Après avoir entendu lors de l'audience du 13 juillet 2022 :
- les conclusions du rapporteur ;
- les observations de Me Sylvain Justier, cabinet Magenta, pour Captrain France, T3M, Europorte France et Régiorail ;
- les observations de Me Philippe Hansen, cabinet UGGC, pour SNCF Réseau ;
Après en avoir délibéré le 28 juillet 2022,
Résumé (1) |
Aux termes de la présente décision, l'Autorité règle les différends opposant Captrain France, T3M, Europorte France et Régiorail, opérateurs ferroviaires de fret et saisissantes, à SNCF Réseau, concernant les conditions techniques et opérationnelles d'accès au réseau ferré national. Les saisissantes avaient formulé une trentaine de demandes visant à ce que l'Autorité enjoigne à SNCF Réseau de faire évoluer (i) les procédures en lien avec l'allocation des sillons, (ii) l'encadrement et l'utilisation des capacités de l'infrastructure réservées par SNCF Réseau afin de réaliser des travaux et (iii) les principes et procédures d'indemnisation et de réclamation. Dans sa décision, l'Autorité fait droit à environ deux tiers de ces demandes et prononce plusieurs injonctions tendant à ce que SNCF Réseau : - améliore la transparence (i) de certains critères et processus prévus dans le document de référence du réseau, en lien avec les différentes étapes de la procédure d'allocation des sillons et (ii) des informations communiquées aux opérateurs ferroviaires concernant la programmation et l'utilisation des capacités de l'infrastructure réservées par SNCF Réseau pour des travaux ; - mette en place des mécanismes de pénalités afin de l'inciter à respecter certains délais fixés dans le document de référence du réseau (délais de traitement de certaines catégories de demandes de sillons et des réclamations portées par les opérateurs ferroviaires) ou à éviter des situations préjudiciables à l'accès au réseau (absence d'utilisation effective de capacités réservées par SNCF Réseau pour des travaux) ; - établisse et publie de nouveaux indicateurs de suivi de sa performance en tant que gestionnaire d'infrastructure ; - modifie les principes et procédures d'indemnisation des opérateurs ferroviaires, en particulier lorsque SNCF Réseau, de son initiative, supprime ou dégrade l'état d'un sillon ayant été préalablement attribué, afin de les rendre plus équitables. L'Autorité recommande également à SNCF Réseau de procéder à une refonte globale des phases amont du processus de répartition des capacités de l'infrastructure, afin de tendre vers une utilisation plus optimale et plus équitable du réseau. Elle rejette en revanche les autres demandes formulées par les saisissantes, en particulier celles tendant (i) à la suppression de la procédure de placement de sillons « à l'étude », (ii) à la fixation d'objectifs d'augmentation des taux de sillons alloués de manière ferme à chaque horaire de service, ou (iii) à l'augmentation des délais de prévenance imposés à SNCF Réseau afin de confirmer les capacités réservées pour des travaux. La mise en œuvre des injonctions et de la recommandation émises par l'Autorité, dont elle s'assurera du suivi, devrait permettre (i) une utilisation plus intense du réseau ferré national dans le contexte du développement du fret ferroviaire et de l'ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs, tenant compte des besoins et des contraintes spécifiques des opérateurs de fret, (ii) une meilleure coordination entre les besoins de capacités des opérateurs de fret et ceux programmés pour la réalisation de travaux, (iii) une amélioration de la transparence des conditions d'accès au réseau ferré national, (iv) ainsi qu'un meilleur suivi et une amélioration de la qualité de service offerte par SNCF Réseau. |
1. Cadre juridique applicable à l'accès au réseau ferroviaire
1.1. Les obligations du gestionnaire d'infrastructure
1. Comme dans les autres industries de réseaux, caractérisées par la présence d'infrastructures exploitées dans le cadre d'un monopole, qui ne peuvent pas être facilement dupliquées et auxquelles les opérateurs doivent accéder, sur des marchés amont, afin de pouvoir fournir des services, sur des marchés aval, l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés des services de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises suppose que les opérateurs puissent accéder au réseau ferroviaire.
2. La directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 modifiée établissant un espace ferroviaire unique européen (ci-après la « directive 2012/34/UE ») prévoit ainsi, d'une part, que les entreprises ferroviaires ont un droit d'accès, à des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes, à l'infrastructure du réseau ferroviaire (2), d'autre part, que les systèmes de répartition des capacités de cette infrastructure doivent permettre à son gestionnaire de commercialiser les capacités disponibles et d'en faire une utilisation effective et optimale (3).
Par ailleurs, la directive 2012/34/UE établit, à son chapitre IV, les principes et les procédures applicables à la répartition des capacités de l'infrastructure ferroviaire, y compris pour les travaux d'entretien.
Elle prévoit, notamment, qu'afin d'assurer la transparence et un accès non-discriminatoire au réseau ferroviaire, le gestionnaire de l'infrastructure établit et publie un document de référence du réseau (ci-après le « DRR ») exposant les caractéristiques de l'infrastructure mise à disposition des entreprises ferroviaires et contenant des informations précisant les conditions d'accès à celle-ci (4).
3. La directive 2012/34/UE a été transposée en droit national, s'agissant des conditions d'accès au réseau ferré national géré par SNCF Réseau, en particulier par les dispositions législatives du code des transports fixant les « règles générales d'accès au réseau » (5) et par le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 modifié relatif à l'utilisation du réseau ferroviaire (ci-après le « décret n° 2003-194 »).
4. Les dispositions précises de la directive 2012/34/UE et du droit national pertinentes au regard de l'analyse des demandes de règlement de différend faisant l'objet de la présente décision sont mentionnées dans la partie 4 ci-après.
1.2. Le pouvoir de règlement de différend de l'Autorité
5. Le I de l'article L. 1263-2 du code des transports dispose notamment que :
« I. - Tout candidat, tout gestionnaire d'infrastructure ou tout exploitant d'installation de service au sens du livre Ier de la deuxième partie peut saisir l'Autorité de régulation des transports d'un différend, dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés :
1° A l'accès au réseau ferroviaire, et en particulier au sens du même livre :
a) Au contenu du document de référence du réseau ;
b) A la procédure de répartition des capacités d'infrastructures ferroviaires et aux décisions correspondantes ;
c) Aux conditions particulières qui lui sont faites ;
d) A l'exercice du droit d'accès au réseau et à la mise en œuvre des redevances d'infrastructure à acquitter pour l'utilisation du réseau en application du système de tarification ferroviaire ;
(…) ;
g) A la planification du renouvellement et de l'entretien programmé ou non programmé de l'infrastructure ferroviaire ; (…) »
6. Le IV de cet article prévoit par ailleurs notamment que :
« IV. - La décision de l'Autorité de régulation des transports, qui peut être assortie d'astreintes, précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans le délai qu'elle accorde. Elle prend les mesures appropriées pour corriger toute discrimination ou toute distorsion de concurrence. Lorsque c'est nécessaire pour le règlement d'un différend relevant du I du présent article, elle fixe, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités d'accès au réseau ferroviaire ou aux installations de service et aux prestations qui y sont fournies ainsi que leurs conditions d'utilisation. »
2. Faits et procédure
2.1. Faits
7. Les saisissantes sont des opérateurs ferroviaires actifs dans le secteur du fret.
8. Estimant rencontrer des difficultés opérationnelles majeures dans l'accès au réseau ferré national, Captrain France, T3M, Europorte et Régiorail ont adressé, respectivement le 4 avril 2019, le 20 mars 2019, le 22 mars 2019 et le 5 avril 2019, à SNCF Réseau, une « mise en demeure » (6) mettant en cause plusieurs dispositions du DRR et pratiques de SNCF Réseau en lien avec l'allocation des sillons, l'encadrement et l'utilisation des capacités de l'infrastructure ferroviaire réservées pour des travaux et les principes et procédures d'indemnisation et de réclamations.
Les saisissantes considéraient que ces dispositions et pratiques contrevenaient aux principes d'équité, de transparence, de non-discrimination et d'efficacité s'imposant à SNCF Réseau et lui demandaient, par conséquent, de les faire évoluer.
9. A la suite de ces « mises en demeure », les saisissantes et SNCF Réseau ont échangé plusieurs courriers jusqu'en décembre 2020 (7), dont il ressort que SNCF Réseau n'a pas fait droit aux différentes demandes d'évolution formulées par les saisissantes, soit en les refusant explicitement, soit en se limitant à proposer de mettre en place des groupes de travail, sans que des modifications concrètes des dispositions du DRR ou des pratiques dénoncées par les saisissantes s'en soient suivies.
2.2. Procédure
2.2.1. La saisine de l'Autorité
10. Au terme des échanges rappelés ci-dessus, le 22 février 2021, les saisissantes ont saisi l'Autorité, sur le fondement de l'article L. 1263-2 du code des transports, de demandes en règlement de différend.
11. Dans leurs mémoires de saisine, les saisissantes ont formulé une trentaine de demandes, lesquelles ont été précisées dans leurs observations ultérieures, ayant trait :
- à l'évolution des procédures en lien avec l'allocation des sillons ;
- à l'évolution de l'encadrement et de l'utilisation des capacités réservées pour les travaux ;
- aux principes et procédures d'indemnisation et de réclamations.
12. Compte tenu de leur nombre important, ces demandes seront énoncées dans le détail dans la partie 4 de la présente décision, exposant les arguments des parties et l'analyse de l'Autorité pour chacune d'entre elles.
2.2.2. L'instruction
13. Par courriers en date du 19 mars 2021, adressés à leur conseil, les saisissantes ont été informées de la désignation du rapporteur en charge de l'instruction de leurs demandes et du calendrier prévisionnel fixant les dates limites de réception de leurs écritures et de clôture de l'instruction.
Par ailleurs, par courrier daté du même jour, l'Autorité a transmis les demandes des saisissantes à SNCF Réseau.
14. Par courriel du service de la procédure de l'Autorité du 7 avril 2021, le rapporteur a adressé une première mesure d'instruction aux saisissantes, à laquelle elles ont répondu le 4 mai 2021.
Ces réponses ont été communiquées par l'Autorité à SNCF Réseau le 5 mai 2021.
15. Par courriels du 24 mai 2021, SNCF Réseau a transmis à l'Autorité ses observations en réponse n° 1 aux demandes formulées par les saisissantes.
Ces observations en réponse ont été communiquées par l'Autorité aux saisissantes le 27 mai 2021.
16. Par courriels du 28 juin 2021, les saisissantes ont transmis à l'Autorité leurs observations en réplique n° 1, par lesquelles elles entendaient faire part de leurs remarques sur les observations en réponse n° 1 de SNCF Réseau.
Ces observations en réplique n° 1 ont été communiquées par l'Autorité à SNCF Réseau le 9 juillet 2021.
17. Par courriels du service de la procédure de l'Autorité du 27 juillet 2021, le rapporteur a adressé une deuxième mesure d'instruction aux saisissantes et une première mesure d'instruction à SNCF Réseau.
18. Par courriels du 6 septembre 2021, SNCF Réseau a transmis à l'Autorité ses observations en réponse n° 2 sur les réponses des saisissantes à la première mesure d'instruction et sur leurs observations en réplique n° 1.
Ces observations en réponse n° 2 ont été communiquées par l'Autorité aux saisissantes le 16 septembre 2021.
19. Par courriel du 20 septembre 2021, SNCF Réseau a transmis à l'Autorité sa réponse à la première mesure d'instruction, complétée le 24 septembre 2021 et le 29 octobre 2021.
Ces réponses ont été communiquées par l'Autorité aux saisissantes par courriels du 27 septembre 2021 et du 8 février 2022.
20. Par courriels datés du 27 septembre 2021, les saisissantes ont transmis à l'Autorité leurs réponses à la deuxième d'instruction.
Ces réponses ont été communiquées par l'Autorité à SNCF Réseau le 13 octobre 2021.
21. Par courriels du 18 octobre 2021, les saisissantes ont transmis à l'Autorité leurs observations en duplique n° 3 sur les observations en réponse n° 2 et sur la réponse de SNCF Réseau à la première mesure d'instruction.
Ces observations en duplique ont été communiquées par l'Autorité à SNCF Réseau par courriels du 21 octobre 2021.
22. Par courriel du service de la procédure de l'Autorité du 27 décembre 2021, le rapporteur a adressé à SNCF Réseau une deuxième mesure d'instruction.
SNCF Réseau a communiqué sa réponse à cette deuxième mesure d'instruction le 21 janvier 2022. Cette réponse a été communiquée aux saisissantes par courriels du 8 février 2022.
23. Par courriels du 31 janvier 2022, SNCF Réseau a transmis ses observations en réponse n° 3 en réponse aux observations en duplique n° 3 et aux réponses des saisissantes à la deuxième mesure d'instruction.
Ces observations en réponse n° 3 ont été communiquées par l'Autorité aux saisissantes par courriels du 8 février 2022.
24. Par courriel du service de la procédure de l'Autorité du 28 février 2022, le rapporteur a adressé aux saisissantes et à SNCF Réseau une troisième mesure d'instruction.
Les saisissantes ont communiqué à l'Autorité leurs réponses à cette troisième mesure d'instruction le 17 mars 2022. SNCF Réseau a, quant à elle, communiqué à l'Autorité sa réponse à cette troisième mesure d'instruction le 25 mars 2022, complétée le 8 avril 2022.
Ces réponses ont été communiquées par l'Autorité aux autres parties le 13 avril 2022.
25. Par courriel du service de la procédure de l'Autorité du 16 mai 2022, le rapporteur a adressé à SNCF Réseau une quatrième mesure d'instruction.
