Après en avoir délibéré le 24 octobre 2023,
1. Cadre juridique
1.1. Cadre légal et réglementaire national
Conformément aux dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, l'Autorité procède à l'analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques et établit la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés. Le cas échéant, elle impose à ces derniers des obligations proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE. En particulier, l'Autorité peut imposer aux opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des obligations tarifaires, notamment l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts, et l'obligation de comptabilisation des coûts.
L'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts vise notamment à éviter que l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques ne bénéficie d'une rente qui risquerait de fausser les conditions de développement d'une concurrence équitable sur le marché considéré et, in fine, de renchérir le prix payé par les utilisateurs finals. L'obligation de comptabilisation des coûts permet notamment de vérifier que les obligations tarifaires sont respectées.
En application de l'article D. 311 du CPCE, les mécanismes de recouvrement des coûts et les méthodes retenues pour la comptabilisation des coûts doivent être établis en tenant compte de plusieurs objectifs. L'Autorité doit ainsi veiller " à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur " tout en assurant " une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru ".
L'article D. 311 du CPCE dispose également que l'Autorité peut " prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés comparables en France ou à l'étranger ".
Il en résulte que le coût moyen pondéré des capitaux constitue un critère d'appréciation important dans la détermination du taux de rémunération du capital.
Enfin, dans l'exercice de ses missions, l'Autorité est chargée de veiller aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE, notamment au 3° du II, aux 1° et 2° du III ainsi qu'au 2° du IV (1).
1.2. La communication de la Commission européenne du 6 novembre 2019
Dans sa communication 2019/C 375/01 du 6 novembre 2019 (2), la Commission européenne précise la méthodologie qu'elle applique pour estimer le coût moyen pondéré du capital (CMPC) comme valeur de référence dans le cadre de l'examen des projets de mesures communiqués par les autorités de régulation nationales (ARN) en vertu de l'article 7 de la directive " cadre ".
Cette communication est basée sur quatre principes de régulation : la cohérence de la méthodologie, la prévisibilité de la régulation, la promotion des investissements efficaces, et la transparence de la méthode utilisée pour estimer un retour sur investissements raisonnable.
La communication présente le modèle de CMPC utilisé, à savoir le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) ainsi que les méthodes de fixation des paramètres : méthodes de calcul des moyennes et d'échantillonnage ; méthodes de calcul des paramètres rendant compte des conditions économiques générales ; méthodes de calcul des paramètres spécifiques aux entreprises ; prise en compte des impôts et de l'inflation. Elle confie à l'ORECE un rôle d'estimation annuelle des différents paramètres et préconise une fréquence annuelle des révisions du CMPC.
1.3. Rapports annuels de l'ORECE
La communication de 2019 susmentionnée de la Commission européenne confie à l'ORECE un rôle d'estimation annuelle des différents paramètres pour la détermination du taux réglementaire de rémunération du capital. L'ORECE produit ainsi annuellement depuis 2020 un rapport fournissant ces données chiffrées arrêtées au 1er avril de l'année en cours.
L'ORECE a adopté le 8 juin 2023 et publié le 13 juin 2023 un rapport (3) estimant les différents paramètres pour l'application de la méthodologie fixée par la Commission européenne.
2. Champ d'application de la présente décision
2.1. Périmètre des activités concernées
Dans les précédentes décisions fixant le taux réglementaire de rémunération du capital (4), l'Autorité a fait le choix de fixer un taux de rémunération du capital commun pour les activités fixes et mobiles régulées. L'Autorité a également estimé qu'il n'était pas pertinent de définir un taux de rémunération du capital spécifique pour les activités de génie civil régulées et a choisi de conserver un taux commun pour l'ensemble des activités fixes régulées.
Dans le cadre de la consultation publique relative à la présente décision menée du 22 mai au 23 juin 2023, plusieurs opérateurs ont demandé à l'Autorité de définir un taux de rémunération du capital spécifique pour les activités de génie civil régulées en considérant notamment que le risque de l'activité de génie civil serait moindre et qu'il conviendrait par conséquent de prendre ceci en compte via la fixation d'un taux de rémunération du capital spécifique.
