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Article AUTONOME (Décret n° 2022-1443 du 18 novembre 2022 portant publication de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies, représentée par le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, signée à Genève le 29 juin 2021 (1))

Article AUTONOME (Décret n° 2022-1443 du 18 novembre 2022 portant publication de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies, représentée par le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, signée à Genève le 29 juin 2021 (1))


CONVENTION DE COOPÉRATION JUDICIAIRE INTERNATIONALE ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES, REPRÉSENTÉE PAR LE MÉCANISME INTERNATIONAL, IMPARTIAL ET INDÉPENDANT POUR LA SYRIE, SIGNÉE À GENÈVE LE 29 JUIN 2021


Le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies, représentée par le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, ci-après dénommés « les Parties »,
Vu la résolution 71/248 du 21 décembre 2016 de l'Assemblée générale des Nations unies établissant le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d'aider à juger les personnes qui en sont responsables (ci-après dénommé « le Mécanisme »),
Vu le mandat du Mécanisme de recueillir, regrouper, préserver et analyser les éléments de preuve attestant de violations du droit international humanitaire, de violations du droit des droits de l'Homme et d'atteintes à ce droit en République arabe syrienne depuis mars 2011, et de constituer des dossiers et de partager des informations avec les juridictions nationales, régionales ou internationales qui ont ou auront compétence pour connaître de ces crimes, conformément au droit international, afin de faciliter et de diligenter des procédures pénales équitables, indépendantes et conformes aux normes du droit international (Annexe, Rapport du Secrétaire général des Nations unies, A/71/755),
Désireux de se fournir une assistance mutuelle aux fins de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011, en particulier le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, et d'aider à juger les personnes qui en sont responsables,
Sont convenus des dispositions suivantes :


Article 1er
Champ d'application


1. Les Parties s'engagent à se communiquer mutuellement, en vertu de la résolution 71/248 et des règles qui leur sont respectivement applicables, et selon les modalités prévues par les dispositions de la présente convention, des informations, des documents ou des objets attestant de la commission à partir de mars 2011 sur le territoire de la République arabe syrienne de crimes de génocide, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre ou de toute autre violation grave du droit international humanitaire ou du droit international des droits de l'Homme qui serait incriminée par le droit français, ou permettant d'en identifier les personnes responsables.
2. La présente convention concerne la transmission entre les Parties de copies de dossiers ou de documents, ainsi que d'objets, d'informations ou de copies de pièces de procédure, y compris d'auditions, d'interrogatoires, d'expertises ou de rapports. La présente convention concerne également la réalisation de toutes mesures d'investigation en particulier d'auditions et d'interrogatoires, par les autorités françaises (ci-après dénommées « la Partie française ») à la demande du Mécanisme et en application de son mandat.
3. La présente convention ne s'applique pas :
a) à l'exécution de mesures d'investigation telles que des interceptions téléphoniques, autopsies, mesures de gel ou de saisie d'avoirs ;
b) à l'exécution des décisions d'arrestation provisoire et d'extradition ;
c) à l'exécution des condamnations pénales, y compris celle des mesures de confiscation ;
d) aux infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun ; et
e) à la transmission à la Partie française d'informations, de documents ou d'objets aux fins de procédures judiciaires qui ne portent pas sur les crimes ou violations graves relevant du champ de compétence du Mécanisme.


