enchère, c'est-à-dire l'écart entre le prix de l'enchère et la valeur saisonnière du stockage (qui correspond au spread hiver-été minoré du coût de stockage). Cette « sur-valeur » est notamment liée à la possibilité pour les utilisateurs de moduler les injections et soutirages d'un jour sur l'autre, et dépend donc de la performance des stockages. Elle est également le résultat du niveau de concurrence lors des enchères, qui est favorisé par les actions commerciales des opérateurs.
La CRE considère que la régulation incitative pour la commercialisation des capacités de stockage prévue par l'ATS2 a été un succès. L'ensemble des capacités commercialisées durant cette période ont été souscrites. Les conditions de marché très dégradées en 2022 ont néanmoins fait ressortir les limites de la formule de calcul du bonus, qui a été adaptée (21) afin de maintenir une incitation suffisante pour la campagne de commercialisation des capacités 2023-2024.
En effet, des conditions de marché « extrêmes » peuvent rendre l'incitation inopérante ou disproportionnée :
- le premium d'enchères est davantage lié aux performances techniques du stockage qu'aux efforts commerciaux de l'opérateur. Le premium a généré trois quarts du bonus de commercialisation en moyenne sur la période ATS2 ;
- un prix d'adjudication inférieur au spread hiver/été conduit à un premium d'enchère négatif pour une vente donnée. Ce type de situation pourrait conduire à un bonus nul (voire négatif) malgré l'atteinte de l'objectif de souscription :
- inversement, lorsque des capacités sont souscrites à un prix de réserve nul et que le spread hiver-été est négatif, la formule pourrait aboutir à des bonus élevés en l'absence de recettes d'enchères, ce bonus augmenterait alors le montant devant être collecté par la compensation stockage.
En conséquence, la CRE envisageait, dans sa consultation publique du 26 juillet 2023, de nouvelles évolutions des incitations financières. En particulier, la CRE envisageait :
- de garantir un bonus minimal aux opérateurs lorsque suffisamment de capacités sont souscrites pour assurer la sécurité d'approvisionnement, y compris en cas de contexte de marché dégradé ;
- de réduire la part du premium conservée par les opérateurs (passant de 5 % à 2 %) au profit de la part de l'incitation proportionnelle aux recettes (passant de 0,5 % à 2 %), pour mieux récompenser les efforts des opérateurs pour commercialiser les produits les plus lents ;
- d'introduire un plafonnement pour chaque enchère de la part premium à un pourcentage des recettes pour éviter des bonus trop élevés en cas d'absence de recettes d'enchères. Dans ce cas, le plafonnement global du bonus aurait été supprimé.
Enfin, la CRE envisageait de réduire l'incitation sur les recettes des ventes de court terme à 5 % (les opérateurs conservent 10 % des recettes dans le cadre actuel) car cette très forte incitation pourrait amener les opérateurs à trop privilégier les produits de court terme.
Si aucun répondant à la consultation publique n'est opposé à la mise en place d'un bonus minimal garanti si suffisamment de capacités sont souscrites pour assurer la sécurité d'approvisionnement, les autres évolutions ont fait l'objet d'un retour favorable des répondants. Certains acteurs demandent une réduction de la part du bonus dépendant du premium d'enchères. D'autres souhaitent plutôt que les mécanismes d'incitation de l'ATS2 reconduites dans l'ATS3.
Au vu des réponses à la consultation publique, la CRE décide de faire évoluer la régulation incitative pour la commercialisation des capacités de stockage pour l'ATS3 comme suit :
1. Un bonus minimal est introduit. Si les conditions de versement décrites ci-après sont atteintes, le bonus sera a minima de 1 M€ pour les capacités commercialisées par Storengy et de 0,3 M€ pour les capacités commercialisées par Teréga ;
2. La part du premium conservée par les opérateurs est réduite au profit d'une augmentation de l'incitation dépendant des recettes. Le bonus pour les ventes de capacités N/N+1 (22) commercialisées sous forme de produits standard (23) et non standard sera calculé pour chaque opérateur de stockage comme suit :
Bonus = 2 × Recettes d'enchères + 2 % × somme de premium d'enchères des produits standards
Avec :
Recettes d'enchères : les recettes perçues par les opérateurs de stockage au titre des capacités de l'année N dans le cadre de leurs campagnes d'enchères.