Comme indiqué dans la décision n° 2020-1163, les actifs de génie civil d'Orange sont avant tout au service de l'activité principale d'Orange, à savoir la fourniture de services de communications électroniques. Cette analyse demeurant pertinente et n'étant pas remise en cause par les acteurs dans leurs contributions à la consultation publique susmentionnée, l'Autorité retient, dans la continuité de la décision n° 2020-1163, un taux commun pour l'ensemble des activités fixes régulées y compris l'accès aux infrastructures de génie civil.
Par ailleurs, en l'absence d‘activités mobiles régulées à date par une analyse de marché, il n'est plus pertinent de fixer un taux de rémunération du capital pour ces activités.
La présente décision détermine ainsi le taux réglementaire de rémunération du capital pour l'ensemble des activités fixes régulées.
2.2. Détail des offres visées
Conformément au cadre juridique en vigueur, l'Autorité a mené :
- l'analyse des marchés de fourniture en gros d'accès local en position déterminée et d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse (5), correspondant aux marchés 3a et 3b définis par la Commission européenne dans sa recommandation de 2014 (6) ainsi que du marché de fourniture en gros d'accès aux infrastructures physique de génie civil (7) ; l'Autorité a notamment imposé à Orange l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts et l'obligation de comptabilisation des coûts pour les prestations d'accès dégroupé à la boucle locale et d'accès au génie civil de boucle locale (8) ainsi que pour les prestations de gros d'accès central haut et très haut débit de masse livré sur DSL au niveau infranational (9) (bitstream résidentiel) ;
- l'analyse du marché de fourniture en gros d'accès de haute qualité (10), correspondant au marché 4 défini par la Commission européenne dans sa recommandation de 2014 (11) ; dans ce cadre, l'Autorité a imposé à Orange plusieurs obligations :
- pour l'ensemble des prestations d'accès relatives à la fourniture en gros d'accès de haute qualité, l'obligation de comptabilisation des coûts ;
- pour les prestations d'accès activés de haute qualité sur support cuivre sur technologie PDH/SDH (LPT et CN2), l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts ;
- pour les prestations d'accès de haute qualité sur support cuivre en technologie DSL, pour la zone cuivre 3, l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts ;
- pour les prestations d'accès de haute qualité sur support fibre optique dédiée (BLOD), sur la zone fibre optique 2, l'obligation de ne pas pratiquer de tarifs excessifs et l'obligation de mettre en œuvre un test de reproductibilité tarifaire de ses offres de détail par ses concurrents ;
- pour les prestations d'accès de haute qualité sur les réseaux FttH dont Orange est propriétaire ou gestionnaire, l'obligation de ne pas pratiquer de tarifs d'éviction.
L'Autorité prépare actuellement les décisions d'analyses des marchés pour le prochain cycle (2024-2028). Une première consultation publique a eu lieu du 20 février au 3 avril 2023 à ce sujet et une seconde consultation publique a été ouverte du 29 juin 2023 au 18 septembre 2023. Dans le cadre de cet exercice, des obligations comptables et tarifaires faisant appel au taux de rémunération du capital pourront ainsi être ajoutées, révisées ou supprimées.
Le taux de rémunération fixé dans la présente décision s'applique ainsi à toutes les offres d'Orange reposant sur l'utilisation de son réseau fixe et soumises à une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts ou de comptabilisation des coûts. Plus généralement, le taux de rémunération du capital ainsi fixé est une référence pertinente que peut utiliser l'Autorité pour l'évaluation du coût du capital dans le cadre de sa régulation tarifaire.
2.3. Entrée en vigueur de la présente décision
Dans sa précédente décision n° 2020-1163, l'Autorité a fixé le taux nominal de rémunération réglementaire du capital à compter de 2021.
L'Autorité fixe à compter de 2024, tant le taux nominal de rémunération réglementaire du capital que le taux réel, et pourra les mettre à jour ultérieurement pour tenir compte de l'évolution du contexte économique.
3. Eléments d'appréciation sur le calcul du coût moyen pondéré du capital
3.1. La prise en compte de la communication de la Commission
Dans sa communication de novembre 2019, la Commission décrit une méthode destinée à servir de référence pour les autorités de régulation européennes, fondée sur quatre principes clés : la cohérence, la prévisibilité, la promotion des investissements efficaces et la transparence. Cette méthode vise également à harmoniser les pratiques entre autorités de régulation européennes.