SNCF Réseau a communiqué à l'Autorité sa réponse à cette quatrième mesure d'instruction le 25 mai 2022, complétée le 31 mai 2022.
Cette réponse a été communiquée par l'Autorité aux saisissantes par courriels du 2 juin 2022.
26. Par courriel du service de la procédure du 16 juin 2022, les parties ont été convoquées à une audience publique devant le collège de l'Autorité le 13 juillet 2022.
En application des dispositions de l'article 32 du règlement intérieur de l'Autorité, l'instruction a été close cinq jours ouvrés avant la date de cette audience.
3. Discussion
27. Par souci de clarté, les développements ci-après, exposant les arguments des parties et l'analyse de l'Autorité, suivront l'ordre selon lequel les demandes des saisissantes ont été formulées dans leurs mémoires de saisine. Seront ainsi abordées successivement :
- les demandes d'évolution des procédures en lien avec l'allocation des sillons (3.1) ;
- les demandes d'évolution de l'encadrement et de l'utilisation des capacités réservées pour les travaux (3.2) ;
- les demandes d'évolution des principes et procédures d'indemnisation et de réclamations (3.3).
28. Par ailleurs, dans ces développements, sont citées les dispositions pertinentes du DRR relatif à l'horaire de service (ci-après « HDS ») (8) 2023, version en vigueur à la date d'adoption de la présente décision, étant précisé que dans leurs mémoires de saisine, datés du 22 février 2021, les saisissantes se référaient à la version du DRR relative à l'HDS 2021.
3.1. Sur les demandes d'évolution des procédures en lien avec l'allocation des sillons
29. Le chapitre 4 du DRR (intitulé « Attribution de capacité ») a pour objet de décrire les principes relatifs au processus d'attribution par SNCF Réseau des capacités d'infrastructure (9) sur le réseau ferré national aux demandeurs de capacité (10) et d'informer ces derniers sur le calendrier ainsi que sur la procédure de demande et d'attribution de sillons pour un HDS donné.
30. Le DRR (11) prévoit que l'élaboration de l'HDS s'organise autour de quatre étapes successives, pour lesquelles « A » désigne l'année civile de référence de l'HDS :
- de A-5 à avril A-2 : une phase dite de « structuration de la capacité du graphique (12) » ;
- de mai A-2 à mi-décembre A-2 : une phase dite de « pré construction du graphique » ;
- de mi-décembre A-2 à mi-septembre A-1 : une phase dite de « construction » de l'HDS ;
- de mi-septembre A-1 à mi-décembre A (13) : une phase dite d'« adaptation » de l'HDS.
31. Le DRR définit ainsi un processus d'attribution des capacités de l'infrastructure dont « (c)haque étape s'inscrit dans une continuité et une progression par rapport à la précédente », « la construction de l'HDS [s'appuyant] sur la pré construction, qui s'appuie elle-même sur les livrables de la structuration » et « l'adaptation de l'HDS [ayant] quant à elle pour vocation l'attribution de sillons supplémentaires pour répondre à des besoins nouveaux, ainsi que la modification de sillons attribués précédemment » (14).
32. Le processus proprement dit d'allocation des sillons, dans le cadre duquel les demandeurs peuvent formuler leurs commandes de sillons et se les voir attribuer par SNCF Réseau, commence à compter de mi-décembre A-2, jalon correspondant à la publication du DRR et au début de la phase de construction de l'HDS. A partir de ce jalon, les demandeurs peuvent formuler des commandes de sillons tout au long de l'avancée du processus et ce jusqu'au jour de circulation envisagé au cours de l'HDS. Ces demandes sont intitulées différemment dans le DRR en fonction du moment où elles sont émises. Le DRR précise également le calendrier dans lequel SNCF Réseau apporte des réponses à ces demandes.
33. Le processus d'élaboration de l'HDS peut ainsi être schématisé de la manière suivante :
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3.1.1. Sur les demandes relatives aux phases de structuration et de pré-construction : une transparence à améliorer
34. Compte tenu du nombre et de la variété (en termes d'itinéraires, d'horaires et de fréquences) des demandes de sillons devant être traitées par SNCF Réseau pour la publication (15) du projet d'HDS (mi-juillet A-1), soit environ six millions de sillons-jours, SNCF Réseau s'est efforcée de préparer en amont la phase d'allocation des sillons, notamment à partir de la refonte du processus capacitaire intervenue pour l'HDS 2012.
35. Le DRR décrit ainsi deux phases successives, dites respectivement de « structuration » et de « pré-construction », précédant la phase de construction de l'HDS :
- tout d'abord, la phase de structuration a pour objet de définir les principes d'organisation des capacités d'infrastructure ouvertes à la commercialisation. En tenant compte notamment de l'information fournie par les demandeurs de capacité, entre novembre A-3 et avril A-2, sur leurs besoins prévisionnels (ci-après « expressions de besoins 2h »), SNCF Réseau élabore un plan de référence de sillons sur une période de 2 heure (ci-après « trame horaire systématique » ou « trame 2h »). Cette trame 2h n'a pas vocation à intégrer tous les sillons susceptibles de circuler chaque jour puisque l'objectif, tel qu'affiché par SNCF Réseau dans le DRR, est à ce stade d'inscrire les services de transport de voyageurs ou de fret connus (16), stables au cours de l'HDS, et les plus fréquents au cours d'une même journée ;
- puis, lors de la phase de pré-construction, SNCF Réseau repart de la trame 2h et la complète en tenant compte de l'information fournie par les demandeurs, entre mai A-2 et juin A-2, sur leurs besoins prévisionnels, pour élaborer un « graphique 24h » (17) (ci-après « expressions de besoins 24h »). Ce processus aboutit à la publication par SNCF Réseau, en décembre A-2, d'un catalogue de sillons dits « préconstruits ». Ce catalogue constitue l'offre de sillons présentée par SNCF Réseau aux demandeurs au début de la phase de construction de l'HDS.
36. Les phases de structuration et de pré-construction se décomposent, chacune, en deux étapes :
- lors de la première étape, SNCF Réseau vérifie la « recevabilité » des expressions de besoins - 2h ou 24 h - exprimées par les demandeurs au regard de certains critères, fixés respectivement dans les parties 4.2.2.1 et 4.2.2.2 du DRR ;
- lors de la seconde étape, SNCF Réseau inscrit les expressions de besoins « recevables », respectivement, au sein de la trame 2h ou du graphique 24h. Lorsque cela est nécessaire en raison de besoins incompatibles entre eux, SNCF Réseau applique des critères d'appréciation, fixés dans la partie 4.2.2.3 du DRR et appliqués sans pondération figée entre eux, afin de procéder à une « mise en cohérence au graphique ». Celle-ci consiste en un arbitrage pouvant conduire SNCF Réseau à attribuer la place demandée dans la trame 2h ou le graphique 24h, en termes de positionnement horaire, à certaines expressions de besoins plutôt qu'à d'autres.
37. Dans ce contexte, les saisissantes demandent (18) à l'Autorité « d'enjoindre à SNCF Réseau, dans le cadre de la prochaine expression de besoins de sillons préconstruits, de définir une méthodologie de structuration et de pré-construction du graphique assurant la transparence, l'équité de traitement entre les demandeurs de capacités et l'utilisation optimale du réseau ferré national », ce qui imposerait notamment selon elles que SNCF Réseau : « - précise les critères objectifs et limitatifs appliqués pendant chacune des deux phases précitées, sachant que la pré-construction devrait être ouverte aux demandes portant sur des lignes régionales et/ou de très courts parcours (qui peuvent traduire des besoins structurants pour un demandeur). Ces critères devront prévoir des mécanismes visant à éviter les expressions de besoins allant au-delà de besoins réels et, dans le même temps, permettant d'exprimer des besoins allant au-delà des volumes de référence pour tenir compte des développements attendus des EF/CA ; - supprime la procédure d'arbitrage entre les demandes concurrentes en phase de pré-construction (19) ». Dans le dispositif de leurs mémoires de saisine, les saisissantes ont précisé que « (c)es critères doivent notamment tenir compte :
- pour les opérateurs nouveaux entrants, de leurs expressions de besoins dont SNCF Réseau devra s'assurer qu'ils correspondent à un besoin réel ou, à défaut, qui devront faire l'objet d'un mécanisme incitatif conduisant à pénaliser les expressions de besoins injustifiées ;
- pour les opérateurs disposant d'un historique, de leurs volumes de référence mais également de leurs perspectives de développement, et ce dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles applicables aux expressions de besoin des nouveaux entrants. »
a. Arguments des parties
38. Les saisissantes soutiennent que les critères de recevabilité des expressions de besoins et d'arbitrage en cas de besoins concurrents, prévus actuellement dans le DRR pour les phases de structuration et de pré-construction, sont opaques, non-limitatifs et non pondérés ou hiérarchisés, offrant, de ce fait, une marge d'appréciation trop importante au gestionnaire d'infrastructure dans leur application et donc une liberté de choix discrétionnaire, source de discrimination potentielle. Elles indiquent ignorer de quelle manière, en pratique, SNCF Réseau applique et hiérarchise précisément ces critères, ce qui soulèverait le risque que les décisions prises par le gestionnaire d'infrastructure dans le cadre de ces phases soient arbitraires, alors qu'elles ont un impact sur la phase d'allocation des sillons. Les saisissantes considèrent que cette situation contrevient au principe de l'accès à l'infrastructure ferroviaire dans des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes, et conduit à une utilisation sous optimale des capacités du réseau ferré national.
39. SNCF Réseau soutient, quant à elle, concernant l'intelligibilité des critères de recevabilité des expressions de besoins et d'arbitrage en cas de besoins concurrents, que « les dispositions réglementaires n'imposent pas de transparence particulière pour les phases amont de structuration et pré-construction du graphique » (20). Elle soutient en outre que les choix opérés lors de ces phases n'ont pas de conséquence pour les candidats dans la mesure où un sillon préconstruit n'est pas un sillon attribué à un candidat donné et peut être ensuite commandé par tout demandeur pendant la phase d'allocation des sillons. Par ailleurs, SNCF Réseau met en avant la décision de l'Autorité n° 2016-011 du 3 février 2016 dans laquelle cette dernière avait considéré que le principe à retenir était celui « d'une définition de critères d'appréciation des besoins en cas de conflit non résolu » mais que ces critères « ne sauraient être qu'indicatifs, sauf à remettre en cause le pouvoir du gestionnaire d'infrastructure de faire utilement évoluer la trame horaire systématique ». Enfin, SNCF Réseau indique que les critères définis dans le DRR pour ce processus amont sont le résultat d'une concertation menée avec les candidats dans le cadre du Comité des opérateurs du réseau (COOPERE), en précisant qu'elle en a rendu compte à l'Autorité en janvier 2017.
40. Concernant la hiérarchisation ou la pondération des critères applicables en cas de besoins concurrents en phase de pré-construction, SNCF Réseau indique ne pas y être favorable, estimant que la diversité des situations ne se prête pas à l'application de critères systématiquement hiérarchisés ou intangibles. Elle soutient en outre que le résultat de l'application de ces critères, qui serait ainsi automatique, comme le souhaitent les saisissantes, lui semble inutile dans la mesure où les besoins exprimés par les demandeurs lors de ces phases amont peuvent évoluer lors des phases suivantes de construction et d'adaptation de l'HDS.
b. Analyse de l'Autorité
41. Aux termes de l'article 26 de la directive 2012/34/UE, les systèmes de répartition des capacités de l'infrastructure ferroviaire doivent permettre au gestionnaire de l'infrastructure de commercialiser les capacités disponibles et d'en faire une utilisation effective et optimale. Par ailleurs, aux termes de l'article 39, paragraphe 1er de cette directive, le gestionnaire d'infrastructure accomplit les procédures de répartition des capacités en veillant « notamment à ce que les capacités de l'infrastructure soient réparties sur une base équitable et de manière non discriminatoire et dans le respect du droit de l'Union ». Enfin, l'article 45, paragraphe 1er, prévoit que « (l)e gestionnaire d'infrastructure s'efforce, dans la mesure du possible, de satisfaire toutes les demandes de capacités de l'infrastructure (…) ».
42. Transposant ces dispositions, l'article L. 2122-4-3 du code des transports précise que la répartition des capacités doit être réalisée « dans des conditions garantissant une libre concurrence et un accès équitable et non discriminatoire à l'infrastructure ». En application de l'article 1er du décret n° 2003-194, les opérateurs ferroviaires disposent d'un droit d'accès dans des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes au réseau ferré national afin d'exploiter tout type de service ferroviaire.
43. Dans un arrêt du 25 novembre 2020 (21), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le principe de transparence devait s'entendre de manière stricte. Ainsi, les règles doivent être suffisamment accessibles, claires, précises, univoques et prévisibles dans leur application afin de permettre à tout opérateur raisonnablement informé et normalement diligent d'en comprendre la portée exacte et d'éviter tout risque d'arbitraire.
- Sur les conséquences des choix opérés par SNCF Réseau lors des phases de structuration et de pré construction sur la phase d'allocation des sillons
44. SNCF Réseau soutient que les critères fixés dans le DRR pour les choix qu'elle opère lors des phases de structuration et de préconstruction n'entraîneraient pas de conséquence lors de la phase d'allocation des sillons dans la mesure où un sillon « préconstruit » peut ensuite être commandé par n'importe quel demandeur.
A cet égard, le DRR (22) précise en effet que ces phases amont ne confèrent ni droits, ni obligations à ceux ayant exprimé leurs besoins, la trame horaire 2h et le graphique 24h aboutissant uniquement à la publication par SNCF Réseau du catalogue des sillons préconstruits proposés au début de la phase de construction de l'HDS, lesquels peuvent être commandés par n'importe quel demandeur (et non pas seulement par ceux dont les expressions de besoins ont été retenues afin d'élaborer les sillons préconstruits correspondants).
