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Article AUTONOME (Avis n° 23-A-03 du 7 avril 2023 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)

Article AUTONOME (Avis n° 23-A-03 du 7 avril 2023 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)


215. Dans le but d'améliorer l'accès des femmes aux offices d'avocats aux Conseils, le règlement intérieur de l'IFRAC a été modifié pour prévoir que la formation peut être suspendue « de droit en cas de grossesse pendant toute la durée de celle-ci et pendant une durée d'un an à compter de la naissance ou de l'adoption d'un enfant » (175). Cette modification a tenu compte de la recommandation de l'Autorité dans son avis n° 16-A-18 précité, qui préconisait d'assouplir les modalités de suspension de la formation à l'IFRAC pour que celle-ci soit davantage compatible avec un projet familial. En outre, la période pendant laquelle la formation peut être suspendue sans « motif légitime » a été étendue de trois mois à un an par le décret n° 2020-746 du 17 juin 2020 (cf. point 25).
216. Enfin, en 2021, la représentation des femmes dans les instances professionnelles était de 33 %, mais aucune n'occupait de poste à responsabilité (président, premier syndic, second syndic, secrétaire-trésorier et secrétaire). A cet égard, l'Ordre avait précisé que cette composition s'expliquait par un facteur conjoncturel, les femmes remplissant le critère d'ancienneté nécessaire pour occuper l'un de ces postes ayant récemment quitté leurs fonctions au sein de l'Ordre. L'Autorité constate avec satisfaction qu'à ce jour, le conseil de l'Ordre (composé de 14 membres et d'un président) comprend toujours 33 % de femmes (soit 5) et 3 d'entre elles occupent des postes à responsabilité (première syndic, secrétaire-trésorière et secrétaire).


3. La périodicité des avis relatifs à la liberté d'installation des avocats aux Conseils


217. Conformément à l'article L. 462-4-2 du code de commerce, l'Autorité rend ses recommandations au moins tous les deux ans.
218. Depuis 2017, le déficit d'offre a été largement réduit grâce aux créations d'offices. S'il convient de continuer à soutenir l'accès à la profession d'avocat aux Conseils par une intervention récurrente de l'Autorité visant à proposer la création de nouveaux offices, une réflexion autour de la périodicité de ses recommandations pourrait être engagée.
219. Interrogé sur ce sujet, l'Ordre a indiqué aux services d'instruction être favorable à l'allongement de la périodicité de deux ans des avis de l'Autorité de la concurrence pour plusieurs raisons. En premier lieu, il considère que l'intervention de l'Autorité a déjà produit des effets « importants et visibles » sur la profession d'avocat aux Conseils et que, désormais, l'attention devrait être portée sur leur inscription dans la durée (176). En deuxième lieu, une telle évolution permettrait de disposer du recul nécessaire pour assurer un suivi efficace du développement des offices créés. Enfin, l'allongement de la périodicité des avis permettrait à la profession de disposer de plus de temps pour réfléchir aux modalités de mise en œuvre des recommandations qualitatives de l'Autorité (177).
220. L'Autorité prend acte de la position de l'Ordre, mais estime ne pas disposer, à ce stade, d'éléments suffisants pour se prononcer sur l'opportunité d'une telle réforme. Elle invite néanmoins l'Ordre à continuer sa démarche proactive en faveur de l'accès à la profession, en s'appropriant les règles de concurrence. Elle tient en outre à souligner que, dans l'hypothèse d'un tel allongement, toute modification de la loi devra laisser à l'Autorité la possibilité de rendre un avis plus fréquemment dès lors que la situation de la profession le nécessite, comme c'est le cas actuellement.
221. Enfin, une réflexion sur la périodicité des avis rendus par l'Autorité devrait nécessairement s'inscrire dans un cadre plus large, intégrant les autres professions réglementées du droit concernées par le dispositif de liberté d'installation instituée par la loi du 6 août 2015 précitée, à savoir les commissaires de justice et les notaires.
222. Aussi, à ce stade, l'Autorité laisse ouverte la question sans se prononcer de façon conclusive.


B. Nouvelles recommandations
1. Recommandation visant à élargir l'accès à la profession
a) L'information relative aux voies d'accès à la profession


