ACCORD
DE COOPÉRATION ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME DU MAROC POUR LE DÉVELOPPEMENT DES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE (ENSEMBLE UNE ANNEXE), SIGNÉ À RABAT LE 13 DÉCEMBRE 2012
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc,
Ci-après dénommés les « Parties »,
AFFIRMANT leur volonté de développer les liens traditionnels d'amitié entre les deux pays ;
DÉSIREUX d'élargir et de renforcer, dans l'intérêt des deux Etats, la coopération dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins exclusivement pacifiques et non explosives ;
CONSIDÉRANT les engagements respectifs de non-prolifération auxquels les Parties ont souscrit, en particulier au titre du Traité du 1er juillet 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires (ci-après désigné « TNP ») et les obligations internationales pertinentes, en particulier la résolution 1540 du Conseil de sécurité ;
SOULIGNANT l'importance pour chacune des Parties de la sécurité de ses approvisionnements énergétiques ;
CONSIDÉRANT l'Accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique (ci-après désignée « AIEA »), relatif à l'application de garanties en France signé les 20 et 27 juillet 1978 et le protocole additionnel signé entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'AIEA le 22 septembre 1998 ;
CONSIDÉRANT l'Accord de garanties généralisées conclu entre le Maroc et l'AIEA entré en vigueur le 18 février 1975 et l'intention du Maroc de ratifier le protocole additionnel à cet accord, signé le 22 septembre 2004 ;
CONSIDÉRANT également la volonté des Parties de prendre les dispositions de leur ressort nécessaires pour un développement de l'énergie nucléaire sûr, dans le respect des principes et dispositions prévus par la Convention pour la sûreté nucléaire, la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et son amendement, la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, la Convention sur la notification rapide d'un accident nucléaire, et la Convention sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou d'urgence radiologique la Convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire,
SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
Article 1er
1. Les Parties entendent développer leur coopération dans le domaine de l'utilisation pacifique et non explosive de l'énergie nucléaire, dans le respect des principes qui gouvernent leur politique nucléaire respective et conformément aux stipulations du présent Accord, ainsi que des Accords et engagements internationaux pertinents en matière de non-prolifération auxquels elles ont par ailleurs souscrit.
2. La coopération mentionnée à l'alinéa premier peut couvrir les domaines suivants :
- prospection, exploration et exploitation de gisements d'uranium ;
- extraction de l'uranium à partir des phosphates ;
- production d'énergie et dessalement de l'eau à partir de réacteurs nucléaires ;
- recherche fondamentale et appliquée ne requérant pas, pour ce qui concerne les réacteurs de recherche, l'utilisation d'uranium enrichi à 20 % et plus en isotope 235 ;
- formation des ressources humaines dans le domaine des usages pacifiques de l'énergie nucléaire ;
- développement des applications de l'énergie nucléaire dans les domaines de l'agronomie, de la biologie, des sciences de la terre, de la médecine et de l'industrie ;
- gestion du combustible usé, et des déchets radioactifs ;
- sûreté nucléaire, radioprotection et protection de l'environnement ;
- sécurité nucléaire ;
- élaboration de la législation et de la réglementation dans le domaine nucléaire ainsi que l'élaboration de normes et guides de sûreté et de sécurité dans le domaine nucléaire ;
- prévention et réaction aux situations d'urgence liées à des accidents ou incidents nucléaires ;
- information du public en vue de l'acceptation de l'énergie nucléaire ;
- ou tout autre domaine décidé d'un commun accord entre les Parties.
3. La coopération peut prendre les formes suivantes :
- échange et formation de personnels scientifiques et techniques ;
- échange d'informations scientifiques et techniques ;
- échange de logiciels et codes de calcul ;
- participation de personnels scientifiques et techniques de l'une des Parties à des activités de recherche-développement de l'autre Partie ;
- conduite en commun d'activités de recherche et d'ingénierie, y compris des recherches et expérimentations conjointes ;
- organisation de conférences et colloques scientifiques et techniques ;
- fourniture de matières, matières nucléaires, équipements, installations, technologies et prestations de service ;
- ou toute autre forme de coopération décidée d'un commun accord entre les Parties.
