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Article AUTONOME (Avis n° 2024-0070 du 23 janvier 2024 rendu à la demande du ministre chargé des communications électroniques portant sur la proposition d'engagements d'Orange au titre de l'article L. 33-13)

Article AUTONOME (Avis n° 2024-0070 du 23 janvier 2024 rendu à la demande du ministre chargé des communications électroniques portant sur la proposition d'engagements d'Orange au titre de l'article L. 33-13)


Après en avoir délibéré le 23 janvier 2024,


1. Contexte


L'article 78 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a introduit un article L. 33-13 dans le CPCE permettant au ministre chargé des communications électroniques d'« accepter, après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux ». Dans ce cadre, l'Autorité doit ainsi rendre un avis sur la proposition d'engagements d'un opérateur à la suite de la saisine du ministre. Après acceptation des engagements par le ministre, l'Autorité en contrôle le respect et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l'article L. 36-11 du CPCE. L'ARCEP veille ainsi à la bonne application des engagements.
Le ministre en charge des communications électroniques a saisi l'ARCEP d'une demande d'avis, enregistrée à l'Autorité le 19 janvier 2024, sur la proposition d'engagements adressée au Gouvernement par la société Orange, via un courrier, en date du 11 janvier 2024, adressé au ministre délégué chargé du Numérique, M. Jean-Noël Barrot relatif à ses déploiements de réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné.
Cette saisine intervient alors qu'un précédent engagement avait été pris sur le périmètre géographique (1) concerné, par Orange au titre de l'article L. 33-13 du CPCE et accepté par le Gouvernement par arrêté du 26 juillet 2018 (2) après avis de l'ARCEP. Le nouvel engagement proposé par Orange a vocation à se substituer à la deuxième échéance, prévue initialement au 31 décembre 2022, de l'engagement accepté par le gouvernement en 2018 (cf. partie 3).
Concernant cette nouvelle saisine, l'Autorité entend se prononcer sur le caractère matériel et contrôlable des engagements et exposer son analyse pour permettre au Gouvernement d'apprécier la contribution de la proposition d'engagements aux objectifs qu'il poursuit, notamment du point de vue de l'aménagement numérique des territoires.
Ainsi, après un rappel du cadre législatif et réglementaire s'appliquant au déploiement de réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné, le présent avis formule les principales observations de l'Autorité concernant les engagements proposés par Orange.


2. Rappel du cadre juridique


En France, le législateur a décidé d'encadrer les déploiements de réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné. Ceux-ci sont ainsi soumis aux dispositions de l'article L. 34-8-3 du CPCE. Ce même article a confié à l'ARCEP le soin de préciser les modalités d'accès au réseau et la possibilité de trancher les différends qui s'y rapportent. En application de cet article, l'Autorité a adopté plusieurs décisions, et notamment les décisions n° 2009-1106, n° 2010-1312, n° 2013-1475, n° 2015-0776 et n° 2020-1432 susvisées. Ces décisions imposent notamment une obligation de fournir une offre d'accès passive à la partie terminale des réseaux déployés (offre de « mutualisation »), et pour la zone moins dense une obligation de donner accès au niveau d'un point regroupant au moins 1 000 lignes, combinée à une obligation de complétude des déploiements sur chaque zone arrière de point de mutualisation.
Par ailleurs Orange est soumis en tant qu'opérateur d'infrastructure du réseau cuivre à des obligations découlant des décisions d'analyse de marché n° 2023-2802 et n° 2023-2803 concernant notamment la fermeture de son réseau cuivre.


2.1. Cadre juridique pour les réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné
2.1.1. Obligation d'accès mutualisé


La décision n° 2009-1106 de l'Autorité impose aux opérateurs d'infrastructure d'offrir l'accès au point de mutualisation, sous forme passive, dans des conditions raisonnables, objectives, transparentes, et non discriminatoires, dans le cadre d'une offre qu'ils publient. La décision n° 2010-1312 précise que l'opérateur d'infrastructure a l'obligation de publier, avant l'installation du point de mutualisation (PM), une offre d'accès comprenant des offres de cofinancement ab initio et a posteriori, ainsi qu'une offre de location passive à la ligne. Ces deux décisions prévoient que les conditions tarifaires doivent être raisonnables et respecter les principes de non-discrimination, d'objectivité, de pertinence et d'efficacité.


2.1.2. Obligation de complétude des déploiements


La décision n° 2010-1312 de l'Autorité impose aux opérateurs d'infrastructure de déployer un réseau horizontal à proximité immédiate de l'ensemble des logements et locaux à usage professionnel de la zone arrière de chaque PM, permettant de raccorder l'ensemble de ces locaux (3), et ce dans un délai raisonnable à la suite de la déclaration de la zone arrière d'un point de mutualisation. Les motifs de la décision indiquent qu'« un délai de déploiement, au plus de deux à cinq ans, en fonction des caractéristiques locales, semble, à cet égard, raisonnable ».
La recommandation de l'Autorité en date du 7 décembre 2015, portant sur la mise en œuvre de l'obligation de complétude des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné en dehors des zones très denses, précise que déployer un réseau « à proximité immédiate » d'un local implique notamment d'avoir installé le PM, le point de branchement optique (PBO) et établi la continuité optique entre ces deux éléments.
Néanmoins, elle a introduit la possibilité pour l'opérateur d'infrastructure de différer au-delà du délai de complétude (donc au-delà de l'échéance précitée de deux à cinq ans) la pose du PBO pour certains locaux situés en zones d'habitat dispersé. Cette possibilité doit être exercée de manière ciblée, pour des locaux bien identifiés au moment de la consultation préalable aux déploiements, notamment au regard « du coût à la ligne des lignes concernées » et « d'éléments objectifs […] permettant d'anticiper que la demande à court et moyen terme sera relativement faible ». L'Autorité a estimé dans cette même recommandation que « la proportion de logements raccordables sur demande devrait rester faible à l'échelle de chaque point d'accès au réseau mutualisé regroupant plus de 1 000 lignes ». Enfin, la décision n° 2020-1432 prévoit qu'une fois le délai de complétude échu, la mise en service du PBO doit dans ce cas être effectuée dans un délai qu'il annonce et qui ne peut excéder 6 mois après la commande d'un opérateur commercial.
Cette obligation de complétude s'impose à tout opérateur qui déploie un réseau à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné. Ainsi, les engagements opposables qui seraient souscrits par un opérateur ne sauraient lui permettre de méconnaître le cadre réglementaire, en particulier l'obligation de complétude. De tels engagements viennent s'ajouter au cadre réglementaire, le respect cumulé des obligations issues du cadre réglementaire et des obligations issues des engagements devenant alors nécessaire.