Notamment, les moyennes pour le calcul de plusieurs paramètres (taux sans risque, prime de dette) sont effectuées sur 5 ans. La Commission considère que cette période tend à permettre un juste équilibre entre prévisibilité et efficience.
Dans la continuité de sa décision n° 2020-1163, l'Autorité estime pertinent de l'utiliser pour la fixation du taux réglementaire de rémunération du capital.
3.2. La référence à un modèle financier
La communication de la Commission préconise l'utilisation du modèle " MEDAF " pour déterminer les paramètres de calcul du coût moyen pondéré du capital. Il s'agit également du modèle utilisé historiquement par l'Autorité pour ses décisions et qui fait référence de façon plus générale pour l'évaluation du coût du capital.
Dans le modèle MEDAF, le coût du capital est calculé, pour l'activité considérée, comme une moyenne pondérée, en fonction de la structure de financement de l'investisseur considéré, entre :
- le coût des fonds propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires, évalué avant impôt sur les sociétés ;
- le coût de la dette de l'opérateur, évalué avant impôt sur les sociétés.
Il correspond à :
CMPC = (1-g) × coût des fonds propres + g × coût de la dette
où le levier d'endettement
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est la part de la dette dans la valeur de l'entreprise (D + E).
Le coût des capitaux propres évalué avant impôt sur les sociétés est obtenu à partir du coût des fonds propres après impôts qui, à une date donnée, correspond, selon le MEDAF, à la formule :
Coût des fonds propres = RFR + × ERP
Où :
- le facteur RFR désigne le taux sans risque qui correspond à la rémunération exigée par un créancier pour un investissement qui ne présenterait aucun risque ;
- le facteur ERP équivalent à Rm - RFR, avec Rm le risque de marché, désigne la prime de marché, c'est-à-dire l'excédent de rentabilité attendu par les investisseurs pour un panier constitué de l'ensemble des actifs existants par rapport au taux sans risque ;
- le facteur (bêta) désigne le risque spécifique des fonds propres engagés par les investisseurs dans l'activité considérée par rapport au marché, sachant le taux d'endettement observé.
Le coût de la dette correspond à l'intérêt payé par une entreprise sur sa dette. La Commission préconise de l'estimer indirectement comme la somme du taux sans risque et d'une prime à payer correspondant au rendement supplémentaire des obligations de l'entreprise à long terme (maturité résiduelle proche de 10 ans) par rapport au taux sans risque :
Coût de la dette = RFR + prime de dette
Il est utile de préciser qu'en vue de fixer le taux réglementaire nominal de rémunération du capital le coût moyen pondéré du capital est évalué sur le fondement de paramètres exprimés en termes nominaux. Il est calculé avant impôt sur les sociétés en tenant compte :
- du taux d'impôts sur les sociétés et de la contribution sociale (12), qui correspondent à un taux global d'imposition de 25,83 % en 2024 (13) ;
- et de la déductibilité (14) des intérêts d'emprunt du résultat fiscal soumis à l'impôt sur les sociétés.
4. Calcul du coût moyen pondéré du capital
4.1. Méthodologie
La Commission européenne détaille sa méthodologie dans les sections 3 à 6 de sa communication. La section 3 comporte des spécifications sur les hypothèses de calculs communes aux paramètres du CMPC, précisant qu'ils devraient être calculés à partir d'une moyenne arithmétique sur 5 ans d'observations de données hebdomadaires. Les sections suivantes précisent les définitions et les méthodes de calcul des paramètres économiques généraux, c'est-à-dire le taux sans risque (RFR) et la prime de marché (ERP) ; des paramètres spécifiques au secteur des télécoms, c'est-à-dire le bêta des fonds propres, le ratio d'endettement, la prime de dette, avec, pour cela, l'établissement d'un groupe de comparables ; et, enfin, des paramètres d'imposition et d'inflation.
Comme indiqué en section 7 de la communication de la Commmission, l'ORECE est chargé du calcul annuel des différents paramètres et de leur publication.
Dans le cadre de la consultation publique relative au présent projet de décision et dans l'attente de ces valeurs de référence, l'ARCEP a mené ses propres calculs, au regard des rapports de l'ORECE publiés depuis 2020, afin d'estimer une fourchette pour chaque paramètre.
