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Article AUTONOME (Avis n° 2023-0498 du 2 mars 2023 concernant le projet de décret portant création de l'agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours)

Article AUTONOME (Avis n° 2023-0498 du 2 mars 2023 concernant le projet de décret portant création de l'agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours)


Après en avoir délibéré le 2 mars 2023,


1. Contexte de la saisine


L'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'ARCEP est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques, et participe à leur mise en œuvre.
Par courrier électronique en date du 10 février 2023, enregistré à l'Autorité le 13 février, la directrice des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur et des outre-mer a sollicité l'avis de l'Autorité sur un projet de décret portant création de l'agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours.
L'analyse de l'ARCEP sur les dispositions qui lui ont été soumises se concentre exclusivement sur ce qui pourrait avoir un impact, d'une part, sur le bon fonctionnement des réseaux et des services de communications électroniques et sur les acteurs qu'elle régule et, d'autre part, sur la sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs dans la mise en œuvre des dispositifs envisagés.


2. Cadre juridique et présentation du projet de décret


L'article 11 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur a modifié le chapitre II du livre II du titre Ier du code des postes et des communications électroniques en insérant les articles L. 34-16 et L. 34-17 au sein d'une section 9 relative au dispositions particulières au réseau réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.
Ainsi, le I de l'article L. 34-16 du CPCE prévoit notamment que les « opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications mobiles critiques à très haut débit destinées à des missions de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes entre les services de l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services d'incendie et de secours, les services d'aide médicale urgente et tout autre organisme public ou privé chargé d'une mission de service public dans les domaines de la sécurité et du secours. […] ».
Le I de l'article L. 34-17 du CPCE prévoit notamment qu'un « établissement public de l'Etat a pour objet d'assurer :
« 1° La mise en œuvre et l'exploitation du réseau de communications électroniques des services mutualisés de secours et de sécurité ;
« 2° La fourniture aux utilisateurs de ce réseau d'un service de communications mobiles critiques à très haut débit sécurisé destiné à des missions de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes, à la demande de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, des services d'incendie et de secours, des services d'aide médicale urgente ou de tout organisme public ou privé chargé d'une mission de service public dans les domaines de la sécurité et du secours ».
Le II de cet article prévoit que « l'établissement est administré par un conseil d'administration et dirigé par un directeur. Le président du conseil d'administration et le directeur de l'établissement sont nommés par décret pour une durée de trois ans, renouvelable une fois » et que le « conseil d'administration comprend, outre son président, des représentants de l'Etat, qui disposent de la majorité des sièges, un représentant des communes, un représentant des départements, des représentants des services d'incendie et de secours et des opérateurs d'importance vitale, une personnalité qualifiée dans les domaines de compétences de l'établissement et un représentant élu du personnel de l'établissement ».
Le IV de cet article prévoit qu'un « décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du II. Il précise notamment la composition du conseil d'administration, les conditions et les modalités de désignation de ses membres, les modalités de fonctionnement du conseil d'administration ainsi que ses attributions et celles du directeur. »
Le présent projet de décret crée ainsi l'agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours, établissement public à caractère administratif de l'Etat placé sous la tutuelle du ministre de l'intérieur et des outre-mer, et en précise notamment sa composition, son organisation, ses modalités d'administration ainsi que ses missions.
L'article 2 du projet de décret précise notamment que l'agence « s'appuie sur des réseaux et systèmes d'infrastructures spécifiques permettant de délivrer des communications priorisées avec un débit de données garanties par les opérateurs de réseaux mobiles ».


3. Observations de l'ARCEP


Le deuxième alinéa de l'article 2 du présent projet de décret prévoit que « l'agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours s'appuie sur des réseaux et systèmes d'infrastructures spécifiques permettant de délivrer des communications priorisées avec un débit de données garanties par les opérateurs de réseaux mobiles » (soulignement ajouté).
Si le I de l'article L. 34-16 du CPCE prévoit bien que « les opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications mobiles critiques à très haut débit destinées à des missions de sécurité et de secours […] », il ne prévoit pas « un débit de données garanties » par ces opérateurs.
En outre, le II de ce même article ne prévoit de priorisation qu'« en cas de congestion » pour « garantir l'acheminement des communications mobiles critiques à très haut débit » et répondre à « des impératifs de sécurité publique » (1). Il ne s'agit donc pas d'une priorisation permanente des communications mobiles critiques à très haut débit.
Compte tenu des effets de telles obligations sur le fonctionnement des réseaux de communications mobile, l'ARCEP invite le Gouvernement à mettre en cohérence les obligations mentionnées dans le décret avec celles prévues à l'article L. 34-16 du CPCE.
Au surplus, de manière générale, le 3 de l'article 3 du règlement internet ouvert prévoit que les fournisseurs de services d'accès à l'internet peuvent déroger à l'interdiction d'appliquer des mesures de gestion de trafic « si nécessaire et seulement le temps nécessaire ». Ainsi, les « demandes d'accès prioritaires » « en cas de congestion », prévues au II de l'article L. 34-16 du CPCE, auxquelles doivent faire droit les opérateurs retenus dans le cadre du marché public, ne peuvent durer que le temps nécessaire lié aux éventuelles périodes de congestion.
Par ailleurs, le III de l'article L. 34-16 dispose qu'« un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de compensation des investissements identifiables et spécifiques mis en œuvre en application du I du présent article, à la demande de l'Etat, par les opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public, […] ». L'ARCEP invite le Gouvernement à adopter ce décret dans les meilleurs délais.
Le projet de décret n'appelle pas d'autres observations de la part de l'ARCEP.


4. Conclusion


L'Autorité invite le Gouvernement à :


- mettre en cohérence les obligations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 2 du projet de décret avec celles de l'article L. 34-16 du CPCE ;
- adopter, dans les meilleurs délais, le décret en Conseil d'Etat relatif à la compensation des opérateurs prévu au III de l'article L. 34-16 du CPCE.


Le présent avis sera transmis à la directrice des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur et des outre-mer et sera publié au Journal officiel de la République française.