Article 2
Restrictions à l'entraide


1. L'exécution des demandes formulées en application de la présente convention peut être refusée :
a) si la demande se rapporte à des infractions considérées par la Partie française, soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques ;
b) si, lorsqu'elle est Partie requise, la Partie française estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d'autres de ses intérêts essentiels, ou qu'elle serait incompatible avec les principes fondamentaux de sa législation ou de ses engagements internationaux ;
c) si l'exécution de la demande ou les éléments de preuve susceptibles d'être transférés ou obtenus à la suite de son exécution peuvent conduire à poursuivre ou punir à nouveau une personne qui a déjà été jugée définitivement, pour les faits faisant l'objet de la décision, par les autorités judiciaires françaises ou celles d'un autre Etat lorsque, en cas de condamnation, la peine a été exécutée, est en cours d'exécution ou ne peut plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ; ou
d) si la demande n'entre pas dans le champ de compétence du Mécanisme tel que défini dans la résolution 71/248 et son mandat, notamment si la demande ne vise pas à faciliter et diligenter une procédure judiciaire relative aux crimes ou autres violations graves mentionnés à l'article 1er.
2. La Partie requise peut différer l'exécution de la demande lorsqu'elle est susceptible d'entraver une enquête ou des poursuites en cours sous l'autorité de la Partie requise lorsqu'il s'agit de la Partie française, ou, lorsqu'il s'agit du Mécanisme, sous son autorité ou l'autorité d'un Etat avec lequel celui-ci coopère.
3. Avant de refuser ou de différer l'exécution de la demande, la Partie requise :
a) informe rapidement la Partie requérante des motifs existants pour envisager le refus ou l'ajournement ; et
b) consulte la Partie requérante pour décider si la transmission ou la mesure d'investigation peut être effectuée aux termes et conditions qu'elle juge nécessaire.
4. Si la Partie requérante accepte la transmission ou la réalisation de la mesure d'investigation aux termes et conditions stipulées à l'alinéa 3.b, elle doit s'y conformer.
5. Si la Partie requise refuse, en tout ou partie, d'exécuter la demande ou en diffère l'exécution, elle en informe rapidement la Partie requérante et lui en fournit les motifs.


Article 3
Autorités désignées pour recevoir les demandes et les pièces d'exécution


1. Les demandes présentées conformément à la présente convention et les échanges spontanés d'informations prévus à l'article 7 sont adressés directement par l'autorité désignée de la Partie requérante à l'autorité désignée de la Partie requise et les réponses sont renvoyées par la même voie.
2. L'autorité désignée est :


- pour la République française, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ; et
- pour le Mécanisme, le Chef ou la Cheffe du Mécanisme.


3. Toute modification affectant la désignation de l'autorité concernée est portée à la connaissance de l'autre Partie par la voie diplomatique.
4. En cas d'urgence et dans l'attente de leur transmission par la voie diplomatique, les autorités compétentes de la Partie française (telles que définies à l'article 4) et le Mécanisme peuvent s'adresser directement une copie des demandes par tout moyen permettant d'en obtenir une trace écrite, dans des conditions permettant au destinataire d'en vérifier l'authenticité.


Article 4
Autorités compétentes de la Partie française pour exécuter les demandes


1. Les autorités compétentes de la République française pour l'exécution des demandes présentées conformément à la présente convention sont les autorités judiciaires.
2. Toute modification affectant la désignation de ces autorités est portée à la connaissance du Mécanisme par la voie diplomatique.


Article 5
Contenu et forme des demandes


1. Les demandes formulées en application de la présente convention doivent contenir les indications suivantes :
a) la désignation de l'autorité dont émane la demande et/ou la désignation de l'autorité en charge de la procédure ;
b) l'objet et le motif de la demande, y compris un exposé sommaire des faits essentiels mentionnant notamment la date, le lieu et les circonstances de leur commission ;
c) les dispositions du droit français applicables définissant et réprimant les infractions ;
d) dans la mesure du possible, l'identité et la nationalité de la personne qui fait l'objet de la procédure ; et
e) le nom et l'adresse du destinataire, s'il y a lieu.
2. Outre les indications prévues à l'alinéa 1, les demandes d'audition ou d'interrogatoire adressées par le Mécanisme à la Partie française doivent également contenir les indications suivantes :
a) l'identité et la localisation de la personne dont l'audition ou l'interrogatoire est sollicité ;
b) les noms et fonctions des personnes dont le Mécanisme sollicite la présence lors de l'audition ou l'interrogatoire, si la Partie française y consent ; et
c) toute autre pièce de nature à faciliter la réalisation de l'audition ou de l'interrogatoire, et notamment une liste des questions à poser à la personne dont l'audition ou l'interrogatoire est sollicité.
3. Lorsqu'il adresse une demande d'audition, le Mécanisme peut solliciter à ce que celle-ci ait lieu par vidéoconférence, sous réserve du consentement de la Partie française et de la personne dont l'audition est sollicitée.
4. Le cas échéant, les demandes contiennent également :
a) toute exigence de confidentialité en application de l'article 8 ;
b) les délais dans lesquels la demande doit être exécutée et les raisons de cette échéance ; et
c) toute autre pièce nécessaire à l'exécution de la demande ou toute autre information de nature à faciliter cette exécution, telle que des documents ou des informations relatifs à la demande.
5. Les demandes sont faites par écrit ou par tout moyen permettant d'en obtenir une trace écrite dans des conditions permettant à la Partie destinataire d'en vérifier l'authenticité.
6. La demande est faite en langue française ou traduite en cette langue.
7. La demande est transmise par la voie diplomatique.