Depuis lors, l'ORECE a publié son rapport BoR (23) 90 avec le calcul des différents paramètres (cf. section 1.3), dont les résultats sont proches de ceux obtenus par l'ARCEP.
L'Autorité retient les paramètres publiés dans le rapport de l'ORECE.
4.2. Evaluation des paramètres rendant compte des conditions générales
4.2.1. Le taux sans risque (RFR)
La communication de la Commission préconise le calcul du taux sans risque en utilisant une moyenne des rendements constatés sur les 5 dernières années des obligations d'Etat avec une échéance de maturité résiduelle de 10 ans. Le Graphique 1 montre l'évolution de ce rendement en France sur la période 2015-2023 :
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Graphique 1 (15)
Dans son projet de nouvelle recommandation " accès " (Gigabit recommendation) (16) mis en consultation publique en février 2023, la Commission européenne a identifié la question de la prise en compte du contexte macroéconomique : " Le coût moyen pondéré du capital (“CMPC”) utilisé devrait refléter la situation actuelle du marché. Si le CMPC applicable ne tient pas suffisamment compte des conditions économiques actuelles (par exemple, un taux d'inflation élevé qui n'est pas reflété dans le CMPC applicable à l'époque), il pourrait être utile d'actualiser le CMPC applicable, ce qui permettrait de garantir les paramètres macroéconomiques pertinents pour le CMPC applicable. " (17). La Commission indique par ailleurs dans sa communication de 2019 (18), qu' [u]n allongement de la période de calcul de la moyenne tend à favoriser une plus grande prévisibilité et une meilleure stabilité de la valeur des paramètres, mais au détriment de l'efficience statique " (19).
Dans le cadre de la consultation publique susvisée envisageant l'introduction d'une méthodologie similaire à celle adoptée par le régulateur espagnol CNMC (20) dans sa décision du 26 janvier 2023, plusieurs opérateurs ont fait part de leur volonté que soit maintenue la méthode préconisée par la communication de la Commission européenne en 2019 pour le calcul du taux sans risque. D'autres opérateurs ont quant à eux indiqué qu'ils approuvaient l'analyse récente de la Commission européenne sur la prise en compte du contexte macroéconomique actuel. Les réponses à la consultation publique formulées par les opérateurs ne conduisent pas l'Autorité à modifier son analyse sur la prise en compte du contexte macroéconomique actuel.
Compte tenu de ce contexte et de la nécessité que le coût moyen pondéré du capital reflète la situation actuelle du marché, il apparaît justifié d'adapter la méthode d'évaluation du taux sans risque. Pour cela, l'Autorité considère pertinent d'appliquer, pour le calcul du taux sans risque, une moyenne arithmétique entre :
- la moyenne des rendements des obligations d'Etat françaises (21) constatés sur 5 ans, issue du dernier rapport annuel de l'ORECE disponible à la date de notification du présent projet de décision à la Commission européenne, c'est-à-dire la moyenne sur la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2023 soit 0,59 % ; et
- la moyenne des rendements de ces obligations sur la période allant du 1er avril 2023 à la date de la notification du présent projet de décision à la Commission européenne, c'est-à-dire 5 mois (d'avril à août 2023 inclus), soit 2,98 % (22).
Le taux sans risque déterminé selon cette méthode s'établit à 1,79 % (23).
4.2.2. La prime de risque marché (ERP)
La communication de la Commission précitée (18) préconise le calcul de la prime de risque de marché à partir de données de rendements des fonds propres historiques et l'utilisation d'une valeur unique de prime de risque marché à l'échelle de l'Union européenne.
Pour cette évaluation, la Commission préconise l'utilisation d'une moyenne arithmétique et non géométrique. Les données publiées par les auteurs DMS (Dimson, Marsh and Staunton) sont la source de référence la plus classiquement utilisée. Le rapport de l'ORECE qui met en œuvre ce calcul pour l'ensemble des pays de l'Union européenne aboutit à une prime de risque de marché de 4,56 % pour la moyenne géométrique et de 5,92 % pour la moyenne arithmétique.
Conformément à la préconisation de la Commission européenne, l'Arcep retient ainsi une valeur de 5,92 % pour la prime de risque de marché.
4.3. Evaluation des paramètres spécifiques aux entreprises
A la différence des paramètres reflétant les conditions économiques générales, ces paramètres reflètent la situation des entreprises du secteur et des entreprises pour lesquelles le régulateur estime le CMPC.
