Le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, les secrétaires générales de la Première présidence et de la présidence du Parquet général de la Cour de cassation, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et deux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation entendus sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 463-7 du code de commerce ;
Les rapporteures, la rapporteure générale adjointe, les représentants du ministère de la justice et la commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 14 mars 2023 ;
Est d'avis :
- de recommander la création d'offices d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
- d'établir un bilan sur l'accès aux offices, et de formuler des recommandations au garde des sceaux, ministre de la justice, afin d'améliorer cet accès ;
Sur la base des observations suivantes :
Résumé (1)
En vertu de l'article L. 462-4-2 du code de commerce créé par l'article 57 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité ») rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Cet avis, émis au moins tous les deux ans, formule également des recommandations pour améliorer l'accès aux offices et permettre une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants.
L'Autorité a émis trois précédents avis, respectivement publiés au Journal officiel le 1er novembre 2016, le 1er novembre 2018 et le 9 avril 2021. Alors que le nombre de 60 offices était resté inchangé depuis 1817, l'Autorité a recommandé la création de quatre offices en 2016, quatre offices en 2018 et deux offices en 2021. Dix offices ont ainsi été créés par arrêtés du garde des sceaux des 5 décembre 2016, 22 mars 2019 et 20 avril 2021, permettant au total à 13 nouveaux avocats aux Conseils de s'installer dans les offices créés. Ces nominations ont largement contribué à l'augmentation du nombre d'avocats aux Conseils ces dernières années, lequel est passé de 112 à 131 entre 2016 et aujourd'hui.
Après un bref rappel du cadre légal et réglementaire applicable, le présent avis vise à présenter un état des lieux des évolutions récentes de l'offre et de la demande au cours des cinq dernières années, en prenant notamment en compte les conséquences de la crise sanitaire survenue en mars 2020, afin d'émettre de nouvelles recommandations quantitatives et qualitatives.
Du point de vue de l'offre, malgré une croissance significative du nombre d'offices et de professionnels depuis 2017, les résultats financiers de la profession sur la période 2017-2021, notamment le taux de résultat, sont particulièrement élevés. L'impact de la crise sanitaire sur l'activité des avocats aux Conseils est certes perceptible, mais d'ampleur limitée. En effet, ces professionnels jouissent de plusieurs atouts qui leur ont permis de maintenir un haut niveau de rentabilité, notamment le recours aux collaborateurs externes et la liberté tarifaire.
En outre, l'augmentation des écarts de performance économique entre les offices, que l'on observe ces dernières années, est en grande partie imputable à l'intégration des nouveaux offices. En effet, ces derniers, bien qu'en forte croissance, présentent un chiffre d'affaires moyen moins élevé que les offices historiques.
Du côté de la demande, l'activité de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, après avoir été temporairement affectée par la crise sanitaire en 2020, est rapidement revenue à la normale. Sur l'ensemble de la période 2017-2021, le nombre d'affaires enregistrées au Conseil d'Etat a augmenté de 20 %. Néanmoins, les premières données disponibles concernant l'année 2022 indiquent une baisse d'activité. S'agissant de la Cour de cassation, différentes réformes engagées ces dernières années sont, parmi d'autres facteurs, à l'origine d'une baisse structurelle de son activité en matière civile depuis plusieurs années. Il est probable que ces réformes continueront à produire leurs effets dans les années à venir.
Dès lors, pour les deux années à venir, la baisse globale de l'activité de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat pourrait se poursuivre.
L'Autorité relève enfin que le vivier actuel de candidats à la nomination dans un office créé ou existant serait compris entre une dizaine et une quinzaine de personnes pour la période 2023-2025 et qu'une partie de cet effectif pourrait être mobilisée pour maintenir le niveau d'offre actuel, dans le cadre de départs à la retraite de titulaires ou d'associés d'offices existants. Les perspectives d'évolution du nombre d'avocats aux Conseils restent donc limitées dans les deux années à venir.
Ces différentes considérations conduisent l'Autorité à adopter une approche prudente et à recommander la création de 2 offices d'avocats aux Conseils sur la prochaine période biennale.
Au-delà de ces recommandations quantitatives, l'Autorité relève - avec satisfaction - que plusieurs des recommandations qualitatives qu'elle avait formulées dans ses précédents avis ont été suivies. En effet, la direction des affaires civiles et du sceau publie désormais la liste des pièces à fournir en accompagnement de la demande de nomination (2) et transmet, individuellement aux candidats, l'état d'avancement de leur dossier de candidature et de la procédure de nomination en cours (3). L'Ordre, quant à lui, a continué de développer l'information sur l'accès à la profession d'avocat aux Conseils délivrée aux candidats potentiels (4), au travers de diverses mesures de communication.