Article 2
Les conditions d'application de la coopération définie à l'article 1er sont précisées, au cas par cas, dans le respect des dispositions du présent accord :
- par des accords spécifiques entre les Parties ou les organismes concernés, désignés par elles, pour préciser notamment les programmes et les modalités des échanges scientifiques et techniques ;
- par des contrats conclus entre les organismes, entreprises et établissements concernés, pour les réalisations industrielles et la fourniture de services, matières, matières nucléaires, équipements, installations ou de technologie.
Les Parties conviennent que la participation à la mise en œuvre de la coopération dans le cadre du présent Accord d'organismes, entreprises ou établissements français ou marocains sur le territoire du Maroc n'exclut en aucune manière leur participation, ou celle d'organismes, d'entreprises ou d'établissements ayant un lien direct ou indirect avec eux, à tout autre programme contribuant aux objectifs du présent Accord. Toutefois, une telle participation sera décidée d'un commun accord entre les deux Parties.
Article 3
Chacune des Parties veille à ce que sa réglementation à caractère administratif, fiscal et douanier permette la bonne exécution de l'Accord de Coopération ainsi que des Accords et Contrats conclus ultérieurement dans le cadre du présent Accord.
Article 4
Les Parties garantissent la sécurité et préservent le caractère confidentiel des données techniques et des informations désignées comme telles par la Partie qui les a fournies dans le cadre du présent Accord. Les données techniques et les informations échangées ne sont pas communiquées à des tiers, publics ou privés, sans accord préalable donné par écrit par la Partie fournissant la donnée technique ou l'information.
Pour la mise en œuvre des dispositions du présent article, les Parties s'engagent à conclure un accord en matière de sécurité et de confidentialité des informations et données techniques.
Article 5
Les Parties s'engagent à faciliter, dans la mesure de leurs moyens, la fourniture régulière de combustibles ou de services dans le domaine du cycle du combustible nécessaires à assurer l'alimentation des installations qui seraient développées ou fournies dans le cadre du présent Accord.
Article 6
Les parties veillent à atteindre et maintenir, dans les coopérations mises en œuvre en application du présent Accord, le plus haut niveau de sûreté et de sécurité nucléaires.
Article 7
Les droits de propriété intellectuelle acquis dans le cadre de la coopération prévue par le présent Accord sont attribués au cas par cas dans les accords spécifiques et les contrats visés à l'article II du présent Accord.
Article 8
1. Pour la réparation des dommages causés par un accident ou incident nucléaire survenant dans le cadre de la présente coopération, les Parties appliquent le régime de responsabilité civile nucléaire établie par la Convention de Paris du 29 juillet 1960, pour ce qui concerne la France et la Convention de Vienne du 21 mai 1963, pour ce qui concerne le Maroc, ainsi que les Protocoles d'amendements à ces Conventions auxquels elles sont parties.
Les Parties veillent ainsi à ce que les principes communs à ces deux conventions soient respectés : la responsabilité exclusive des exploitants d'installations nucléaires ; la responsabilité de l'exploitant sans nécessité de démontrer la faute, la négligence ou l'intention ; l'attribution exclusive de la juridiction aux tribunaux du pays où a lieu un incident nucléaire ; la responsabilité limitée dans son montant ; et l'indemnisation du dommage sans aucune discrimination basée sur la nationalité, le domicile ou la résidence.
Les Parties appliqueront le protocole commun à ces deux conventions du 21 septembre 1988 lorsqu'elles l'auront ratifié.
2. Dans ce cadre, les exploitants d'installations nucléaires des Parties contractent les assurances ou garanties nucléaires nécessaires.
Article 9
Les Parties s'assurent que les matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie transférés dans le cadre du présent Accord ainsi que les matières nucléaires obtenues ou récupérées comme sous-produits ne sont utilisés qu'à des fins pacifiques et non explosives.