Selon la méthodologie présentée par la Commission, ces paramètres sont à calculer à partir des valeurs d'un groupe représentatif d'entreprises de communications électroniques européennes (ci-après comparables ). Ce groupe comprend en général les principaux opérateurs puissants sur le marché, ainsi que d'autres opérateurs caractéristiques.
4.3.1. La sélection des comparables
La Commission définit 5 critères de sélection du groupe de comparables.
Les entreprises devraient répondre aux conditions suivantes :
(i) Etre cotées en bourse et avoir des actions liquides ;
(ii) Etre propriétaires d'infrastructures de communications électroniques dans lesquelles elles investissent ;
(iii) Exercer leur activité principalement dans l'Union européenne ;
(iv) Avoir une notation financière " investment grade " ;
(v) n'être pas ou ne pas avoir été récemment associées à une opération de fusion-acquisition d'envergure.
Conformément à la communication de la Commission précitée18, l'ORECE a établi un groupe de comparables comprenant 15 opérateurs : Orange, Deutsche Telekom, DIGI Communications, Elisa, KPN, NOS, Proximus, Tele2, Telecom Italia, Telefonica, Telekom Austria, Telenet, Telenor, Telia et Vodafone. Après consultation des acteurs, l'Autorité estime pertinent, dans la continuité de la décision n° 2020-1163, de retenir ce groupe de comparables. L'ORECE a ensuite calculé les paramètres spécifiques aux entreprises pour chacun de ces comparables.
Conformément à la communication de la Commission, l'Autorité retient pour chaque paramètre sa valeur moyenne constatée pour les entreprises du groupe de comparables.
4.3.2. Le ratio d'endettement (g)
Les entreprises peuvent se financer soit par la dette (D), soit par les fonds propres (E). La somme des deux constitue la valeur de l'entreprise. Le ratio d'endettement correspond à
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, soit le rapport entre la quantité de dette de l'entreprise par rapport à sa valeur d'entreprise. Ce ratio permet d'estimer la part financée par la dette (le levier d'endettement ou gearing).
Conformément à la communication de la Commission précitée18, la valeur de la dette de l'entreprise peut par simplicité être estimée à partir de la valeur comptable de la dette nette de l'entreprise, correspondant à la somme de la dette brute et des engagements de crédit-bail desquels sont soustraits la trésorerie et ses équivalents.
La valeur des fonds propres de l'entreprise est quant à elle estimée à partir de la valeur de marché des fonds propres.
Le ratio d'endettement est ainsi calculé à partir de ces paramètres et d'une moyenne sur 5 ans.
Cette approche aboutit à un taux d'endettement de 45,36 %.
4.3.3. Le bêta des fonds propres (FP)
Conformément à la communication de la Commission précitée18 et à la pratique de marché, le bêta des fonds propres est calculé en deux temps.
Tout d'abord, le bêta de l'actif économique de chacun des comparables est calculé. De façon cohérente avec le calcul d'une prime de risque marché européenne, la Commission retient le STOXX Europe Total Market Index (24), indice large et représentatif de l'économie européenne. Une méthode de désendettement est opéré selon la méthode de Harris-Pringle, selon la formule suivante :
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où A, D, FP sont respectivement les bêtas de l'actif économique, de l'endettement et des fonds propres, et où DD est fixé à 0,1.
Cette méthode conduit au calcul d'un bêta de l'actif économique de 0,38.
Après application du ratio d'endettement, le calcul aboutit à un bêta des fonds propres de 0,61.
4.3.4. La prime de dette
La communication de la Commission précitée18 préconise le calcul de la prime de dette des entreprises comme la différence entre le rendement de leurs obligations d'une maturité d'environ 10 ans et du taux sans risque national.
Sur cette base, le niveau de prime de dette ressort à 1,48 %.
4.4. Mise en œuvre des calculs du taux de rémunération du capital nominal
Sur la base des paramètres présentés ci-avant, l'Autorité évalue le coût moyen pondéré du capital nominal avant impôt à 5,5 %.
