Après en avoir délibéré le 1er décembre 2022,
1. Rappel du cadre réglementaire
Aux termes de l'article L. 32-1 du CPCE, l'Arcep veille notamment :
« II.- […] [à] la protection des consommateurs […] et [à] la satisfaction des besoins de l'ensemble des utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, âgés ou ayant des besoins sociaux spécifiques, en matière d'accès aux services et aux équipements ; […]
[à] la promotion des numéros européens harmonisés pour les services à objet social et la contribution à l'information des utilisateurs finals, lorsque ces services sont fournis ; […]
III.- […] [à] l'utilisation et la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ; […] ».
Conformément aux dispositions des articles L. 33-1 et D. 98-8 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), les opérateurs doivent notamment acheminer gratuitement les communications d'urgence vers le centre compétent correspondant à la localisation de l'appelant et mettre sans délai à la disposition des services de secours, agissant dans le cadre de missions d'interventions de secours, les informations de localisation de l'appelant par un procédé sécurisé.
L'article D. 98-8 du CPCE précise :
« […] On entend par communications d'urgence, les communications effectuées au moyen de services de communications interpersonnelles, entre un utilisateur final et le centre de réception des communications d'urgence, dont le but est de demander et de recevoir des secours d'urgence de la part des services publics d'urgence chargés :
- de la sauvegarde des vies humaines ;
- des interventions de police ;
- de la lutte contre l'incendie ;
- de l'urgence sociale.
La liste des numéros destinés aux communications d'urgence est précisée par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse dans les conditions prévues à l'article L. 36-6. »
Aux termes de l'article L. 36-6, « […] l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse précise les règles concernant :
1° Les droits et obligations afférents à l'exploitation des différentes catégories de réseaux et de services, en application de l'article L. 33-1 ; […]
Les décisions prises en application du présent article sont, après homologation par arrêté du ministre chargé des communications électroniques, publiées au Journal officiel. »
En application de l'article L. 44 du CPCE, le plan national de numérotation téléphonique est établi et géré sous le contrôle de l'Autorité. Les principales règles d'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation ont ainsi été établies par sa décision n° 2018-0881 modifiée susvisée. Cette décision prévoit notamment que « la liste des numéros d'urgence est définie par la décision n° 02-1179 de l'Autorité en date du 19 décembre 2002 modifiée ».
Cette décision a été modifiée par les décisions de l'Arcep n° 2007-0180 en date du 20 février 2007, n° 2010-1233 en date du 14 décembre 2010, n° 2013-1405 en date du 17 décembre 2013, n° 2015-0153 du 17 mars 2015, n° 2016-0172 du 9 février 2016 et n° 2017-1251 en date du 23 octobre 2017, notamment afin de mettre à jour la liste des numéros d'urgence.
La liste des numéros d'urgence en vigueur à la suite de ces décisions est la suivante :
- 112 : numéro d'urgence européen ;
- 15 : sauvegarde des vies humaines - SAMU ;
- 17 : intervention de police - Police-Secours ;
- 18 : lutte contre l'incendie et sauvegarde des vies humaines - Pompiers ;
- 114 : numéro d'urgence pour les personnes déficientes auditives ;
- 115 : urgence sociale - SAMU social ;
- 119 : urgence sociale - Enfance en danger ;
- 116000 : urgence sociale - Enfants disparus ;
- 116111 : urgence sociale - Enfance en danger ;
- 116117 : sauvegarde des vies humaines - Permanence des soins ambulatoires ;
- 191 : urgences aéronautiques ;
- 196 : urgences maritimes ;
- 197 : alerte attentat - alerte enlèvement.
La décision n° 2017-1251 en date du 23 octobre 2017 prévoit que « à compter du 1er janvier 2023 et jusqu'au 31 décembre 2027, le numéro 119 est affecté à un service d'intérêt général consistant dans l'information du public sur l'existence du numéro d'urgence 116111 pour le service “Enfance en danger” ».