Certaines mesures complémentaires apparaissent néanmoins utiles pour rendre encore plus transparentes la sélection et la nomination des candidats aux offices créés, faciliter le développement des offices créés, améliorer la collecte d'informations sur l'activité des offices et, à plus long terme, élargir le vivier des candidats potentiels afin de respecter l'objectif inscrit dans la loi d'une augmentation progressive du nombre d'offices.
Sommaire
INTRODUCTION
I. - Cadre légal et réglementaire
A. - Présentation générale de la profession
B. - La formation des avocats aux Conseils
C. - Les rémunérations perçues par l'avocat aux Conseils
1. Des honoraires libres
2. L'aide juridictionnelle
D. - Les évolutions récentes en matière de discipline et de déontologie
E. - Les modalités d'installation et les précédents avis de l'Autorité
1. Le cadre applicable aux installations dans les offices créés
a) Une liberté d'installation régulée
b) Les conditions de nomination dans les offices créés
2. Les précédents avis de l'Autorité et les offices créés
a) Les avis n° 16-A-18 du 10 octobre 2016 et n° 18-A-11 du 25 octobre 2018
b) L'avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021
F. - Le présent avis et la consultation publique
II. - Etat des lieux de l'offre et de la demande
A. - Evolution de la situation économique et sanitaire depuis 2021
1. La fin des restrictions sanitaires et la reprise de l'activité économique
2. L'économie française touchée par une accélération de l'inflation
B. - Etat des lieux de l'offre
1. Evolution du nombre de professionnels
a) La croissance du nombre de professionnels
b) Le vivier traditionnel de candidats potentiels à l'installation reste limité
c) Le renouvellement des professionnels en place
2. L'évolution de l'activité et du niveau de revenu des professionnels
a) Les résultats financiers par office et par avocat libéral
b) L'activité, la rentabilité et l'organisation des avocats aux Conseils
Une activité prédominante sur des dossiers en monopole
Un ajustement des honoraires en réponse aux variations de l'activité juridictionnelle
Un nombre toujours élevé de dossiers traités par professionnel
Un recours toujours important aux collaborateurs libéraux
c) La situation des offices créés depuis 2017
C. - Etat des lieux de la demande
1. L'activité contentieuse devant le Conseil d'Etat
a) Le contentieux devant le Conseil d'Etat
b) Le contentieux devant les juridictions administratives du fond
c) L'évolution attendue de l'activité des avocats aux Conseils devant le Conseil d'Etat
2. L'activité contentieuse devant la Cour de cassation
a) La baisse du contentieux devant la Cour de cassation
L'évolution du volume d'activité
L'évolution des taux de cassation
b) La baisse du contentieux devant les juridictions judiciaires du fond
L'évolution du volume d'activité des cours d'appel
L'évolution des pourvois en cassation
c) La sélectivité de l'attribution de l'aide juridictionnelle devant la Cour de cassation
d) Les réformes susceptibles d'affecter l'activité des avocats aux Conseils
e) Conclusion sur l'activité de la Cour de cassation
III. - Détermination du nombre recommandé de créations d'office
A. - Un potentiel d'accroissement de l'offre
B. - Les facteurs justifiant une approche prudente
IV. - Autres recommandations de l'Autorité
A. - Bilan et perspectives en matière d'accès à la profession d'avocat aux Conseils
1. L'information délivrée aux candidats aux offices d'avocat aux Conseils
a) La liste des pièces justificatives accompagnant la demande de nomination à un office créé
b) L'état d'avancement du dossier de candidature et de la procédure de nomination
c) L'information des candidats potentiels sur l'accès à la profession d'avocat aux Conseils
La communication réalisée par l'Ordre
La communication réalisée par l'IFRAC
d) La diffusion d'informations sur les opportunités d'emplois au sein de la profession
2. L'accès des femmes aux offices
3. La périodicité des avis relatifs à la liberté d'installation des avocats aux Conseils
B. - Nouvelles recommandations
1. Recommandation visant à élargir l'accès à la profession
a) L'information relative aux voies d'accès à la profession
b) La simplification des voies d'accès à la profession afin d'élargir le vivier de candidats potentiels
2. Recommandations visant à améliorer la transparence et l'objectivité de l'examen des candidatures à des offices créés
a) La transparence des modalités d'examen des candidatures par la commission de classement
b) L'information actualisée sur l'état des candidatures aux offices créés
3. Recommandation visant à faciliter le développement des offices créés
4. Recommandation relative à la transmission des données
CONCLUSION
INTRODUCTION
1. Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (ci-après « avocats aux Conseils ») sont des officiers ministériels nommés par le garde des sceaux, ministre de la justice, dans un office existant, vacant ou créé. Au 1er janvier 2023, 131 avocats aux Conseils (dont 2 avocats salariés) exercent dans 70 offices.