45. Cependant, parvenir à inscrire leurs besoins connus dans les projets de graphique horaire élaborés lors de ces deux phases amont présente deux intérêts pour les demandeurs de capacité :
- d'une part, dans la mesure où chaque phase du processus de répartition des capacités s'inscrit dans une continuité et une progressivité par rapport à la phase précédente, l'élaboration par SNCF Réseau de sillons types répondant exactement aux besoins exprimés par un demandeur facilite la reprise de ces capacités lors des phases suivantes. En effet, les sillons inscrits dans la trame 2h sont ensuite généralement réutilisés dans le graphique 24h élaboré lors de la phase de préconstruction (23), lequel définit l'offre de sillons préconstruits (voyageurs et fret) qui pourront être, eux aussi, réutilisés, ou non, à la discrétion des demandeurs de capacités, lors de leurs demandes de sillons formulées durant la phase de construction de l'HDS ;
- d'autre part, au stade de la construction de l'HDS, le DRR prévoit que dans le cas où la capacité est insuffisante et ne permet donc pas à SNCF Réseau d'attribuer au moins un sillon dans les tolérances exprimées par le demandeur (24) ou, à défaut, dans les tolérances dites « minimales » (25) définies par le DRR, alors s'ouvre une période de coordination des demandes durant laquelle est menée une concertation avec les demandeurs de capacité. Dans ce cadre, une demande sollicitant un sillon préconstruit (26) est prioritaire, en termes de positionnement horaire, dans le graphique de circulation, sur une demande sollicitant un sillon non présent dans le graphique 24h (27). De même, si après avoir mis en œuvre la procédure de coordination, le gestionnaire d'infrastructure demeure dans l'impossibilité d'attribuer des sillons à tous les demandeurs dans des tolérances alors dites « raisonnables », il déclare la section de ligne concernée comme étant saturée. Dans ce cas, l'article 4.4.3 du DRR, définissant les règles de priorité applicables en cas de saturation, donne la priorité aux sillons préconstruits.
46. Ces éléments montrent que les choix opérés par SNCF Réseau lors des phases amont peuvent avoir un impact sur la manière dont elle répartit ensuite les capacités lors de la phase d'allocation des sillons.
A cet égard, SNCF Réseau a confirmé lors de l'instruction (28) que ces phases l'avaient conduit à procéder à des arbitrages en termes de positionnement horaire dans la trame 2h et dans le graphique 24h, aboutissant à ce qu'une expression de besoin ne se voyant pas attribuer la place souhaitée dans le graphique se voie toutefois attribuer un autre emplacement, plus ou moins proche des tolérances exprimées par le demandeur de capacité (29). Cet écart par rapport aux tolérances exprimées peut induire des coûts supplémentaires pour le demandeur de capacité (conducteur, matériel roulant, etc.).
47. Pour ces raisons, il importe que les critères appliqués par SNCF Réseau durant ces phases amont soient objectifs et suffisamment précis pour garantir un accès équitable, non discriminatoire et transparent au réseau ferré national.
- Sur la nécessité pour SNCF Réseau de préciser les critères objectifs appliqués durant les phases de structuration et de pré construction
48. D'une manière générale, l'Autorité observe que les dispositions du DRR relatives aux phases de structuration et de pré construction (à savoir celles figurant dans les parties 4.2.2.1, 4.2.2.2 et 4.2.2.3) ne sont pas suffisamment accessibles, claires, précises, univoques et prévisibles. Elles sont en effet rédigées dans des termes dont certains soit correspondent à un vocabulaire technique propre à SNCF Réseau, soit diffèrent de ceux utilisés dans les textes de droit européen et national fixant les règles applicables à la répartition des capacités de l'infrastructure ferroviaire, soit sont flous. Par ailleurs, l'articulation de certaines de ces dispositions entre elles n'apparaît pas non plus avec évidence, ce qui contribue à les rendre opaques.
49. Compte tenu des demandes formulées par les saisissantes, l'Autorité a examiné ce qu'il en était, d'une part, des critères de recevabilité des expressions de besoins (i), et, d'autre part, des critères d'appréciation en cas de besoins incompatibles (ii), fixés dans le DRR.
i. Sur les conditions de recevabilité des expressions de besoins
- Phase de structuration
50. Les dispositions de la partie 4.2.2.1 du DRR fixant les conditions de recevabilité des expressions de besoins pour la phase de structuration (30) appellent les remarques suivantes.
51. En premier lieu, si le seuil de fréquence minimale fixé dans ces dispositions apparaît objectif (puisqu'il est quantitatif) et précis, en revanche les notions de « parcours et politique d'arrêts homogènes » et de « performance homogène des convois », ne le sont pas, faute d'être définies (dans le DRR lui-même ou dans le « Manuel du demandeur de capacité commerciale », document technique cité dans le DRR), et laissent donc, compte tenu notamment du caractère flou du terme « homogène », une marge d'interprétation importante à SNCF Réseau. Cette dernière a d'ailleurs annoncé, dans le cadre de l'instruction (31), son intention d'apporter des précisions à la notion d'« exigences d'homogénéité de parcours et de matériel » figurant dans ledit manuel, laquelle renvoie aux deux critères mentionnés à l'article 4.2.2.1 du DRR.
52. En deuxième lieu, le deuxième élément sur lequel SNCF Réseau indique s'appuyer afin d'établir la trame 2h, à savoir les « besoins potentiels du marché à l'horizon concerné » évalués par ses soins, n'est pas décrit dans des termes suffisamment précis puisque, ni cette notion, ni la méthodologie selon laquelle de tels besoins sont appréciés par SNCF Réseau, ne sont définis.
En particulier, les dispositions de la partie 4.2.2.1 du DRR ne permettent pas de déterminer avec certitude si un « besoin potentiel du marché » doit, pour pouvoir être inscrit dans la trame 2h, atteindre ou non le seuil de fréquence minimale fixé par ailleurs (32).
53. En troisième lieu, le troisième élément sur lequel SNCF Réseau indique s'appuyer afin d'établir la trame 2h, à savoir le « retour d'expérience d'utilisation de la trame constaté dans les phases aval » est également flou puisque ne sont précisées ni la manière dont l'utilisation de la trame par le passé est appréciée par SNCF Réseau dans le cadre de ce « retour d'expérience », ni la conséquence qui est tirée par SNCF Réseau de cette appréciation.
54. En quatrième lieu, SNCF Réseau n'indique, au dernier paragraphe, ni les éléments objectifs en fonction desquels elle est prête à envisager l'inscription dans la trame 2h de besoins ne remplissant pas les « critères » (33) exposés aux points 1 à 3, ni les informations et documents de nature à justifier qu'elle étudie une telle insertion.
Cette lacune est importante car si ce paragraphe a pour objet d'élargir le périmètre des besoins prévisionnels susceptibles d'être pris en compte par SNCF Réseau, il ne permet pas aux demandeurs de capacité, pour cette raison, de déterminer avec certitude à quelles conditions leurs besoins pourront ou non être traités. Dans le cadre de l'instruction (34), SNCF Réseau a d'ailleurs communiqué des exemples de besoins pris parfois en compte dans la trame 2h alors qu'ils n'atteignaient pas le seuil minimal de fréquence fixé dans la partie 4.2.2.1 du DRR, ce qui montre qu'elle devrait être capable de dégager des critères objectifs pouvant être portés à la connaissance des demandeurs de capacité.
55. En cinquième lieu, l'Autorité constate qu'aucune disposition de la partie 4.2.2.1 du DRR n'exclut les besoins des nouveaux entrants du processus qui y est décrit (ce qui serait inéquitable et discriminatoire).
56. Par ailleurs, il paraît souhaitable, pour garantir que l'offre construite par SNCF Réseau durant ces phases amont permette de répondre au maximum des besoins réels des demandeurs de capacité, sur la base de critères objectifs et prévisibles, que le gestionnaire d'infrastructure structure une offre de sillons la plus normative possible, qui permette une utilisation effective et optimale de l'infrastructure ferroviaire, en permettant à la fois de satisfaire au mieux les besoins des demandeurs de capacité, notamment en termes de nombre de sillons, et d'assurer une robustesse de l'offre ainsi construite. Durant la phase de structuration de l'offre, le gestionnaire d'infrastructure peut utilement enrichir sa démarche en évaluant le niveau de fiabilité des besoins prévisionnels exprimés par ceux-ci (qu'ils soient des utilisateurs habituels du réseau, renouvelant ou faisant évoluer leurs besoins en raison de perspectives de développement, ou des nouveaux entrants), pour les écarter le cas échéant.
Or, alors que la partie 4.2.2.2 du DRR prévoit, expressément, pour la phase de pré construction, que « SNCF Réseau se réserve la possibilité de déclarer irrecevables certaines expressions de besoins présentées en fonction des éléments recueillis auprès des parties prenantes sur la réalité des évolutions d'offres envisagées et de l'évaluation du potentiel des marchés considérés », la partie 4.2.2.1 ne contient aucune disposition faisant référence à une telle vérification par SNCF Réseau de la fiabilité des besoins exprimés par les demandeurs lors de la phase de structuration. Les dispositions de cette partie sont donc a fortiori silencieuses quant à la nature exacte des éléments pouvant être mis en avant par les demandeurs (en particulier par les nouveaux entrants) afin de justifier de la fiabilité des besoins qu'ils peuvent exprimer auprès de SNCF Réseau, en vue de leur prise en compte lors de l'élaboration de la trame 2h. Ce manque de transparence est de nature à créer une incertitude préjudiciable chez les demandeurs de capacité. Lors de l'instruction (35), SNCF Réseau a indiqué des exemples d'éléments contribuant à attester la fiabilité des besoins exprimés : lancement par le demandeur de démarches administratives (par exemple auprès de l'ART ou bien de l'EPSF), démarches régulières auprès de SNCF Réseau (y compris des demandes de négociations d'éléments contractuels comme une tarification différenciée ou un accord-cadre de capacité), investissements dans du matériel roulant ou encore transmission de plans d'affaires pluriannuels. Ces critères pourraient utilement être intégrés dans le DRR, en étant le cas échéant complétés, notamment par des exemples d'éléments tendant au contraire à faire douter de la crédibilité des besoins exprimés, afin de rendre le déroulé de ces phases plus transparent.
- Phase de pré construction
57. Les dispositions de la partie 4.2.2.2 du DRR fixant les conditions de recevabilité des expressions de besoins pour la phase de pré construction (36) appellent les remarques suivantes.
58. En premier lieu, dans la mesure où ces dispositions se limitent à indiquer, dans la section présentant les « objectifs généraux » de cette phase, que les besoins de sillons pris en compte par SNCF Réseau sont estimés à partir des expressions de besoins des clients, mais également de « l'historique de l'utilisation des sillons des services précédents » et « des études de marché conduites par SNCF Réseau », notions similaires à celles mentionnées dans la partie 4.2.2.1 du DRR pour la phase de structuration, celles-ci appellent les mêmes remarques quant à leur absence de précision et donc de transparence (37).
59. En deuxième lieu, si, comme cela a été relevé ci-dessus, les dispositions de la partie 4.2.2.2 du DRR font état, sur le principe, d'une appréciation par SNCF Réseau de la réalité des besoins exprimés par les clients, celles-ci manquent de transparence dès lors qu'elles ne précisent pas les éléments objectifs de nature à permettre aux demandeurs de capacité de justifier de la réalité de leurs besoins ou, à défaut pour ces derniers de communiquer de tels éléments, de conduire SNCF Réseau à déclarer des expressions de besoins irrecevables (38).
60. En troisième lieu, les saisissantes ont demandé que la phase de pré construction soit ouverte aux expressions de besoins portant sur des lignes régionales et/ou de très courts parcours. A cet égard, elles soutiennent que SNCF Réseau appliquerait, outre les critères mentionnés expressément à la partie 4.2.2.2 du DRR, une règle implicite selon laquelle un sillon ne pourrait être préconstruit que s'il traverse au moins trois « régions SNCF (39) ».
L'Autorité constate tout d'abord qu'aucune disposition du DRR ne tend à exclure de telles lignes et de tels parcours de la phase de pré construction et que, par conséquent, ceux-ci ont bien vocation à faire l'objet de sillons préconstruits aux termes de ce document. Par ailleurs, SNCF Réseau a produit lors de l'instruction des exemples de sillons préconstruits sur de courts parcours intrarégionaux (inférieur à trois régions) (40).
61. Dans le cadre d'une modification des dispositions du DRR visant à rendre les procédures appliquées par SNCF Réseau lors des phases amont plus transparentes pour les demandeurs de capacité, il pourrait être précisé explicitement que de telles lignes et de tels parcours peuvent donner lieu à des sillons préconstruits (à défaut, les demandeurs de capacité concernés feraient l'objet d'un traitement inéquitable et discriminatoire).
ii. Sur les critères de mise en cohérence des expressions de besoins concurrentes
62. S'agissant des critères relatifs à la mise en cohérence des expressions de besoin concurrentes en phases de structuration ou de pré-construction, fixés à la partie 4.2.2.3 du DRR (41), l'Autorité constate, en premier lieu, que compte tenu de leur caractère parfois imprécis et donc équivoque, ceux-ci ne sont pas suffisamment prévisibles dans leur application et ne sont donc pas transparents.
