1.1.2. La filière, les systèmes de production
On distingue deux types d'activités :
- le verger (plantation, entretien, récolte des fruits) ;
- la station (réception, conditionnement, expédition des fruits).
Certaines entreprises intègrent les deux activités. Pour les producteurs de fruits, les activités relevant de la station sont mises en œuvre dans le cadre d'une coopérative ou d'une société d'expédition.
Les vergers spécialisés, souvent palissés, approvisionne les marchés soit en fruits frais, soit en fruits destinés à la transformation industrielle (conserverie, confiturerie…). Il s'agit souvent de la spéculation principale des exploitations concernées.
La transformation des fruits à la ferme ouvre le champ des possibles pour diversifier l'activité des producteurs, réduire la perte de marchandises (invendus, écarts de tri, retours de marchés) et améliorer la rentabilité en préparant des produits à forte valeur ajoutée.
La filière des fruits transformés s'appuie, soit sur des vergers dédiés, soit sur des fruits provenant des écarts de tri des vergers de production pour le marché du frais, ou encore sur des fruits importés. La production nationale destinée à la transformation représente 20 % environ du volume de la production nationale de fruits. La filière regroupe plus de 15 000 producteurs agricoles réunis, pour plus de 90 % d'entre eux, dans des organisations de producteurs qui assurent la commercialisation de leurs fruits et légumes dans le cadre de contrats, très généralement annuels, avec les industriels qui vont les conserver puis les commercialiser. Ces productions très diversifiées occupent près de 160 000 ha.
Les espèces produites sont exclusivement destinées à la transformation, adaptées aux besoins spécifiques des modes de conservation (résistance aux traitements thermiques notamment) et des caractéristiques des marchés. Les productions sont très généralement récoltées mécaniquement.
Dans un contexte économique toujours plus concurrentiel, les responsables d'entreprise doivent désormais composer avec une grande volatilité des prix des produits et des intrants, des aléas climatiques de plus en plus marqués, des citoyens, des consommateurs et des pouvoirs publics plus exigeants vis-à-vis des conditions dans lesquelles s'exerce l'acte de production et ses prolongements. Le secteur agricole doit également faire face à l'évolution des attentes des industriels, plus exigeants en termes de qualité, de traçabilité et de respect de l'environnement.
1.1.3. Les politiques publiques liées aux systèmes de production
Le plan de relance a fixé 3 priorités pour l'agriculture :
- reconquérir notre souveraineté alimentaire ;
- accélérer la transition agroécologique au service d'une alimentation saine, durable et locale ;
- accompagner l'agriculture française dans l'adaptation au changement climatique.
La filière des fruits est un pilier de notre souveraineté alimentaire : « Produire et nourrir tout en tenant compte des grandes transitions écologiques et énergétiques à l'œuvre, et à la nécessaire adaptation des pratiques agricoles et forestières, tout en assurant un revenu correct aux agriculteurs » (MASA). Un plan de souveraineté alimentaire pour la filière fruits et légumes a été publié le 26 mai 2023.
Les trois défis auxquels doit répondre le plan de souveraineté fruits et légumes :
- le défi environnemental, climatique et phytosanitaire ;
- le défi économique de la production durable de fruits et légumes ;
- le défi alimentaire, nutritionnel et sanitaire.
Les arboriculteurs de demain auront un rôle important à jouer dans la fourniture régulière de produits biologiques, locaux et de qualité, où les fruits font partie des produits les plus demandés. Dans le prolongement des lois EGALIM 1 (2018) et 2 (2021), les producteurs sont incités par les pouvoirs publics, les organismes de développement agricole et les collectivités territoriales à participer à la construction des Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) en développant l'approvisionnement de la restauration collective avec des productions fruitières sous signes de qualité.
La réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques (PPP) constitue une attente citoyenne forte et une nécessité pour préserver notre santé et la biodiversité. Le plan Ecophyto II+ (2018) ou « Plan de sortie des pesticides » constitue à moyen terme une condition sine qua none de l'acceptabilité sociale du maintien des activités agricoles. Cet objectif impacte fortement les producteurs dans leurs raisonnements conventionnels et leurs stratégies de protection des cultures. Au niveau national, l'IFT total (moyens tous traitements) en arboriculture reste élevé mais varie considérablement selon les fruits concernés, de 8 pour la cerise à 33 pour la pomme. Ces variations de pratiques dépendent beaucoup de la sensibilité intrinsèque des fruits aux maladies. Elles dépendent aussi des conditions climatiques et sanitaires régionales. Les traitements fongicides représentent la majorité des traitements pour toutes les cultures. Les herbicides sont les traitements les moins fréquents en arboriculture, et pour lesquels le sous-dosage est le plus répandu. Les traitements avec des produits de biocontrôle représentent une faible part de l'ensemble des traitements.
La loi a également instauré les Groupements d'intérêts économiques et environnementaux (GIEE) pour inciter les agriculteurs et leurs partenaires à travailler ensemble au sein de collectifs agroécologiques (GIEE, groupes 30 000 et DEPHY Fermes) autour d'un projet commun orienté vers un mode de production plus écologique et performant, économiquement et socialement.