223. La profession d'avocat aux Conseils ne peut être exercée que par une personne ayant obtenu le diplôme du CAPAC. S'il existe des cas de dispense de formation et de certaines épreuves écrites d'admissibilité, voire de certaines épreuves orales, la réussite à l'examen final du CAPAC reste néanmoins obligatoire pour tous les candidats (cf. points 17 et suivants). Par exemple, les demandeurs qui souhaitent être dispensés d'une épreuve écrite d'admissibilité joignent au dossier d'inscription au CAPAC une demande en ce sens ainsi que les pièces permettant d'apprécier leur expertise dans cette matière au regard du cursus universitaire et de l'expérience professionnelle acquise (178).
224. La condition pour favoriser l'accès à la profession d'avocat aux Conseils est d'avoir un nombre de candidats suffisant, notamment grâce à une plus grande souplesse dans la formation et une meilleure information sur les voies d'accès différenciées à la profession.
225. Or, il ressort de l'instruction, d'une part, que la formation dispensée par l'IFRAC est, pour certains, trop longue et l'examen final trop sélectif, ce qui dissuaderait certains candidats. D'autre part, les possibilités de dispense ne semblent pas suffisamment connues alors que, selon les données transmises par les offices, la majorité des collaborateurs externes des offices ne sont pas titulaires du CAPAC mais pourraient être éligibles.
226. A cet égard, s'agissant de la lourdeur de la formation, l'IFRAC indique que plusieurs évolutions ont été engagées afin d'assouplir et d'adapter la formation à des personnes déjà engagées dans la vie professionnelle et de tenir compte de contraintes personnelles et familiales réelles. A titre d'illustration, les horaires d'enseignement ont été aménagés et se déroulent désormais de 17 h 30 à 19 h 30, permettant aux étudiants de s'y rendre après leur journée de travail. Un statut d'auditeur libre a été créé pour les enseignements de première année (179). Les étudiants peuvent bénéficier de trois absences pour motifs légitimes (180) et sont autorisés à redoubler tant la première que la deuxième année (181).
227. S'agissant de la sélectivité de l'examen final, elle est illustrée par la baisse du taux de réussite moyen au CAPAC qui est passé de 48 % sur la période 2011-2016 à 31 % sur la période 2017-2022 (cf. point 78). Ainsi, pour l'année 2022, sur neuf candidats au CAPAC, seulement trois ont été reçus (182).
228. S'agissant de la notoriété des dispenses, si l'Ordre des avocats aux Conseils précise que les dispenses sont régulièrement utilisées par les collaborateurs d'avocats aux Conseils (183), les données transmises par l'IFRAC aux services d'instruction indiquent qu'au cours des cinq dernières années, seules six demandes de dispense de formation initiale ont été formées. En effet, une demande a été formulée par un maître de conférences exerçant depuis plus de dix ans et les cinq autres par des avocats à la Cour inscrits depuis plus de dix ans au tableau d'un barreau. Sur ces six dispensés de formation initiale, cinq n'ont pas demandé de dispense d'épreuves écrites (184).
229. L'IFRAC indique, par ailleurs, que les différentes voies d'obtention du CAPAC sont présentées sur son site internet et sont exposées lors de la réunion de rentrée. Cette réunion générale est ouverte sans condition à toute personne intéressée par la profession et la tenue est largement annoncée et diffusée dans les cabinets, les universités ou encore les réseaux sociaux (185). L'Autorité salue cette démarche et invite l'Ordre à diffuser également cette information au travers de son site internet. Toutefois, elle souligne que si les étudiants inscrits à l'IFRAC sont, selon sa directrice, bien informés sur les modalités d'accès à la profession d'avocat aux Conseils, il est nécessaire de veiller à ce que cette information puisse se diffuser au-delà de ce seul cadre (186).


b) La simplification des voies d'accès à la profession afin d'élargir le vivier de candidats potentiels


230. L'Autorité a, dans ses précédents avis, relevé la faiblesse du vivier potentiel de candidats à l'installation, alors estimé, par l'Ordre, sur la base des personnes diplômés du CAPAC mais non nommés en qualité d'avocats aux Conseils et qui pouvaient avoir un projet de création d'un office nouvellement créé (187).
231. A cet égard, l'instruction du présent avis montre que le vivier actuel de candidats potentiels à la nomination dans un office créé ou existant pourrait être compris entre une dizaine et une quinzaine de personnes pour la période 2023-2025 et qu'une partie de ce vivier pourrait être mobilisée pour compenser des départs en retraite (cf. points 83 et suivants). L'augmentation du vivier de candidats apparaît donc être un enjeu important.
232. Or, un ensemble d'actions pourraient être menées pour accroître significativement le nombre de personnes susceptible de rejoindre la profession. En effet, il apparaît pertinent de viser un public plus large que les seuls titulaires du CAPAC et plus rapidement mobilisable que les étudiants en droit, à savoir les collaborateurs externes des offices d'avocats aux Conseils. En effet, d'après les données des offices, ces collaborateurs seraient nombreux à travailler l'équivalent d'un temps plein, ou un peu moins, pour le compte d'un ou plusieurs offices d'avocats aux Conseils (188). L'activité de ces personnes, au sein d'un office d'avocats aux Conseils, serait donc exercée à titre principal.
233. En conséquence, une politique pourrait être menée auprès des collaborateurs externes des offices afin d'informer et d'accompagner ceux qui le souhaitent à passer le CAPAC. Par conséquent, l'Autorité invite l'Ordre et l'IFRAC à communiquer davantage sur les voies d'accès différenciées à la profession d'avocat aux Conseils, et notamment sur les dispenses de formation initiale et d'épreuves du CAPAC, auprès des professionnels qui collaborent déjà avec les avocats aux Conseils (i.e. collaborateurs externes tels que les professeurs d'université ou les avocats à la Cour).
234. Dans le même temps, une réflexion pourrait s'ouvrir quant à une réforme des modalités d'obtention du diplôme du CAPAC pour les professionnels bénéficiant des dispenses de formation et d'épreuves du CAPAC (articles 2 à 4 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991). En effet, au-delà du fait que les dispenses sont peu connues, le taux de réussite du CAPAC par leur biais est faible alors même que les candidats disposent d'une expérience professionnelle significative (189). Au cours des cinq dernières années, sur les 6 candidats inscrits au CAPAC dans le cadre d'une dispense, un seul a réussi l'examen. En conséquence, il pourrait être envisagé de simplifier davantage le contrôle de connaissances auquel sont soumises les personnes bénéficiant des dispenses de formation et d'épreuves du CAPAC. Cet examen simplifié pourrait consister en un « exposé-discussion », devant un jury, portant sur les épreuves orales obligatoires prévues à l'article 17 du décret de 1991 précité, comme cela est prévu pour les avocats à la Cour. Une telle réforme permettrait d'agir efficacement afin de massifier le vivier de candidats potentiels à l'installation.
235. Au surplus, l'Autorité souligne avec satisfaction qu'à la suite d'échanges entre le président de l'Ordre des avocats aux Conseils et le directeur de l'Ecole de formation du barreau (EFB) un projet de module de présentation de la profession d'avocat aux Conseils dans le cadre de la formation continue des avocats à la Cour est à l'étude. La première session pourrait avoir lieu dans le courant du deuxième trimestre 2023 (190). Cette démarche va dans le sens d'une meilleure connaissance de la profession d'avocat aux Conseils.