Premium d'enchères des produits standards : positif ou négatif, il est calculé en multipliant la capacité vendue lors d'une enchère par un terme de prix, correspondant à l'écart entre le prix d'adjudication de l'enchère et le spread hiver-été auquel est retranché le coût de stockage (terme « spread - coûts ») :
- pour les enchères des capacités de l'année N ayant lieu avant avril N-1, en cohérence avec les références de calcul du prix de réserve fixé dans la délibération de la CRE du 7 octobre 2022 : le terme « spread - coûts » correspond à la différence entre le prix Winter bid (N) j et le prix Summer ask (N) (24) sur le TTF, publié par ICIS, réduit de 0,75 €/MWh ;
- pour l'enchère des capacités de stockage en gaz B, en cohérence avec les références de calcul du prix de réserve fixé dans la délibération de la CRE du 7 octobre 2022 : le terme « spread - coûts » correspond à la différence entre le prix Winter settlement (N)j et le prix Summer settlement (N)j sur le PEG publiés par Powernext, de laquelle le spread bid-ask est retranché, puis réduit de 0,70 €/MWh ;
- pour les enchères des capacités de l'année N-N+1 ayant lieu entre 1er avril N-1 et le 31 mars N, le terme « spread - coûts » correspond à l'écart des prix settlement de l'hiver N et de l'été N sur le PEG, tel que publié par Powernext, sur le dernier jour de cotation précédant le jour de clôture de l'enchère (J-1 pour J), réduit de 0,75 €/MWh.
Si la somme des premiums d'enchères des produits standards est négative, elle n'est pas prise en compte dans le calcul du bonus.
Le premium d'enchère est nul pour les capacités N-N+1 qui seront commercialisées après le 1er avril N sous forme de produits non-standard.
Le bonus au titre d'une vente aux enchères de capacités N-N+1 ne peut excéder 100 % des recettes de cette enchère.
Le versement de ces bonus est conditionné à l'atteinte d'un niveau de souscription supérieur ou égal au niveau fixé par le dernier arrêté relatif aux stocks minimaux de gaz naturel pour garantir la sécurité d'approvisionnement, en application des dispositions l'article L. 421-4 du code de l'énergie. Toutefois dans le cas où le niveau minimal de souscription à la maille France ne serait pas atteint, un bonus est versé aux opérateurs dont les capacités sont totalement souscrites ;
3. L'incitation sur les recettes des ventes de court terme reste tel qu'il était prévu à la fin de l'ATS2 (25). Les opérateurs conservent 10 % de ces recettes.
Les bonus sont intégrés au solde du CRCP de l'année N.
2.6. Pénalités en cas de restriction des droits des clients des stockages souterrains
Lorsque des capacités vendues sont finalement non disponibles, notamment en raison de défaillances techniques, l'opérateur de stockage publie des restrictions des droits d'injection ou de soutirage de ses clients. Dans ce cas, le contrat d'accès aux stockages peut prévoir des pénalités pour l'opérateur à verser à son client en dédommagement.
La CRE maintient pour le tarif ATS3 les modalités de calcul de ces pénalités en vigueur durant l'ATS2. Ainsi en cas de restriction des capacités d'injection ou de soutirage souscrites par un client donnant lieu au versement d'une pénalité par l'opérateur, cette pénalité sera calculée sur la base du montant dû par le client sur la durée de la restriction et du taux de restriction :
- dans le cas d'une restriction des capacités de soutirage pendant la période d'hiver gazier (novembre- mars), la pénalité sera égale au montant dû par le client sur la durée de la restriction, multiplié par le taux de restriction ;
- dans le cas d'une restriction des capacités d'injection ou de soutirage pendant la période d'été gazier (avril-octobre), la pénalité sera égale à la moitié du montant dû par le client sur la durée de la restriction, multipliée par le taux de restriction.
Par exemple, dans le cas d'une restriction de 20 % de la capacité de soutirage durant la totalité d'un mois d'hiver gazier, la pénalité sera de 20 % * 1 * 1/12 * coût total de la capacité achetée par le client.
2.7. Régulation incitative de la qualité de service
2.7.1. Rappel du dispositif de l'ATS2
La régulation incitative de la qualité de service des opérateurs a pour objectif d'améliorer la qualité du service rendu aux utilisateurs des infrastructures dans les domaines considérés comme particulièrement importants pour le bon fonctionnement du marché du gaz.