2.2. Cadre relatif à la fermeture du réseau cuivre


Les dispositions définies par l'ARCEP dans les décisions d'analyse des marchés du haut et du très haut débit fixes adoptées en décembre 2023 visent à assurer la bonne coordination des calendriers d'arrêt du cuivre et de déploiement de la fibre, et notamment l'achèvement de ce dernier avant l'extinction du réseau cuivre. Elles imposent également à Orange des délais de préavis qui prennent en compte l'état des déploiements des réseaux en fibre optique dans les zones concernées. Il s'agit de s'assurer que les utilisateurs finals disposeront d'une solution très haut débit après la fermeture du cuivre, et de permettre aux opérateurs alternatifs de préparer les migrations de leurs parcs. Les obligations de partage de données pesant sur Orange ont également été renforcées, afin d'assurer la visibilité nécessaire à l'ensemble des parties prenantes au projet de fermeture du réseau cuivre.
Ces décisions d'analyse de marché précisent en particulier que pour procéder à la fermeture de sa boucle locale cuivre sur une zone donnée, Orange doit établir notamment que le réseau de boucle locale FttH est complet sur la zone concernée. La décision de l'Autorité n° 2010-1312 précisée par la recommandation du 7 décembre 2015 susvisée, ainsi que la décision n° 2020-1432, fixent des dispositions qui doivent être respectées par les opérateurs d'infrastructure dans un délai raisonnable, à la suite de la déclaration de la zone arrière du point de mutualisation. Un réseau est ainsi dit « complet » lorsqu'il respecte l'ensemble de ces dispositions.
Orange doit également donner une visibilité suffisante aux opérateurs commerciaux sur son processus de fermeture du réseau cuivre afin qu'il s'effectue dans des conditions non-discriminatoires, ce qui suppose notamment de partager avec eux les données nécessaires à l'anticipation d'éventuels reports des fermetures annoncées (4).


3. Les engagements proposés par Orange


La nouvelle proposition d'engagements d'Orange a été transmise pour avis à l'Autorité le 11 janvier 2024 par le ministre délégué chargé du numérique. Orange indique que cette proposition « si acceptée, annulera et remplacera l'engagement à l'échéance dite “au plus tard fin 2022” pris par Orange par les courriers visés à l'article 1 de l'arrêté du 26 juillet 2018 portant acceptation de la proposition d'engagements de la société Orange au titre de l'article L. 33-13 du CPCE, qui en conséquence ne nous sera plus opposable ».
Dans son courrier en date du 11 janvier 2024, Orange propose au Gouvernement notamment :


- « entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2025, de rendre raccordables au moins un million cent vingt mille (1 120 000) locaux (i.e. logements et locaux professionnels) sur l'ensemble de la zone AMll ;
- entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2024, de rendre raccordables au moins cent quarante mille (140 000) locaux sur un périmètre constitué des cinquante-cinq établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) les moins couverts en FttH à date (listés en annexe 2) ;
- au plus tard trois mois après la publication de l'arrêté d'acceptation de la présente proposition d'engagements, en tant qu'opérateur d'infrastructure (OI), ci-après appelés “Engagements RAD OI” :
- de déclarer raccordables à la demande (“RAD”) tous les immeubles non encore raccordables, hors les immeubles ayant fait l'objet d'un blocage et/ou d'un refus ne relevant pas de la responsabilité de l'OI Orange (notamment du fait de propriétaires, de collectivités, ou services de l'Etat) et hors les immeubles d'ores et déjà identifiés comme relevant de “difficultés exceptionnelles de construction” ;
- de rendre raccordable tout local suite à une commande d'un opérateur commercial (OC) portant sur un immeuble déclaré RAD, conformément à la réglementation en vigueur et notamment à la décision n° 2020-1432 du 8 décembre 2020 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, “dans un délai qu'il annonce et qui ne peut excéder 6 mois à compter de cette demande sauf exceptions dûment justifiées”. Le traitement des commandes RAD sera apprécié dans la limite d'un plafond total de commandes, par département et par mois, tous opérateurs confondus (y compris l'OC Orange), correspondant à 3 % du nombre total d'immeubles déclarés RAD, conformément à l'offre de gros en vigueur à la date de la présente ;
- de fournir les informations relatives à l'éligibilité des locaux concernés dans les mêmes conditions à l'ensemble des OC, y compris l'OC Orange, conformément à la réglementation en vigueur. L'OI Orange traitera les commandes de raccordements et de RAD des différents OC (y compris de l'OC Orange) dans des conditions non discriminatoires, conformément à la réglementation en vigueur ».


Concernant les volumes de l'échéance de fin 2025 proposée par Orange, l'opérateur souligne que « Le volume de locaux rendus raccordables sera évalué à partir des fichiers “Informations Préalables Enrichies” d'Orange en prenant l'ensemble des immeubles rendus raccordables entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2025 sur le périmètre d'engagement. Ce volume cible est pris en considération d'un volume cible de locaux n'ayant pas fait l'objet d'un déploiement du fait de blocages et de refus ne relevant pas de la responsabilité de l'OI Orange (syndics / collectivités / ABF) estimé à 190 000. Dans l'hypothèse où le volume des blocages et refus constatés se situerait dans une fourchette comprise entre 190 000 et 240 000 locaux, Orange garantira tout de même le volume de production ici sous engagement. Dans l'hypothèse où le volume des blocages et refus constatés par l'ARCEP se situerait au-delà de 240 000 locaux, le volume de production de 1 120 000 locaux auquel Orange s'engage sera réduit à hauteur du nombre de blocages et refus constatés au-delà du seuil de 240 000 locaux. Orange s'engage à identifier les immeubles concernés par les cas de blocages et refus ne relevant pas de la responsabilité de l'OI Orange, qu'Orange pourrait rencontrer dans le cadre du déploiement sur le périmètre d'engagement, et à pouvoir en justifier la cause pour chacun des immeubles concernés ».
Par ailleurs, Orange propose :


- « en tant qu'OC, dans les trois mois après la déclaration des immeubles RAD par l'OI Orange et jusqu'à la fermeture technique du réseau cuivre, de prendre en compte toute demande d'un client “broadband” de l'OC Orange manifestant formellement son intérêt auprès de lui pour souscrire à une offre FttH. A la suite de cette demande, l'OC Orange commandera à l'OI Orange la pose d'un point de branchement afin de rendre raccordable l'immeuble du client ;
- au plus tard 30 jours suivant la fin de chaque trimestre, à compter du premier trimestre plein suivant la date de première commercialisation, de communiquer à l'ARCEP :
- le nombre de commandes de mise à disposition de câblage de site portant sur des immeubles RAD par i) l'ensemble des OC, ii) l'OC Orange, iii) les OC tiers ;
- le nombre de commandes de mise à disposition de câblage de site portant sur des immeubles RAD livrées à i) l'ensemble des OC, ii) l'OC Orange, iii) les OC tiers, ainsi que, pour l'ensemble de ces catégories d'opérateurs, le délai moyen de livraison des commandes et le nombre de commandes ayant dépassé le délai de 6 mois. »