A titre d'exemples :
- les deux critères relatifs aux « contraintes techniques » et à la « robustesse du graphique » (42), correspondant en réalité à un ensemble de contraintes techniques particulièrement complexes et nombreuses, apparaissent opaques du point de vue des demandeurs de capacité (43) ;
- le critère lié « au niveau d'utilisation du sillon » est également peu précis pour les raisons précédemment indiquées s'agissant de ce critère de « recevabilité » des expressions de besoins en structuration et en pré construction. Par ailleurs, dès lors que cet élément est également un critère de recevabilité des expressions de besoins appliqué lors des phases de structuration et de pré construction, SNCF Réseau pourrait expliciter dans le DRR de quelle manière il est appliqué, respectivement, en tant que critère de recevabilité et en tant que critère de mise en cohérence en cas d'expressions de besoins concurrentes ;
- de même, les critères intitulés « enjeu commercial pour le ou les sillons considérés » ou « enjeu financier pour le gestionnaire d'infrastructure » (44) sont susceptibles, du fait de leur absence de précision et donc de leur opacité, de conduire à un traitement subjectif et donc potentiellement discriminatoire.
63. En second lieu, compte tenu de l'absence de hiérarchisation et de pondération de ces critères, les demandeurs ne sont pas en mesure d'identifier à l'avance de quelle manière ils seront appliqués en pratique par SNCF Réseau. Celle-ci est donc potentiellement en mesure, à l'occasion d'une situation précise et concrète, de favoriser de manière discrétionnaire une expression de besoin plutôt qu'une autre en priorisant, par exemple, un critère relatif aux candidats (comme celui relatif au niveau d'utilisation de la trame ou du catalogue pour le sillon visé) ou un critère relatif à l'enjeu financier de ce sillon pour elle-même.
Cette situation confère ainsi une marge de manœuvre au gestionnaire d'infrastructure, laissant une place importante à la subjectivité, laquelle peut déboucher potentiellement sur des décisions inéquitables.
64. Néanmoins, la mise en place d'une hiérarchisation ou d'une pondération de l'ensemble de ces critères apparaît complexe et peu adaptée à la diversité des conflits pouvant être rencontrés durant les phases amont. C'est pourquoi il convient, selon l'Autorité, de privilégier (i) l'identification, parmi les critères fixés dans la partie 4.2.2.3 du DRR, de ceux correspondant à des contraintes incompressibles et qui, pour cette raison, devraient s'imposer de manière prioritaire et (ii) parmi les autres critères, une information précise, à la demande des candidats dont les expressions de besoins se trouvent en situation de conflit, relative aux critères retenus par SNCF Réseau pour réaliser l'arbitrage.
- Sur la nécessité pour SNCF Réseau de procéder à terme à une refonte plus globale des phases de structuration et de pré construction de l'horaire de service, afin de tendre vers une utilisation plus optimale et plus équitable du réseau
65. Il ressort des dispositions du DRR que l'objectif poursuivi actuellement par SNCF Réseau à travers les phases de structuration et de pré construction consiste à élaborer et à structurer une offre de capacité, mise à la disposition des demandeurs au début de la phase de construction de l'HDS, en parallèle de la publication des travaux programmés, sur la base des besoins prévisibles et les plus « structurants », c'est-à-dire les plus fréquents au cours d'une journée et les plus réguliers au cours d'un HDS, identifiés à partir des expressions de besoins émises par les clients et de ceux évalués par SNCF Réseau elle-même. En d'autres termes, SNCF Réseau élabore une offre de capacité à partir de la demande prévisible.
66. Quand bien même, dans le DRR, SNCF Réseau affiche l'objectif, à travers cet exercice de préparation amont, de couvrir un maximum des besoins identifiés dans ce cadre tout en tendant vers une utilisation optimale du réseau, ce processus interroge quant à sa capacité intrinsèque à optimiser l'usage de l'infrastructure et à satisfaire l'ensemble des besoins des entreprises ferroviaires, ce qui a conduit d'ailleurs SNCF Réseau, comme celle-ci l'a indiqué au cours de l'instruction, à initier une réflexion pour procéder à sa refonte.
67. D'une part, les phases amont du processus capacitaire privilégient, par construction, les services voyageurs au détriment de la plupart des services fret (45). En effet, les services de transport voyageurs sont les plus prévisibles en amont d'un HDS donné, les plus récurrents d'un HDS à l'autre et les plus fréquents et réguliers au cours d'un HDS. Ils structurent donc majoritairement l'offre de capacité élaborée par SNCF Réseau au terme de ces phases amont. A l'inverse, les besoins de la plupart des activités fret se matérialisent plus tard et présentent moins de régularité, ce qui rend plus complexe leur inscription dans l'offre élaborée par SNCF Réseau en amont du processus d'allocation des sillons, déjà largement structurée par les demandes correspondant aux besoins des services voyageurs ou des services récurrents de fret.
68. D'autre part, l'élaboration de l'offre de capacité à partir de l'étude des besoins des clients, et notamment, la reconduction, année après année, de ceux de l'opérateur historique, limite la possibilité pour le gestionnaire d'infrastructure de maximiser la capacité de l'infrastructure offerte au début du processus d'allocation des sillons au profit du plus grand nombre et, singulièrement, des nouveaux entrants (46).
69. Ainsi, une refonte plus globale des phases amont du processus capacitaire pourrait, en réponse à ces deux problématiques :
- prévoir la mise en place de plages horaires dédiées au transport de marchandises lors de la pré-construction, afin de faciliter le traitement, au stade de la construction, des demandes de sillons formulées par les entreprises de fret. L'article 48 de la directive 2012/34/UE (47) pourrait également être mobilisé pour mettre en place des réserves de capacités afin de permettre de répondre, au cours de l'HDS, aux demandes ad hoc prévisibles des entreprises de fret ;
- sans remettre en cause la concertation nécessaire entre le gestionnaire d'infrastructure et ses clients (actuels ou futurs), faire évoluer la méthodologie des phases amont vers une démarche plus normative, dans laquelle le gestionnaire d'infrastructure s'efforcerait de favoriser un usage le plus intensif possible de la capacité disponible.
Au cours de l'instruction, SNCF Réseau a présenté son projet de refonte des phases amont du processus dont les objectifs semblent correspondre à ces deux orientations.
70. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de préciser, dans le DRR relatif à l'HDS 2025, les critères objectifs et limitatifs appliqués pendant les phases de structuration et de pré construction, en tenant compte des observations formulées aux points 48 à 64.
71. L'Autorité recommande par ailleurs à SNCF Réseau de procéder à une refonte plus globale des phases préparatoires de la phase d'allocation des sillons. Cette refonte, dont la mise en œuvre devrait intervenir dès 2024, pour les HDS qui seront alors concernés par cette préparation, devrait (i) se fonder sur une démarche plus normative de structuration de la capacité, à l'instar de la démarche qui a pu être mise en œuvre par SNCF Réseau pour maximiser l'offre de sillons sur la ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon lors de l'entrée de Trenitalia France sur les services de trains à grande vitesse le 18 décembre 2021, et (ii) tenir compte des spécificités de chacun des services de transport ferroviaire de fret et de transport ferroviaire de voyageurs, en privilégiant, par exemple, certaines plages horaires pour les circulations des uns ou des autres, lorsque c'est pertinent.
3.1.2. Sur les demandes relatives aux sillons-jours à l'étude
72. Aux termes du DRR, lors de la phase de construction de l'HDS, les candidats formulent, entre mi-décembre A-2 (48) et mi-avril A-2, une première catégorie de demandes de sillons, dites « au service » (ci-après les « DS »). Sur la base de ces demandes, SNCF Réseau construit un projet d'HDS qui est publié mi-juillet A-1 (49), lequel traduit et retranscrit les réponses apportées par SNCF Réseau aux DS. Sur la base des observations formulées par les candidats sur ce projet, l'HDS dit « définitif » dans le DRR, est ensuite arrêté et publié par SNCF Réseau à mi-septembre A-1, puis il est mis à jour à mi-novembre A-1 (50), soit un mois avant le début de l'HDS concerné.
73. SNCF Réseau attribue les capacités d'infrastructure aux candidats dans un contexte contraint par les capacités réservées pour les travaux d'entretien, de renouvellement et de développement du réseau. En théorie, aux termes du DRR (51), les candidats ne doivent pas commander des sillons durant les périodes pendant lesquelles SNCF Réseau programme ces travaux, telles qu'elles apparaissent dans le « Programme Général des Fenêtres travaux » (ou « PGF ») (52) diffusé aux demandeurs de capacité à mi-décembre A-2. Cependant, il ressort des éléments recueillis au cours de l'instruction (53) que beaucoup de candidats, estimant le PGF peu lisible (54), formulent leurs demandes soit sans le consulter, soit en le consultant mais en ne prenant pas en compte les travaux programmés qui peuvent éventuellement entrer en conflit avec les sillons qu'ils souhaitent solliciter (55).
74. Lorsqu'une demande de sillon porte sur plusieurs jours de circulation durant un HDS (le DRR parle alors de demande « régimée »), SNCF Réseau devrait en principe apporter une réponse ferme (attribution ou refus d'attribution du sillon) simultanément à toutes les DS, via la publication du projet d'HDS, en juillet de A-1, et ce pour l'intégralité des jours de circulation sollicités. Lorsque les travaux programmés par SNCF Réseau rendent la capacité de l'infrastructure indisponible pour certains jours de circulation faisant l'objet d'une demande « régimée », SNCF Réseau s'efforce, afin de pouvoir attribuer le sillon sur l'intégralité des jours sollicités, de proposer des variantes de ce sillon permettant de contourner ces périodes d'indisponibilité (56). Or, selon SNCF Réseau, en raison du nombre important des conflits entre les sillons-jours demandés et les travaux programmés, du temps nécessaire à l'exercice consistant à élaborer des variantes, et du caractère limité de ses ressources, ce dernier n'est pas en mesure de produire suffisamment de variantes afin de pouvoir résoudre l'ensemble de ces conflits à la date d'arrêté de l'HDS définitif (soit mi-septembre A-1).
75. En conséquence, depuis l'HDS 2010, SNCF Réseau a adapté le processus d'allocation des sillons à cette situation en instaurant une procédure dite de placement des sillons « à l'étude », définie dans le DRR. Selon cette procédure, la nature de la réponse apportée par SNCF Réseau à une demande de sillon « régimée » peut consister, pour chacun des jours de circulation sollicités, soit en une attribution du sillon-jour, soit en un refus d'attribution du sillon-jour, soit en un placement du sillon-jour « à l'étude » (57). Pour chacun des sillons et des jours identifiés par un automate informatique comme étant en conflit avec des travaux, SNCF Réseau s'efforce de proposer une variante du sillon, en priorité pour les premiers jours de l'HDS (58). Lorsque ce travail de « variantage » ne peut pas être terminé par les équipes de SNCF Réseau avant l'arrêté de l'HDS définitif (mi-septembre A-1), les jours restant en conflit avec des travaux lors de cet arrêté sont placés « à l'étude » et leur traitement définitif est donc reporté ultérieurement. SNCF Réseau s'engage, dans ce cas, à transmettre une réponse définitive au demandeur au plus tard trois mois (90 jours) avant la date de circulation (59).
76. Dans ce contexte, les saisissantes demandant à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau : «
- à titre principal, de supprimer dans un délai de trois (3) ans, les sillons attribués précaires ;
- à titre subsidiaire, tant que la notion même de sillons précaires n'est pas supprimée :
- de mettre en place des indicateurs, soumis à pénalités incitatives, visant à ce que le taux de sillons alloués fermes - au lot ou en phase d'adaptation - augmente à chaque horaire de service. Ces indicateurs, qui devront être distingués par type d'activités et prendre en compte non seulement un taux global d'allocation mais également la progression réalisée par rapport à l'horaire de service précédent, reposeront sur une appréciation de la fermeté des sillons sur tout le parcours commandé et dans les tolérances exprimées par les demandeurs de capacités de manière à éviter que SNCF Réseau ne comptabilise comme alloués fermes des sillons faisant en réalité l'objet d'attributions partielles ou hors des tolérances exprimées ;
- d'assortir le délai de trois mois (90 jours) de levée des précarités, de pénalités incitatives en cas de non-respect dudit délai ».
a. Arguments des parties
77. Les saisissantes ont indiqué lors de l'instruction que l'attribution conditionnelle de capacités, sous la forme de « sillons-jours à l'étude », est particulièrement pénalisante pour leurs activités. En effet, une part significative de leurs demandes de sillons font l'objet d'une attribution conditionnelle (60), les empêchant ainsi d'avoir de la visibilité sur leurs plans de transport, ce qui constituerait un obstacle à l'accès au marché. Par ailleurs, affirmant que SNCF Réseau répondrait très souvent après l'échéance fixée pour traiter définitivement les sillons-jours à l'étude (au plus tard 90 jours avant la date de circulation), les saisissantes soutiennent que le dépassement de ce délai affecterait considérablement leurs plans de transport et les obligerait à formuler des demandes de sillons supplémentaires pour pallier le retard de SNCF Réseau.
78. En appui de leur demande de suppression de l'attribution conditionnelle de capacités, les saisissantes rappellent que l'Autorité a considéré à plusieurs reprises que cette procédure avait vocation à disparaître car elle était pénalisante pour les candidats et constituait un obstacle à l'accès au marché.
79. La mise en place d'indicateurs sur le taux de sillons alloués de manière ferme (61), soumis à pénalités, devrait, selon les saisissantes, encourager SNCF Réseau à l'augmenter progressivement à chaque HDS.