Article 10
1. Toutes les matières nucléaires détenues ou transférées au Royaume du Maroc en vertu du présent Accord et notifiées par la République française à cet effet, ainsi que toutes générations successives de matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits, sont soumises aux contrôles de l'AIEA en vertu de l'Accord de garanties entre le Royaume du Maroc et l'AIEA entré en vigueur le 18 février 1975, s'appliquant à toutes les matières nucléaires dans toutes les activités nucléaires exercées sur le territoire du Royaume du Maroc, sous sa juridiction ou entreprises sous son contrôle en quelque lieu que ce soit, et qui sera complété le moment venu par un protocole additionnel.
2. Toutes les matières nucléaires transférées à la République française en vertu du présent Accord et notifiées par le Royaume du Maroc à cet effet, ainsi que toutes générations successives de matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits, sont soumises aux contrôles de sécurité appliqués par la Communauté européenne de l'énergie atomique, et au système de garanties de l'AIEA en application de l'Accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'AIEA relatif à l'application de garanties en France, signé les 20 et 27 juillet 1978, tel qu'il a été complété par le protocole additionnel signé le 22 septembre 1998.
Article 11
Au cas où les garanties de l'AIEA visées à l'article 10 du présent Accord ne pourraient s'appliquer sur le territoire de l'une ou de l'autre Partie, les Parties s'engagent à entrer aussitôt en rapport en vue de soumettre dans les délais les plus brefs les matières nucléaires transférées ou obtenues en application du présent Accord, ou produites dans ou à l'aide de la technologie transférée, ainsi que toutes générations successives de matières nucléaires obtenues ou récupérées comme sous-produits, à un dispositif mutuellement agréé de garanties, d'une efficacité et d'une portée équivalentes à celles précédemment appliquées par l'AIEA à ces matières nucléaires.
Article 12
Les matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie mentionnés à l'article 9 du présent Accord restent soumis aux dispositions du présent Accord jusqu'à ce que :
a) ils aient été transférés ou retransférés hors de la juridiction de la Partie destinataire conformément aux dispositions de l'article XIV du présent Accord, ou que
b) les Parties décident d'un commun accord de les y soustraire, ou que
c) il soit établi, pour ce qui concerne les matières nucléaires, qu'elles ne sont pratiquement plus récupérables pour être mises sous une forme utilisable pour une quelconque activité nucléaire pertinente du point de vue des garanties visées à l'article 10 du présent Accord.
Article 13
1. Chaque Partie veille à ce que les matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie visés à l'article 9 du présent Accord soient uniquement détenus par des personnes placées sous sa juridiction et habilitées à cet effet.
2. Chaque Partie s'assure que, sur son territoire ou hors de son territoire jusqu'au point où cette responsabilité est prise en charge par l'autre Partie ou par un Etat tiers, les mesures adéquates de protection physique des matières, matières nucléaires, équipements et installations visés par le présent Accord sont prises, conformément à sa législation nationale et aux engagements internationaux auxquels elle est partie, en particulier aux dispositions de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et de son amendement, ainsi que tout amendement agréé ultérieurement par les parties.
3. Les niveaux de protection physique sont au minimum ceux qui sont spécifiés à l'annexe 1 de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Chaque Partie se réserve le droit, le cas échéant, conformément à sa réglementation nationale, d'appliquer sur son territoire des critères plus stricts de protection physique.
4. La mise en œuvre des mesures de protection physique relève de la responsabilité de chaque Partie à l'intérieur de sa juridiction. Dans la mise en œuvre de ces mesures, chaque Partie s'inspire du document de l'AIEA INFCIRC 225/Rev.4.
Les modifications des recommandations de l'AIEA en relation avec la protection physique n'ont d'effet aux termes du présent Accord que lorsque les deux Parties se sont informées mutuellement par écrit de leur acceptation d'une telle modification.