Enfin Orange précise que : « sans préjudice de son droit de les reconsidérer dans les conditions ci-dessus précisées, ces engagements seront opposables à Orange jusqu'au 1er septembre 2026, à l'exception :


- de l'engagement de l'OC Orange de prendre en compte toute demande d'un client “broadband” déjà en compte manifestant formellement son intérêt auprès de lui pour souscrire une offre FttH, opposable jusqu'à la fermeture technique du réseau cuivre ;
- des “Engagements RAD OI” opposables pour les points de mutualisation mis à disposition avant le 1er septembre 2026 et n'ayant pas atteint un délai de 5 ans après leur mise à disposition.


Au surplus, à compter du 1er septembre 2026, le plafonnement total du nombre de commande de RAD tout opérateur commercial confondu ne sera plus opposable pour les demandes situées dans le périmètre géographique du présent engagement au titre l'article L. 33-13 du code des communications électroniques, dès lors que les offres de gros des opérateurs d'infrastructures de la zone AMII le prévoiront aussi. Orange pourra toutefois maintenir ce plafond après en avoir fait la demande expresse au Gouvernent et obtenu un avis favorable de ce dernier, notamment si les retours d'expérience opérationnelle le justifient ».
Il introduit par ailleurs des clauses en cas de modifications réglementaires, tarifaires ou de son accord avec SFR ayant « un impact substantiellement négatif […] sur [son] plan d'affaires » qui seront exposées en partie 4.2.
Les principaux aspects des engagements proposés par Orange sont examinés ci-après.


4. Les observations de l'ARCEP sur la proposition d'engagements d'Orange


Le nouvel engagement proposé par Orange a vocation à se substituer à la deuxième échéance de l'engagement accepté par le gouvernement en 2018, qui prévoyait que fin 2022 100 % des logements et locaux à usage professionnel - hors logements et locaux à usage professionnel faisant l'objet d'un refus des copropriétés et propriétaires concernés - soient rendus raccordables sur l'ensemble des communes faisant l'objet de cet engagement.
Cette substitution introduit de nouvelles échéances plus lointaines et des objectifs de production moins ambitieux que ceux de cette deuxième échéance de l'engagement de 2018.
L'Autorité estime néanmoins que la proposition devrait permettre des progrès par rapport à la situation opérationnelle constatée actuellement en zone AMII en matière de couverture et d'éligibilité au FttH. En effet, un nouvel engagement d'Orange donnerait plus de visibilité sur le calendrier envisagé par Orange pour la poursuite des déploiements pour l'ensemble de la zone et plus particulièrement pour les EPCI les moins bien couverts qui font l'objet de mesures spécifiques. Surtout, la proposition d'engagements vise à permettre pour les locaux non encore raccordables de commander un accès à la fibre livrable dans un délai de 6 mois. Sur ce dernier point, l'Autorité considère toutefois qu'il est nécessaire qu'Orange fasse évoluer sa proposition d'engagements comme cela sera détaillé ci-après.


4.1. Sur le périmètre géographique des engagements


Dans son courrier du 11 janvier 2024 Orange indique que ses engagements portent sur la zone dite « AMII » d'Orange, délimitée géographiquement par une liste de 2 930 communes (5) situées en dehors des zones très denses, présentée en annexe du courrier.
En tenant compte des fusions ou séparations de communes qui ont pu intervenir depuis 2018, 24 communes ont été retirées par rapport au périmètre géographique des engagements de 2018. La liste de ces 24 communes est présentée en annexe 1 du présent document.
Ces 24 communes ont fait l'objet de déploiements FttH de la part d'opérateurs tiers. Selon les informations publiées par l'Autorité dans le cadre de son Observatoire (6) haut et très haut débit, le nombre de locaux raccordables à la fibre est d'environ 70 000 à la fin du 3e trimestre 2023, soit environ 94 % des locaux de ces communes.
Par ailleurs, Orange indique que le périmètre géographique en annexe de son courrier de proposition d'engagements comporte 29 communes, objets de déploiements à la fois d'Orange et d'opérateurs tiers. La liste de ces 29 communes est présentée en annexe 2 du présent document. L'Autorité comprend que, sur ces communes, Orange inclut dans son périmètre d'engagement l'ensemble du territoire de ces communes à l'exclusion des zones arrière de PM d'opérateurs tiers.
Au regard des informations à sa disposition, ces évolutions du périmètre géographique de la proposition par rapport à celui de l'engagement de 2018 n'appellent pas de remarques particulières de la part de l'Autorité.
Les 2 930 communes sur lesquelles portent la nouvelle proposition d'engagements d'Orange représentent environ 30 % du nombre de locaux en France. Ces communes sont à la fois situées en métropole et dans des territoires d'outre-mer.
L'Autorité souligne par ailleurs que le périmètre de la proposition d'engagements d'Orange n'intègre pas certains territoires en zone moins dense pour lesquels l'opérateur a déjà conduit des consultations en dehors d'engagements pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE. Sur ces territoires, regroupant plus de 500 000 locaux répartis sur plusieurs départements métropolitains et d'outre-mer (7), il n'existe donc pas au global de date butoir pour la finalisation des déploiements.


4.2. Sur la fin de l'opposabilité et la sortie des engagements


Orange introduit dans son courrier une date de fin d'opposabilité pour ses engagements. Cette date est fixée :


- au 1er septembre 2026 pour ses engagements en tant qu'opérateur d'infrastructure, à savoir les engagements en volume de locaux raccordables à fin 2024 et à fin 2025 ainsi que l'identification et la commercialisation sur le marché de gros des locaux raccordables sur demande, à l'exception des zones arrières de PM mis à disposition entre le 1er septembre 2021 et le 1er septembre 2026, pour lesquels l'engagement restera opposable jusqu'à 5 ans après leur mise à disposition ;
- à la date de fermeture technique du réseau cuivre pour son engagement en tant qu'opérateur commercial relatif à la commercialisation sur les locaux raccordables sur demande.