80. Enfin, les saisissantes demandent la mise en place de pénalités incitatives en cas de non-respect du délai dans lequel une réponse définitive doit être apportée aux demandeurs de capacité lorsque les sillons-jours sont placés à l'étude. Elles soutiennent que le mécanisme d'incitation réciproque, issu de la décision de l'Autorité n° 2018-094 du 20 décembre 2018 (ci-après la « décision IR ») (62) ne serait pas suffisant à cet égard, car il se contenterait d'inciter SNCF Réseau à allouer uniquement des sillons fermes à compter de la date de certification de l'HDS (mi-novembre A-1), alors que le respect, en tant que tel, du délai de levée de précarité ne serait pas, quant à lui, pénalisé.
81. De son côté, SNCF Réseau soutient que la mise en place de la procédure des sillons-jours « à l'étude » résulte notamment de ce que les candidats ne consulteraient pas le PGF avant de formuler leurs demandes de sillons (63). SNCF Réseau soutient que la demande de suppression des sillons-jours à l'étude ne serait ni réaliste, compte tenu du volume des travaux à programmer, ni souhaitable car (i) SNCF Réseau aurait besoin de cette flexibilité opérationnelle, (ii) en l'absence de cette procédure, les demandes de sillons entrant en conflit avec des travaux se verraient opposer des refus, ce qui contraindrait les candidats à formuler de nouvelles demandes et (iii) ce dispositif permettrait au moins, dans l'intervalle de temps pendant lequel un sillon est placé « à l'étude », de conserver la trace du sillon commandé par un client dans le projet du graphique horaire (alors qu'un rejet de la demande, faute de solutions alternatives identifiées, conduirait à sa suppression pure et simple de ce graphique).
82. Par ailleurs, SNCF Réseau s'oppose à la mise en place d'indicateurs, soumis à des pénalités incitatives, visant à ce que le taux de sillons alloués fermes augmente à chaque HDS, en raison des mécanismes incitatifs déjà existants, ainsi que de l'amélioration des taux d'allocation de sillons fermes, ayant donné lieu corrélativement à une diminution du taux de sillons-jours placés à l'étude, pouvant être constatée depuis l'HDS 2017.
83. Enfin, SNCF Réseau considère que l'instauration d'une pénalité incitative en cas de non-respect du délai de levée de précarité serait inutile puisque la décision IR inciterait déjà le gestionnaire d'infrastructure à lever le plus rapidement possible la précarité lorsqu'un sillon-jour est toujours à l'étude après novembre A-1.
b. Analyse de l'Autorité
- Sur la demande de suppression à terme de la procédure de placement de sillons-jours à l'étude
84. En premier lieu, il ressort des explications fournies par SNCF Réseau que la procédure de placement de sillons jours « à l'étude » a été créée en 2010 pour répondre à la situation suivante :
i. Lorsque les demandeurs de capacité émettent leurs demandes, le nombre de conflits entre sillons-jours demandés et capacités-travaux est important (64) ;
ii. Les modalités actuelles d'organisation ou la quantité des ressources de SNCF Réseau ne lui permettent pas de produire, avant la publication du projet d'HDS (mi-juillet A-1), suffisamment de variantes des sillons pour les jours de circulation se trouvant en conflit avec des capacités-travaux (65).
85. SNCF Réseau affirme qu'aux termes du DRR, cette situation ne devrait pas, en principe, se présenter puisque les demandeurs ont l'obligation de vérifier, préalablement à la formulation de leur demande de capacités, la disponibilité de l'infrastructure (notamment eu égard aux capacités-travaux programmées) (66). Cela suppose toutefois que les informations sur la disponibilité de l'infrastructure mises à disposition des candidats, via en particulier le PGF, soient lisibles. Or, il ne peut être considéré que la situation est satisfaisante à cet égard (67).
86. Il résulte de ces éléments que SNCF Réseau pourrait répondre, dans les situations de conflit ne pouvant être résolues à la date de publication du projet d'HDS (mi-juillet A-1), par un refus d'attribution, ce qui lui permettrait alors d'apporter 100 % de réponses fermes à cette date et a fortiori lors de l'arrêté de l'HDS définitif mi-septembre A-1.
Or, une telle situation ne serait ni satisfaisante, ni performante du point de vue opérationnel et du fonctionnement du système ferroviaire.
87. En lieu et place d'un tel comportement, le gestionnaire d'infrastructure a élaboré un dispositif dans lequel, en cas de conflit « sillon-travaux », un refus d'attribution est opposé uniquement lorsque le conflit semble avoir une cause ne permettant pas d'identifier une marge de résolution ultérieure (68). A l'inverse, le sillon-jour demandé est placé « à l'étude » lorsque, malgré l'impossibilité de traiter immédiatement ce conflit, compte tenu des ressources en horairistes mobilisables, SNCF Réseau identifie qu'il lui serait possible de le régler ultérieurement, en produisant une variante permettant de répondre au besoin du plan de transport du demandeur (69), ce qui est in fine le cas pour plus de la moitié des sillons-jours à l'étude.
Il apparaît donc que si la procédure de placement « à l'étude » n'existait pas, les sillons-jours en conflit avec des travaux se verraient opposer des refus d'attribution, ce qui serait plus défavorable pour les demandeurs (70).
88. Toutefois, l'Autorité constate que pour certains demandeurs de capacité (certains opérateurs de fret notamment, ou encore de transport public de voyageurs, qui doivent rendre compte à des donneurs d'ordre - chargeurs ou AOT), les réponses « à l'étude » créent de fait une incertitude quant à l'attribution in fine du sillon-jour parfois difficilement compatible avec les termes des contrats passés avec les clients finaux et leurs contraintes commerciales (71).
Par ailleurs, si la situation se trouvant à l'origine de la création de la procédure de placement de sillons-jours à l'étude peut trouver son explication, au moins en partie, dans le comportement de commande des demandeurs de capacité, elle est également liée au manque de moyens (notamment humains et informatiques) mis à disposition des horairistes par le gestionnaire d'infrastructure.
89. En second lieu, aucune disposition nationale ou européenne n'évoque, explicitement (pour l'autoriser ou pour l'interdire), la possibilité, pour un gestionnaire d'infrastructure, de répondre à une demande de sillon de manière non définitive, tel que le prévoit le dispositif mis en place par SNCF Réseau.
L'article 45 de la directive 2012/34/UE se limite à prévoir que « le gestionnaire de l'infrastructure s'efforce, dans la mesure du possible, de satisfaire toutes les demandes de capacités d'infrastructure ». L'article 21 du décret n° 2003-194 prévoit quant à lui que le gestionnaire de l'infrastructure établit un projet d'HDS « à l'issue de l'instruction des demandes de sillons », au cours de laquelle « il s'efforce, dans la mesure du possible, de satisfaire toutes les demandes ».
L'objectif de « satisfaire toutes les demandes » visé dans les dispositions précitées renvoie à l'attribution de réponses positives par SNCF Réseau et l'utilisation du verbe « s'efforce » révèle qu'il s'agit d'une obligation de moyens et non de résultat. SNCF Réseau doit ainsi répondre positivement au maximum de demandes.
90. Il résulte des éléments qui précèdent que la suppression totale de la procédure des sillons-jours « à l'étude » ne paraît pas opportune. Comme cela a été précédemment indiqué, ce type de réponse paraît préférable à un refus pur et simple d'attribution dans la mesure où, notamment, il engage le gestionnaire d'infrastructure à reprendre ultérieurement l'étude du sillon-jour concerné, tout en le réservant, dans l'intervalle, au demandeur, avec une issue favorable d'attribution dans plus de la moitié des cas.
L'Autorité considère par conséquent qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des saisissantes de suppression totale de cette procédure.
91. Cependant, dans la mesure où le placement de sillons-jours à l'étude conduit à prolonger la période durant laquelle les opérateurs se trouvent dans l'incertitude, tant que les sillons qu'ils sollicitent ne leur ont pas été attribués fermement, l'Autorité considère que :
- l'accès des demandeurs de sillons aux informations concernant les capacités-travaux doit être amélioré et simplifié afin de leur permettre de formuler leurs demandes de sillons durant la phase de construction de l'HDS en toute connaissance de cause. L'accélération du déploiement du projet PACT (72) et la refonte des phases amont du processus capacitaire sont à cet égard nécessaires et devraient permettre à terme de limiter significativement le recours à cette procédure voire de la faire disparaître ;
- afin d'inciter SNCF Réseau à ne pas placer de sillons-jours à l'étude à la date d'arrêté de l'HDS définitif (mi-septembre A-1), il a lieu de revoir le mécanisme de pénalités actuellement prévu dans la décision IR en ce sens.
- Sur la mise en place d'indicateurs, soumis à pénalités incitatives, tendant à ce que le taux de sillons alloués de manière ferme augmente à chaque HDS, tant en construction qu'en adaptation
92. En premier lieu, concernant les réponses apportées par SNCF Réseau aux DS lors de la phase de construction de l'HDS, la décision IR fixe déjà un taux minimal d'attribution de sillons-jours fermes pour le fret ferroviaire de 85 % à la publication de l'HDS (73).
La demande formulée par les saisissantes revient à solliciter une augmentation progressive de ce taux à chaque HDS (74). Dans leurs écritures, elles précisent toutefois qu'elles ont « conscience qu'un taux cible de qualité des sillons fret de 100 % ne sera jamais atteignable ». Elles proposent donc à l'ART « de définir un plafond limite de qualité des sillons fret - supérieur à 85 % - vers lequel SNCF Réseau devra tendre d'année en année (75) ».
Bien que cela n'ait pas été précisé par les saisissantes, l'Autorité comprend que le seuil de 85 %, dont elles demandent l'augmentation, ne leur paraît pas suffisant pour inciter SNCF Réseau à réaliser, lors du traitement des DS, un nombre de variantes suffisant pour limiter substantiellement le recours au placement de sillons-jours à l'étude.
Toutefois, l'Autorité avait décidé de positionner le taux plancher de sillons fermes à hauteur de 85 % parce qu'il laissait une place assez large (15 %) à la fois aux réponses consistant en des refus et aux placements à l'étude. Aller dans le sens de la demande des saisissantes impliquerait de pouvoir déterminer jusqu'à quel niveau ce taux pourrait être réhaussé, sans affecter la possibilité laissée par les textes à SNCF Réseau de refuser certains sillons-jours (76). Un tel exercice est extrêmement complexe, sinon impossible à réaliser.
L'Autorité considère donc qu'il n'y a pas lieu de définir un taux minimal supérieur aux 85 % prévus par la décision IR pour l'attribution de sillons-jours fermes à l'arrêté de l'HDS, pour le fret.
93. En deuxième lieu, concernant la phase d'adaptation, l'attribution de capacités lors de cette phase se faisant dans la capacité résiduelle, il serait encore plus aléatoire qu'en phase de construction de tenter de déterminer à l'avance la proportion dans laquelle les réponses aux demandes de sillon-jour devraient être positives.
L'Autorité considère donc également qu'il n'y a pas lieu de définir un taux minimal d'attribution de sillons-jours fermes en adaptation pour le fret.
94. Néanmoins, afin de garantir le respect du taux minimal de 85 % d'attribution de sillons-jours fermes pour le fret ferroviaire, fixé dans la décision IR (77) pour l'ensemble des candidats, l'Autorité procèdera à une consultation des parties prenantes portant sur une révision de cette décision visant à (i) redéfinir l'indicateur retenu pour ce plancher pour intégrer la part des demandes de sillons traitées, (ii) prévoir qu'il soit appliqué pour le traitement des demandes de chaque candidat, (iii) ajuster l'objectif de 85 % le cas échéant, et (iv) assortir sa non-atteinte de pénalités à la charge de SNCF Réseau.
- Sur la mise en place de pénalités incitatives en cas de non-respect du délai de levée de précarité
95. L'article 5 de la décision IR susmentionnée prévoit que « lorsque le gestionnaire d'infrastructure procède à une attribution conditionnelle (78) de sillon, il apporte une réponse définitive pour chaque sillon-jour à l'étude au plus tard trois mois avant la date de circulation concernée » (79) (surlignements ajoutés).
96. En l'espèce, les saisissantes ont produit plusieurs exemples montrant que cette date butoir n'est pas toujours respectée. Par ailleurs, si SNCF Réseau affirme que ce délai est généralement respecté, elle a reconnu, au moins pour les HDS 2019 et 2020, certains traitements tardifs, liés selon elle à la crise sanitaire, tout en indiquant qu'il s'agissait de cas isolés.
Compte tenu de ces éléments, et en raison de l'importance pour les candidats de pouvoir sécuriser leur plan de transport le plus en amont possible de l'HDS, la pénalisation du dépassement de ce délai apparaît nécessaire afin d'inciter SNCF Réseau à le respecter.
97. La décision IR intègre déjà, dans le périmètre du mécanisme de pénalités incitatives qui y est prévu, les sillons-jours se trouvant toujours « à l'étude » à la date de certification de l'HDS, soit à mi-novembre A-1, et pénalise le passage, après ce jalon, du statut « à l'étude » au statut « attribué » ou « non attribué », ce de façon continue, croissante et exponentielle jusqu'au jour de circulation prévu, avec une pénalité plus élevée en cas de refus d'attribution qu'en cas d'attribution. Suivant une progression exponentielle, le montant de ces pénalités devient donc très significatif au-delà du jalon de 90 jours avant le jour de circulation.
En l'état de sa rédaction, les dispositions de la décision IR ont ainsi pour objet et pour effet d'inciter SNCF Réseau à traiter (i) au plus tôt (donc y compris avant ce délai) et (ii) favorablement, tous les sillons-jours se trouvant encore placés à l'étude à mi-novembre de A-1.
Cependant, le non-respect du délai de « trois mois avant la date de circulation concernée » n'est pas pénalisé, à ce jour, s'agissant de sillons-jours à l'étude portant sur les premières semaines de circulation de l'HDS.