2. Le présent avis est adopté dans le cadre des missions confiées à l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité ») par l'article L. 462-4-2 du code de commerce, créé par l'article 57 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (ci-après « loi CAECE »). Il porte sur la liberté d'installation des avocats aux Conseils. Il formule des recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices et de permettre une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants. Il établit, en outre, un bilan en matière d'accès des femmes et des hommes à ces offices.
3. L'annexe fait partie intégrante du présent avis.
4. Conformément à l'article 3 du décret du 26 février 2016 susvisé, le présent avis et les recommandations dont il est assorti seront publiés au Journal officiel de la République française (ci-après « JORF »).
I. - Cadre légal et réglementaire
5. Bénéficiant d'un double monopole, attaché à l'attribution par l'Etat de matières réservées et d'un office ministériel (A), ainsi qu'à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession délivré à l'issue d'une formation exigeante (5) (B), les avocats aux Conseils jouissent d'une liberté tarifaire (C) et sont soumis à un corpus de règles qui a connu des évolutions notables ces dernières années (D). Pour la première fois depuis 1817, la réforme opérée par la loi du 6 août 2015 précitée a permis la création de nouveaux offices d'avocats aux Conseils « [a]u vu des besoins identifiés par l'Autorité de la concurrence » dans ses avis de 2016, 2018 et 2021 (E). C'est dans ce même cadre rénové que s'inscrivent le présent avis de l'Autorité et les recommandations dont il est assorti (F).
A. - Présentation générale de la profession
6. Les avocats aux Conseils sont titulaires d'un office attribué par l'Etat. Ils disposent d'un monopole de représentation des justiciables devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pour les pourvois en cassation dans la plupart des matières, ainsi que devant le Tribunal des conflits, ce qui représente environ 90 % de leur activité. Le reste de leur activité résulte d'interventions devant d'autres juridictions (tribunaux administratifs, cours administratives d'appel, Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l'homme, Cour de justice de l'Union européenne, etc.) et de missions de conseil juridique.
7. Par dérogation aux dispositions réglementaires prévoyant la représentation obligatoire par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et depuis le 19 février 2021, il est possible pour les « ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen autre que la France, […] habilités dans l'Etat membre ou partie où ils sont établis à représenter les parties devant la ou les juridictions suprêmes, juges de cassation, qui y consacrent à titre habituel une part substantielle de leur activité […] », d'assister ou de représenter un client devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation (6).
8. Le statut des avocats aux Conseils est précisé par l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée (7). Par ailleurs, l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances, qui prévoit l'existence d'un droit de présentation au profit des officiers ministériels, s'applique aux avocats aux Conseils.
9. Si les avocats aux Conseils exercent en principe leur métier à titre libéral, il est néanmoins possible d'« exercer sa profession en qualité de salarié d'une personne physique ou d'une personne morale titulaire d'un office […] » (8). Chaque office ne peut employer plus d'un avocat aux Conseils salarié (9).
10. Par ailleurs, l'avocat aux Conseils libéral « peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit dans le cadre d'une entité dotée de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant » (10) (soulignement ajouté). A cet égard, les textes applicables à l'exercice de la profession d'avocat aux Conseils sous la forme juridique d'une société sont les suivants :
- le décret n° 78-380 du 15 mars 1978 portant application à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales ;
- l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, complétée par le décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 relatif à la constitution, au fonctionnement et au contrôle des sociétés pluri-professionnelles d'exercice (« SPE ») de professions libérales juridiques, judiciaires et d'expertise comptable prévues au titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- le décret n° 2016-881 du 29 juin 2016 relatif à l'exercice de la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sous forme de société autre qu'une société civile professionnelle, pris pour l'application de l'article 63 de la loi CAECE précitée.
11. L'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées, prise sur le fondement de l'article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante, a pour objectif de sécuriser et simplifier le cadre juridique applicable à l'exercice en société des professions libérales réglementées. En effet, elle regroupe en un texte unique l'ensemble des textes transversaux applicables à ces professions afin d'harmoniser et de simplifier les différents dispositifs les concernant. Cette ordonnance entrera en vigueur le 1er septembre 2024.
12. Ainsi, seront abrogées les lois du 29 novembre 1966 et du 31 décembre 1990 précitées (11), mais dont la substance sera reprise au sein de l'ordonnance. Les deuxième au cinquième alinéas de l'article 3-2 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée, portant sur l'exercice de la profession d'avocat aux Conseils sous la forme juridique d'une société (12), sont remplacés par une rédaction, commune à plusieurs professions réglementées du droit, sur le fonctionnement des sociétés de capitaux à l'exercice libéral (SARL, SAS, SCA, etc.), désormais soumis au titre III de l'ordonnance du 8 février 2023.
13. Le nombre maximal d'associés au sein d'une société civile professionnelle d'avocats aux Conseils est fixé à quatre (13). En revanche, les autres formes sociales ne connaissent pas de limitation analogue (14).