La CRE a introduit pour le tarif ATS2 un dispositif de régulation incitative de la qualité de service aux opérateurs de stockage. La CRE reconduit ce dispositif pour le tarif ATS3.
Les résultats des indicateurs sont publiés sur les sites internet des opérateurs chaque mois et ces derniers élaboreront un rapport d'analyse qualitative de leurs performances annuelles qu'ils publieront également sur leur site internet. Ces indicateurs ne sont pas incités financièrement à l'entrée en vigueur du tarif ATS2, mais pourront le devenir lors d'une mise à jour tarifaire annuelle.
2.7.2. Indicateurs relatifs aux indisponibilités des capacités de stockage
Les difficultés rencontrées sur des installations de stockage de Storengy lors de la campagne de soutirage 2018-2019 et qui ont conduit à des restrictions de capacités souscrites par les expéditeurs ont conduit la CRE à proposer l'introduction de deux indicateurs relatifs aux indisponibilités des sites de stockage. Les indicateurs suivants ont été introduits dans le tarif ATS2 :
- un indicateur de respect des programmes de maintenance des opérateurs de stockage, calculé selon la variation (en pourcentage) de la capacité mise à disposition entre le programme de maintenance prévisionnel publié et le programme de maintenance réalisé. Le suivi de cet indicateur est calculé annuellement et agrégé pour chaque groupement de stockage ;
- un indicateur de suivi de la mise à disposition d'informations en cas d'évènement pouvant conduire à une restriction des droits de soutirage et d'injection des utilisateurs des stockages.
La CRE constate que les résultats de l'indicateur de respect des programmes de maintenance sont satisfaisants pour stockages opérés par Storengy et Teréga.
Concernant l'indicateur de suivi de la mise à disposition d'informations en cas d'évènement pouvant conduire à une restriction des droits de soutirage et d'injection, seul Storengy a été contraint de procéder à de telles restrictions en raison de mouvements sociaux et d'un incident technique. Ces restrictions ont toutes fait l'objet d'une information aux expéditeurs avec un préavis de 2,1 jours en moyenne.
La CRE décide maintenir ces indicateurs dans le tarif ATS3.
2.7.3. Indicateurs relatifs à l'environnement
Le tarif ATS2 comportait deux indicateurs relatifs à l'environnement, non incités financièrement :
- les émissions mensuelles de gaz à effet de serre (GES) rapportées au volume de gaz injecté et/ou soutiré ;
- les fuites de méthane (incluant les pertes diffuses, mises à l'évent et accidents/incidents) rapportées au volume de gaz cyclé.
Le règlement européen visant à réduire les émissions de méthane dans le secteur énergétique de l'Union européenne sera adopté prochainement. Ce règlement va notamment introduire un cadre commun sur les mesures et le reporting des émissions de méthane, l'obligation de recherches et de réparations des fuites de méthane sur les installations, ainsi que l'interdiction de certaines pratiques (mise à l'évent, torchage).
Le futur règlement imposera des obligations aux opérateurs d'infrastructures gazières. L'incitation financière des émissions de gaz à effet de serre, aujourd'hui seulement suivies, pourrait alors être étudiée.
La majorité des répondants à la consultation publique est favorable à la régulation incitative des émissions GES mais estime, comme la CRE, qu'il est utile d'attendre un texte définitif sur les émissions de méthane pour définir l'incitation.
La CRE décide de maintenir les indicateurs relatifs aux les émissions mensuelles de gaz à effet de serre et aux fuites de méthane dans le tarif ATS3. La CRE étudiera la possibilité d'inciter financièrement ces indicateurs une fois que le règlement européen sur la réduction des émissions de méthane sera adopté.
2.8. Régulation incitative de la R&D&I
Dans un contexte d'évolution rapide du paysage énergétique, les opérateurs de stockage doivent disposer des ressources nécessaires pour mener à bien leurs projets de recherche, développement et innovation (R&D&I), essentiels pour fournir un service efficace et de qualité aux utilisateurs et faire évoluer leurs outils d'exploitation de leurs sites de stockage. Les opérateurs de stockage se doivent, en contrepartie, d'utiliser efficacement et de manière transparente ces ressources.