98. Par conséquent, l'Autorité considère qu'afin d'inciter SNCF Réseau à ne pas placer de sillons-jours à l'étude correspondant aux premières semaines de circulation de l'HDS ou, du moins, à les affermir au plus tard trois mois avant le jour de circulation, il y a lieu de mettre en place un mécanisme de pénalité en ce sens.
99. En conclusion, s'agissant des demandes des saisissantes portant sur les sillons-jours à l'étude, l'Autorité considère :
- qu'il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de suppression des sillons-jours à l'étude ;
- qu'il y a lieu de faire partiellement droit à leur demande tendant à la mise en place d'indicateurs, soumis à pénalités incitatives, visant à ce que le taux de sillons alloués de manière ferme augmente à chaque HDS, tant en construction qu'en adaptation, et qu'à cette fin l'Autorité procède à une révision de la décision IR, tenant compte des préoccupations exprimées par les saisissantes ;
- qu'il y a lieu de faire droit à leur demande tendant à la mise en place de pénalités incitatives en cas de non-respect du délai de levée de précarité, et qu'à cette fin l'Autorité procède à une révision de la décision IR, tenant compte des préoccupations exprimées par les saisissantes.
3.1.3. Sur les autres demandes relatives au processus d'allocation des sillons
100. Les « demandes tardives au service » (ci-après les « DTS ») sont définies dans le DRR comme les demandes émises par les candidats entre mi-avril A-1 et début septembre A-1 (80), auxquelles SNCF Réseau répond entre mi-août A-1 et mi-novembre A-1 (81). Elles peuvent consister en des demandes soit de création de nouveaux sillons, soit de modification ou de suppression (82) de sillons préalablement sollicités dans le cadre de DS. Le DRR prévoit que le traitement des DTS est ordonnancé par SNCF Réseau selon certains critères (83). Les DTS émises entre mi-avril A-1 et mi-juillet A-1 sont compilées et traitées à partir de mi-juillet A-1 selon ces critères. Cette pile de DTS, ainsi ordonnancée, est ensuite régulièrement mise à jour par SNCF Réseau par l'ajout des DTS émises ensuite entre mi-juillet A-1 et mi-septembre A-1.
Conformément au paragraphe 6 de l'annexe VII de la directive 2012/34/UE, l'ensemble des DTS doivent dans tous les cas être traitées au plus tard un mois avant le début de l'HDS (soit mi-novembre A-1) et donner lieu alors à une « mise à jour » de l'HDS. Enfin, depuis le DRR relatif à l'HDS 2021, SNCF Réseau a fixé la date limite d'émission des DTS à mi-septembre de l'année A-1, alors qu'elle était fixée pour les HDS précédents à mi-octobre A-1 (84).
101. Les « demandes de sillon en adaptation » (ci-après les « DSA ») sont quant à elles définies dans le DRR comme les demandes émises par les candidats entre mi-septembre A-1 et J-8 inclus avant le jour de circulation (85), auxquelles SNCF Réseau répond à compter de la certification de l'HDS mi-novembre A-1 (86). Elles peuvent consister en des demandes soit de création de nouveaux sillons, soit de modification ou de suppression (87) de sillons préalablement attribués en réponse à des DS ou à des DTS. SNCF Réseau indique dans le DRR y répondre dans les meilleurs délais, en ordonnançant leur traitement (i) d'abord afin de respecter les délais maximums qui y sont fixés (88), puis (ii) selon l'ordre de réception de ces demandes. Les DSA émises à partir de mi-septembre A-1 sont compilées et traitées dès que possible selon ces critères. Cette pile de DSA, ainsi ordonnancée, est ensuite régulièrement mise à jour par SNCF Réseau par l'ajout des DSA émises ensuite jusqu'à début décembre A à l'approche de la fin de l'HDS.
102. Enfin, les « demandes de sillon de dernière minute » (ci-après les « DSDM ») sont définies dans le DRR comme les demandes introduites à partir de 7 jours calendaires avant la circulation. SNCF Réseau les traite dans un délai de 7 jours calendaires à compter de l'émission de la demande (89).
a. En phase de construction de l'horaire de service
- Sur le délai d'émission des DTS
103. Les saisissantes demandent à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau, pour le prochain HDS utile, de permettre aux entreprises ferroviaires ou aux autres candidats d'émettre des DTS jusqu'à mi-octobre de l'année A-1.
i. Arguments des parties
104. Les saisissantes soutiennent que la fixation du délai de fin d'émission des DTS à mi-septembre A-1, à compter de l'HDS 2021, alors qu'il était précédemment fixé à mi-octobre A-1, est défavorable aux demandeurs de capacité dans la mesure où elle limite la période pendant laquelle ces demandes peuvent être présentées - ainsi que potentiellement leur volume -, tout en allongeant le temps dont dispose le gestionnaire d'infrastructure pour les traiter. Elles estiment en outre que les dispositions juridiques en vigueur ne font pas obstacle à ce que ce délai soit décalé à mi-octobre A-1.
105. De son côté, SNCF Réseau souligne qu'elle a été confrontée depuis plusieurs HDS à une augmentation substantielle du volume des DTS, ce qui l'a contraint à positionner, à compter de l'HDS 2021, la date limite d'introduction de ces demandes à mi-septembre A-1, et indique qu'aucun fondement juridique n'impose une date limite précise au gestionnaire d'infrastructure.
106. Les saisissantes indiquent que l'augmentation du volume de DTS dont fait état SNCF Réseau pour expliquer son choix de modifier le DRR sur ce point n'est que la conséquence des difficultés que rencontrent les demandeurs de capacité de fret à disposer d'un taux satisfaisant de sillons alloués fermes en réponse à des DS.
ii. Analyse de l'Autorité
107. L'Autorité constate qu'aucune disposition juridique n'encadre la date limite d'émission des DTS. Toutefois, les DTS constituant des demandes reçues après la date limite de réception des demandes de capacité à intégrer dans l'HDS, au sens du paragraphe 3 de l'annexe VII de la directive 2012/34/UE, elles doivent être prises en considération par le gestionnaire d'infrastructure selon une procédure prévue dans le DRR.
108. Le point 6 de l'annexe VII précise ensuite que le gestionnaire d'infrastructure doit répondre à ces demandes au plus tard un mois avant le début de l'HDS concerné, tout en laissant une marge de manœuvre (90) au gestionnaire d'infrastructure pour organiser la procédure de répartition des capacités de l'infrastructure.
109. Il résulte de ces dispositions que la fixation, par SNCF Réseau, de la date limite d'émission des DTS à mi-septembre de l'année A-1, alors qu'elle était fixée à mi-octobre A-1 lors des HDS précédents, ne contrevient pas aux dispositions législatives ou réglementaires applicables.
110. L'Autorité constate par ailleurs que SNCF Réseau réceptionne en pratique les demandes de sillons via un unique outil informatique, dénommé « GESICO », via un unique formulaire, en continu, de mi-décembre A-2 jusqu'au début de l'HDS (mi-décembre A-1), et même durant cet HDS pour les adaptations au fil de l'eau, de sorte que seule la date d'enregistrement des demandes de sillons permet à SNCF Réseau de les classer en DS, DTS ou DSA.
111. Concernant la qualification, de « tardive » ou « d'adaptation », des demandes de sillon formulées entre mi-septembre A-1 et mi-octobre A-1, leur classement en DSA clarifie et simplifie la notion d'adaptation, puisqu'elle se rapporte désormais à toutes les modifications apportées, par les candidats comme par SNCF Réseau elle-même, à l'HDS arrêté mi-septembre A-1. De plus, le retour à mi-octobre A-1 comme date butoir d'émission des DTS risquerait de remettre en cause la capacité de SNCF Réseau à traiter l'ensemble des DTS (91) avant la certification de l'horaire de service (mi-novembre A-1).
112. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande des saisissantes.
- Sur la réponse systématique aux DTS avant la date de début de traitement des DSA
113. Les saisissantes demandent qu'il soit enjoint à SNCF Réseau, pour le prochain HDS utile, de répondre aux DTS systématiquement avant la date de début de traitement des DSA, conformément au DRR, étant précisé que la réponse de SNCF Réseau doit être communiquée avant la date de certification de l'HDS (mi-novembre A-1).
i. Arguments des parties
114. Les saisissantes soutiennent que bien qu'aucune disposition du DRR n'oblige SNCF Réseau à répondre aux DTS avant les DSA, le calendrier de formulation de ces deux types de demandes doit conduire à traiter, dans un premier temps, les demandes les plus anciennes (soit les DTS, présentées avant des DSA). Or, en pratique, des DSA sont régulièrement traitées avant des DTS pourtant présentées avant elles, ce qui ne serait pas acceptable.
115. SNCF Réseau fait valoir que pour ses clients, les DTS et les DSA sont de même nature et qu'il est, pour cette raison, difficile de traiter ces demandes successivement. En pratique, toutefois, les DSA sont mises en production auprès des équipes des bureaux horaires après le traitement des DTS, à l'exception des DSA de retrait de jours et des DSA de suppression, qu'il lui apparaît pertinent de traiter dès leur réception puisqu'elles tendent à libérer de la capacité. En réponse à la problématique soulevée par les saisissantes, SNCF Réseau propose de prévoir une date à partir de laquelle débuteraient les délais de traitement des DSA, qui serait fixée à un mois avant le début de l'HDS, soit mi-novembre A-1, de sorte qu'il n'existerait plus, comme cela est le cas actuellement, de périodes de chevauchement entre les phases de traitement respectives des DTS et des DSA.
ii. Analyse de l'Autorité
116. L'Autorité relève, à titre liminaire, que le DRR applicable à l'HDS 2022 fixait les règles de traitement des commandes suivantes :
- les DTS pouvaient être formulées entre le 13 avril et le 6 septembre 2021, et faisaient l'objet d'une réponse entre le 24 août et le 8 novembre 2021 ;
- les DSA peuvent être formulées entre le 7 septembre 2021 (date de l'arrêté de l'HDS 2022) et le 10 décembre 2022 (fin de l'HDS 2022) et font l'objet d'un traitement dans les meilleurs délais et au plus tard 30 jours à compter de leur formulation s'agissant des demandes portant sur plusieurs jours de circulation.
117. Ainsi, les dispositions de ce DRR pouvaient conduire, en pratique, à ce que le traitement des DSA, à compter du 7 septembre 2021, se chevauche avec le traitement des DTS, lesquelles pouvaient faire l'objet d'une réponse jusqu'au 8 novembre 2021. Un demandeur de capacités ayant déposé une DTS relativement tôt dans le calendrier de répartition des capacités était ainsi susceptible de voir sa demande traitée après une DSA présentée à compter du 7 septembre 2021, en méconnaissance des principes de traitement équitable et non discriminatoire entre candidats pour l'accès à l'infrastructure.
118. En l'espèce, il ressort tout d'abord des éléments du dossier que les cas de traitement d'une DSA avant une DTS, qui ne sont pas remis en question par SNCF Réseau compte-tenu du contexte lié à la crise sanitaire et à l'évolution de ses systèmes d'information, restent limités (92).
119. Par ailleurs, SNCF Réseau a amendé le DRR 2022 (dans sa version modifiée) et le DRR 2023 (93) pour indiquer la date précise de début de traitement des DSA, tout en permettant aux demandeurs de capacité d'émettre des DSA avant cette échéance, et en précisant que leur traitement ne débute qu'à compter de cette date (dans le but d'éviter toute période de chevauchement possible entre le traitement des DTS et celui des DSA) (94). Dans leurs observations en duplique en date du 18 octobre 2021 (95), les saisissantes se sont félicitées de cette évolution.
120. Au regard de ces éléments, l'Autorité estime qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande des saisissantes.
b. En phase d'adaptation de l'horaire de service
- Sur le délai de traitement des commandes de sillons-jours uniques
121. Les saisissantes demandent qu'il soit enjoint à SNCF Réseau, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'Autorité à intervenir, de traiter sous 5 jours ouvrables maximum toutes les commandes de sillons-jours uniques, qu'elles consistent en des demandes de création ou de modification de sillons et que la commande soit émise avant ou après J40 (J étant le jour de la circulation prévue).
i. Arguments des parties
122. Les saisissantes estiment que le délai de cinq jours ouvrables fixé par l'article 48 de la directive 2012/34/UE pour répondre aux « demandes ad-hoc de sillons individuels » s'applique à toutes les commandes de sillons individuels, sans distinguer entre les demandes de création et de modification de sillons, la notion de « demande ad hoc » visée par la directive concernant toutes les commandes de sillons-jours formulées en phase d'adaptation.
123. De son côté, SNCF Réseau soutient qu'en phase d'adaptation, le délai de réponse de cinq jours est applicable aux seules demandes de création de sillons-jours uniques et non aux demandes de modification de ce type sillons lorsqu'ils ont déjà été élaborés et attribués par SNCF Réseau, la notion de « demande ad hoc de sillons individuels » visée par l'article 48 de la directive correspondant uniquement, selon elle, à des nouvelles demandes de sillons.
ii. Analyse de l'Autorité
124. Les dispositions du DRR prévoient que les demandes de création d'un sillon-jour unique doivent être formulées au plus tard 8 jours calendaires avant le jour de circulation et qu'une réponse est apportée dans un délai de 7 jours calendaires, correspondant selon SNCF Réseau au délai de 5 jours ouvrables défini par l'article 48 de la directive 2012/34/UE (96). S'agissant des demandes de modification de sillons-jours à l'initiative du demandeur, le DRR prévoit qu'elles doivent être formulées au plus tard 8 jours calendaires avant le jour de circulation et qu'une réponse est apportée au plus tard 30 jours calendaires après le dépôt de la demande (97).
