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Article AUTONOME (LOI n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (1))

Article AUTONOME (LOI n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (1))


Annexe 3. Périmètre des mesures ponctuelles et temporaires à exclure de la mesure du solde structurel


Afin de traiter des mesures ponctuelles qui modifient de manière temporaire les soldes publics, le pacte de stabilité et de croissance a introduit, dès sa révision de 2005, la notion de mesures « ponctuelles et temporaires » (one-off en anglais) qui n'ont pas d'impact pérenne sur le déficit public. Ce concept vise à couvrir des événements exceptionnels de très grande ampleur qui brouillent le pilotage des finances publiques. Le solde structurel est ainsi défini comme le solde public corrigé des effets du cycle économique et de ces mesures ponctuelles et temporaires.


I. - La définition générale des mesures ponctuelles et temporaires doit être complétée par une analyse au cas par cas


L'évolution des finances publiques résulte d'une multitude d'événements temporaires et exceptionnels. Il est donc malaisé de distinguer ce qui peut être considéré comme un élément exceptionnel et ce qui relève du domaine de l'ordinaire. Par exemple, beaucoup d'investissements publics sont par nature des dépenses « uniques » : la construction d'une route, d'une école ou d'une ligne à grande vitesse. Pour autant, il ne serait pas envisageable d'exclure les investissements du solde structurel. Cette problématique est générale en termes de finances publiques : les coûts des opérations extérieures (guerre, opération à l'étranger), les dépenses en cas de catastrophes naturelles et le déclenchement de garanties peuvent représenter des montants importants, parfois temporaires, qu'il est difficile de caractériser.
La Commission européenne a développé dans le rapport « Public Finance in the EMU 2015 » une doctrine concernant la classification de mesures en mesures ponctuelles et temporaires, reprise ensuite dans le « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact » (édition 2019). La Commission européenne donne cinq principes pour exclure une mesure du solde structurel (mesure dite one-off) :
1. La mesure est intrinsèquement non récurrente ;
2. Le caractère de one-off ne peut pas être décrété par la loi ou par une décision du Gouvernement ;
3. Les composantes volatiles des recettes ou des dépenses ne doivent pas être considérées comme one-offs ;
4. Les mesures discrétionnaires conduisant à creuser le déficit public ne sont pas, sauf exception, des one-offs ;
5. Seules les mesures ayant un impact significatif sur le solde public (c'est-à-dire supérieur ou égal à 0,1 % du PIB) peuvent être traitées en one-off.
Le principe n° 4 introduit une asymétrie dans l'appréciation de la Commission sur les mesures one-off. En effet, la Commission présume que les mesures qui creusent le solde public ont plus souvent un caractère permanent que celles qui l'améliorent et donc ne peuvent, sauf exception, être exclues de la mesure du solde structurel, sans apporter de justification de fond à cette différence. A partir de ces principes, la Commission dresse une liste non exhaustive de mesures pouvant être classées en one-off, parmi lesquelles :


- des recettes fiscales exceptionnelles liées à une mesure temporaire d'amnistie fiscale ;
- des décisions consistant à décaler de manière permanente le calendrier d'encaissement de recettes fiscales ou de manière temporaire certaines dépenses ;
- des cessions importantes d'actifs non financiers (immobilier par exemple) ;
- des coûts temporaires associés à la réponse à des désastres naturels majeurs ou d'autres événements exceptionnels. En tout état de cause, la Commission adopte cependant une approche au cas par cas et se réserve la décision de classer ou non une mesure donnée comme « ponctuelle et temporaire ».


II. - La doctrine proposée par le Gouvernement pour la présente loi de programmation


Tout en reconnaissant que le caractère ponctuel et temporaire des mesures doit être apprécié au cas par cas, le Gouvernement propose un ensemble de critères permettant de mieux appréhender la notion de one-offs, regroupés en trois ensembles.


A. - Premier ensemble : les mesures définies comme one-off en amont de la programmation, au regard de leur effet ponctuel et temporaire sur les finances publiques. Ces mesures sont sélectionnées à la lumière de quatre principes