B. - La formation des avocats aux conseils
14. La formation des avocats aux Conseils fait l'objet d'un règlement (15) adopté par le Conseil de l'Ordre et approuvé par le garde des sceaux. Elle est organisée par l'Institut de formation et de recherche des avocats aux Conseils (ci-après « IFRAC »). Cette formation dure trois ans. Elle comprend un enseignement théorique, la participation aux travaux de la conférence du stage et des travaux de pratique professionnelle. La troisième année de formation vise à préparer les épreuves du certificat d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (ci-après « CAPAC »). Contrairement aux deux premières années, la dernière année de formation n'est pas sanctionnée par un examen, mais elle donne lieu à la délivrance d'un certificat de fin de formation qui permet de s'inscrire au CAPAC (16). Ce certificat de fin de formation est délivré « sur proposition du conseil d'administration » de l'IFRAC (17).
15. En outre, les travaux de pratique professionnelle correspondent à un stage effectué dans le cadre d'un contrat de collaboration libérale avec un avocat aux Conseils. Il revient au directeur de l'IFRAC de demander au conseil de l'Ordre de désigner un maître de stage pour tout étudiant qui n'aurait pas trouvé de stage (18).
16. L'article 1er du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 modifié relatif aux conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation énumère huit conditions cumulatives. Quatre d'entre elles sont strictement exigées, à savoir :
- « être français ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;
- « n'avoir pas été l'auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs » ;
- « n'avoir pas été l'auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation » ;
- et « n'avoir pas été frappé de faillite personnelle ou de l'interdiction prévue à l'article L. 653-8 du code de commerce ».
17. Quatre autres conditions font l'objet de dispenses (sauf quelques épreuves du CAPAC) (19) à l'égard de certains professionnels (20) dont la liste est limitativement énumérée aux articles 2 à 4 du décret précité. Il s'agit des cas suivants :
- « être titulaire […] d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'accès à la profession d'avocat » ;
- « avoir été inscrit pendant un an au moins au tableau d'un barreau […] » ;
- « avoir suivi la formation prévue au titre II […] » ;
- « avoir subi avec succès l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation [CAPAC] prévu au titre III […] ».
18. Ainsi, seuls les professionnels bénéficiant des cas de dispense prévus sont admis à se présenter au CAPAC sans être titulaires du certificat de fin de formation délivré à la fin des trois ans de scolarité à l'IFRAC (21) ou sans condition de diplômes ni d'inscription au barreau depuis au moins un an.
19. L'examen du CAPAC comprend trois épreuves écrites d'admissibilité, puis trois épreuves orales d'admission (22) et nul ne peut se présenter plus de trois fois. En outre, les professionnels bénéficiant de dispenses pour certaines conditions d'accès à la profession peuvent, selon leur profil, être dispensés de l'ensemble ou bien d'une seule des épreuves écrites d'admissibilité (23).
20. S'agissant des épreuves orales, deux d'entre elles demeurent obligatoires pour tous les candidats. Elles portent sur la réglementation professionnelle et la gestion d'un office, d'une part, et sur les règles de procédure applicables devant les hautes juridictions, d'autre part.
21. Le jury de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat aux Conseils est composé comme suit (24) :
- deux conseillers d'Etat ;
- un conseiller et un avocat général à la Cour de cassation, l'un affecté à l'une des chambres civiles et l'autre à la chambre criminelle ;
- un professeur d'université, chargé d'un enseignement juridique ;
- trois avocats aux Conseils.
22. Les membres de ce jury sont désignés pour une durée de quatre ans, renouvelable une fois, par arrêté du garde des sceaux (25).
23. En outre, depuis le 1er septembre 2020, le décret n° 2020-746 du 17 juin 2020 relatif à la formation à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation a modifié la gouvernance et le déroulement de la formation des avocats aux Conseils.
24. Ces nouvelles dispositions confèrent une autonomie de gestion à l'IFRAC par rapport à l'Ordre (26) et prévoient que l'institut est dirigé par un professeur des universités, nommé pour une durée de trois ans, renouvelable une fois par le conseil d'administration et sur proposition du conseil de l'Ordre. Il est assisté de deux directeurs adjoints, ayant la qualité d'avocat aux Conseils, et désignés par le conseil de l'Ordre. Par ailleurs, l'IFRAC est doté d'un conseil d'administration composé d'un conseiller d'Etat, d'un magistrat hors hiérarchie du siège ou du parquet général de la Cour de cassation, du directeur et des deux directeurs adjoints susmentionnés, ainsi que d'un représentant des étudiants. En outre, la formation demeure assurée dans les conditions définies par un règlement établi par le conseil de l'Ordre, après avis du conseil d'administration de l'IFRAC et soumis à l'approbation du garde des sceaux.