125. Le premier paragraphe de l'article 48 de la directive 2012/34/UE prévoit que « le gestionnaire de l'infrastructure répond, dans un délai aussi court que possible et, en tout cas, dans les cinq jours ouvrables, aux demandes ad hoc de sillons individuels ». L'article 23 du décret n° 2003-194, transposant la directive, dispose quant à lui que le gestionnaire d'infrastructure se prononce dans un délai « inférieur à cinq jours ouvrables sur les demandes ponctuelles de sillons ».
126. Il résulte de ces dispositions que les demandes « ponctuelles » ou « ad hoc » de sillons individuels doivent être traitées dans un délai de cinq jours ouvrables et qu'aucune distinction n'est faite, dans les textes, entre les demandes de modification ou de création de sillons (98). Ainsi que l'Autorité l'a déjà souligné à plusieurs reprises, l'application différenciée du délai de cinq jours ouvrables selon que la demande porterait sur la modification ou la création d'un sillon-jour unique pourrait contrevenir aux principes de traitement équitable et non discriminatoire entre candidats pour l'accès à l'infrastructure, en créant un traitement prioritaire des demandes de création sur les demandes de modification de sillons en phase d'adaptation (99).
127. Il s'ensuit qu'en maintenant, dans le DRR, des délais de traitement différents pour les demandes de modification et de création de sillons-jours individuels, SNCF Réseau méconnaît les dispositions rappelées au point 125.
128. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de modifier le DRR pour que le délai de réponse maximal de cinq jours ouvrables s'applique, dès l'HDS 2023, à l'ensemble des demandes ponctuelles de sillons individuels en phase d'adaptation, qu'elles soient de création ou de modification.
- Sur la publication d'indicateurs relatifs aux délais de traitement des commandes en phase d'adaptation
129. Les saisissantes demandent à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau de mettre en place et de publier des indicateurs relatifs aux délais de traitement des commandes en phase d'adaptation, ce en distinguant les types d'activités, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'Autorité à intervenir.
i. Arguments des parties
130. Les saisissantes soutiennent que le « Rapport annuel sur l'efficacité du processus d'attribution des capacités » (ci-après le « RAC »), établi par SNCF Réseau, ne fait pas l'objet d'une publicité suffisante et que les indicateurs figurant déjà dans ce rapport ne sont pas satisfaisants dans la mesure où ils ne précisent pas (i) le délai moyen de réponse par activité pour les DSA et les DSDM, (ii) les taux par type de réponse apportée par SNCF Réseau, ainsi que (iii) les taux par type de réponse et par activité. Elles relèvent en outre que ces indicateurs montrent que les opérateurs de fret sont systématiquement moins bien traités, en dépit d'un volume de commandes plus faible que celui du transport de voyageurs. Enfin, elles estiment que les indicateurs contenus dans le RAC, s'agissant du traitement des DSA et des DSDM, devraient refléter :
- le respect des délais applicables selon la nature de la commande (ponctuelle ou non) ;
- l'exhaustivité de la réponse apportée selon la demande (ponctuelle ou non) ;
- le pourcentage de demandes acceptées dans les tolérances et hors des tolérances exprimées ;
- le pourcentage de refus pour des raisons justifiées selon le DRR et le pourcentage de refus pour des raisons injustifiées selon le DRR.
131. SNCF Réseau indique être favorable à une évolution des modalités de publication du RAC afin d'améliorer l'accès aux données qui y figurent et estime déjà procéder au suivi et à la publication d'indicateurs relatifs aux délais de traitement des commandes en phase d'adaptation, en distinguant selon les types d'activités. S'agissant de la question des délais de traitement, SNCF Réseau rappelle qu'elle fait l'objet d'échanges réguliers, tout au long de l'année, avec les candidats lors des « Réunions périodiques de Suivi de la Réalisation du Service » (RSRS).
ii. Analyse de l'Autorité
132. L'Autorité rappelle, à titre liminaire, que le RAC, établi chaque année par SNCF Réseau depuis 2014, a pour objet d'évaluer, sur le fondement d'indicateurs définis par le gestionnaire d'infrastructure, l'efficacité du processus d'allocation des capacités.
133. S'agissant, en premier lieu, des modalités de publication de ce rapport, SNCF Réseau a confirmé, au cours de l'instruction, que le RAC était diffusé dans le cadre du COOPERE, ce qui permettrait selon elle à l'ensemble des candidats d'en avoir connaissance. Néanmoins, en pratique, l'Autorité note que certains candidats ne sont pas conviés à l'instance plénière du COOPERE, durant laquelle le RAC est présenté et transmis, et ne peuvent donc l'obtenir que par l'intermédiaire des associations professionnelles qui les y représentent. Le gestionnaire d'infrastructure n'a pas exclu, afin d'améliorer l'accès aux données portant sur la qualité des processus capacitaires, de faire évoluer, à l'avenir, les modalités de sa publication.
134. L'Autorité estime qu'il est essentiel, afin d'améliorer la transparence et l'accès aux données permettant d'évaluer la qualité des processus capacitaires, en particulier s'agissant du traitement des demandes formulées en phase d'adaptation, de faire évoluer rapidement les modalités selon lesquelles les indicateurs figurant dans le RAC sont diffusés et publiés. A cet égard, il semble pertinent :
- d'enjoindre à SNCF Réseau de publier le prochain RAC (i) sur les plateformes du COOPERE, pour pérenniser sa pratique consistant à le publier sur le SharePoint de ce comité, et (ii) sur son portail Clients & Partenaires, pour le rendre accessible à ses clients indépendamment de sa diffusion dans le cadre du COOPERE ;
- enfin, afin de contribuer à une autorégulation réputationnelle, participant à l'amélioration de la performance du gestionnaire d'infrastructure dans la mise en œuvre du processus capacitaire, de l'enjoindre à publier les indicateurs figurant dans le RAC sur son site internet.
135. S'agissant, en second lieu, du contenu des indicateurs relatifs aux délais de traitement des commandes en phase d'adaptation, l'Autorité constate que le RAC comprend notamment les informations suivantes :
- la volumétrie des DSA, en distinguant les activités fret et voyageurs, et le type de demande (création, modification, suppression) ;
- la nature des réponses apportées aux DSA (attributions et refus d'attribution) ;
- le taux de respect du délai de traitement des demandes sous 30 jours ainsi que la nature des réponses apportées dans ce délai ;
- la distribution des délais de réponse aux DSA (en distinguant entre les types de demandes et leur caractère régimé ou non) ;
- la volumétrie des DSDM, en distinguant les activités fret et voyageurs, le type de demande (création, régularisation, dérégularisation, suppression totale ou partielle) et le délai de réception des demandes (avant ou après J - 1 17 heures) ;
- pour les DSDM de création, le taux de réponses favorables et les délais de traitement des demandes reçues avant J - 1 à 17 heures ;
- les délais moyens de traitement des DSDM par type de demande.
136. Au regard de ces éléments, l'Autorité relève que le RAC indique certes la répartition des délais de réponse aux DSA et aux DSDM en les ventilant selon le type de demande (création, modification, suppression) et leur caractère régimé ou non. Cependant, les délais de traitement des DSA ne sont pas fournis par candidat. Or, l'Autorité estime incontournable que les délais de réponse fassent l'objet d'un suivi précis et exhaustif dans la version confidentielle du RAC qui lui est communiquée par SNCF Réseau.
137. S'agissant de la définition d'un indicateur permettant de mesurer l'exhaustivité de la réponse apportée selon la demande, cette demande paraît peu pertinente, dans la mesure où SNCF Réseau est libre de traiter des DSA par morceaux de régimes, dans des rectificatifs successifs, et où le RAC précise déjà le type de réponse apportée in fine, en fin d'HDS, à l'ensemble des jours de circulation demandés en DSA.
138. Ensuite, l'Autorité estime que l'indication de la part des demandes traitées dans les tolérances exprimées par les candidats et en dehors de celles-ci, actuellement absentes du RAC, n'est pas indispensable dans la mesure où SNCF Réseau affirme ne répondre en dehors des tolérances qu'avec l'accord du demandeur.
139. Enfin, l'indication, dans le RAC, de la part des refus d'attribution correctement justifiés pour les DSA est essentielle à l'instar de celles concernant les DTS et les DS.
140. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau :
- de faire évoluer, dès la publication du prochain RAC, les modalités de publicité de celui-ci afin de garantir sa diffusion immédiate à l'ensemble des acteurs du secteur ;
- d'intégrer, dès le RAC relatif à la préparation de l'HDS 2023 et à l'adaptation de l'HDS 2022, des indicateurs synthétiques et lisibles permettant de mesurer par types (100) et catégories (101) de demandes de sillons (et par candidat pour la version confidentielle du RAC), et ce pour chaque type de trafic (voyageurs et fret) : (i) le respect des différents délais de traitement, (ii) la nature (102) des réponses apportées, et (iii) la part des refus d'attribution non ou mal justifiés.
- Sur le traitement des commandes dans le cadre du comité technique horaire (CTH)
141. SNCF Réseau a mis en place des « Comités Techniques Horaires » (ci-après les « CTH ») afin d'accompagner les candidats dans le cadre du processus de traitement des DSA et, notamment, de permettre aux opérateurs de fret de prioriser le traitement de certaines de leurs demandes selon l'importance qu'elles revêtent pour leur activité. SNCF Réseau organise ainsi bimensuellement des « CTH Fret Adaptation », permettant de poursuivre le dialogue avec les opérateurs de fret en vue de traiter les DSA qu'ils jugent stratégiques pour leur plan de transport, et pour lesquelles une réponse consistant en un refus d'attribution, une attribution portant sur une partie seulement du parcours ou une attribution en dehors des tolérances exprimées par les demandeurs a été apportée, dans un premier temps, par le gestionnaire d'infrastructure. Pour ces demandes, une nouvelle DSA peut être émise par le candidat, ce dernier étant alors informé par SNCF Réseau de l'avancement de son traitement au sein des CTH et des éventuelles difficultés rencontrées. Selon les explications apportées par SNCF Réseau lors de l'instruction, ce processus se poursuivrait jusqu'à ce qu'une réponse soit apportée, selon les principes suivants :
- le nombre de demandes pouvant être traitées dans le cadre d'un CTH est déterminé par SNCF Réseau au regard de l'avancement de la production horaire et est réparti en fonction du volume d'activité des demandeurs de capacité concernés ;
- les demandes sont traitées au fil de l'eau, lors de chaque CTH ;
- il appartient aux demandeurs d'indiquer à SNCF Réseau les priorités de traitement de leurs demandes.
142. Afin de lever toute opacité quant à la manière dont les DSA sont traitées par SNCF Réseau dans le cadre des CTH, les saisissantes demandent qu'il lui soit enjoint, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision de l'Autorité à intervenir, de « (p)ublier et appliquer les règles et principes de traitement des commandes dans le cadre du CTH que les demandeurs peuvent prioriser au sein de leurs propres commandes (nombre de commandes priorisables, délais de traitement, pénalités applicables en cas de non-respect de ces délais, etc.) ».
i. Arguments des parties
143. Les saisissantes indiquent être favorables au principe des CTH, dans la mesure où ils permettraient de répondre à certaines difficultés rencontrées dans le traitement de leurs commandes en phase d'adaptation et d'orienter SNCF Réseau vers le traitement des demandes qui sont pour elles stratégiques. Cependant, l'absence de règles transparentes encadrant le fonctionnement de cette instance ne leur permettrait pas de vérifier que leurs commandes sont, dans ce cadre, traitées de manière équitable et non-discriminatoire. En particulier, elles considèrent que des quotas de DSA pouvant faire l'objet d'un traitement priorisé dans le cadre des CTH devraient être déterminés au prorata du nombre de sillons commandés par chaque candidat pour l'HDS concerné, de façon à tenir compte des évolutions de leurs besoins et de leurs parts de marché. Elles estiment enfin que le DRR devrait définir les délais de réponse applicables aux DSA traitées dans le cadre des CTH et, qu'en cas de non-respect de ces délais, une pénalité devrait être appliquée (103).
144. De son côté, SNCF Réseau soutient que les textes en vigueur ne prévoient pas l'existence des CTH et considère que, dès lors que cette instance a été mise en place à son initiative en vue de faciliter le dialogue avec les demandeurs de capacité durant la phase d'adaptation, elle pourrait le cas échéant y mettre fin en cas d'insatisfaction des candidats. Elle estime que la demande des saisissantes n'est pas recevable au titre de la présente procédure.
ii. Analyse de l'Autorité
145. A titre liminaire, l'Autorité rappelle qu'en application de l'article L. 1263-2 du code des transports, « Tout candidat, (...) peut saisir l'Autorité (…) dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés à l'accès au réseau ferroviaire (...) ». En l'espèce, les saisissantes s'estimant victimes d'un préjudice lié à la procédure de répartition des capacités, en particulier à l'absence de transparence des règles appliquées par SNCF Réseau dans le cadre de l'instance que constituent les CTH, leur demande est, contrairement à ce que soutient SNCF Réseau, recevable.
146. En application des dispositions de droit européen et national rappelées aux points 2 et 3, SNCF Réseau est tenue d'accorder aux entreprises ferroviaires un accès au réseau ferré national dans des conditions équitables, transparentes et non-discriminatoires.
147. Les saisissantes indiquent souhaiter le maintien du principe des CTH, car ils répondent aux contraintes de certains candidats exploitant des trafics qui ne peuvent être planifiés en amont (céréales, granulats, etc.) et donnent donc lieu essentiellement à des demandes de sillons formulées au stade de la phase d'adaptation, sous la forme de DSA.
