Enoncé de la demande d'avis
1. La Cour de cassation a reçu le 13 juillet 2022, une demande d'avis formée le 6 juillet 2022 par un conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris, dans une instance opposant MM. Emmanuel et Marc M. et Mme Béatrice M. à M. P. et à Mme Solange M.
2. La demande est ainsi formulée :
« - Première question :
En matière de procédure ordinaire avec représentation obligatoire, selon les termes de l'article 907 du code de procédure civile, à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent.
En application du 6° de l'article 789, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Par ailleurs, l'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance d'un fait.
Selon l'article 914 du code de procédure civile « les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
- prononcer la caducité de l'appel ;
- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou de la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal (…). »
Le 6° de l'article 789 auquel renvoie l'article 907 confère-t-il compétence ou pouvoir juridictionnel au conseiller de la mise en état pour statuer sur la recevabilité des demandes nouvelles en appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile qui est inclus dans la section II sur les effets de l'appel du chapitre 1er sur l'appel alors que les termes de l'article 914 du code de procédure civile n'ont pas été modifiés par le décret n° 2019-1333 du 20 décembre 2019 et que la compétence du conseiller de la mise en état est d'interprétation stricte ?
Seconde question :
L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'« à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès leurs premières conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908, à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Le 6° de l'article 789 auquel renvoie l'article 907 confère-t-il compétence ou pouvoir juridictionnel au conseiller de la mise en état pour statuer sur la demande dont il est saisi par l'une des parties sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions sur le fond présentées par une autre partie postérieurement à ses conclusions remises en application des articles 908, 909 ou 910 du code de procédure civile alors que les termes de l'article 914 du code de procédure civile n'ont pas été modifiés par le décret n° 2019-1333 du 20 décembre 2019 et que la compétence du conseiller de la mise en état est d'interprétation stricte ? »
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, entendue en ses observations orales.
Examen de la demande d'avis
3. L'article 789, 6° du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »
4. Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, ce texte est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue.
5. En premier lieu, ainsi qu'il l'a été rappelé dans l'avis rendu par la deuxième Chambre civile le 3 juin 2021 (n° 21-70.006), publié, le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d'appel chargé de l'instruction de l'appel. Conformément à l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires.
6. Il en résulte que la cour d'appel est compétente pour statuer sur des fins de non- recevoir relevant de l'appel, celles touchant à la procédure d'appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état. Or, l'examen des fins de non-recevoir édictées aux articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, relatives pour la première à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel et pour la seconde à l'obligation de présenter dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond relatives aux conclusions, relève de l'appel et non de la procédure d'appel.
7. En second lieu, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après l'examen par le juge de ces fins de non- recevoir. Il importe, en effet, dans le souci d'une bonne administration de la justice, d'éviter que de nouvelles fins de non-recevoir soient invoquées au fur à mesure du dépôt de nouvelles conclusions et de permettre au juge d'apprécier si ces fins de non-recevoir n'ont pas été régularisées. Or, en matière de procédure ordinaire avec représentation obligatoire, conformément à l'article 783 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 907 du même code pour la procédure d'appel, les parties peuvent déposer des conclusions jusqu'à l'ordonnance de clôture, toutes conclusions déposées postérieurement étant irrecevables.
8. Dès lors, seule la cour d'appel est compétente pour connaître des fins de non- recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile.
En conséquence, la Cour est d'avis que :
En ce qui concerne les première et seconde questions réunies :
1. Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, l'article 789, 6° du code de procédure civile est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue.
2. Les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d'appel.
Par application de l'article 1031-6 du code de procédure civile, le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 11 octobre 2022, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 4 octobre 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, Mme Thomas, greffier de chambre.
Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre, le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.