25. Par ailleurs, depuis 2020, la formation peut être suspendue sans que l'étudiant ait à justifier d'un motif légitime pendant une durée maximum d'un an. Le président de l'Ordre et le directeur de l'IFRAC doivent être informés de cette suspension. Une demande de prolongation de la suspension peut être adressée au président de l'Ordre, qui statue après avis du directeur de l'IFRAC, et après que la personne concernée a été entendue ou appelée. La décision doit être motivée et lui être notifiée (27).
26. Enfin, la radiation d'une personne admise à la formation intervient par décision du Conseil de l'Ordre, après avis du conseil d'administration de l'IFRAC. La personne radiée doit être informée du ou des motifs de la radiation (28).
C. - Les rémunérations perçues par l'avocat aux Conseils
1. Des honoraires libres
27. A l'inverse des autres officiers ministériels, notaires et commissaires de justice, concernés par la réforme de la liberté d'installation instaurée par la loi CAECE (29), les avocats aux Conseils ne sont pas soumis à des tarifs réglementés. La rémunération des avocats aux Conseils est essentiellement constituée d'honoraires libres (30), convenus entre le professionnel et le client dans le cadre d'une convention d'honoraires écrite (31). Cette dernière précise « le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés » (32). L'avocat aux Conseils peut exiger le versement préalable de tout ou partie de ses frais et honoraires, mais il s'interdit de recourir à une procédure de recouvrement forcé de ses honoraires (33).
28. De même, il n'existe pas de procédure de réclamation en matière d'honoraires au bénéfice du client comparable à celle qui existe pour les avocats à la Cour devant le bâtonnier en application des dispositions des articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Néanmoins, un client contestant le montant des honoraires qui lui sont réclamés peut saisir le président de l'Ordre des avocats aux Conseils afin que celui-ci fasse usage de ses pouvoirs de conciliation ou de modération, voire décide d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre d'un avocat aux Conseils ayant manqué à ses obligations déontologiques (34).
29. Les honoraires doivent être fixés en fonction « de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, de sa notoriété et des diligences de celui-ci » (35). Il est possible de fixer un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu, mais il est interdit de subordonner la détermination du montant total des honoraires au résultat de l'affaire (36).
30. L'avocat aux Conseils n'est pas tenu de justifier du décompte des frais et débours (37). De plus, les honoraires sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée.
31. Une partie des honoraires de l'avocat aux Conseils est usuellement rétrocédée aux collaborateurs de l'office au titre de leur rémunération. Cette rétrocession peut prendre la forme soit d'une rémunération mensuelle forfaitaire négociée avec l'office, soit d'une rémunération forfaitaire au dossier (38).
2. L'aide juridictionnelle
32. En plus de son activité libérale, l'avocat aux Conseils prête son concours, dans le cadre de charges collectives obligatoires, aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle. Cette aide consiste en la prise en charge par l'Etat de tout ou partie des frais de procédure, incluant les honoraires de l'avocat aux Conseils (39). Une partie, « dont les ressources sont insuffisantes » (40), et ayant recours aux services d'un avocat aux Conseils, peut en demander le bénéfice auprès des bureaux d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation ou près le Conseil d'Etat.
33. Après examen du dossier, l'aide peut être accordée partiellement ou totalement, en fonction des critères définis par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique (41). Ces critères comprennent principalement une condition de nationalité (ou de résidence habituelle) et une condition de ressources (revenu fiscal de référence, patrimoine mobilier et patrimoine immobilier). Les plafonds de ressources sont revalorisés chaque année (42).
34. Pour l'année 2023, l'aide juridictionnelle totale est attribuée à un demandeur justifiant d'un revenu fiscal de référence inférieur ou égal à 12 271 euros (43). Pour l'aide partielle, le revenu fiscal de référence du demandeur doit être inférieur ou égal à 18 404 euros. De plus, le demandeur doit également disposer d'un patrimoine mobilier ou financier inférieur ou égal à 12 271 euros ainsi que d'un patrimoine immobilier inférieur ou égal à 36 808 euros (44).
35. Chaque bureau d'aide juridictionnelle compte des membres de la Cour de cassation ou du Conseil d'Etat (selon l'ordre juridictionnel concerné), des avocats aux Conseils, un représentant « du ministre des finances ou du ministre chargé du budget », un représentant du ministre « chargé de l'aide sociale » et un représentant des usagers (45).
36. Lorsque la décision d'admission est prononcée, il appartient à l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de désigner un avocat aux Conseils (46), à l'exception des cas où le bénéficiaire a déjà choisi celui par lequel il souhaite être représenté.
