La Commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 19 avril 2023 ;
Après en avoir délibéré ;
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé constitue une pièce de forme unique issue de l'un des plus célèbres services de majolique historiée de la Renaissance, celui aux armes et emblèmes d'Isabelle d'Este (1474‐1539), marquise de Mantoue, qui, selon une lettre du 15 novembre 1524, lui a été offert par sa fille, Éléonore de Gonzague, duchesse d'Urbino (1493‐1550), pour la villa de Porto, retraite favorite d'Isabelle d'Este en périphérie de Mantoue ; qu'il s'agit d'un objet caractéristique de la production de Nicola di Gabriele Sbraghe, signant Nicola da Urbino (vers 1480-1538), peintre et chef d'un atelier actif dans la capitale du duché de 1520 à sa mort, qui a porté l'art de la majolique illustrée de scènes figurées (istoriato) à son plus haut niveau dans les années 1520, par ses compositions équilibrées et inspirées des œuvres des plus grands artistes de son époque, principalement Raphaël, lui aussi natif d'Urbino ; que cette aiguière ornée d'un décor couvrant, peint en polychromie sur fond bleu, essentiellement héraldique et emblématique, dont le vocabulaire décoratif est celui des « grotesques », est revêtu du blason aux armes d'Isabelle d'Este, présent au niveau du col, sur chaque face, tandis que les emblèmes associant une image et une devise de la marquise sont distribués sur la panse, l'anse, le bec et le pied, le plus souvent dessinés dans des cartels tenus par des putti ; que cette aiguière au programme iconographique complexe, qui a connu une fortune critique très importante, formait un ensemble remarquable, devenu propriété de la branche française de la famille Rothschild au XIXe siècle, avec le plat, aujourd'hui au Louvre illustrant Orphée et Eurydice, exposé lors de l'exposition rétrospective de l'Union Centrale des Beaux‐Arts à Paris en 1865 et présenté lors de l'exposition universelle de 1878 à Paris ; que l'aiguière, cassée à un moment inconnu et restaurée de manière habile, n'a pendant longtemps plus été montrée, faisant craindre sa disparition tout en renforçant sa célébrité ; que cette pièce rare, représentant une des vingt-quatre subsistantes, en l'état des connaissances, de l'une des plus prestigieuses commandes de l'époque, réalisée par le maître des peintres décorateurs d'Urbino, appartient à un service emblématique de majolique historiée, étroitement associé à la figure majeure de la Renaissance italienne de femme puissante, collectionneuse et mécène des arts qu'était Isabelle d'Este ;
Qu'en conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considéré comme un trésor national ;
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.