Recommandation n° 1 - Elargir le vivier de candidats potentiels en accroissant la communication sur les voies d'accès à la profession et en facilitant l'accès des professionnels travaillant déjà dans des offices
L'Autorité recommande de :
- communiquer davantage sur les dispenses possibles de formation initiale à l'IFRAC et d'épreuves du CAPAC ;
- cibler la communication de l'IFRAC et de l'Ordre notamment sur les professionnels qui collaborent déjà avec les avocats aux Conseils (i.e. collaborateurs externes tels que les professeurs d'université ou les avocats à la Cour pour lesquels des voies d'accès différenciés sont prévues par le décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991) ;
- d'ouvrir une réflexion sur une voie simplifiée d'obtention du diplôme du CAPAC aux professionnels bénéficiant des dispenses de formation et d'épreuves du CAPAC prévues par le décret précité.


2. Recommandations visant à améliorer la transparence et l'objectivité de l'examen des candidatures à des offices créés
a) La transparence des modalités d'examen des candidatures par la commission de classement


236. En vertu de l'article 27 du décret n° 91-1125 précité, le garde des sceaux, ministre de la justice, choisit les avocats aux Conseils à nommer dans les offices créés, après avis de la commission de classement (191).
237. L'article 28 de ce même décret prévoit que cette commission est composée (i) du directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice ou son représentant, (ii) d'un conseiller d'Etat, (iii) d'un conseiller à la Cour de cassation, (iv) d'un avocat général à la Cour de cassation, et (v) d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation désigné sur proposition du conseil de l'Ordre. La commission est présidée successivement par le conseiller d'Etat, par le conseiller à la Cour de cassation et par l'avocat général à la même cour. Le président et les membres de la commission sont désignés pour une durée de trois ans renouvelable une fois par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
238. La commission examine chaque candidature et chacun des membres est invité à donner son avis. Elle dresse ensuite un procès-verbal de la séance, qui est signé par le président et le secrétaire de séance (192).
239. Dans ses précédents avis, l'Autorité a notamment estimé que les motifs conduisant la commission de classement à retenir un ordre de préférence entre les différents candidats devraient être, dans un souci de transparence, plus explicites et portés à la connaissance des candidats concernés (193).
240. Interrogé par les services d'instruction dans le cadre du présent avis, le président de la commission de classement a précisé que les avis rendus font l'objet d'une motivation exposant « les raisons de l'absence de classement des candidats non retenus et du classement des candidatures retenues » (194). Concrètement, l'analyse de la commission porte sur le respect des « critères légaux » (195), qui sont obligatoirement vérifiés et qui renvoient aux conditions d'aptitude de chaque candidat, fixées par le décret du 28 octobre 1991 précité, à savoir la nationalité, l'aptitude, l'honorabilité, l'expérience et l'assurance.
241. A cette occasion, elle vérifie les pièces d'état civil et les diplômes présentés par le candidat. Concernant plus particulièrement la prise en compte de l'honorabilité et des possibilités financières des candidats à la création d'un office, la commission veille, d'une part, à l'absence de condamnation pénale inscrite sur le bulletin de casier judiciaire n° 2 ou de condamnation pour faillite personnelle. Pour cela, elle se réfère aux avis des autorités consultatives (i.e. le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour) et du conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils (196). D'autre part, elle étudie le plan de financement proposé par le candidat et s'assure que l'état de sa situation financière permet de faire face aux charges liées à la création d'un office au regard notamment du montant des prêts déjà en cours ou de l'existence d'un apport personnel ou emprunt (197).
242. Pour départager les candidats remplissant les critères légaux exposés précédemment, la commission classe les candidatures sur la base des deux critères d'appréciation objectifs suivants : (i) l'ancienneté dans l'obtention du CAPAC avec une priorité aux nouveaux entrants et (ii) l'expérience professionnelle du candidat à travers son curriculum vitae et, le cas échéant, des lettres de recommandation (198).
243. Concernant le cas particulier de la candidature à un office créé d'un avocat aux Conseils déjà associé dans un office existant, la commission indique que l'officier ministériel concerné doit demander sa démission de l'office individuel ou son retrait de la société titulaire de l'office (199). Dans ce cas, les conditions de cette démission ou du retrait sont examinées au regard :


- d'un traité de cession signé et enregistré prouvant que le demandeur l'avocat a effectivement trouvé un successeur ;
- d'un traité de cession signé avec la société ou un nouvel associé prouvant l'effectivité de la transmission de ses parts sociales.