37. Au titre d'une aide juridictionnelle totale, les montants versés aux avocats aux Conseils, en application des articles 90 et 91 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 relatif à l'aide juridique sont les suivants :
- chaque dossier devant le Conseil d'Etat, la Cour de cassation ou le Tribunal des conflits est rémunéré 382 euros hors taxes (HT) ;
- en cas de demande de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle, la rétribution est de 115 euros HT et en cas de demande adressée au juge des référés, la rétribution est de 153 euros HT ;
- en cas d'intervention dans la procédure de saisine pour avis du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, la rétribution est de 191 euros HT ;
- en cas d'intervention devant les autres juridictions, la rétribution est égale à celle qui résulte du barème prévu à l'article 86 du décret (47), identique à celles des autres avocats ;
- en cas d'intervention dans le cadre de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation, la rétribution est de 191 euros HT, le cas échéant majorée de 382 euros HT en cas d'intervention ultérieure devant le Conseil constitutionnel (48).
38. Au cours de l'instruction du présent avis, la Chancellerie a indiqué qu'une revalorisation de ces montants, inchangés depuis 1991, devrait bientôt intervenir. En effet, un projet de décret en préparation vise à augmenter de 50 % la rétribution versée aux avocats aux Conseils au titre de l'aide juridictionnelle (49).
39. Il est à noter que le juge peut, sur demande de l'avocat aux Conseils, lui allouer une rétribution dont il fixe le montant pour les diligences accomplies au cours de l'instance dans les trois cas suivants : (i) extinction de l'instance pour une autre cause qu'un jugement, une transaction ou un accord intervenu dans le cadre d'une procédure participative ; (ii) radiation ou retrait du rôle ; et (iii) non-lieu ou désistement devant les juridictions administratives (50).
D. - Les évolutions récentes en matière de discipline et de déontologie
40. Dans son rapport du 21 octobre 2020 sur la discipline des professions du droit et du chiffre (51), l'inspection générale de la justice (ci-après « IGJ ») a dressé un panorama général du régime disciplinaire des professions du droit et du chiffre. Elle constate que la diversité des textes applicables en matière de déontologie et de discipline est « source de confusion » (52) et plaide, partant, en faveur d'une refonte du dispositif juridique actuel.
41. Sur la base des constats et des recommandations de la mission de l'IGJ, le Gouvernement a souhaité engager une réforme du cadre légal et réglementaire de la déontologie et de la discipline des professions du droit (53). Le titre V de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire constitue la traduction de ce souhait en matière de déontologie et de discipline des officiers ministériels et des avocats.
42. Le cadre de la discipline des officiers ministériels est décliné autour de quatre textes formant un corpus juridique unique applicable en matière de déontologie et de discipline (54). La surveillance des officiers ministériels est désormais confiée au procureur général, à l'exception des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation compte tenu de leur statut spécifique et de leur rôle auprès de ces juridictions (55). En outre, de nouvelles juridictions disciplinaires, présidées par un magistrat, sont créées et disposent de services d'enquête indépendants. Enfin, la loi précitée du 22 décembre 2021 investit les instances de chaque profession de pouvoirs préventifs destinés à mettre en conformité l'action du professionnel avec ses obligations. Un collège de déontologie, chargé notamment de participer à la rédaction d'un code de déontologie, est placé auprès de l'instance nationale de chaque profession.
43. S'agissant des règles déontologiques des officiers ministériels, compte tenu des spécificités de chaque profession, le législateur a fait le choix de laisser à l'instance nationale de chaque profession le soin de les préparer (56). Elles se composent d'un code de déontologie et d'un ensemble de règles professionnelles, qui précisent les dispositions du code. Le code de déontologie des avocats aux Conseils a récemment été adopté par le décret n° 2023-146 du 1er mars 2023 (57). Il entrera en vigueur à partir du 2 mai 2023, le temps pour l'Ordre d'adopter, par la voie d'un règlement professionnel, les prochaines règles professionnelles applicables à la profession. Ces deux documents reprennent quasiment à droit constant le règlement général de déontologie des avocats aux Conseils, actuellement en vigueur, du 5 novembre 2020 (58).
E. - Les modalités d'installation et les précédents avis de l'Autorité
1. Le cadre applicable aux installations dans les offices créés
a) Une liberté d'installation régulée
44. Afin d'assouplir les conditions d'installation des avocats aux Conseils, l'Autorité a pour mission d'identifier le nombre de créations d'offices « nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard de critères définis par décret et prenant notamment en compte les exigences de bonne administration de la justice ainsi que l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions » (59).
45. Comme pour les autres officiers ministériels, l'objectif est de permettre « une augmentation progressive du nombre d'offices à créer », afin d'ouvrir l'accès à la profession sans bouleverser les conditions d'activité des offices existants (60).
46. Le décret n° 2016-215 du 26 février 2016 portant définition des critères prévus pour l'application de l'article L. 462-4-2 du code de commerce a précisé, en son article 2, les critères qui permettent à l'Autorité d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de la demande et de l'offre, afin de déterminer le nombre de créations d'offices nécessaire pour assurer une offre de services satisfaisante.
b) Les conditions de nomination dans les offices créés
47. Le décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 modifiant les conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation définit de nouvelles conditions de nomination des avocats aux Conseils et modifie en conséquence les articles 24 à 29 du décret n° 91-1125 précité.