Afin de satisfaire ces deux exigences, la régulation incitative de la R&D&I de l'ATS2 s'appuyait, pour l'ensemble des opérateurs, sur :
- une trajectoire de coûts de R&D&I incitée de manière asymétrique, qui peut être révisée à mi-parcours : en fin de période tarifaire, les montants non dépensés sur la période sont rendus aux consommateurs tandis que les dépassements de trajectoires restent à la charge des opérateurs ;
- la transmission annuelle à la CRE d'informations techniques et financières pour l'ensemble des projets en cours et terminés et la publication d'un rapport public bisannuel, dans la lignée du mécanisme actuellement en place. Les rapports devront être harmonisés entre les opérateurs, notamment grâce à des indicateurs standardisés, et enrichis d'éléments concrets concernant les bénéfices des projets pour les utilisateurs des stockages, ainsi que de retours d'expérience systématiques sur les démonstrateurs financés par le tarif.
La CRE a envisagé dans sa consultation publique de maintenir les modalités d'incitation de l'ATS2. La CRE considère en effet à ce stade que ces modalités permettent de ne pas inciter les opérateurs à arbitrer entre des économies sur leurs dépenses de R&D&I et la préparation de l'avenir. Par ailleurs, la mise à jour de la révision de la trajectoire à mi-parcours permet d'offrir plus de souplesse aux opérateurs de stockage dans l'adaptation de leur programme de R&D&I.
La CRE a également envisagé dans la consultation publique de ne pas reconduire le guichet smart grid.
La majorité des répondants est favorable au maintien des modalités d'incitation actuelles et à la non- reconduction du guichet smart grid.
Compte tenu des retours à la consultation, la CRE maintient les orientations présentées dans la consultation publique et décide de reconduire le cadre de régulation incitative de la R&D&I de l'ATS2 pour l'ATS3 et de ne pas reconduire le guichet smart grid pour l'ATS3.
3. Niveau des charges à couvrir
3.1. Demande tarifaire des opérateurs et principaux enjeux qu'ils y associent
3.1.1. Storengy
Dans sa demande tarifaire, Storengy soutient que la guerre déclenchée par la Russie contre l'Ukraine en début d'année 2022 a conduit à un changement de paradigme qui se traduit par une forte inflation et par un besoin accru de sécurité d'approvisionnement.
Storengy indique que les dispositions du règlement européen (UE) 2022/1032 (26) et de la loi « Pouvoir d'Achat » (27) renforcent le rôle des stockages pour garantir la sécurité d'approvisionnement gaz. Par ailleurs, il souligne que la forte volatilité des marchés de l'énergie ces dernières années rend plus difficile la commercialisation des sites de stockage les plus lents (c'est-à-dire dont le rapport entre débit de soutirage et le volume utile est le plus faible).
Dans ce contexte, Storengy indique que sa demande tarifaire vise à répondre aux enjeux suivants :
- renforcer la sécurité d'approvisionnement et la souveraineté énergétique : Storengy souhaite améliorer la performance de ses stockages aquifères les moins performants, augmenter les capacités des stockages salins en raccordant deux cavités supplémentaires sur le site d'Etrez. Storengy doit également mener à bien la conversion du stockage de Gournay au gaz H ;
- renforcer la prévention des risques : Storengy souhaite accroitre ses dépenses en matière de sûreté physique et informatique des sites de stockages ;
- assurer la soutenabilité de l'activité stockage : Storengy envisage de renforcer ses actions et ses travaux de R&D visant à adapter les stockages aux nouveaux gaz et à réduire son empreinte carbone afin de répondre à l'accélération de la transition écologique.
Depuis la consultation publique, Storengy a mis à jour sa trajectoire de charges nettes d'exploitation (voir partie 3.3.1.1).
La prise en compte des enjeux listés ci-dessus a conduit Storengy à demander un total de charges nettes d'exploitation (mises à jour) et de charges de capital d'environ 700 M€/an en moyenne pour la période ATS3, soit une hausse de 44 % par rapport au réalisé de la période ATS2.
Le revenu autorisé (28) correspondant à la demande mise à jour de Storengy, augmenterait de 24 % en 2024 par rapport au niveau du revenu autorisé 2023 mis à jour.
3.1.2. Teréga
Dans son dossier tarifaire, Teréga considère qu'au-delà des problématiques bien identifiées comme la baisse tendancielle des consommations, la transition énergétique et la possible réduction du périmètre de la PPE, viennent s'ajouter des risques nouveaux : pression accrue sur les stockages dans le contexte de crise gazière, obligations européennes et nationales additionnelles notamment en matière de remplissage des stockages.