L'Autorité regrette que les engagements proposés par Orange soient limités dans le temps.
Orange introduit aussi dans sa proposition d'engagements les clauses suivantes, en cas de modifications réglementaires, tarifaires ou de son accord avec SFR ayant un impact substantiellement négatif sur son plan d'affaires :
« Ces engagements sont pris en considération du cadre réglementaire en vigueur au 3 novembre 2023 applicable au FttH et en particulier les décisions n° 2010-1312, n° 2013-1475, n° 2015-0776, n° 2020-1432 et les recommandations du 22 décembre 2009, du 7 décembre 2015, du 24 juillet 2018, du 8 décembre 2020 et du 28 juillet 2023 de l'ARCEP, des conditions tarifaires actuelles des offres de cofinancement hors zones très denses et de l'accord de mise en cohérence des déploiements en dehors des zones très denses conclu avec SFR en novembre 2011, cadre général sur lequel repose le plan d'affaires d'Orange.
Ces engagements sont ainsi proposés sous la stricte réserve de la pérennité du cadre général ci-dessus précisé, ou à tout le moins sous la réserve de l'absence d'un impact substantiellement négatif de toute modification de ce cadre général sur le plan d'affaires d'Orange. Toute modification de ce cadre général ouvre droit pour Orange de demander la tenue d'une réunion au cours de laquelle Orange présenterait à des représentants du Gouvernement et de l'ARCEP les raisons qui la conduisent à envisager de reconsidérer tout ou partie des engagements ici proposés à l'aune de l'impact sur son plan d'affaires de cette modification. Au plus tard dans les deux mois suivant la demande de convocation de ladite réunion, Orange se réserve le droit de reconsidérer tout ou partie des susdits engagements dès lors qu'elle aura démontré l'impact substantiel sur son plan d'affaires desdites modifications, sans préjudice des pouvoirs de sanctions de l'ARCEP, et le cas échant, sous le contrôle du juge. »
Il est utile de noter que le cadre législatif et réglementaire pourrait être modifié d'ici la fin des engagements proposés. Ainsi, l'Autorité pourrait être amenée à préciser l'application du cadre réglementaire en vigueur avant les échéances des engagements proposés, notamment par des recommandations ou à se prononcer, lorsqu'elle est saisie, dans le cadre de décisions de règlement de différend au titre de l'article L. 36-8 du CPCE.
S'il est compréhensible que dans le cadre de ses engagements Orange souhaite se prémunir d'aléas, il appartiendra néanmoins au Gouvernement et à l'Autorité d'apprécier l'existence de conséquences substantiellement négatives sur le plan d'affaires d'Orange avant toute modification éventuelle des engagements.


4.3. Sur le rythme des déploiements sous-jacents aux engagements en volume de locaux raccordables


Orange s'engage à rendre raccordables :


- d'une part, entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2024, au moins 140 000 locaux sur les communes des 55 EPCI qu'il qualifie d'être les plus en retard du point de vue du déploiement de la fibre optique. La liste de ces 55 EPCI est présentée en annexe 3 du présent document ;
- d'autre part, entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2025, au moins 1 120 000 nouveaux locaux sur l'ensemble des communes du périmètre géographique de sa proposition.


Concernant les deux échéances fin 2024 et fin 2025, Orange formule l'objectif de production en nombre de locaux rendus raccordables depuis le 1er juillet 2023 et non en part des locaux du périmètre d'engagement qui seront raccordables à ces échéances comme c'est le cas dans l'engagement actuellement en vigueur.
Un nouvel engagement d'Orange donnerait plus de visibilité sur le rythme des déploiements que l'opérateur envisage de conduire jusqu'à fin 2025 dans les zones concernées. Cet engagement présente un effort de déploiement spécifique, à plus court terme (fin 2024), sur les 55 EPCI pour lesquels la proportion de locaux raccordables parmi les locaux recensés par Orange était la plus faible au 30 juin 2023, avec des taux de couverture compris entre 42 % et 85 %.
En tout état de cause, ces engagements de déploiement en volume de locaux raccordables, dès lors qu'ils seraient acceptés et rendus opposables, viendraient s'ajouter à l'obligation de complétude qui s'applique à tout opérateur déployant des lignes à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné et rappelée en section 2.1.2.
L'Autorité, dans les deux parties ci-après, présente des estimations de la traduction de ces engagements en matière de rythme de déploiement et de niveau de couverture atteint.


4.3.1. Pour l'ensemble de la zone AMII Orange


Selon les informations communiquées régulièrement à l'Autorité par Orange, dans le cadre de la collecte des données de déploiements (8), plus de 11,9 millions de locaux ont été rendus raccordables par Orange à la fin du 3e trimestre 2023 sur les communes faisant l'objet des engagements d'Orange.
Par ailleurs, le rythme de déploiement d'Orange sur l'ensemble de la zone AMII a atteint des pics de production notamment dans les années 2019 et 2020 avec plus de 2 millions de locaux rendus raccordables chacune de ces deux années. A partir de 2021, une diminution importante du rythme a été constatée dans ces zones.
Dans sa proposition d'engagements envoyée au Gouvernement par courrier en date du 11 janvier 2024, Orange propose notamment « de rendre raccordables, entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2025, au moins un million cent vingt mille (1 120 000) locaux (i.e. logements et locaux professionnels) sur l'ensemble de la zone AMII ». La réalisation de cet objectif suppose une hausse du rythme de déploiement par rapport à la moyenne constaté sur les trois premiers trimestres de 2023.



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Par ailleurs, Orange comptabilise dans son fichier d'informations préalables enrichies (IPE) (9) du 30 septembre 2023 dans les communes concernées par la proposition d'engagements un total de 13 millions de locaux. Ce nombre de locaux pourrait augmenter d'ici fin 2025 en raison de la croissance naturelle du parc de logements et de locaux à usage professionnel. A titre indicatif, l'INSEE note une croissance moyenne de 1,1 % par an du parc de logements en France (hors Mayotte) depuis 1983 (10). Ainsi, il peut être estimé un nombre total d'environ 13,3 millions de locaux dans les communes concernées par les engagements d'Orange à fin 2025. Ainsi, les 1,12 million de locaux à rendre raccordables ciblés par la proposition d'engagements d'Orange devraient conduire à un taux de locaux raccordables d'environ 97 % en moyenne sur ces zones à fin 2025 (11).
En d'autres termes, 3 % des locaux des zones concernées pourraient ne pas être raccordables à fin 2025. D'après l'hypothèse d'Orange selon laquelle « le volume des blocages et refus constatés se situerait dans une fourchette comprise entre 190 000 et 240 000 », ce volume représenterait alors environ 1,5 % des locaux des zones concernées. Ainsi, la moitié de ces 3 % de locaux qui pourraient ne pas être raccordables à fin 2025 pourrait relever des blocages ou des refus ne relevant pas de la responsabilité de l'opérateur d'infrastructure Orange, l'autre moitié étant donc raccordable sur demande.
Par ailleurs, la proposition d'engagements d'Orange en matière de volume de locaux raccordables n'est pas détaillée au niveau local. Indépendamment du niveau de couverture moyen que la proposition d'engagements pourrait permettre d'atteindre, des disparités de couverture pourraient donc être observées parmi les communes concernées à fin 2025.
Enfin, Orange conditionne l'objectif de production au volume de locaux relevant de cas de blocages et de refus ne relevant pas de sa responsabilité. En effet, Orange précise que si ce volume dépasse 240 000 locaux, l'objectif de production sera revu à la baisse. L'opérateur a précisé, dans le cadre de l'instruction, qu'il constatait à date un volume de 550 000 locaux concernés par des blocages et refus ne relevant pas de sa responsabilité sur le périmètre de la proposition d'engagements. L'Autorité souligne que, pour que l'objectif de production de 1 120 000 locaux soit maintenu, Orange devrait résoudre plus de la moitié des cas de refus qu'il constate actuellement. Orange a toutefois précisé qu'une part substantielle de ces refus lui semblait susceptible d'être levée d'ici l'échéance de son engagement.