L'agriculture est le premier secteur d'activité usager de la ressource commune en eau. La prise en compte des enjeux liés à la qualité, à l'accès et au partage de l'eau est donc essentielle. Le Varenne agricole de l'eau (VAECC) et le plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) visent simultanément à renforcer la résilience de l'agriculture en mettant en avant le développement de pratiques agroécologiques, la gestion des aléas climatiques et la nécessité de co-construire une vision partagée des usages de l'eau.
Les interactions entre l'activité agricole et les émissions de polluants atmosphériques constituent également un sujet émergent. Plusieurs directives européennes fixent le cadre réglementaire en vigueur en matière de qualité de l'air.
1.1.4. L'agro-écologie et les systèmes de production
L'agroécologie connaît un essor, en phase avec des désirs de rupture par rapport aux formes conventionnelles d'agriculture (Doré et Bellon, 2019). Elle est définie dans le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime (article L. 1 - II). L'agroécologie invite à combiner tous les leviers d'action et à mobiliser tous les acteurs, à l'échelle des agroécosystèmes, des filières et des territoires, pour faire face aux changements.
Les productions fruitières à l'heure du changement climatique
Facteur de risques et d'opportunités, le changement climatique entraine une modification des conditions de production. Quels effets le changement climatique va-t-il induire sur les performances, la diversité et la répartition des cultures ? Comment concilier adaptation climatique et compétitivité économique ? L'analyse des impacts potentiels, ou déjà avérés, du changement climatique aux différents niveaux de la production permet d'énoncer les enjeux à anticiper, concernant tout particulièrement la phénologie et les composantes du rendement, la contrainte hydrique, la qualité des fruits et les bioagresseurs (3).
A l'échelle de l'exploitation, « l'agroécologie peut globalement être définie comme un ensemble cohérent permettant de concevoir des systèmes de production agricole qui s'appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes, de réduire les pressions sur l'environnement et de préserver les ressources naturelles (4) ». Le choix des espèces, des variétés et du matériel végétal, associés à la réduction du travail du sol, permettent de réduire le recours aux produits phytosanitaires en augmentant la fertilité des sols. La gestion des bio-agresseurs en verger passe alors par la prévention : prophylaxie, surveillance accrue des vergers et mobilisation des auxiliaires. Il est également nécessaire de repenser la gestion du sol, sur le rang où la concurrence hydrique et minérale entre arbres et herbes doit être limitée et sur l'inter-rang. L'utilisation de couverts permanents permet d'améliorer la structure et la fertilité des sols, tout en réduisant l'évapotranspiration et le temps de travail. Les cultures fruitières bénéficient également de l'entretien et de l'implantation d'infrastructures agro-écologiques (IAE) pour maintenir un équilibre entre auxiliaires et prédateurs des cultures grâce à un niveau élevé de biodiversité. A cette échelle, les freins principaux sont le temps de travail, sa complexité et sa technicité, et l'aversion aux risques et aux changements.
A l'échelle des filières, l'amélioration génétique constitue également un levier pour adapter les espèces fruitières aux changements environnementaux.
A l'échelle des territoires, l'adaptation des productions fruitières au changement climatique entraine une évolution des systèmes et des aires de culture.
Pour relever ces défis et faire face au changement climatique, aux crises sanitaires et économiques, et à l'évolution des attentes sociétales ; les arboriculteurs ont su développer des systèmes et des pratiques innovantes : micro-vergers bio-intensif, verger-maraîcher sur sol vivant, verger-élevage, verger permaculturel, verger multi-variétés, multi-espèces et multiformes…
Les recherches actuelles montrent que « renforcer la durabilité du verger nécessite de rompre avec son intensification pour y développer d'autres services. Sortir du modèle unique du verger spécialisé et intensifié n'est pas simple mais peut se faire graduellement. Des vergers multi-espèces et multiformes commencent à se planter chez des producteurs et en expérimentation (GRAB). Vergers multi-variétés, multi-espèces, haies fruitières… de nombreuses combinaisons existent, qui permettent de produire selon les objectifs et les contextes socio-économiques des exploitations arboricoles. Pour faire face au changement climatique, il faut revenir vers des systèmes d'exploitation plus résilients, basés sur la diversité, permettant d'établir des complémentarités entre les cultures. Ces systèmes en rupture avec les monocultures actuelles sont une des pistes pour certains vergers du futur (5) ».
(3) Les productions fruitières à l'heure du changement climatique : risques et opportunités en régions tempérées. Jean-Michel Legave (coordination scientifique). Editions Quae, Collection : Synthèses (2022).
(4) Noémie Schaller, Analyse CEP n° 59, L'agroécologie : des définitions variées, des principes communs, juillet 2013 :Consultable en ligne.
(5) A. Dufils, S. Simon, F. Warlop « Re-concevoir les vergers pour une production plus durable dans Réussir Fruits & Légumes. Cahier n° 2 du n° 388 novembre 2018 I 59. Consultable en ligne.