Article 6
Exécution des demandes


1. La Partie requise fait exécuter, dans les formes prévues par les règles qui lui sont applicables, les demandes qui lui sont adressées par la Partie requérante en application de la présente convention.
2. Les objets communiqués en exécution d'une demande sont conservés par la Partie requérante, sauf si la Partie requise en a demandé le retour lors de leur transmission.
3. A la demande du Mécanisme, la Partie française respecte les formalités expressément indiquées par le Mécanisme, pour autant que ces formalités ne soient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de la Partie française.


Article 7
Echange spontané


1. La Partie française peut informer le Mécanisme de toute procédure en cours portant sur des faits qui pourraient relever de son mandat. Le Mécanisme peut informer la Partie française de tout processus en cours interne au Mécanisme portant sur des faits pouvant relever de sa compétence.
2. Dans la limite des règles qui leur sont respectivement applicables, les deux Parties peuvent, sans qu'une demande ait été présentée en ce sens, transmettre ou échanger des informations, documents ou objets concernant les faits pénalement punissables dont la sanction ou le traitement relève de la compétence de l'autorité destinataire au moment où l'information, document ou objet est fourni.
3. La Partie qui fournit l'information, document ou objet peut, conformément aux règles qui lui sont applicables, soumettre à certaines conditions son utilisation par la Partie destinataire. La Partie destinataire est tenue de respecter ces conditions dès lors qu'ayant été avisée au préalable de la nature de l'information, document ou objet, elle a accepté que ce dernier lui soit transmis.


Article 8
Confidentialité et spécialité


1. La Partie requise respecte le caractère confidentiel de la demande et de son contenu dans les conditions prévues par les règles qui lui sont applicables.
2. La Partie requise peut demander que l'information, document ou objet fourni conformément à la présente convention reste confidentiel ou ne soit divulgué ou utilisé que selon les termes et conditions qu'elle aura spécifiés. Lorsqu'elle entend faire usage de ces dispositions, la Partie requise en informe préalablement la Partie requérante. Si la Partie requérante accepte ces termes et conditions, elle est tenue de les respecter. Dans le cas contraire, la Partie requise peut refuser la coopération.
3. La Partie requérante ne peut divulguer ou utiliser une information, document ou objet fourni ou obtenu en application de la présente convention à des fins autres que celles qui auront été stipulées dans la demande, y compris pour un transfert ultérieur à un tiers, sans l'accord préalable de la Partie requise et, le cas échéant, de la personne ayant fourni l'information, document ou objet.
4. Selon le cas d'espèce, la Partie qui a transmis les informations, documents ou objets peut demander à la Partie à laquelle ces derniers ont été transmis de l'informer de l'utilisation qui en a été faite.
5. Lorsqu'une des Parties envisage la transmission d'informations, documents ou objets fournis ou obtenus en application de la présente convention à un tiers, elle sollicite l'accord préalable de l'autre Partie. Le cas échéant, la Partie informée peut solliciter tout élément utile de la part de l'autre Partie, notamment afin de préciser le cadre procédural dans lequel les enquêtes ou poursuites pourraient être engagées dans un autre Etat ou un tribunal régional ou international.
6. Les Parties ne transmettent aucune information, document ou objet fourni ou obtenu en application de la présente convention à un tiers sans avoir obtenu des garanties suffisantes de la part des autorités destinataires sur le fait qu'elles ne peuvent ni requérir, ni prononcer, ni mettre à exécution la peine capitale ou des traitements inhumains et dégradants à l'encontre des personnes poursuivies sur le fondement de ces informations, documents ou objets.