48. Les candidats remplissant les conditions générales d'aptitude à la profession d'avocat aux Conseils peuvent déposer auprès du garde des sceaux leur demande de nomination dans un délai de deux mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité (61). Depuis 2016, ces recommandations sont établies pour une période biennale, en application de l'article L. 462-4-2 du code de commerce.
49. Le garde des sceaux recueille, pour chaque candidature, l'avis motivé du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour. Il peut également solliciter un avis motivé du Conseil de l'Ordre « sur l'honorabilité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé ainsi que sur ses possibilités financières au regard des engagements contractés » (62).
50. Une commission est chargée d'examiner les candidatures et de les classer par ordre de préférence (63). Cette commission est composée de cinq membres (64), nommés par le garde des sceaux pour une durée de trois ans, renouvelable une fois (65) :
- le directeur des affaires civiles et du sceau ou son représentant ;
- un conseiller d'Etat, désigné sur proposition du vice-président du Conseil d'Etat ;
- un conseiller à la Cour de cassation, désigné sur proposition du premier président de la Cour de cassation ;
- un avocat général à la Cour de cassation, désigné sur proposition du procureur général près la Cour de cassation ;
- un avocat aux Conseils, désigné sur proposition du Conseil de l'Ordre.
51. Les nominations sont faites au choix par le garde des sceaux, après avis de cette commission (66).
52. Les avocats aux Conseils déjà installés peuvent postuler à la création d'un nouvel office, mais le décret prévoit, dans ce cas, que leur demande de nomination doit être accompagnée d'une demande de démission (pour un avocat exerçant à titre individuel) ou de retrait (pour un avocat associé), sous condition suspensive de nomination dans un nouvel office. Leur nomination dans ce nouvel office n'interviendra, le cas échéant, qu'après ou concomitamment à leur démission ou retrait (67).
2. Les précédents avis de l'Autorité et les offices créés
a) Les avis n° 16-A-18 du 10 octobre 2016 et n° 18-A-11 du 25 octobre 2018
53. Les 10 octobre 2016 et 25 octobre 2018, l'Autorité a respectivement rendu deux avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, publiés le 1er novembre 2016 et le 1er novembre 2018 au JORF.
54. Elle constatait, dans ces deux avis, une situation économique très favorable des offices existants. A l'appui de ce constat, elle soulignait qu'ils bénéficiaient d'une organisation flexible grâce au recours massif à des collaborateurs externes pour traiter les dossiers et à la liberté tarifaire. En outre, l'activité des juridictions suprêmes était globalement stable.
55. En conséquence, l'Autorité a recommandé la création de quatre offices sur la période courant jusqu'au 30 octobre 2018 et de quatre autres sur la période courant jusqu'au 30 octobre 2020. Ainsi, sur la période 2016-2020, ses recommandations ont porté le nombre d'offices d'avocats aux Conseils de 60 à 68.
b) L'avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021
56. Dans son troisième avis rendu le 23 mars 2021, publié le 9 avril 2021 au JORF, l'Autorité a recommandé la création de deux offices supplémentaires, sur la période courant jusqu'au 8 avril 2023, portant ainsi le nombre d'offices d'avocats aux Conseils à 70.
57. L'Autorité a relevé, du point de vue de l'offre, que malgré une croissance significative du nombre d'offices et de professionnels depuis 2017, les résultats financiers de la profession sur la période 2015-2019 demeuraient particulièrement élevés. En 2019, le taux de marge moyen était de 44 % et le bénéfice moyen par associé d'un peu plus de 0,5 million d'euros par an.
58. En outre, les offices créés en 2017 se sont développés rapidement. Leur taux de résultat moyen est passé de 51 % à 59 % entre 2017 et 2019. Toutefois, l'Autorité a rappelé que la concentration des affaires générant des chiffres d'affaires élevés et récurrents auprès des offices bien établis pourrait limiter les perspectives de croissance des nouveaux installés à moyen terme.
59. S'agissant de la crise sanitaire, l'Autorité a constaté un impact certain sur l'activité des avocats aux Conseils, notamment du fait de la baisse d'activité de la Cour de cassation. Si, en mars 2021, les conséquences de la situation sanitaire apparaissaient relativement plus limitées que sur les autres professions du droit étudiées par l'Autorité (notaires et commissaires de justice), l'évolution de l'épidémie et des perturbations engendrées demeuraient largement incertaines.
60. En outre, l'Autorité a souligné que, structurellement, les atouts dont jouissent les avocats aux Conseils, notamment le recours récurrent aux collaborateurs extérieurs ou encore la liberté tarifaire, leur ont permis de maintenir un haut niveau de rentabilité.
61. Enfin, les conséquences incertaines de la crise sanitaire à moyen terme, la faiblesse des effectifs de candidats à l'installation et la récente baisse des affaires enregistrées devant la Cour de cassation ont conduit l'Autorité à retenir une approche prudente dans ses recommandations.