2. Demande de maintien du numéro d'urgence 119 pour l'enfance en danger
Par deux courriers en date du 18 juin 2020 et du 29 juillet 2022, la direction générale de la cohésion sociale a relayé et partagé à l'Arcep l'inquiétude du conseil d'administration du groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED) au sujet de la disparition du numéro 119 au profit du seul numéro 116 111, estimant un risque important de déperdition d'appels.
En effet, la DGCS rappelle que le 119 est un numéro bien connu du grand public grâce aux actions de communication régulièrement menées avec l'appui du ministère chargé de la famille (qui ne portent pas sur le 116111), d'autant que ce numéro est facilement mémorisable par les enfants, dont la part d'appels est en hausse depuis plusieurs années.
Elle estime ainsi que cette disparition pourrait être fortement préjudiciable à la politique de protection de l'enfance et demande son maintien sur la liste des numéros d'urgence.
3. Orientation de la Commission interministérielle de coordination pour les réseaux et services de communications électroniques (CICRESCE)
La demande du directeur général de la cohésion sociale de conserver l'inscription du numéro 119 sur la liste des numéros d'urgence pour l'enfance en danger a fait l'objet d'une présentation lors de la CICRESCE du 29 septembre 2022, en présence, en particulier, de représentants des opérateurs de communications électroniques qui doivent notamment acheminer gratuitement les appels passés aux numéros d'urgence.
Il a été précisé qu'en moyenne environ 98 % des appels d'urgence émis en 2019, 2020 et 2021 émis pour l'enfance en danger l'ont été sur le numéro 119 (1) et 2 % sur le numéro 116111. Par conséquent, la disparition du numéro 119 provoquerait une perte de lisibilité globale du dispositif et un risque de moindre captation des situations de danger des enfants, qui pourraient être fortement préjudiciables à la politique de protection de l'enfance et, en premier lieu, aux enfants eux-mêmes.
L'administrateur interministériel aux communications électroniques de défense a quant à lui souligné que le nombre important de numéros d'urgence - treize, à ce jour - était susceptible de nuire à la lisibilité globale du dispositif, qui exige que quiconque en situation d'urgence ne doit pas avoir à réfléchir au numéro à composer.
Interrogés par l'administrateur interministériel aux communications électroniques de défense sur l'impact qu'avait le maintien d'un numéro dans la liste des numéros d'urgence, les opérateurs de communications électroniques présents lors de cette CICRESCE ont uniquement indiqué que, pour tout numéro d'urgence, ils doivent acheminer et localiser gratuitement ces appels selon les plans d'acheminement spécifiques et ne pas les faire figurer sur les factures.
Dans ces conditions, l'administrateur interministériel aux communications électroniques de défense a proposé à la DGCS de maintenir le 119 comme numéro d'urgence pour le service « enfance en danger » en lieu et place du 116111, qui serait de nouveau affecté au service à valeur sociale harmonisé « service téléphonique d'écoute pour enfants » tel que prévu par la décision de la Commission européenne du 15 février 2007. Les appels à ces numéros demeureraient gratuits pour l'utilisateur et ne seraient pas affichés sur les factures. En revanche, leur exploitation nécessiterait l'attribution des numéros à un opérateur, qui, conformément à l'annexe 1 à la décision n° 2018-0881 modifiée susvisée, devrait en particulier « justifier qu'[il] [dispose] du soutien du ministère de tutelle du service fourni à partir du numéro demandé ».
Par courrier en date du 13 octobre 2022, le directeur général de la cohésion sociale a donné un avis favorable à cette proposition.
4. Consultation publique
Par conséquent, au regard de ce qui précède et des enjeux liés à la protection de l'enfance, l'Autorité estime pertinent de maintenir le numéro recueillant la très grande majorité des appels, à savoir le 119, sur la liste des numéros d'urgence. Elle estime par ailleurs pertinent de maintenir le numéro 116111 sur la liste des numéros d'urgence jusqu'au 30 juin 2023, puis, au terme de cette période de transition, de le réallouer au service à valeur sociale harmonisé « service téléphonique d'écoute pour enfants » tel que prévu par la décision 2007/116/CE modifiée de la Commission du 15 février 2007.
L'Autorité a lancé une consultation publique sur la présente décision et n'a reçu aucune contribution.
Décide :