Article 9
Protection des données à caractère personnel


1. Les Parties procèdent à tout échange d'informations ou tout autre type de traitement de données à caractère personnel prévu par la présente convention dans le respect intégral des exigences découlant des règles relatives à la protection des données qui leur sont respectivement applicables.
2. Les données à caractère personnel communiquées au titre de la présente convention peuvent être utilisées par la Partie à laquelle elles ont été transmises :
a) aux fins des procédures auxquelles la présente convention s'applique ; et
b) aux fins d'autres procédures judiciaires dans le respect de la résolution 71/248 et du mandat du Mécanisme.
3. Selon le cas d'espèce, la Partie qui a transmis les données à caractère personnel peut demander à la Partie à laquelle les données ont été transmises de l'informer de l'utilisation qui en a été faite.
4. Sans préjudice de l'alinéa 1, des restrictions complémentaires concernant l'utilisation des données à caractère personnel peuvent être imposées par une Partie comme condition préalable de transmission à des tiers.
5. Conformément aux règles qui leur sont respectivement applicables, les responsables du traitement des données prennent toutes les précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par leur traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès.
6. Les dispositions du présent article sont sans préjudice des dispositions de l'article 8.


Article 10
Frais


1. L'exécution des demandes ne donne lieu au remboursement d'aucun frais.
2. Si, au cours de l'exécution de la demande, il apparaît que des frais de nature extraordinaire sont requis pour satisfaire à la demande, les Parties se consultent pour fixer les termes et conditions selon lesquels l'exécution peut se poursuivre.


Article 11
Consultations


Les Parties se consultent sur l'interprétation et l'application de la présente convention par la voie diplomatique.


Article 12
Règlement des différends


1. Les divergences pouvant survenir relativement à l'exécution ou à l'interprétation de la présente convention sont résolues par la négociation directe entre les Parties, par écrit et par la voie diplomatique.
2. Aucune disposition de la présente convention ne constitue ou ne pourrait être considérée comme une renonciation expresse ou tacite aux privilèges, immunités, exemptions et facilités dont jouissent ou pourraient jouir l'Organisation des Nations unies et le Mécanisme, y compris leurs organes subsidiaires et leur personnel.


Article 13
Modifications


La présente convention peut être modifiée d'un commun accord entre les Parties. Les modifications entrent en vigueur conformément aux dispositions de l'article 14 relatives à l'entrée en vigueur de la convention.


Article 14
Dispositions finales


1. Chaque Partie notifie à l'autre l'accomplissement de ses procédures internes requises pour l'entrée en vigueur de la présente convention.
2. La présente convention entre en vigueur à la date de la réception de la seconde notification.
3. Chacune des Parties peut dénoncer la présente convention à tout moment en adressant à l'autre, par la voie diplomatique, une notification de dénonciation. La dénonciation prend effet le premier jour du sixième mois suivant la date de réception de ladite notification.
En foi de quoi, les soussignés, représentants dûment autorisés du Gouvernement d'une part, de l'Organisation des Nations unies d'autre part, ont signé la présente convention.


Fait à Genève, le 29 juin 2021, en double exemplaire et en langue française.


Pour le Gouvernement de la République française : FRANÇOIS RIVASSEAU
Ambassadeur, Représentant permanent auprès de l'Office des Nations unies


Pour l'Organisation des Nations unies : CATHERINE MARCHI-UHEL
Cheffe du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d'aider à juger les personnes qui en sont responsables