Teréga considère néanmoins le tarif ATS3 comme une opportunité pour sécuriser l'activité de stockage au profit de la sécurité d'approvisionnement, et mettre en place les conditions nécessaires à une transition énergétique réussie en favorisant la décarbonation des gaz et en traitant la question de la gestion temporelle des actifs de stockage de gaz naturel et de l'étude de leur potentielle conversion progressive et coordonnée vers l'hydrogène par exemple.
Depuis la consultation publique, Teréga a mis à jour sa trajectoire de charges nettes d'exploitation (voir partie 3.3.1.2).
La prise en compte de ces enjeux a conduit Teréga à demander un total de charges nettes d'exploitation (mises à jour) et de charges de capital d'environ 193 M€/an en moyenne pour la période ATS3, soit une hausse de 14 % par rapport au réalisé de la période ATS2.
Le revenu autorisé (29) correspondant à la demande mise à jour de Teréga, augmenterait de 14 % entre 2024 et le niveau du revenu autorisé 2023 mis à jour.
3.1.3. Géométhane
Géométhane indique que sa demande tarifaire vise à répondre aux enjeux suivants :
- maintenir les actifs en respectant les obligations législatives et réglementaires : les charges d'exploitation comprennent le renforcement de la maintenance en lien avec le vieillissement du site et la réduction de l'empreinte environnementale ;
- renforcer la sécurité d'approvisionnement : le programme d'investissements de Géométhane intègre une augmentation des capacités des stockages salins en raccordant deux cavités supplémentaires sur son site de Manosque ;
- accélérer les actions de transition énergétique et maîtriser les risques pour le système gaz à moyen long terme.
La prise en compte des enjeux listés ci-dessus a conduit Géométhane à demander un total de charges nettes d'exploitation et de charges de capital d'environ 69 M€/an en moyenne pour la période ATS3, soit une hausse de 82 % par rapport au réalisé de la période ATS2.
Le revenu autorisé (30) demandé par Géométhane, augmenterait de 6 % entre 2024 et le niveau du revenu autorisé 2023 mis à jour.
3.2. Réponses à la consultation publique
La CRE a présenté dans la partie 4 de la consultation publique la demande tarifaire des opérateurs, les résultats des audits sur les charges nettes d'exploitation et le taux de rémunération, ainsi que les ajustements préliminaires de la CRE concernant le niveau des charges des opérateurs de stockage à couvrir pour la période tarifaire ATS3.
La majorité des fournisseurs et certains consommateurs font part de leur inquiétude concernant le niveau de charges à couvrir demandé par les opérateurs. Certains acteurs estiment que toute hausse de charges pérenne doit être justifiée. Ils s'interrogent également sur le décalage entre la baisse annoncée de la consommation de gaz et les demandes de dépenses en hausse des opérateurs de stockage. Les opérateurs de stockage, leurs actionnaires et les organisations syndicales considèrent que les demandes des opérateurs sont justifiées.
S'agissant des charges de R&D, les fournisseurs qui se sont exprimés partagent l'orientation de la CRE et considèrent que seules les dépenses liées aux activités régulées devraient être couvertes par le tarif. Les opérateurs, leurs actionnaires ainsi que leurs partenaires partagent les demandes des opérateurs. Enfin, certains acteurs souhaitent que le tarif couvre au moins une partie des charges permettant de convertir les stockages à d'autres vecteurs énergétiques.
3.3. Charges nettes d'exploitation
Pour fixer les trajectoires de charges nettes d'exploitation des opérateurs, la CRE retient les hypothèses d'inflation suivantes (mises à jour depuis la consultation publique) :
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
---|---|---|---|---|---|
IPC hors tabac |
4,8 % |
2,5 % |
2,0 % |
2 ; 0 % |
1,8 % |
3.3.1. Demande des opérateurs
3.3.1.1. Storengy
Les charges nettes d'exploitation prévisionnelles présentées par Storengy pour la période ATS3 sont les suivantes :
En M€ courants |
2022 Réalisé |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
---|---|---|---|---|---|
Charges nettes d'exploitation |
161,0 (*) (141,1) (*) |
231,7 |
237,6 |
249,6 |
253,4 |
(*) Le montant est retraité d'une recette exceptionnelle de 19,8 M€.