4.3.2. Dans les 55 EPCI les moins bien couverts


Selon les informations communiquées régulièrement à l'Autorité par Orange, dans le cadre de la collecte de données de déploiements précitée, plus de 1,9 million de locaux ont été rendus raccordables par Orange à la fin du 3e trimestre 2023 sur les communes des 55 EPCI les moins bien couverts identifiés par Orange dans le cadre de sa proposition d'engagements.
Le rythme de déploiement d'Orange observé sur ces EPCI a atteint un pic de production en 2020 avec un peu moins de 500 000 locaux rendus raccordables cette année-là. A partir de 2022, une diminution importante du rythme a été constatée dans ces zones.
Dans sa proposition d'engagements envoyée au Gouvernement par courrier en date du 11 janvier 2024, Orange propose « de rendre raccordables, entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2024, au moins cent quarante mille (140 000) locaux sur un périmètre constitué des cinquante-cinq établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) les moins couverts en FttH à date ». Cet objectif pourrait se traduire par une hausse du rythme de déploiement constaté en 2023.



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Par ailleurs, Orange comptabilise dans son fichier d'informations préalables enrichies du 30 septembre 2023 un total de 2,4 millions de locaux situés dans les 55 EPCI identifiés par Orange. Ce nombre de locaux pourrait augmenter d'ici fin 2024 en raison de la croissance naturelle du parc de logements et de locaux à usage professionnel. Ainsi, il peut être estimé à fin 2024 un nombre total d'environ 2,5 millions de locaux situés dans les 55 EPCI concernées. Ainsi, les 140 000 locaux à rendre raccordables entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2024, selon la proposition d'engagements d'Orange, devraient probablement représenter environ un tiers du reste à faire dans les zones concernées et permettre de passer d'un taux moyen de locaux raccordables d'environ 80 % à fin juin 2023 à un taux moyen de locaux raccordables d'environ 86 % sur ces 55 EPCI à fin 2024.
Le volume de production de locaux raccordables proposé par Orange dans les 55 EPCI les moins bien couverts ne permettrait donc pas d'atteindre à fin 2024 sur ces EPCI la couverture moyenne d'environ 90 % observée en moyenne sur la zone concernée par les engagements d'Orange à la fin du 3e trimestre 2023.
Plus précisément, l'Autorité estime que pour atteindre à fin 2025 sur ces EPCI une couverture moyenne de 97 %, il faudrait qu'Orange double au moins son rythme de déploiement sur ces 55 EPCI pour l'année 2025 par rapport à ce qu'elle propose pour 2024. Au regard de ces éléments, le risque exposé en 4.3.1 que des disparités de couverture puissent être observées parmi les communes concernées par la proposition d'engagements à fin 2025 semble substantiel.


4.4. Sur le suivi de la réalisation des engagements


S'agissant du suivi et du contrôle de la réalisation de ces engagements l'Autorité pourra, sous réserve de leur acceptation par le ministre, évaluer le volume de locaux rendus raccordables notamment à partir des fichiers « Informations Préalables Enrichies » d'Orange.
Dans le cadre de l'instruction du présent avis, Orange a postulé « qu'un local est considéré comme raccordable une fois que le PBO est posé et que l'adresse est au statut « déployé » dans le fichier IPE. C'est sur ce principe qu'est évalué le volume de locaux à rendre raccordables et les locaux rendus raccordables. » Or, pour qu'un local soit considéré comme raccordable, il convient qu'il puisse être effectivement raccordé. La proposition d'engagements d'Orange ne peut donc pas consister uniquement à identifier des locaux au statut « déployé » dans un fichier : elle doit permettre de raccorder effectivement ces locaux, afin que les utilisateurs puissent accéder à des services de communications électroniques sur le réseau en fibre optique. Dans cette perspective, l'Autorité pourra mobiliser tous les moyens de contrôle utiles, au-delà du seul fichier IPE d'Orange, pour s'assurer de la matérialité des déploiements.
Dans le cadre de ses contrôles, l'Autorité devra ainsi être en mesure d'apprécier le bien-fondé des cas de blocages et refus ainsi que des cas de gels commerciaux (12) dans les mêmes conditions que pour le contrôle de l'obligation de complétude (13). L'Autorité invite à ce titre Orange à mettre en œuvre dès que possible la version 3.2 du protocole Interop'Fibre dont les spécifications sont arrêtées depuis plus d'un an et visent notamment à renforcer le partage des informations concernant ces cas.