244. A cet égard, l'Autorité constate, d'une part, à la lecture des quatre procès-verbaux de séance de la commission de classement depuis 2016, que certaines candidatures, déposées par des avocats aux Conseils associés en exercice, ont été jugées « non classées », à défaut d'avoir produit des éléments suffisants permettant d'assurer le retrait de la structure, mais sans que cette insuffisance soit explicitement mentionnée (200).
245. De plus, les modalités de départage fondées sur l'expérience ne sont pas clairement indiquées (201). A cet égard, il convient de noter que la DACS a établi, en vue de la prochaine séance d'examen de la commission, une proposition de grille de critères de départage. Outre, les critères liés à l'honorabilité, aux capacités professionnelles, à l'ancienneté du CAPAC et à la soutenabilité financière du projet, il est indiqué que la variété et la durée de l'expérience professionnelle seront prises en compte pour l'analyse de ce critère. S'ajouteront des objectifs d'augmentation du nombre d'avocats aux Conseils et de renouvellement des professionnels, en priorisant les nouveaux avocats ainsi que la promotion de l'égalité femmes-hommes (202).
246. Eu égard à l'ensemble des précisions obtenues, l'Autorité estime, en premier lieu, que l'analyse de la commission de classement semble reposer sur des critères d'appréciations objectifs. Elle indique toutefois qu'elle restera attentive à l'objectivité des critères de départage, en particulier, dans le cadre de la grille d'analyse proposée par la DACS, qui fondera le départage des futures candidatures aux offices créés.
247. En second lieu, nonobstant les clarifications exposées précédemment, l'Autorité relève qu'à ce jour les avis de la commission de classement ne sont toujours pas transmis aux candidats concernés alors qu'aucune doctrine générale n'est diffusée afin d'éclaircir les critères utilisés. Sur ce point, le président de la commission a indiqué aux services d'instruction ne pas être favorable à la formalisation d'une doctrine, qui risquerait de limiter sa capacité d'adaptation aux évolutions de la profession (203).
248. L'Autorité, tout en prenant acte de cette position, considère cependant nécessaire d'offrir une garantie de transparence sur les critères retenus par la commission, notamment à l'égard des candidats non nommés afin qu'ils puissent en comprendre les raisons.
249. Par conséquent, d'une part, l'Autorité réitère sa position, exposée dans ses trois avis précédents, et souhaite que les avis de la commission de classement soient transmis à chaque candidat (204). Le président de la commission de classement a indiqué ne pas y être opposé.
250. D'autre part, compte tenu du constat sur la motivation des avis de la commission de classement, l'Autorité est d'avis d'indiquer plus clairement en quoi les éléments prouvant le retrait ou la démission sont insuffisants, et au regard de quel critère d'expérience professionnelle le classement entre des candidats, remplissant identiquement les critères légaux, a été établi.


Recommandation n° 2 - Introduire davantage de transparence sur les critères de classement des candidats aux offices créés
L'Autorité recommande :
- de prévoir que l'avis de la commission mentionnée aux articles 27 et 28 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 (i.e. commission de classement des candidatures) soit notifié à chaque candidat pour ce qui le concerne ;
- de motiver plus clairement (i) le non classement dans le cas du retrait ou la démission d'un avocat aux Conseils en exercice se portant candidat à un office crée, et (ii) la sélection des candidats sur la base de l'expérience professionnelle lorsqu'ils remplissent identiquement les critères légaux ;
- si la commission de classement devait adopter la grille d'analyse élaborée par la DACS, veiller à ce que chacun des critères soit le plus objectif possible (par exemple, les critères concernant la diversité de l'expérience professionnelle, la priorisation des candidatures des nouveaux entrants sur la base de l'ancienneté des candidats ou encore la promotion de l'égalité hommes/femmes).


b) L'information actualisée sur l'état des candidatures aux offices créés


251. En application des dispositions du premier alinéa du I de l'article 3 de l'ordonnance du 18 septembre 1817, le ministre de la justice nomme les titulaires d'office d'avocats aux Conseils créés au vu des besoins identifiés par l'Autorité. Le premier alinéa de l'article 25 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité, modifié par le décret 2016-652 du 20 mai 2016, prévoit que « les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 24 peuvent déposer leur demande dans un délai de deux mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité de la concurrence mentionnées à l'article L. 462-4-2 du code de commerce » (soulignement ajouté).
252. Les dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 3 précité et de l'article 29 du décret du 28 octobre 1991 précité permettent le dépôt de nouvelles candidatures, passé ce délai de deux mois, uniquement si le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de création d'offices au regard des besoins identifiés. Il procède alors à un appel à manifestation d'intérêt, qui ne peut intervenir au plus tôt que six mois après la publication de l'avis de l'Autorité. En conséquence, les dépôts de demandes de création d'office sont empêchés entre l'expiration du délai de deux mois suivant la publication des recommandations et le lancement éventuel d'un appel à manifestation d'intérêt.
253. En tout état de cause, que ce soit au cours des deux mois suivant la publication des recommandations ou dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt, l'Autorité estime utile que le ministère de la justice rende public un état actualisé des candidatures et du nombre de places restant à pourvoir afin que les professionnels intéressés soient informés des opportunités dans le cadre de la création d'offices.
254. A cet égard, il ressort de l'instruction de présent avis que la DACS ne communique pas sur le nombre de candidatures reçues pour les offices à créer. Cependant, elle indique ne pas être « hostile à mener une réflexion globale sur le sujet avec le soutien du conseil de l'ordre, en déterminant quel(s) le(s) support(s) serai(en)t le(s) plus adapté(s) compte tenu de la cible, qui reste limitée en terme de volume et circonscrite à Paris » (205). Selon la DACS, cette communication pourrait notamment consister, dans un premier temps, en un rappel du nombre d'offices à créer et du calendrier de dépôt des candidatures, et dans un second temps, en une publication du nombre de candidatures déposées et le cas échéant, le nombre de professionnels restant à nommer (206). Interrogé sur ce point, le président de la commission de classement indique, quant à lui, qu'un courrier pourrait être transmis à chaque candidat, dès sa saisine, pour l'informer notamment du nombre de candidatures reçues et de la suite qui sera apportée à sa candidature (207).
255. Compte tenu de ces éléments, l'Autorité salue l'initiative de la Chancellerie et l'invite à mettre en œuvre cette démarche, en concordance avec l'Ordre et la commission de classement. Sans se limiter aux seuls candidats, cette information pourrait être transmise, par exemple, un mois après l'ouverture de la phase de dépôt des candidatures, et s'effectuer soit de façon ciblée (par l'envoi d'une lettre d'information aux professionnels), soit directement sur le site internet de l'Ordre. En effet, le recours à une telle communication pourrait s'avérer utile pour l'avenir et permettre :