1. L'événement concerné ne doit pas être récurrent
Aucune catégorie d'événements récurrents ne peut être exclue par principe de la mesure du solde structurel. Par exemple, les remises de dette aux Etats étrangers sont fréquentes en France, notamment dans le cadre du Club de Paris et de sa politique d'aide au développement. Exclure systématiquement de telles opérations viendrait biaiser la mesure du déficit. De même, les dépenses liées aux catastrophes naturelles ou aux opérations militaires extérieures, bien qu'irrégulières, sont récurrentes. Enfin, des opérations qui relèvent de la gestion habituelle du patrimoine non financier de l'Etat (investissement public, cessions d'immeubles, gestion du patrimoine immatériel comme les fréquences hertziennes) n'ont pas non plus vocation à être systématiquement corrigées en one-off. Seule une analyse ex post au cas par cas permettrait de retirer celles dont l'ampleur complique la lecture du déficit public.
2. Une année donnée, le nombre de one-offs doit être limité pour éviter de biaiser la mesure du déficit public
Ce principe pose un garde-fou face au grand nombre de mesures ponctuelles qui rythment en pratique l'évolution du solde des administrations publiques (investissements exceptionnels par exemple), pour éviter un recours trop systématique à la classification en one-off qui biaiserait le calcul du solde structurel.
3. L'événement concerné doit entraîner un impact budgétaire significatif
Il convient ainsi de n'envisager que des facteurs qui peuvent potentiellement représenter un impact budgétaire positif ou négatif important.
4. Toute mesure qui améliore le solde public aujourd'hui pour le dégrader systématiquement dans le futur doit être considérée comme un one-off
Suivant les règles du système européen des comptes 1995 (SEC 95), c'était le cas des soultes liées à la reprise des obligations futures de paiement de retraite (les administrations récupèrent en une fois une compensation correspondant à la valeur actualisée des déséquilibres futurs). Néanmoins, depuis la publication des comptes suivant les règles du SEC 2010, les soultes reçues en contrepartie d'engagements de retraites n'améliorent plus le déficit en une seule fois mais sur de nombreuses années, ce qui supprime la nécessité de les classer en one-off.


Ensemble 1 : Mesures considérées comme one-off en amont de la programmation au regard de leur impact ponctuel et temporaire


LPFP 2014-2017 (SEC 2010) : aucune.
LPFP 2018-2022 : réforme du CICE.
LPFP 2023-2027 : aucune.


B. - Deuxième ensemble : les événements dont l'impact budgétaire est substantiel mais dont la temporalité est incertaine


Au moment de la programmation pluriannuelle, il convient de traiter de manière spécifique les éléments connus ex ante, pour lesquels l'incertitude entourant les montants concernés ou les dates d'occurrence ou d'imputation est importante. Cette logique prévaut dans le traitement en one-off des contentieux fiscaux de série (ou « de masse ») dont l'instruction est en cours ou de la sinistralité sur les garanties accordées dans le cadre de la crise de la covid-19. Cette incertitude ne vient pas biaiser la mesure du solde structurel, puisque les montants sont déjà provisionnés dans la trajectoire initiale.


Ensemble 2 : Evénements importants financièrement mais incertains en termes de temporalité, considérés comme one-off en amont des lois de programmation


LPFP 2014-2017 : contentieux fiscaux de masse.
LPFP 2018-2022 : contentieux fiscaux de masse.
LPFP 2023-2027 : contentieux fiscaux de masse significatifs et sinistralité sur les garanties accordées dans le cadre de la crise de la covid-19.


C. - Troisième ensemble : dans le cadre du contrôle ex post, des événements imprévus ayant un impact unique sur le solde public peuvent être traités en one-off


Le traitement des événements imprévus dans le cadre du contrôle ex post doit être apprécié au regard des règles organiques relatives au mécanisme de correction des écarts.
Si, en cours de mise en œuvre de la programmation, des événements d'impact très important sur les données prévues ou exécutées apparaissent, qui n'avaient pu être anticipés ex ante et qui ne modifient pas la trajectoire de moyen terme, il serait inutile de prendre des mesures pour corriger la déviation compte tenu de leur caractère temporaire. Du point de vue des règles organiques, il est alors pragmatique de les traiter en one-off pour éviter de déclencher inutilement le mécanisme de correction. Les critères de taille et de non-pérennité sont essentiels pour juger des mesures à inclure dans cette catégorie. Cette dernière peut également recouvrir le cas de révisions statistiques majeures entraînant un impact rétroactif exceptionnel sur le solde public, pour lesquelles le traitement en one-off permettrait d'éviter de brouiller la relecture structurelle.


Ensemble 3 : Evénements imprévus à intégrer en tant que one-offs ex post


LPFP 2014-2017 : changement de temporalité dans l'enregistrement en comptabilité nationale des budgets rectificatifs de l'Union européenne fin 2014.
LPFP 2018-2022 : impact sur 2020 des mesures de soutien prises face à la crise de la covid-19 en 2020 (4), changement de temporalité de l'enregistrement des cessions de licence hertziennes et conventions judiciaires d'intérêt public.
LPFP 2023-2027 : aucune information à ce stade. Exceptionnel et non anticipé par nature.


(4) A noter que cette classification n'a pas eu de conséquence sur le mécanisme de correction dans la mesure où, conformément à l'article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance des finances publiques, l'existence de circonstances exceptionnelles a été relevée dans l'avis 2020-1 du 17 mars 2020 du Haut Conseil des finances publiques sur le PLFR I pour 2020, comme prévu à l'article 23 de la loi organique de 2012.