4.5. Sur les difficultés exceptionnelles de construction


La proposition d'engagements d'Orange de déclarer raccordables sur demande tous les locaux non encore raccordables au plus tard trois mois après l'acceptation de la proposition d'engagements exclut certains locaux concernés par des difficultés exceptionnelles de construction. Pour rendre raccordable ces locaux, la proposition d'engagement précise qu'Orange proposerait un devis à l'opérateur commercial (OC) demandeur et qu'en cas d'acceptation par l'OC des travaux, les frais engagés par l'OI Orange au-delà d'un seuil à définir seraient facturés à l'OC.
Orange a indiqué au cours de l'instruction qu'il devra faire évoluer son offre d'accès FttH pour intégrer les modalités détaillées de gestion de ces cas. L'Autorité comprend donc qu'il ne sera pas possible de commander la pose du PBO pour les locaux d'ores et déjà identifiés comme relevant des difficultés exceptionnelles de construction tant qu'Orange n'aura pas fait évoluer son offre d'accès FttH pour en intégrer les modalités détaillées.
Concernant la définition des difficultés exceptionnelles de construction, Orange retient plusieurs critères dont certains posent question.
Tout d'abord, Orange retient un critère lié à l'isolement de l'immeuble pour définir certaines difficultés exceptionnelles de construction : « immeuble qui ne fait pas partie d'un lotissement et dont le déploiement engagé pour la pose du PBO nécessiterait, depuis le point le plus proche du réseau déjà existant, soit le tirage d'un câble fibre optique sur une longueur supérieure à 600 mètres à vol d'oiseau par local rendu in fine raccordable, soit des travaux de construction ou rénovation lourde de génie civil pour passage en souterrain sur une longueur supérieure à 50 mètres par local rendu in fine raccordable ». Cette notion d'immeuble « isolé » existait déjà dans le cadre des offres sur réseau cuivre d'Orange : il s'agissait alors de cas d'extension du réseau cuivre, dans un contexte où n'existait pas d'infrastructures de génie-civil préexistante mobilisable pour la construction du réseau cuivre. Dans le cas du réseau FttH, des infrastructures de génie-civil (en particulier celles accueillant déjà le réseau cuivre) peuvent être mobilisées. Le critère ci-dessus ne saurait être considéré comme raisonnable que si la notion de « réseau déjà existant » englobe le génie civil mobilisable pour le déploiement du réseau de fibre. En particulier, ne saurait être considérée comme relevant d'une difficulté exceptionnelle de construction une situation nécessitant le tirage d'un câble de fibre optique sur une longueur supérieur à 600 mètres à vol d'oiseau lorsque des poteaux sont disponibles sur le tracé du déploiement associé.
Orange retient également le cas de « consolidation ou construction d'ouvrages ». Ne saurait toutefois être considéré comme relevant d'une difficulté exceptionnelle de construction le simple fait de devoir réaliser un remplacement/renforcement d'appui aérien Orange. De même, Orange retient comme difficulté exceptionnelle de construction le cas des « accès réglementé[s] ». Cette notion est particulièrement vague, et ne peut suffire à qualifier une difficulté exceptionnelle de construction. En effet, seules les situations engendrant un coût de construction de la ligne FttH déraisonnable sauraient être prises en compte dans le cadre des difficultés exceptionnelles de construction.
En tout état de cause, l'Autorité devra être en mesure de constater dans le cadre de ses contrôles les cas des locaux relevant de difficultés exceptionnelles de construction. Dans ces conditions, Orange devra en particulier :


- identifier les immeubles concernés par des difficultés exceptionnelles de construction ;
- conserver tout élément permettant de justifier ces difficultés ; et
- documenter les efforts qu'il aura produits pour trouver des solutions alternatives à ces difficultés.


Par ailleurs Orange indique dans l'annexe de son courrier d'engagement qu'« un immeuble raccordable à la demande peut relever, lors de l'étude préalable à la suite d'une commande […] du régime des difficultés exceptionnelles de construction ». Il semblerait à cet égard souhaitable que les immeubles relevant des difficultés exceptionnelles de construction soient identifiés en amont par Orange afin de fournir aux opérateurs commerciaux une prévisibilité suffisante.
La décision n° 2015-0776 susvisée précise que « l'Autorité considère que tout opérateur commercial signataire de l'offre d'accès aux lignes de l'opérateur d'immeuble doit bénéficier d'une source d'information lui permettant, pour tout immeuble concerné, de bénéficier d'informations relatives à la présence ou à l'arrivée à terme du réseau mutualisé déployé ou en cours de déploiement. » Il conviendra ainsi qu'Orange mette à disposition des opérateurs commerciaux l'information des immeubles relevant des difficultés exceptionnelles de construction, ainsi que du montant du devis associé si celui-ci a été établi, dans un format compatible avec les flux d'échanges d'informations industrialisés par la filière et que ces informations soient mises à jour dans un délai d'un jour calendaire à compter de l'identification d'un nouvel immeuble relevant d'une difficulté exceptionnelle de construction.


4.6. Sur les locaux raccordables sur demande


En complément des engagements en volume de locaux raccordables à fin 2024 et fin 2025, l'opérateur propose de déclarer, au plus tard trois mois après la publication de l'arrêté acceptant sa proposition d'engagements, raccordable sur demande tout immeuble non encore raccordable (hors ceux ayant fait l'objet d'un blocage ou d'un refus ne relevant pas de la responsabilité de l'OI Orange et hors immeubles d'ores et déjà identifiés comme relevant de « difficultés exceptionnelles de construction »). Orange propose de rendre raccordable tout local à la suite d'une commande d'un opérateur commercial portant sur un immeuble déclaré raccordable sur demande dans un délai qui ne pourra excéder 6 mois à compter de cette demande, sauf exceptions dûment justifiées, y compris lorsque que le délai de complétude n'est pas encore échu.
On appellera dans la suite de cet avis « commande de raccordable sur demande » la demande d'un opérateur commercial auprès de l'OI Orange de rendre raccordable un immeuble identifié comme raccordable sur demande. Cette notion correspond à la « demande de mise à disposition du Câblage de Site » dans l'offre de gros d'Orange.
La proposition d'engagements d'Orange précise que le volume des commandes de raccordables sur demande serait soumis à un plafond, par mois et par département, tout opérateur confondu (y compris l'OC Orange) correspondant à 3 % du nombre total d'immeubles déclarés raccordables sur demande. Ce plafond de 3 % serait levé au 1er septembre 2026, dès lors que le plafond similaire actuellement présent dans l'offre de XpFibre en zone moins dense d'initiative privée serait levé également à cette date.
En outre, Orange propose de s'engager, en tant qu'opérateur commercial, « dans les trois mois après la déclaration des immeubles RAD par l'OI Orange », à « prendre en compte toute demande d'un client “broadband” de l'OC Orange manifestant formellement son intérêt auprès de lui pour souscrire à une offre FttH. A la suite de cette demande, l'OC Orange commandera à l'OI Orange la pose d'un point de branchement afin de rendre raccordable l'immeuble du client ».
L'Autorité estime que l'ouverture d'offres commerciales de détail « fibre » sur les locaux raccordables sur demande, combinée au fait de rendre raccordables sur demande les locaux non raccordables, est un élément important dans l'appréciation de l'équilibre de la proposition d'engagements d'Orange.
En particulier, cette nouvelle proposition pourrait être de nature, si le dispositif fonctionne opérationnellement, à permettre, quand bien même l'ensemble des locaux ne sont pas rendus raccordables, à l'ensemble des utilisateurs de la zone d'avoir accès à la fibre.
Pour autant, la proposition d'Orange présente des limitations importantes, présentées dans les parties ci-après, de nature à interroger quant à l'effectivité opérationnelle du dispositif prévu, et donc à sa capacité effective à permettre aux utilisateurs dans la zone d'avoir accès à la fibre. Il fait également peser des contraintes sur les opérateurs commerciaux qui n'existent pas dans le cadre de l'engagement actuellement en vigueur.