- d'inciter les professionnels à candidater aux offices créés pendant les deux mois durant lesquels le dépôt d'une candidature est possible ;
- d'éviter de recourir à l'appel à manifestation d'intérêt.


256. Par ailleurs, l'Autorité insiste à nouveau sur l'importance de continuer d'informer sur le point de départ du délai de dépôt des candidatures de deux mois, prévu par l'article 25 du décret de 1991 précité, lequel commence à courir à compter de la publication de son avis au Journal officiel (208). A cet égard, l'Autorité note avec satisfaction que l'Ordre diffusera cette information auprès des titulaires du CAPAC, de la même façon que pour l'avis précédent, dès la publication du nouvel avis de l'Autorité (209).


Recommandation n° 3 - Actualiser l'information sur l'état des candidatures aux offices créés
L'Autorité recommande de :
- mettre en œuvre activement la démarche de communication actualisée sur l'état des candidatures reçues aux offices créés afin d'inciter les professionnels à candidater aux offices créés pendant les deux mois durant lesquels le dépôt d'une candidature est possible ;
- diffuser cette information actualisée sur l'état des candidatures dès le premier mois de l'ouverture de la phase de dépôt, dans l'objectif d'éviter le recours à la procédure d'appel à manifestation d'intérêt ;
- transmettre cette information, soit de façon ciblée (par l'envoi d'une lettre d'information aux avocats aux Conseils), soit directement sur le site Internet de l'Ordre.


3. Recommandation visant à faciliter le développement des offices créés


257. En vertu de l'article 43 du décret du 1er mars 2023 précité, tous les avocats aux Conseils (i.e., en exercice, salariés ou honoraires) (210) ont l'obligation de contribuer aux charges collectives de l'Ordre. Il s'agit principalement des charges suivantes (211) :


- désignation au titre de l'aide juridictionnelle ;
- membre du bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation ;
- permanences de référés au Conseil d'Etat.


258. Or, il ressort de l'instruction que l'attribution de ces charges manque de transparence et que leur répartition ne serait pas toujours équitable entre les offices. Un avocat aux Conseils a précisé que le système de répartition « à tour de rôle » ne permettait pas de garantir une égalité entre les offices (212). Un autre a indiqué que le nombre des dossiers d'aide juridictionnelle attribués serait trop important pour la taille de son office, l'empêchant d'y consacrer suffisamment de temps pour les instruire. Certains nouveaux avocats aux Conseils connaîtraient cette même difficulté, les conduisant finalement à renoncer à participer aux bureaux d'aide juridictionnelle (213).
259. Pourtant, plusieurs professionnels s'accordent à dire que la participation aux bureaux d'aide juridictionnelle peut être très formatrice et un moyen de mieux se faire connaître pour les nouveaux entrants.
260. A cet égard, l'Ordre a apporté aux services d'instruction plusieurs éléments d'information. En premier lieu, les avocats aux Conseils participent aux travaux des bureaux d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation et le Conseil d'Etat en fonction des besoins exprimés par les présidents des deux bureaux d'aide juridictionnelle. A ce titre, ils sont sollicités par l'Ordre selon leur date d'inscription au tableau de l'Ordre et à tour de rôle (214), étant précisé qu'en principe lorsqu'un mandat arrive à expiration, le président désigne un remplaçant parmi les avocats aux Conseils honoraires ainsi que parmi les nouveaux entrants (215).
261. En deuxième lieu, il a précisé que les dossiers d'aide juridictionnelle sont attribués aux avocats aux Conseils par un logiciel interne de l'Ordre dans lequel figurent les offices et le nombre d'associés, et qui organise un roulement des offices en fonction du nombre de dossiers attribués. Par ce système, les offices qui ont eu le moins de dossiers par associé sont prioritaires et sont désignés pour les dossiers d'aide juridictionnelle, mais uniquement si un avocat n'a pas déjà accepté d'intervenir. Ainsi, selon l'Ordre, les variations importantes entre les offices s'expliquent par l'acceptation spontanée de certains offices de se charger d'un grand nombre de dossiers d'aide juridictionnelle (216).
262. En troisième lieu, les avocats sont de permanence à tour de rôle pour les référés au Conseil d'Etat, selon un calendrier établi deux fois par an par l'Ordre et communiqué au Conseil d'Etat, à l'instar de la désignation dans un bureau d'aide juridictionnelle. La disponibilité des avocats aux Conseils est d'une semaine pour les avocats exerçant à titre individuel et, désormais, de deux fois une semaine au lieu de 15 jours consécutifs pour ceux exerçant dans une société. En cas de difficulté, un avocat aux Conseils peut faire appel à un confrère de permanence la semaine suivante. L'Ordre se dit attentif aux contraintes des cabinets lors de l'établissement des tableaux de roulement (217).
263. En dernier lieu, concernant la transparence de l'attribution des charges collectives, l'Ordre a souligné qu'il était aisé pour les avocats aux Conseils, désireux de connaître la répartition des charges au sein des offices, d'interroger son secrétariat. Ainsi, il ne serait pas utile de changer le dispositif actuel qui apparaît adapté, selon son président (218). Cependant, l'Autorité a constaté que certains professionnels peuvent être « gênés » à l'idée de demander à l'Ordre communication des tableaux d'attribution des charges collectives.
264. En outre, lors de son audition par les services d'instruction le président de l'Ordre a mentionné l'organisation de réunions d'information des nouveaux confrères « notamment consacrée à une présentation des charges collectives et la façon dont ces charges sont réparties dans les cabinets » (219). Ces réunions ont rassemblé une quinzaine d'avocats aux Conseils ayant récemment prêté serment, sans que l'ordre du jour soit déterminé afin de permettre une discussion libre (220).
265. Ceci étant précisé, l'Autorité indique que l'analyse des tableaux d'affectation au bureau d'aide juridictionnelle fournis par la Cour de cassation a permis de constater les points suivants :


- sur les treize nouveaux avocats aux Conseils nommés depuis 2016, neuf ont été affectés au bureau d'aide juridictionnelle de la Cour de cassation, ce qui tend à confirmer l'affirmation de l'Ordre selon laquelle les derniers nommés seraient affectés en priorité dans les bureaux d'aide juridictionnelle ;
- sur les six divisions du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour de cassation, les nouveaux avocats aux Conseils ne participent qu'à trois d'entre elles (221) ;
- les trois autres divisions (222) sont exclusivement affectées à des offices existants. Par exemple, les trois avocats aux Conseils affectés à la division du droit de la famille occupent leur mandat depuis respectivement 5, 6 et 9 ans, et depuis 6 ans pour les deux avocats aux Conseils affectés à la division de la sécurité sociale.


266. En outre, les tableaux d'affectation au bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat (223), fournis par l'Ordre, révèlent que :


- seulement deux avocats aux Conseils titulaires et deux suppléants sont désignés pour participer à ce bureau ;
- parmi ces deux titulaires, un était titulaire depuis 2011 et a été remplacé en 2020 par un suppléant exerçant son mandat depuis 2017, et l'autre, également titulaire depuis 2011, l'était toujours en 2021 (224).


267. L'Ordre indique à ce sujet que certains avocats aux Conseils, membres des deux bureaux d'aide juridictionnelle, expriment régulièrement le souhait d'être maintenus au-delà de la durée normale de leur mandat (i.e. de trois ans renouvelable une fois). A titre d'exemple, un avocat aux Conseils a passé plus de 16 ans au bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat (225).
268. Par ailleurs, les tableaux relatifs à l'affectation des dossiers d'aide juridictionnelle aux avocats aux Conseils (226), fournis par l'Ordre, permettent, quant à eux, d'établir plusieurs constats sur la base des données de l'année 2021.
269. Premièrement, sur un total de 2 137 dossiers d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation (toute matière confondue), 8 % ont été affectés à des avocats aux Conseils nommés dans des offices créés. Ces statistiques montrent que l'affectation des dossiers d'aide juridictionnelle n'apparaît pas disproportionnée à l'égard des avocats aux Conseils nommés dans des offices créés. Néanmoins, certains critères moins quantifiables tels que l'absence d'aide administrative au sein de l'office ou le niveau d'expérience devraient être pris en compte pour apprécier plus finement l'impact de la répartition des charges collectives sur les offices.
270. Deuxièmement, pour l'ensemble de la profession, en 2021, les 26 offices ayant traité plus de 31 dossiers d'aide juridictionnelle ont, en moyenne, 3 associés, 13 collaborateurs et réalisent un chiffre d'affaires moyen de 2,7 millions d'euros. Les 44 autres offices traitant moins de 31 dossiers d'aide juridictionnelle ont en moyenne 2 associés, 4 collaborateurs et réalisent un chiffre d'affaires moyen de 1,2 million d'euros.
271. Troisièmement, quatre offices n'ont pas obtenu de dossiers d'aide juridictionnelle en 2021 (227). En moyenne, ces offices ont aussi pris en charge moins de dossiers d'aide juridictionnelle devant la Cour de cassation (soit 20,5 dossiers au lieu de 23 pour l'ensemble des offices) alors qu'ils disposaient, en moyenne, de 3 associés, 10 collaborateurs et réalisaient en moyenne 4 millions d'euros de chiffre d'affaires.
272. Compte tenu de l'ensemble des éléments exposés précédemment, l'Autorité estime que le système actuel de répartition des charges collectives, bien qu'assurant un roulement entre les professionnels, peut dissimuler certaines disparités entre les offices. Dans certains cas, l'attribution peut représenter une charge trop lourde, notamment pour les plus petites structures ou les offices nouvellement constitués, et ce malgré l'allègement possible de la durée du mandat dans les bureaux d'aide juridictionnelle pour tenir compte de la charge de travail (228). En outre, des offices peuvent se voir attribuer de nombreux dossiers d'aide juridictionnelle là où certains autres n'en ont aucun au cours d'une année, et ce malgré leur structure plus adaptée.
273. Ainsi, ce système ne semble pas intégrer, à tout le moins de façon systématique, certaines variables liées à la taille des offices (par exemple, le nombre de collaborateurs ou la présence de salariés employés à des tâches administratives).
274. L'Autorité est donc d'avis, en complément des réunions d'information organisées par l'Ordre, que les avocats aux Conseils puissent consulter les tableaux de répartition des charges collectives attribuées par l'Ordre sans avoir à en faire la demande auprès du secrétariat.
275. Elle estime en outre que d'autres mesures pourraient être mises en place dans le sens d'une plus grande transparence dans l'attribution de ces charges, en explicitant plus clairement les règles ou en encadrant plus les possibilités d'allègement des tâches afin notamment de mieux tenir compte de la charge de travail d'un office.
276. Parallèlement, d'autres mesures pourraient permettre une répartition plus équitable des charges collectives entre les offices afin d'adapter la participation aux charges collectives à la taille de l'office. Ces mesures pourraient par exemple porter sur la prise en compte du nombre de collaborateurs et de l'aide administrative dont l'office dispose ou sur la nomination de plus d'avocats aux Conseils aux bureaux d'aide juridictionnelle. Le respect de la durée d'exercice du mandat des membres des bureaux d'aide juridictionnelle serait également pertinent pour limiter les périodes de plus de 6 ans et assurer un roulement plus fréquent. Il pourrait encore s'agir d'un encadrement plus strict de l'acceptation spontanée des dossiers d'aide juridictionnelle par certains offices, à l'exception des cas où le client a choisi expressément son avocat aux Conseils, afin d'éviter de créer un déséquilibre trop important entre les offices.


Recommandation n° 4 - Faciliter le développement des offices créés (focus sur les charges collectives attribuées aux offices) (229)
L'Autorité recommande de :
- rendre l'attribution des charges collectives plus transparente, par exemple en transmettant ou en publiant les tableaux d'attribution des charges collectives par courrier électronique ou directement sur le site de l'Ordre, afin que chaque office puisse y avoir accès sans qu'il soit nécessaire d'en faire la demande auprès de l'Ordre ;
- rendre l'attribution des charges collectives plus objective, par exemple en adoptant différentes mesures telles que :
• expliciter les règles d'attribution des charges collectives ;
• encadrer clairement les possibilités d'allègements des charges collectives lorsqu'un avocat aux Conseils fait valoir une charge de travail trop lourde ou bien une situation exceptionnelle ;
- rendre l'attribution des charges collectives plus équitable, par exemple en adoptant différentes mesures telles que :
• prendre en compte la taille des offices afin de répartir plus équitablement la charge de travail (par exemple, en fonction du nombre de collaborateurs ou de l'aide administrative dont l'office dispose) ;
• envisager de nommer plus d'avocats aux Conseils aux bureaux d'aide juridictionnelle afin répartir plus équitablement la tâche entre les offices ;
• faire respecter la durée d'exercice du mandat des membres des bureaux d'aide juridictionnelle afin de limiter les périodes de plus de 6 ans et assurer un roulement plus fréquent ;
• à l'exception des cas où le client a choisi expressément son avocat aux Conseils, encadrer plus strictement l'acceptation spontanée des dossiers d'aide juridictionnelle afin d'éviter de créer un déséquilibre trop important entre les offices.


4. Recommandation relative à la transmission des données


277. Afin d'apprécier utilement le niveau et les perspectives d'évolution de l'offre, critère nécessaire à l'identification du nombre d'offices d'avocats aux Conseils permettant d'assurer une offre de services satisfaisante, l'Autorité analyse, notamment, les données comptables des offices. Or, cette analyse est d'autant plus pertinente qu'elle repose sur des données complètes, détaillées et transmises régulièrement à l'Autorité.
278. Depuis son avis n° 16-A-18, les offices d'avocats aux Conseils transmettent à l'Autorité des tableaux portant sur leur activité économique et la structure de leur office, par l'intermédiaire d'un cabinet d'expertise-comptable. La confidentialité des données transmises est ainsi garantie aux offices, puisqu'elles ne sont à aucun moment communiquées à l'Ordre lui-même, y compris de manière anonyme, afin d'éviter de porter à la connaissance d'autres professionnels des informations couvertes par le secret des affaires. A cet égard, l'Autorité souligne à nouveau l'excellente coopération de l'Ordre dans la mise en œuvre de ce procédé de transmission des données. Dans le cadre de l'instruction du présent avis, après collecte et traitement, l'expert-comptable mandaté par l'Ordre a été en mesure de procéder à la transmission de ces données entre fin novembre et début décembre 2022.
279. En outre, l'Ordre avait indiqué lors du précédent avis qu'un outil commun à la profession pourrait, sans se substituer à la nécessité de mettre en place une comptabilité analytique permettant une ventilation du chiffre d'affaires des professionnels par prestation, ainsi qu'une volumétrie des actes (230), utilement être développé afin de recueillir de manière exhaustive et automatisée des données de performance économique des offices. Cet outil pourrait être conçu pour permettre aux offices - et à l'Autorité - de mieux apprécier leurs activités, au travers de paramètres plus fins, par exemple la ventilation de chiffre d'affaires en fonction du type de dossier et des juridictions, la rémunération par type de dossier, le rôle des collaborateurs, ou les charges inhérentes à l'activité monopolistique (231).
280. Interrogé sur ce point par les services d'instruction, l'Ordre a indiqué que la Cour de cassation a lancé en 2022 un programme de refonte de son système informatique (projet « NOMOS 2 »), modifiant sa manière de communiquer notamment avec les cabinets d'avocats aux Conseils.
281. Dans ce cadre, l'Ordre s'est engagé dans un plan de modernisation de ses propres systèmes informatiques, dont la mise en service pourrait intervenir en fin d'année 2023 ou en début d'année 2024. L'objectif final est de mettre à disposition de l'ensemble des cabinets un portail complet de dépôt et de suivi des affaires, permettant notamment d'avoir accès : à tous les actes de procédure pour l'ensemble des contentieux devant la Cour de cassation (en matière civile et pénale) de la déclaration de pourvoi en cassation jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation ; aux évènements de procédure, journaux d'activité et délais de procédure ainsi qu'aux échanges procéduraux entre les cabinets (par exemple la notification par tiers de confiance ou la signification par huissier) (232).
282. A l'achèvement de la première phase des travaux, prévue pour le troisième trimestre 2023, l'Ordre souhaite doter son nouveau système de fonctions supplémentaires afin de disposer de plusieurs indicateurs fiables de l'activité des cabinets d'avocats aux Conseils. En effet, une plateforme, fonctionnant par un système API, serait mise à disposition de l'ensemble des cabinets d'avocats aux Conseils pour leur permettre d'avoir une vue statistique de l'activité auprès de la Cour de cassation au travers notamment du nombre de pourvois déposés, nombre de dossiers suivis en défense, par matière ou par type de contentieux (233).
283. Par ailleurs, selon le président de l'Ordre, le Conseil d'Etat serait favorable au « développement d'une communication entre les cabinets et la juridiction via des API ce qui permettrait à l'ordre, en complément de télérecours, de fournir aux cabinets des indicateurs d'activité et des services supplémentaires » (234). Néanmoins, cette évolution ne serait réalisable qu'à moyen terme, notamment pour des raisons liées à la sécurité. L'Autorité soutient cette initiative.


Recommandation n° 5 - La transmission d'informations à l'Autorité :
Sur la base des éléments fournis par l'Ordre, l'Autorité recommande de mettre en application, d'ici le prochain avis, la plateforme qui permettra aux offices de disposer de statistiques précises sur leur activité auprès de la Cour de cassation, et de poursuivre la réflexion sur des mesures permettant d'obtenir des résultats comparables avec le Conseil d'Etat.


CONCLUSION


284. L'Autorité estime nécessaire d'adopter une approche prudente en matière d'augmentation du nombre d'offices d'avocats aux Conseils au cours des deux prochaines années, compte tenu notamment des incertitudes sur l'évolution de la demande et la faiblesse du vivier de candidats.
285. En effet, l'Autorité constate que les avocats aux Conseils, du fait de la conjonction de leur petit nombre, d'une situation de monopole et d'une grande liberté en matière de tarification comme de gestion, bénéficient d'un taux de marge et d'une rémunération toujours très favorables.
286. Par ailleurs, les offices créés en 2017 et 2019 ont pu développer leur activité et ont bénéficié d'une croissance rapide, malgré la crise sanitaire, sans compromettre les performances économiques toujours très satisfaisantes des offices en place. Il apparaît également que les nouveaux offices pratiquent des tarifs un peu moins élevés et sont susceptibles d'améliorer la qualité globale des prestations, en traitant directement les dossiers, sans recourir majoritairement à des collaborateurs.
287. Il existe donc un potentiel de développement d'offices supplémentaires, sans que cela porte atteinte à la qualité des prestations rendues devant les juridictions de cassation.
288. Toutefois, le vivier de candidats est relativement faible (entre 10 et 15 personnes dans les deux ans à venir) et le nombre de dossiers traités annuellement par les deux juridictions suprêmes est en baisse et son évolution à moyen terme reste incertaine.
289. L'Autorité propose ainsi, comme en 2021, la création de deux offices supplémentaires d'avocats aux Conseils sur la prochaine période biennale (2023-2025), soit un accroissement de 3 %.
290. Par ailleurs, l'Autorité salue les avancées très significatives réalisées dans la modernisation de la profession et la promotion de l'accès des femmes à la profession d'avocat aux Conseils et de la prise en compte de plusieurs de ses précédentes recommandations qualitatives. Toutefois, quelques mesures complémentaires pourraient permettre d'améliorer, de façon incrémentale, l'accès aux offices d'avocats aux Conseils.
291. En particulier, la transparence dans l'examen des candidatures aux offices créés peut encore être améliorée, notamment par la transmission de l'avis de la commission de classement à chaque candidat et en veillant à ce que la motivation y soit suffisamment détaillée.
292. A plus long terme, l'étroitesse du vivier de candidats ne doit pas faire obstacle à la réalisation de l'objectif inscrit dans la loi d'une augmentation progressive du nombre d'offices. Afin d'ouvrir davantage l'accès à la profession d'avocat aux Conseils, l'information sur cette profession et sur les voies d'accès différenciées, qui restent encore aujourd'hui insuffisamment connues, devra donc être élargie à un plus grand nombre d'étudiants et de professionnels du droit, notamment ceux qui collaborent déjà avec des avocats aux Conseils.
293. Enfin, il semble utile de réfléchir à une attribution plus transparente, objective et équitable des charges collectives réparties par l'Ordre entre les offices d'avocats aux Conseils, afin de mieux tenir compte de leur charge de travail et de leur taille. Dans le même sens, il convient de veiller à ce qu'un roulement plus fréquent soit assuré au sein des bureaux d'aide juridictionnelle, par exemple, en nommant plus d'avocats aux Conseils et en évitant les mandats de trop longue durée.


Délibéré sur le rapport oral de Mme Lucile Fournereau, Mme Olivia Pingret et Mme Charlotte Trébuchet Weil, rapporteures, et l'intervention de Mme Leila Benalia, rapporteure générale adjointe, par M. Benoît Cœuré, président, M. Henri Piffaut, Mme Irène Luc, Mme Fabienne Siredey-Garnier et M. Thibaud Vergé, vice-présidents et M. Frédéric Marty et M. Walid Chaiehloudj, membres.