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Article AUTONOME (Avis n° 23-A-03 du 7 avril 2023 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)

Article AUTONOME (Avis n° 23-A-03 du 7 avril 2023 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)


116. L'Autorité constate ainsi comme dans son précédent avis que les nouveaux offices semblent avoir réussi leur démarrage. Sur la base des données annuelles 2017-2021, aucun des offices étudiés n'apparaît en difficulté financière.
117. Cependant, ces nouveaux offices pourraient rencontrer, à moyen terme, des difficultés à développer leur activité, comme certains le remarquent (106). En effet, comme dans ses précédents avis, l'Autorité relève que certains facteurs structurels limitent la mobilité des clients (avocats à la cour et clients institutionnels) entre offices. Concrètement, ces freins tiennent essentiellement aux règles déontologiques restrictives en matière de communication commerciale, à la fidélité de la clientèle et à la difficulté de démarcher les clients institutionnels. Un assouplissement des règles en matière de communication commerciale permettrait notamment aux offices récemment créés de continuer à développer leur clientèle d'avocats à la cour (premiers apporteurs d'affaires de ces offices), au-delà de ce que leur réseau ou bien le bouche-à-oreille leur permet de faire aujourd'hui. S'agissant des clients institutionnels, ils s'avèrent plus difficilement accessibles pour les nouveaux offices en raison de leur fidélité à leur avocat aux Conseils historique ou bien de leurs procédures de sélection des avocats aux Conseils.
118. A cet égard, il ressort d'un questionnaire adressé par l'Autorité à l'ensemble des offices d'avocats aux Conseils (107) qu'une majorité des répondants a, dans le passé, répondu à des appels d'offres, principalement dans le secteur public. De plus, environ 70 % des offices envisagent de le faire. Néanmoins, qu'ils répondent ou non à des appels d'offres, ils sont également plus de 70 % à considérer que cela représente une charge de travail trop lourde, compte tenu de la faible probabilité de sortir victorieux et de la charge de travail de l'office. Plusieurs offices regrettent d'ailleurs que des clients institutionnels recourent aux appels d'offres pour des marchés de « petite taille », pour lesquels un tel formalisme représente, selon eux, une charge excessive. En effet, les quelques offices ayant indiqué avoir remporté des appels d'offres évoquent plusieurs marchés d'une valeur inférieure à 10 000 euros (certains marchés ont été remportés par des offices récemment créés).
119. S'agissant plus particulièrement des offices créés depuis 2017 ayant répondu au questionnaire (9 offices sur 10), 6 d'entre eux ont déjà répondu à des appels d'offres ou envisagent de le faire. Les offices qui l'ont déjà fait envisagent de recommencer. Une majorité des offices récemment créés estime que répondre à un appel d'offres représente une opportunité d'accroître la clientèle à moyen terme, lorsque la structure de l'office sera plus robuste (plus de personnel par exemple).
120. Par ailleurs, l'Autorité a reçu le cahier des charges et le système d'évaluation des offres utilisés en 2022 par une administration publique (108). Il ressort notamment de ces documents que les marchés sont renouvelés régulièrement (au moins tous les 4 ans), mais que l'expérience est le critère pesant le plus lourd dans la note globale attribuée au soumissionnaire. La quantité de moyens humains et matériels mis à disposition joue également un rôle important dans la sélection.
121. En conséquence, les appels d'offres peuvent être utiles pour développer l'activité des avocats aux Conseils mais, compte tenu de la lourdeur de la procédure pour y répondre et des critères de sélection utilisés, ils représentent un apport d'affaires difficile à obtenir pour les petites structures, telles que les offices récemment créés.


C. - Etat des lieux de la demande


122. Les critères du décret n° 2016-215 susvisé permettant d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de la demande sont les suivants :


- l'évolution de l'activité de la Cour de cassation et de la section du contentieux du Conseil d'Etat au cours des cinq dernières années telle que résultant des rapports d'activité publiés annuellement par ces deux juridictions (sur le fondement des articles R. 431-9 du code de l'organisation judiciaire et R. 123-5 du code de justice administrative) ;
- l'évolution du nombre de décisions prononcées par les juridictions du fond susceptibles de pourvoi en cassation au cours des cinq dernières années.


123. La période étudiée dans cette partie, 2017-2021, est marquée par la crise sanitaire. L'Autorité s'est donc attachée à décrire de façon détaillée l'impact de cet évènement sur l'activité des juridictions suprêmes à partir du printemps 2020.


1. L'activité contentieuse devant le Conseil d'Etat
a) Le contentieux devant le Conseil d'Etat


124. Les avocats aux Conseils interviennent en amont de l'introduction d'un pourvoi ou d'un recours devant le Conseil d'Etat, puis tout au long de la procédure pour les pourvois et recours ayant fait l'objet d'une admission (mémoires en défense, en réplique, audiences, observations orales…). L'indicateur d'activité le plus pertinent est donc le nombre d'affaires enregistrées, car il fournit une indication précise de l'activité des avocats aux Conseils au cours de l'année concernée, mais également au cours des années suivantes, compte tenu du délai de traitement des dossiers.
125. A l'exclusion des ordonnances du président de la section du contentieux relatives aux recours contre les refus d'aide juridictionnelle et aux questions de répartition de compétence au sein de la juridiction, qui ne font pas intervenir les avocats aux Conseils, on constate une hausse de 20 % du nombre d'affaires enregistrées entre 2017 et 2021.
126. Le nombre d'affaires nouvelles (109) s'est maintenu en 2020 (+ 3 %), soutenu par la hausse des référés liés au contexte créé par la crise sanitaire (110), et a augmenté de 11 % en 2021. Hors référés, le nombre de nouveaux dossiers est en baisse de 11,5 % en données nettes (111), principalement en raison du report des délais légaux (112). De même, les décisions rendues (113) sont restées stables en 2020 (- 1 %), puis ont augmenté de 20 % en 2021. La crise sanitaire semble, néanmoins, avoir eu un effet plus durable sur les affaires en stock, qui sont en hausse de 5 % sur la période 2019-2021.
127. Lors de son audition du 6 décembre 2022, le président de la section du contentieux a indiqué à propos de l'impact de la crise sanitaire : « En 2020, il y a eu une baisse de tous les contentieux, sauf des référés (qui ont été multipliés par deux). Cette baisse est consécutive au report des délais légaux mis en place dès le premier confinement.


Nous avons pu faire un déstockage massif des dossiers déjà enregistrés avant le début de la crise dès la reprise des audiences, fin août 2020.
En 2021, nous avons observé une poursuite du rebond constaté pour les référés, mais depuis mars 2022 ils sont revenus au niveau de 2019.
Plus globalement, sur la période 2019-2021, nous observons une hausse des pourvois de 5 % » (114).


Tableau 5. - Nombre d'affaires portées devant le Conseil d'Etat (données nettes de séries) (115)



Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page


Source : Conseil d'Etat, Rapport public 2021, traitement par l'Autorité de la concurrence.