4.6.1. Le plafond de commande complique la commercialisation sur les locaux raccordables sur demande


Le fait de devoir recourir à une offre de gros « raccordable sur demande » plutôt qu'à l'offre standard présente une complexité accrue pour les opérateurs commerciaux. Ceux-ci soulignent en particulier que l'existence d'un délai de 6 mois entre la commande et le moment où le local est rendu raccordable est compliqué à intégrer dans le processus de la commercialisation des offres de détail.
Ainsi la garantie que les commandes aboutiront et le respect par Orange de ce délai maximal de 6 mois sont des éléments essentiels pour que le dispositif puisse fonctionner dans les faits.
Or, plusieurs éléments nouveaux abordés ci-dessous soulèvent des interrogations à cet égard, et donc sur l'effectivité des engagements.
Orange introduit dans ce nouvel engagement un plafond mensuel tout OC confondu de commandes de raccordables sur demande correspondant à 3 % du nombre total d'immeubles déclarés raccordables sur demande, qui n'était pas présent dans son engagement de 2018.
Orange a précisé dans le cadre de l'instruction que le système actuellement en vigueur est un « système “premier arrivé/premier servi” » et « rejette les commandes lorsque le plafond est atteint. L'OC est alors contraint de repasser commande le mois suivant » et qu'Orange « étudie actuellement différents scénarios concernant les modalités de traitement de commandes en cas d'atteinte du plafond (maintien d'un système “premier arrivé/premier servi” stock de commandes au mois et priorisation géographique en cas de dépassement du plafond, etc.) ».
L'existence de ce plafond pourrait donc significativement compliquer la commercialisation par les opérateurs commerciaux sur les locaux qui seraient rendus nouvellement raccordables sur demande.
En particulier, si le plafond était atteint, les opérateurs commerciaux n'auraient plus de visibilité sur le délai dans lequel ils ont la garantie que le local sera rendu raccordable par Orange. Une telle complexité pourrait dissuader les opérateurs commerciaux de proposer des offres sur les locaux raccordables sur demande.
Ainsi, l'Autorité estime que l'introduction de ce plafond de 3 % empêche Orange de garantir qu'il puisse traiter effectivement sous 6 mois les commandes de raccordables sur demande et est donc de nature à freiner la mise en place d'offres de détail d'opérateurs alternatifs sur les locaux qui seraient rendus raccordables sur demande par Orange dans le cadre de cet engagement.
Interrogé sur la manière dont ce plafond a été défini, Orange a indiqué dans le cadre de l'instruction que le plafond existant dans l'offre de gros « a été défini au regard de la nécessité de lisser la production dans le temps et d'apporter de la prévisibilité pour l'outil productif d'Orange dans la mesure où la réalisation d'une commande de [raccordable sur demande] suppose de mobiliser des prestataires pour le déploiement du réseau dans la zone concernée. »
Si cette restriction peut être justifiée dans une première phase de montée en charge de l'offre par un volume important de locaux raccordables sur demande, parallèlement à la poursuite des déploiements, l'Autorité estime qu'Orange devrait faire évoluer sa proposition d'engagements pour lever son plafond dans les meilleurs délais et au plus tard au 31 janvier 2026, date prévue pour la fermeture commerciale nationale du réseau cuivre. Dans les zones pour lesquelles la fermeture commerciale du réseau cuivre interviendrait avant cette date, Orange devra garantir que le plafond dans l'offre de gros ne fait pas obstacle au traitement de l'ensemble des commandes dans les zones concernées sans limitation de volume.
En tout état de cause, l'Autorité n'identifie pas de raison objective de conditionner, comme le propose Orange, la levée de son propre plafond au 1er septembre 2026 à une éventuelle suppression par XpFibre du plafond existant à ce jour dans son offre en zone moins dense d'initiative privée.
Enfin, les indicateurs proposés par Orange dans son courrier d'engagement portent uniquement sur les commandes de raccordables sur demande acceptées et déjà livrées. Eu égard à l'importance du respect du délai de 6 mois et au dépassement éventuel du plafond de 3 %, il conviendra qu'Orange mette également en place et partage avec l'Autorité des indicateurs de suivi du volume mensuel de commandes rejetées lorsque le plafond est atteint et du stock de commandes non livrées pour lesquelles le délai de 6 mois est dépassé, ainsi que des délais de dépassement associés. Afin de pouvoir s'assurer de l'absence de discrimination dans le traitement des commandes de raccordable sur demande par Orange, comme imposé par le cadre de régulation des réseaux FttH rappelé en partie 2.1.1, les indicateurs devront distinguer Orange OC et chaque OC tiers.


4.6.2. Les limites des modalités de commercialisation proposées sur le marché de détail


S'agissant de la possibilité d'accéder aux offres de détail fibre d'Orange pour les locaux raccordables sur demande, la restriction aux clients « broadband » d'Orange réduit de façon significative la portée de la proposition d'Orange et partant l'assurance pour les utilisateurs de la zone d'avoir accès à la fibre.
Or, il convient de rappeler que les nouveaux engagements viendraient se substituer à l'engagement existant qui est de rendre raccordable 100 % de locaux de la zone considérée.
Par ailleurs, du fait de sa restriction aux clients « broadband » d'Orange, l'existence de cette possibilité pourra difficilement faire l'objet d'une communication publique large. Une partie, potentiellement importante, des utilisateurs concernés ne seront donc pas informés de leur éligibilité, et n'engageront probablement pas, faute de connaitre cette possibilité, les démarches nécessaires auprès d'Orange.
Enfin, dans l'hypothèse où chaque opérateur commercial choisirait de restreindre, suivant l'exemple d'Orange, sa commercialisation pour les locaux raccordables sur demande à ses clients existants, les utilisateurs n'ayant pas préalablement de fournisseur d'accès à internet (notamment les nouveaux foyers ou les utilisateurs emménageant dans un des locaux concernés) ne pourront souscrire à une offre fibre chez aucun opérateur.
L'Autorité considère donc qu'une telle restriction des modalités de commercialisation ne devrait pas se prolonger au-delà de la période nécessaire, tant pour Orange que pour les autres opérateurs commerciaux, à la mise en place et au rodage de leurs offres et de leurs processus de production, dont la durée ne saurait dépasser 12 mois. L'Autorité estime qu'Orange devrait faire évoluer son engagement sur ce point.


4.7. Sur les conséquences de la proposition d'engagements pour la fermeture du réseau cuivre
4.7.1. Rappel concernant les locaux raccordables sur demande à l'issue du délai de complétude


Comme indiqué en partie 2.1.2, les obligations de déploiement qui découleraient de l'acceptation des engagements d'Orange au titre de l'article L. 33-13 du CPCE coexistent avec l'obligation de complétude.
Or, la proposition d'engagement prévoit qu'un nombre important de locaux, plusieurs centaines de milliers, soient déclarés raccordable sur demande par Orange sur les zones concernées.
L'Autorité souligne que les locaux qui seraient déclarés raccordables sur demande par Orange sur des points de mutualisation dont le délai de complétude est atteint devront remplir les conditions décrites en partie 2.1.2, tenant au coût de pose du PBO, à une incertitude quant au degré d'appétence à court et moyen termes des clients finals potentiels pour un raccordement FttH ainsi qu'à une volumétrie limitée.


4.7.2. Conséquences pour la fermeture commerciale nationale du réseau cuivre annoncée par Orange fin janvier 2026


Comme présenté en partie 4.3, si Orange ne dépasse pas le volume de locaux rendus raccordables de sa proposition d'engagements, l'ARCEP estime qu'environ 1,5 % des locaux des zones concernées, soit quelques centaines de milliers de locaux, pourraient demeurer raccordables sur demande à fin 2025 (auxquels s'ajouteraient 1,5 % de locaux relevant de refus et blocages ne relevant pas de la responsabilité d'Orange).
De plus, comme vu en partie 4.3.2, la proposition d'engagements d'Orange n'étant pas détaillée au niveau local, ce taux pourrait être bien supérieur sur certaines communes.
Or comme rappelé en partie 2.2, les décisions d'analyse de marchés prévoient que pour procéder à la fermeture de sa boucle locale cuivre sur une zone donnée, Orange doit notamment établir que le réseau de boucle locale FttH est complet sur la zone concernée.
En particulier, les locaux qui seront raccordables sur demande sur des zones concernées par la fermeture du réseau cuivre devront remplir les conditions décrites en partie 2.1.2 pour qu'Orange puisse procéder à cette fermeture.
Or, l'Autorité estime, au regard des observations ci-dessus, que la proposition d'engagements d'Orange ne suffira pas à assurer que le réseau FttH soit complet à fin janvier 2026 sur toutes les communes concernées par la proposition d'engagements et réponde au critère de la disponibilité d'une infrastructure FttH de substitution afin de procéder à la fermeture commerciale du réseau cuivre annoncée par Orange à cette date.
Dans ce contexte, l'Autorité estime qu'il est probable qu'Orange ne pourra pas procéder à la fermeture commerciale de son réseau cuivre sur l'intégralité de la zone concernée par la proposition d'engagements à la date actuellement prévue du 31 janvier 2026 et qu'il est ainsi nécessaire qu'Orange donne de la visibilité aux opérateurs alternatifs ainsi qu'aux collectivités concernées en indiquant au plus tôt les communes qui pourraient faire l'objet d'un report de fermeture commerciale par rapport à cette date.


5. Conclusion


L'Autorité a étudié la nouvelle proposition d'engagements d'Orange qui remplacerait la deuxième échéance de l'engagement pris en 2018 au titre de l'article L. 33-13 du CPCE, à savoir rendre raccordables 100 % des locaux à fin 2022 sur l'ensemble des communes faisant l'objet de cet engagement.
Cette substitution introduirait de nouvelles échéances plus lointaines et des objectifs de production moins ambitieux que ceux de cette deuxième échéance de l'engagement de 2018. En effet, la proposition d'engagements d'Orange conduirait probablement à un taux de locaux raccordables d'environ 97 % en moyenne sur la zone concernée à fin 2025. De plus, le risque que des disparités de couverture puissent être observées à cette même date entre les communes concernées semble important.
L'Autorité précise cependant qu'elle ne se prononce que sur la proposition d'engagements pris dans le cadre de l'article L. 33-13, sur laquelle elle est saisie pour avis ; la proposition faite au ministre par Orange comprend d'autres engagements, non juridiquement opposable au sens de cet article, qui portent sur des efforts de déploiement dans les zones très denses, sur le maintien de tarifs sociaux et sur la commercialisation d'abonnements téléphoniques seuls sur les réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné.
Elle estime par ailleurs que la proposition d'engagements pourrait conduire à des progrès par rapport à la situation opérationnelle constatée actuellement en zone AMII en matière de couverture et d'éligibilité au FttH.
En effet, un nouvel engagement d'Orange donnerait plus de visibilité sur le calendrier envisagé par l'opérateur pour la poursuite des déploiements pour l'ensemble de la zone, et plus particulièrement pour les EPCI les moins bien couverts qui font l'objet des mesures spécifiques. Surtout, la proposition d'engagements pourrait permettre pour les locaux non encore raccordables de commander un accès à la fibre livrable dans un délai de 6 mois.
Toutefois, la proposition d'Orange présente des limitations importantes de nature à interroger quant à l'effectivité opérationnelle du dispositif prévu, et donc à sa capacité effective à permettre aux utilisateurs dans la zone d'avoir accès à la fibre. L'Autorité considère donc qu'il est nécessaire qu'Orange fasse évoluer sa proposition d'engagements afin de :


- lever le plafond de commande de raccordables sur demande dans les meilleurs délais, et au plus tard le 31 janvier 2026, sans que cette levée de plafond soit conditionnée, notamment à la levée du plafond présent dans l'offre de XpFibre ;
- lever sous 12 mois à compter de l'arrêté de l'acceptation éventuelle de la proposition d'engagements, la restriction empêchant les utilisateurs dont les locaux sont raccordables sur demande qui ne seraient pas clients « broadband » d'Orange OC d'avoir accès aux offres fibre d'Orange.


L'Autorité souligne enfin qu'Orange devra donner de la visibilité aux opérateurs alternatifs ainsi qu'aux collectivités concernées sur le calendrier de la fermeture de son réseau cuivre en indiquant au plus tôt les communes qui pourraient, le cas échéant, faire l'objet d'un report de fermeture commerciale par rapport à la date actuellement prévue du 31 janvier 2026 et en précisant pour chacune d'elles à quelle date la fermeture commerciale serait reportée.
Dans l'hypothèse où le ministre accepterait cette proposition d'engagements, l'Autorité rendra compte régulièrement de leur avancement, notamment dans le cadre de son observatoire trimestriel des déploiements des réseaux à haut et très haut débit fixe, et restera vigilante quant à leur réalisation.