62. Un arrêté du garde des sceaux du 20 avril 2021 a créé deux nouveaux offices (68). Par deux arrêtés du 25 août 2021, ces offices ont été attribués à un professionnel exerçant à titre individuel et à une société civile professionnelle comptant deux associés.
63. Ainsi, trois nouveaux professionnels ont pu accéder à l'exercice libéral de la profession au cours de la période 2020-2022. Au total, ce sont treize avocats aux Conseils qui ont pu accéder à l'exercice libéral de leur profession dans un office créé en application de la loi CAECE (69).
F. - Le présent avis et la consultation publique
64. L'article L. 462-4-2 du code de commerce dispose que :
« L'Autorité de la concurrence rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Elle fait toutes recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation dans la perspective d'augmenter de façon progressive le nombre de ces offices. Elle établit, en outre, un bilan en matière d'accès des femmes et des hommes à ces offices. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans.
A cet effet, elle identifie le nombre de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard de critères définis par décret et prenant notamment en compte les exigences de bonne administration de la justice ainsi que l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions.
Les recommandations relatives au nombre de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation permettent une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants.
L'ouverture d'une procédure sur le fondement du présent article est rendue publique dans un délai de cinq jours à compter de la date de cette ouverture, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, au conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi qu'à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, d'adresser à l'Autorité de la concurrence leurs observations.
Lorsque l'Autorité de la concurrence délibère au titre du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »
65. En application de cet article, il appartient donc à l'Autorité d'élaborer un nouvel avis sur la liberté d'installation des avocats aux Conseils et de réviser ses recommandations en matière de création d'offices.
66. Cette procédure de révision a été engagée le 14 septembre 2022, date de lancement par l'Autorité d'une consultation publique pour recueillir les observations des tiers intéressés. Les avocats aux Conseils, leur Ordre, leurs associations, groupements et syndicats professionnels, les personnes remplissant les conditions pour exercer cette profession et les associations de consommateurs agréées ont été invités à répondre à un questionnaire en ligne.
67. Au total, 33 contributions complètes ont été reçues par l'Autorité (contre 23 en 2020, 34 en 2018 et 12 en 2016), dont 28 provenant d'avocats aux Conseils libéraux (4 d'entre eux sont des professionnels nommés dans le cadre de la loi CAECE). De plus, trois collaborateurs d'offices d'avocats aux Conseils ont participé à la présente consultation publique, dont un est titulaire du CAPAC. Une synthèse des observations reçues figure en annexe.
II. - Etat des lieux de l'offre et de la demande
68. A la suite du repli majeur de l'activité entraîné en 2020 par la pandémie de Covid-19, l'économie française a rattrapé son niveau d'avant-crise en 2021. Elle a alors été touchée par les conséquences de l'invasion de l'Ukraine et en particulier par une montée de l'inflation qui perdure à l'heure actuelle (A). Les évolutions de l'offre (B) et de la demande (C) des prestations rendues par les avocats aux Conseils, que l'Autorité prend en compte pour identifier le nombre de créations d'offices nécessaires, sont donc examinées à l'aune de ce contexte particulier. Si l'impact négatif de la crise sanitaire sur l'activité de la profession a été relativement limité, ces professionnels bénéficiant d'une grande flexibilité dans leur organisation et la fixation de leurs honoraires, ils font face à une demande en baisse devant la Cour de cassation et, depuis très récemment, devant le Conseil d'Etat.
A. - Evolution de la situation économique et sanitaire depuis 2021
1. La fin des restrictions sanitaires et la reprise de l'activité économique
69. Depuis 2021, les mesures de restriction sanitaire ont été progressivement assouplies (70), jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire le 1er août 2022 (71) et, le 30 juin 2022, des principales mesures de soutien aux entreprises. En 2021, l'économie française a retrouvé son niveau d'avant-crise et le PIB a crû de 7 % (72). L'année suivante a été marquée par un ralentissement de la croissance économique sous l'effet de l'incertitude créée par l'invasion de l'Ukraine et de la hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation.
70. Après une baisse de l'ordre de 35 % entre janvier et avril 2020, l'indice de chiffre d'affaires des professions juridiques est progressivement remonté et a dépassé son niveau d'avant-crise dès l'automne 2020 (73). En décembre 2020, il était supérieur de 5,9 % par rapport à décembre 2019. En 2021 et 2022, cet indice a renoué avec la tendance à la hausse observée depuis 2015. L'indice moyen de chiffre d'affaires 2022 serait en hausse de 15,5 % par rapport à celui de 2019.
Figure 1. - Indice de chiffre d'affaires des activités juridiques
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Notes : Base 100 en janvier 2015. Les données concernant 2021 et 2022 ne sont pas définitives.
Source : INSEE, 28 février 2023