1.1.5. Les facteurs d'évolutions
Les filières d'élevage des ruminants sont impactées, de façon différenciée selon le type d'élevage, par un certain nombre de facteurs les engageant dans le changement :
- le changement climatique : Il s'agit, à ce niveau, d'adapter le mode de production aux impacts du changement climatique (ressource en eau, événements extrêmes…) mais aussi d'atténuer, par ses pratiques, les impacts de la production sur l'environnement ;
- les enjeux de biosécurité au sein des élevages sont croissants (risques d'épizooties) ;
- une augmentation de la dimension économique des exploitations entrainant une augmentation du besoin en main-d'œuvre ainsi qu'un recours croissant à la délégation de certaines tâches sur l'exploitation. En parallèle de cette évolution, il est à noter un développement de la dimension collective du travail ;
- une recherche de qualité de vie, de réduction de la pénibilité et de la durée du travail, de sécurisation des ressources (par la spécialisation ou la diversification) entrainant de nouvelles organisations du travail. Le recours au numérique et à la robotique fournissent certaines réponses à ces problématiques ;
- des attentes sociétales croissantes liées à la prise en compte de l'environnement, au bien-être animal et à la traçabilité de la production ;
- le développement des pratiques agroécologiques et des circuits courts, favorables à l'environnement mais aussi à l'emploi.
Innovations des pratiques…
Face à ces différents facteurs, les pratiques innovantes se combinent, les premiers changements concernant les pratiques d'élevage (alimentation, reproduction) ainsi que les bâtiments et les équipements. Elles peuvent concerner, par exemple (22) :
- pour les bovins : la transformation du lait, une conduite alimentaire du troupeau basée sur l'herbe et le pâturage pour réduire les intrants et améliorer la qualité de vie, le séchage en grange, la diversification des produits et des circuits de commercialisation, les prairies multi-espèces...
- pour les ovins/caprins : la pâture en verger, la production d'agnelles rustiques, une bergerie avec réfectoire, la production d'agnelles sur parcours, le séchage en grange, la sécurisation de lâchés de chèvres en espace pastoral, le réaménagement de bâtiment…
Innovations numériques et robotiques.....
Le numérique et la robotique offrent des réponses à certaines attentes liées à la qualité de vie, à la réduction de la pénibilité, à la prise en compte du bien-être animal, à la traçabilité. De nombreux logiciels de gestion du troupeau ou du pâturage permettent de gérer le troupeau dans sa globalité ou chaque animal individuellement, au niveau de l'alimentation, la santé, la reproduction (détecteurs de chaleur, détection des vêlages).
En 2023, on compte 18 000 robots pour la production animale (23). A ce niveau aussi, les pratiques varient avec le type d'élevage :
- au niveau des bovins : Les distributeurs automatiques de concentré (DAC), les capteurs sur animaux et les outils de gestion du troupeau sont mobilisés dans les filières lait et viande. La filière bovin lait utilise davantage les caméras et les robots (traite, nettoyage). On note aussi pour ces filières la présence d'autres robots liés à l'alimentation : distributeurs de lait pour les veaux, repousse-fourrage ;
- pour les ovins, des balance connectées, compteurs à lait, distributeurs automatiques d'aliments et parcs de tri automatique sont mobilisés. Les outils liés au pâturage ne sont pas encore développés (comme pour les bovins et les caprins) ;
- pour les caprins, les principaux outils concernent des logiciels de gestion du troupeau, des lecteurs portables d'identification des animaux, des colliers connectés, des capteurs d'ambiance, des balances automatisées…
L'agroécologie…
L'agroécologie (24) se positionne comme une innovation fondamentale par la reconception du système de production qu'elle vise. Dans cette logique, et au niveau de l'exploitation, plusieurs axes de travail sont poursuivis :
- réduction des intrants par le recyclage des éléments (azote, phosphore, eau) et recherche d'autonomie vis-à-vis de l'énergie ;
- renforcements des régulations biologiques dans les agrosystèmes et valorisation des processus naturels, de la biodiversité ;
En élevage bovin, certains axes peuvent être soulignés, par exemple :
- valoriser les effluents d'élevage comme fertilisant ;
- diminuer l'apport en protéine pour maitriser les émissions (ammoniac particulièrement) ;
- augmenter l'autonomie alimentaire :
- développer la part de pâturage dans l'alimentation et les périodes de pâture en intersaison ;
- améliorer la qualité des fourrages pour réduire le recours aux concentrés ;
- augmenter l'utilisation des légumineuses ;
- rechercher une meilleure complémentarité entre le maïs et l'herbe ;
- réduire le chargement à l'hectare (augmentation part de fourrage dans la ration et marge de sécurité) ;
- valoriser le plein air intégral ;
- réduire le recours aux antibiotiques par une amélioration des conditions d'élevage ;
- développer des complémentarités entre systèmes de production sur le territoire pour une plus grande autonomie (approvisionnement en protéines notamment).
Les élevages ovin et caprin, principalement basés sur l'exploitation de l'herbe, sont des systèmes de production dont l'autonomie alimentaire permet de limiter les importations ainsi que les transports ; ils sont des acteurs importants du maintien de la biodiversité.
Certaines pratiques d'élevage peuvent être citées à titre d'exemples :
- valorisation de surfaces pastorales sèches ou de montagne (autonomie alimentaire, réductions des intrants, maitrise de l'embroussaillement) ;
- développement de races rustiques ;
- mise en place de prairies multi-espèces (augmentation de la qualité du fourrage et réduction du concentré dans les rations) ;
- la production de céréales sur l'exploitation (avec introduction des méteils dans la rotation notamment) ;
- pour les caprins, la plantation de haies (en lien avec le bien-être animal, la chèvre étant un animal cueilleur) ;
- la réduction des traitements antibiotiques et l'utilisation d'antiparasitaires à base de plantes.
Pour ces élevages de ruminants, la polyculture élevage propose de nombreux avantages face aux problèmes environnementaux : meilleur bouclage des cycles (azote, carbone), moindre dépendance aux intrants, amélioration de la fertilité des sols et de la biodiversité, diversification des paysages et résilience des systèmes aux aléas climatiques [possibilité de cultures à double fin (vente et/ou alimentation du troupeau) entrainant une meilleure adaptation économique].
Cette synergie entre les productions permet de réaliser des performances techniques, économiques au moins aussi bonnes que dans les élevages spécialisés tout en se montrant plus résiliente face aux aléas climatiques et économiques.
La résilience et la durabilité recherchées ne se jouent pas, bien entendu, uniquement au niveau de l'exploitation, les filières et les territoires sont aussi à mobiliser.
Au niveau des salariés, l'ensemble de ces changements vont impacter leurs pratiques, notamment, au niveau de leurs aptitudes :
- adaptatives à différentes organisations et systèmes de production (cas de multi-employeurs) ;
- à mobiliser différents registres d'informations [orales et/ou écrites (listes, tableaux, protocoles, textos, WhatsApp…)] pour des actions prévisionnelles ou quotidiennes ;
- à utiliser, à minima, des logiciels de gestion du troupeau, des distributeurs d'aliments et des robots de traite notamment ;
- à l'observation des animaux et de leur environnement ;
- à développer une « relation client » de qualité dans le cadre de commercialisation en circuit court.
(22) https://idele.fr/inosys-reseaux-elevage.
(23) Observatoire des usages du numérique en agriculture - Infographies - Mai 2023.
(24) Définie à l'article 1 du code rural et de la pêche maritime.