Article 14
1. Au cas où l'une des Parties envisage de retransférer hors de sa juridiction des matières, matières nucléaires, équipements, installations et technologies visés à l'article IX, ou de transférer des matières, matières nucléaires, installations, équipements et technologies visés à l'article IX provenant des équipements ou installations transférés à l'origine ou obtenus grâce aux équipements, installations ou technologies transférés dans le cadre de cet Accord, elle ne le fait qu'après avoir obtenu les mêmes assurances, en particulier d'usage pacifique et non explosif, que celles prévues par le présent Accord.
2. En outre, la partie qui envisage un transfert ou un retransfert conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article, obtient au préalable le consentement de la partie fournisseur :
a) pour tout retransfert d'installations, équipements ou technologies tels que définis à l'annexe et fournis en vertu du présent accord ;
b) pour tout transfert d'installations ou d'équipements provenant des installations ou équipements mentionnés au paragraphe a), ou conçus à partir des technologies visées au paragraphe a) ci-dessus ;
c) pour tout transfert ou retransfert d'uranium enrichi à plus de 20 % en isotopes 233 ou 235 ou de plutonium produit ou récupéré à partir de matières nucléaires transférées en vertu du présent Accord, ou pour tout retransfert de matières nucléaires transférées en vertu du présent Accord au Royaume du Maroc.
3. A l'intérieur de l'Union européenne, les transferts et retransferts de matières nucléaires, d'équipements, d'installations sont soumis aux dispositions du chapitre IX du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique et les transferts de technologies sont soumis aux règlements instituant un régime communautaire de contrôle des exportations de biens et technologies à double usage.
Article 15
Aucune des dispositions du présent Accord ne peut être interprétée comme portant atteinte aux obligations qui, à la date de sa signature, résultent de la participation de l'une ou l'autre Partie à d'autres accords internationaux pour l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, notamment pour la Partie française, de son appartenance à la Communauté européenne de l'énergie atomique et à l'Union européenne.
Article 16
Pour mener à bien ces activités, les Parties établissent, à compter de l'entrée en vigueur du Présent Accord, un comité conjoint qui coordonne et assure le suivi des programmes de coopération qui résultent de cet Accord. La structure, la composition et les procédures de ce comité sont décidées d'un commun accord entre les Parties.
Article 17
Le présent Accord peut être modifié par accord écrit entre les Parties.
Article 18
1. Le présent Accord est conclu pour une durée de vingt ans et peut être dénoncé à tout moment par l'une ou l'autre des Parties.
Toute dénonciation doit être notifiée par écrit avec un préavis de six mois.
A l'issue de cette période de vingt ans, il demeure en vigueur tant qu'il n'a pas été dénoncé par l'une ou l'autre des Parties conformément à la procédure mentionnée à l'alinéa précédent.
2. En cas de dénonciation du présent Accord conformément à la procédure mentionnée au paragraphe 1 du présent article :
- les dispositions pertinentes du présent Accord demeurent applicables aux accords spécifiques et aux contrats signés en vertu de l'article II, qui sont en vigueur ;
- les dispositions des articles IV, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII et XIV continuent à s'appliquer aux matières, matières nucléaires, équipements, installations et à la technologie visés à l'article 9 transférés en application du présent Accord, ainsi qu'aux matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits.
Article 19
Chaque Partie notifie à l'autre Partie l'accomplissement des procédures requises en ce qui la concerne pour l'entrée en vigueur du présent Accord. Celui-ci entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de la dernière notification.
EN FOI DE QUOI, les représentants des deux Gouvernements dûment autorisés à cet effet ont signé le présent Accord.
Fait à Rabat, le 13 décembre 2012 en deux exemplaires, en langues française et arabe, les deux textes étant authentiques et faisant également foi.
Pour le Gouvernement de la République française : Laurent Fabius Ministre des Affaires étrangères
Pour le Gouvernement du Royaume du Maroc : Saad Dine El Otmani Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération