Après en avoir délibéré le 20 juillet 2023,
1. Contexte de la saisine
L'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'ARCEP est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques, et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier enregistré le 20 décembre 2022 par l'Autorité, le directeur général des entreprises du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a sollicité l'avis de l'Autorité sur un projet de décret et un projet d'arrêté pris en application du f de l'article L. 33-1 du CPCE. Cette saisine a donné lieu à l'avis de l'ARCEP n° 2023-0146 en date du 7 février 2023 susvisé.
Par un nouveau courrier, le directeur général des entreprises du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a, par courrier en date du 15 juin 2023, enregistré à l'Autorité le 5 juillet 2023, sollicité à nouveau l'avis de l'Autorité sur un nouveau projet de décret et un nouveau projet d'arrêté pris en application du f de l'article L. 33-1 du CPCE.
2. Cadre juridique
Conformément aux dispositions de l'article L. 33-1 du CPCE, l'« établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve du respect de règles portant sur […] :
« f) L'acheminement gratuit des communications d'urgence. A ce titre, les opérateurs mettent en œuvre toute mesure permettant de garantir la continuité de l'acheminement de ces communications. Ils sont chargés de mettre en place une supervision technique permettant d'assurer, dans les meilleurs délais, une remontée d'alerte dans les conditions définies par décret. […] »
3. Présentation des projets de décret et d'arrêté
Le projet de décret définit les conditions dans lesquelles les fournisseurs de services de communications interpersonnelles fondés sur la numérotation sont chargés de mettre en place une « supervision technique visant à mesurer l'efficacité de l'acheminement des communications d'urgence et, le cas échéant, à alerter les autorités compétentes en cas d'incident affectant l'acheminement de ces communications d'urgence ». Il ajoute deux nouveaux articles après l'article D. 98-8-8 du CPCE.
Le nouvel article D. 98-8-9 du CPCE précise que ces opérateurs sont tenus, d'une part, de réaliser des statistiques portant sur la volumétrie des communications d'urgence qu'ils acheminent et, d'autre part, de mettre en place des alertes, qui se fondent sur des seuils significatifs de prise en charge des communications d'urgence. Ces seuils sont adaptés à la volumétrie acheminée par l'opérateur ainsi qu'à la fréquence de la mesure.
Le nouvel article D. 98-8-10 du CPCE prévoit que ces mêmes opérateurs transmettent au ministre chargé des communications électroniques l'ensemble de ces données, ainsi que les informations permettant d'apprécier le caractère « significatif » des seuils d'alerte et de la fréquence de mesure retenues par les opérateurs. Il confère également au ministre le droit de faire réviser ces seuils et cette fréquence aux opérateurs concernés s'il estime que le caractère « significatif » n'est pas avéré.
S'agissant du projet d'arrêté, l'article 1 définit les indicateurs qui doivent être surveillés par les fournisseurs de services de communications interpersonnelles fondés sur la numérotation pour l'application de l'article D. 98-8-9. Il précise que les statistiques portant sur la volumétrie des communications d'urgence sont transmises mensuellement au ministre dont il définit un modèle qui figure en annexe. L'article 1 précise également que la mesure à adopter pour la mise en place des alertes est « le nombre de prise avec réponse au sens de la Recommandation UIT-T E. 425 de mars 2002 ».
L'article 2 du projet d'arrêté précise que la mise en place d'alertes porte sur les communications d'urgence dirigées vers les quatre numéros 15, 17, 18 et 112. Il définit en outre des seuils d'exonération en dessous desquels la mise en place d'alertes n'est pas demandée aux opérateurs. Ceux-ci sont fixés à 2 millions d'utilisateurs finals, et à 250 000 utilisateurs finals dans l'ensemble des départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'article 3 du projet d'arrêté précise que la mise en place des statistiques mensuelles entre en vigueur le 1er janvier 2024.
4. Observations de l'ARCEP
L'Autorité partage l'objectif affiché par le Gouvernement de renforcer l'anticipation et la gestion des dysfonctionnements affectant les appels d'urgence, grâce à la supervision technique que ces projets de décret et d'arrêté conduisent à mettre en œuvre.
Elle se félicite de la prise en compte, par le Gouvernement, de plusieurs observations qu'elle avait formulées dans l'avis n° 2023-0146 afin de renforcer la lisibilité et la sécurité juridique pour les opérateurs concernés, en particulier une rédaction plus explicite du seuil d'exonération de l'obligation de mise en place d'alertes, qui est désormais exprimé en « nombre total d'utilisateurs finals » ainsi que le choix d'une terminologie définie au niveau international concernant l'indicateur à surveiller pour le déclenchement des alertes.
Elle relève la hausse, par rapport au projet transmis fin 2022, du seuil d'exonération pour la mise en place des alertes ainsi que la mise en place d'un seuil adapté pour les départements d'outre-mer, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Elle prend acte de l'entrée en vigueur différée au 1er janvier 2024 de l'obligation de transmission de statistiques mensuelles. Il conviendra que les opérateurs concernés disposent du temps nécessaire à l'industrialisation de la production et de la transmission de ces éléments.
Le présent avis sera transmis au directeur général des entreprises du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et sera publié au Journal officiel de la République française.