Par ailleurs, l'ARCEP a également, à des fins de comparaison et par souci de transparence et de lisibilité, mené le calcul selon la méthode employée dans la décision n° 2020-1163 :
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Tableau 1. - Calcul du CMPC nominal à partir des données du rapport de l'ORECE 2023 (BoR (23) 90) en appliquant la méthode de la décision n° 2020-1163 et la méthode de la présente décision (voir section 4.2.1 pour la détermination du taux sans risque)
5. Calcul du taux réel de rémunération du capital
5.1. Méthodologie
L'Autorité a retenu dans sa décision n° 2020-1163 pour la comptabilisation des coûts et l'établissement des tarifs, conformément aux obligations tarifaires, l'emploi d'un taux réel de rémunération du capital calculé annuellement. La conversion du taux nominal de rémunération du capital en taux réel a été réalisée conformément à la communication de la Commission européenne de 2019 susmentionnée.
La Commission européenne y indique que dans les approches où " l'inflation est compensée par l'indexation annuelle des actifs de l'entreprise et seul un rendement réel du CMPC est autorisé ", " l'une des méthodes de conversion [du CMPC nominal en CMPC réel] couramment utilisées à cet égard est l'équation de Fisher :
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où π est le taux d'inflation " (25).
L'Autorité maintient cette méthode de conversion du CMPC nominal en CMPC réel.
5.2. Evaluation de l'indice d'inflation
Dans la décision n° 2020-1163, l'Autorité a retenu, pour l'évaluation du paramètre d'inflation, la prévision issue annuellement du projet de loi de finances. La communication de la Commission européenne susmentionnée18 et le rapport de l'ORECE sur le calcul des paramètres préconisent quant à eux que l'indice d'inflation utilisé pour le calcul du taux réel de rémunération du capital résulte d'une estimation prospective de l'inflation à l'échelle de la zone euro, et proposent par exemple la prévision d'inflation à 5 ans de la Banque Centrale Européenne (BCE).
L'Autorité a interrogé le secteur sur l'utilisation de la prévision d'inflation à 5 ans de la BCE. Dans le cadre de leurs réponses à la consultation publique, les opérateurs ont exprimé un consensus favorable à l'utilisation de la prévision d'inflation à 5 ans de la BCE. Ainsi, il apparaît pertinent, compte tenu de ces réponses et du contexte de forte variabilité de l'inflation, de retenir cet indice pour convertir le taux nominal en taux réel selon la méthode de la communication mentionnée en section 5.1.
L'Autorité retient donc la valeur du taux prévisionnel d'inflation à 5 ans de la BCE publiée dans le rapport 2023 de l'ORECE, soit 2,1 %.
5.3. Mise en oeuvre des calculs du taux de rémunération du capital réel
Sur la base des paramètres présentés ci-avant, l'Autorité évalue le taux réglementaire de rémunération du capital réel avant impôt à 3,3 % :
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Tableau 2. - Calcul du CMPC réel
6. Observation de la Commission européenne
En application de l'article 32, paragraphe 3 de la directive n° 2018/1972 susvisée, l'ARCEP a notifié à la Commission européenne, à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et aux autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, le 14 septembre 2023, le projet de décision de l'Autorité fixant le taux de rémunération du capital employé pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des activités fixes régulées à compter de l'année 2024. A la suite de cette notification, la Commission européenne a adressé ses observations le 13 octobre 2023.
S'agissant du calcul du taux sans risque, la Commission européenne " note que l'ARCEP fait valoir qu'une moyenne des deux périodes est nécessaire pour mieux refléter les conditions macroéconomiques actuelles " et rappelle que " les ARN devraient tenir compte de la communication [2019/C 375/01 de la Commission en date du 6 novembre 2019 susmentionnée] lorsqu'elles élaborent leurs mesures nationales et qu'elles devraient contribuer au développement du marché intérieur en promouvant des approches réglementaires cohérentes. Dans le même temps, la Commission reconnaît que les ARN pourraient suivre une autre approche reflétant la situation macroéconomique nationale, dès lors que cette approche est dûment justifiée et conforme aux objectifs réglementaires énoncés dans le code. ".
L'Autorité a détaillé en section 4.2.1 l'évolution du rendement des obligations d'Etat françaises et a justifié le choix d'adapter sa méthode d'évaluation du taux sans risque au regard notamment de la nécessité que le coût moyen pondéré du capital reflète le contexte macroéconomique national et la situation du marché.
Décide :