Toutefois, l'Autorité observe que ni le DRR, ni ses annexes, ni les documents techniques mis à disposition par SNCF Réseau (104) n'évoquent les règles applicables dans le cadre des CTH, en particulier la nature exacte et le nombre des DSA pouvant être traitées en leur sein, les critères au regard desquels SNCF Réseau accepte de prioriser le traitement de certaines commandes ou encore l'ordre exact de traitement des commandes auquel donne lieu cette priorisation.
S'agissant des délais de traitement, SNCF Réseau a indiqué, au cours de l'instruction, que les demandes suivies en CTH ne sont pas soumises à des délais différents de ceux prévus, de manière générale, pour les DSA, en application du point 4.2.3.2 du DRR et de l'article 23 du décret n° 2003-194, et qu'aucun régime spécifique de pénalités en cas de retard n'est prévu.
148. Dès lors que l'organisation des CTH s'inscrit, en pratique, dans le cadre du processus de répartition des capacités mis en œuvre par SNCF Réseau, l'absence de règles accessibles, claires, précises et prévisibles dans leur application méconnait le principe de transparence.
149. En outre, la proposition de SNCF Réseau consistant à supprimer les CTH compte tenu de l'insatisfaction exprimée par les candidats quant à l'absence de transparence de leurs règles de fonctionnement serait contraire aux objectifs d'efficacité et d'utilisation effective et optimale du réseau que doit poursuivre le processus de répartition des capacités mis en place par le gestionnaire d'infrastructure.
150. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de préciser, dans le DRR 2025, les règles et principes de fonctionnement des CTH (notamment le nombre et la nature des demandes recevables et la fréquence des CTH) ainsi que les délais de traitement applicables dans ce cadre.
3.1.4. Sur les demandes relatives à la mise en place de pénalités incitatives
151. Les saisissantes demandent l'application de pénalités incitatives en cas :
- d'absence de traitement d'une DTS dans le délai d'un mois avant le début de l'horaire de service concerné, ou de réponse ne relevant pas d'un motif acceptable (comme l'existence de capacités insuffisantes de traitement) ;
- de non-respect des délais de traitement des DSA et des DSDM, y compris pour les DSA formulées dans le cadre des CTH.
a. Arguments des parties
152. Les saisissantes soutiennent que SNCF Réseau ne respecte pas ses obligations de traitement des DTS, des DSA et des DSDM dans le délai imparti ou produit des réponses inintelligibles ou injustifiées, en méconnaissance des principes d'accès au réseau dans des conditions transparentes et non discriminatoires. Cette situation empêche les demandeurs de disposer au plus vite d'une vision précise de leurs circulations et justifie l'instauration d'un mécanisme de pénalités destiné à inciter le gestionnaire d'infrastructure à fournir des prestations de qualité.
153. SNCF Réseau estime globalement bien respecter les délais de traitement de ces demandes (105), dans un contexte de forte augmentation de celles-ci (106) et soutient que la mise en place d'un mécanisme de pénalités n'est pas justifiée compte tenu des résultats obtenus et des actions récemment mises en œuvre afin d'atteindre les objectifs de production horaire. Elle indique que l'éventuelle instauration d'un mécanisme de pénalités devrait s'accompagner d'un encadrement plus strict du comportement de commande des candidats qui doivent, ainsi qu'il est rappelé au point 4.1.3 du DRR, vérifier, en amont de leurs demandes de capacité, la disponibilité de l'infrastructure en fonction notamment des fenêtres et des capacités travaux ou ne pas supprimer ou modifier, peu de temps avant le début de l'HDS, un nombre élevé de sillons-jours attribués.
b. Analyse de l'Autorité
- Sur la mise en place d'un mécanisme de pénalités incitatives pour le traitement des DTS
154. A titre liminaire, l'Autorité rappelle que les DTS, formulées après le deuxième lundi d'avril et jusqu'à l'arrêté de l'HDS en septembre A-1, doivent être traitées par le gestionnaire d'infrastructure au plus tard un mois avant le début de l'HDS correspondant.
155. Dans sa décision de mise en demeure n° 2019-060 du 3 octobre 2019 (107), l'Autorité avait constaté, sur la base des éléments communiqués par SNCF Réseau (108), que l'ensemble des DTS n'était pas traité dans ce délai.
Le retard du gestionnaire de l'infrastructure dans le traitement des DTS pouvant entraîner, pour les candidats, des difficultés à finaliser leurs plans de transport avant le début de l'HDS et dégrader la performance de l'exploitation ferroviaire associée, l'Autorité avait mis en demeure SNCF Réseau de traiter, dans le délai d'un mois avant le début de l'HDS concerné, l'ensemble des DTS déposées par les demandeurs de capacités, soit au plus tard le 14 novembre 2019 à minuit s'agissant des DTS relatives à l'horaire de service 2020 et au plus tard le 12 novembre 2020 à minuit s'agissant de celles relatives à l'horaire de service 2021.
156. Sans préjudice des suites qui seront données par l'Autorité à cette décision, il ressort de l'instruction que SNCF Réseau n'a pas traité l'ensemble des DTS dans ce délai lors de l'HDS 2022.
157. Compte tenu de la persistance du non-respect par SNCF Réseau du délai de traitement des DTS, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de mettre en place, pour le traitement des DTS relatives à l'HDS 2025, un mécanisme de pénalités incitatives en cas d'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois au plus tard avant le début de l'HDS, et, à cette fin, de soumettre à l'Autorité des propositions de modifications du DRR en ce sens, élaborées suite à une consultation des parties prenantes, au plus tard le 31 décembre 2022.
- Sur la mise en place d'un mécanisme de pénalités incitatives pour le traitement des DSA et des DSDM
158. Le DRR définit les délais applicables au traitement des DSA et des DSDM et pose le principe selon lequel toute demande doit recevoir une réponse (109). Par ailleurs, il ressort de l'instruction que SNCF Réseau se fixe pour objectif de produire des réponses à toutes les demandes.
Toutefois, d'une part, SNCF Réseau répond parfois au-delà des délais prévus dans le DRR, et, d'autre part, certaines réponses de rejet sont parfois motivées par le manque de disponibilité des horairistes (110).
Cette situation empêche les demandeurs concernés de disposer au plus vite de certitudes sur leurs circulations, alors même que certains sillons demandés dans le cadre de DSA et de DSDM peuvent être structurants pour leurs activités.
159. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de mettre en place, pour le traitement des DSA et des DSDM relatives à l'horaire de service 2025, un mécanisme de pénalités incitatives en cas d'absence de réponse expresse à l'expiration des délais de traitement des DSA et des DSDM prévus dans le DRR, et, à cette fin, de soumettre à l'Autorité des propositions de modifications du DRR en ce sens, élaborées suite à une consultation avec les parties prenantes, au plus tard le 31 décembre 2022. Ce mécanisme devra également porter sur les DSA traitées dans le cadre des CTH.
3.2. Sur les demandes d'évolution de l'encadrement et de l'utilisation des capacités réservées pour les travaux
160. Conformément à l'article 7 de la directive 2012/34/UE, transposé à l'article L. 2122-4-1-1 du code des transports, le gestionnaire d'infrastructure est responsable de l'entretien, du renouvellement et du développement de l'infrastructure ferroviaire. Aux termes de l'article L. 2111-9 du code des transports, SNCF Réseau compte ainsi parmi ses missions « la maintenance, comprenant l'entretien et le renouvellement, de l'infrastructure du réseau ferré national ».
161. La réalisation des opérations d'entretien et de renouvellement du réseau ferré national entraîne, à certaines périodes de l'année et sur certaines plages de la journée, des restrictions temporaires des capacités de l'infrastructure, limitant celles que le gestionnaire d'infrastructure peut mobiliser afin d'attribuer des sillons aux candidats. Compte tenu du fait que la capacité de l'infrastructure est limitée, le gestionnaire d'infrastructure doit concilier la nécessité de pouvoir entretenir, renouveler et développer le réseau avec les besoins de capacités liés aux circulations commerciales.
162. La réservation de capacités de l'infrastructure pour des travaux (ci-après les « capacités-travaux ») est effectuée par SNCF Réseau essentiellement via l'insertion, dans le graphique horaire, de « fenêtres-travaux », pouvant se définir comme une « restriction générique de capacité établie pour permettre de réaliser les travaux (maintenance, développement, régénération, tiers) sur les voies principales d'une section donnée (111) ». Pour certaines zones spécifiques de gares de voyageurs ou de nœuds ferroviaires, les restrictions temporaires de capacité prennent la forme, compte tenu de la multiplicité des itinéraires pouvant être empruntés pour y circuler, d'une réservation par SNCF Réseau de capacités-travaux spécifiques, dites « hors fenêtres ». Les restrictions temporaires de capacité peuvent également consister en des limitations temporaires de vitesse, voire, plus exceptionnellement, en des restrictions des gabarits ou des charges autorisés.
Ces différents types de restrictions peuvent être prévus soit dans le cadre de travaux, soit lors d'une dégradation de l'état de l'infrastructure, dans l'attente de la réalisation de travaux de réparation. Elles peuvent se situer sur la voie directement concernée, ou bien sur une ou des voies contigües.
163. Aux termes du DRR (112), le processus de programmation et d'utilisation des capacités-travaux, qui commence très en amont de la date prévue des travaux et se conclut par leur réalisation effective, s'articule autour de plusieurs étapes :
- l'identification des besoins lourds de maintenance et des capacités-travaux associées, de A-8 à A-4 ;
- l'ordonnancement des travaux les plus structurants en termes de besoins de capacités, avant décembre A-3 ;
- l'ordonnancement de tous les travaux, avant décembre A-2 ;
- la publication du PGF, document décrivant l'ensemble des capacités-travaux programmées, en décembre A-2, jalon correspondant à l'ouverture des demandes initiales de sillons ;
- la gestion des écarts par rapport à la programmation des capacités-travaux prévue initialement dans le PGF (113), à compter de décembre A-2 ;
- la confirmation de l'utilisation des capacités-travaux programmées (ou, dans le cas contraire, leur restitution afin qu'elles puissent donner lieu à d'éventuelles attributions de sillons dans la capacité ainsi rendue disponible). Cette confirmation se matérialise par l'insertion, dans les capacités-travaux intégrées dans le graphique horaire, de « planches-travaux » (114), jusqu'à S-6 de la date prévue de réalisation des travaux, et par la publication des avis hebdomadaires « travaux » chaque vendredi S-5 pour la semaine S ;
- la réalisation effective, le jour J, des travaux tels que prévus dans ces planches-travaux.
164. Le processus de programmation et d'utilisation des capacités-travaux peut ainsi être schématisé de la manière suivante :
Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page
165. Le processus d'insertion de capacités-travaux dans le graphique espace-temps et de confirmation de l'utilisation des capacités-travaux programmées via le dépôt de « planches-travaux » peut quant à lui être schématisé comme suit :
Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page
166. Les différentes étapes du processus de programmation et d'utilisation des capacités-travaux se rattachent ainsi à deux phases distinctes : une première phase, située en amont de la publication du PGF en décembre A-2, de planification à long terme des travaux et, dans ce cadre, de concertation avec les candidats (3.2.1), et une seconde phase, située en aval de la publication du PGF, relative à sa mise en œuvre et à son éventuelle adaptation (3.2.2).
3.2.1. Sur les demandes relatives à la phase amont de planification des travaux et de concertation avec les candidats
167. Dans le cadre de sa mission de répartition des capacités de l'infrastructure, le gestionnaire d'infrastructure doit, en application de l'article 53, paragraphe 2, de la directive 2012/34/UE, « dûment [tenir] compte de l'incidence des réservations de capacités de l'infrastructure pour les travaux d'entretien programmés du réseau sur les candidats ».
En outre, l'article 7 ter, paragraphe 3, de la directive 2012/34/UE pose un principe de consultation préalable des candidats par le gestionnaire d'infrastructure lors de la phase de programmation des travaux d'entretien et de renouvellement de l'infrastructure. Ce dernier doit tenir compte « dans toute la mesure du possible » des préoccupations exprimées par les candidats.
168. L'annexe VII de la directive 2012/34/UE précise quant à elle les délais dans lesquels cette consultation préalable doit intervenir en fonction du degré de criticité de l'impact des travaux envisagés sur le trafic estimé à l'horizon du futur HDS concerné (points 8, 12 et 14), et fixe la liste des informations devant être fournies aux candidats dans le cadre de cette consultation (point 15).
169. En droit national, les termes de l'article 7 ter de la directive 2012/34/UE sont repris à l'alinéa 4 de l'article L. 2122-4-3-1 du code des transports. Par ailleurs, l'article 2 de la décision règlementaire supplétive de l'Autorité n° 2014-023 du 18 novembre 2014, relative à la réservation et à l'utilisation par SNCF Réseau de capacités pour les travaux, prévoit que le PGF publié par SNCF Réseau « prend en compte les besoins en capacités d'infrastructures des demandeurs de sillons ».
L'article 17 du décret n° 2003-194 renvoie au DRR le soin de préciser « les procédures de programmation des travaux d'entretien prévus et imprévus ».
170. Le chapitre 4.5.3 du DRR fixe ainsi le calendrier de la phase préalable de consultation des demandeurs de capacité dans le cadre de la programmation des capacités-travaux. Celle-ci démarre dès avant novembre A-3 pour les travaux dont l'impact est le plus important sur les capacités disponibles et se poursuit jusqu'à la fin juillet A-2. Entre début février et fin avril A-2, SNCF Réseau organise des réunions avec les candidats, dénommées « RP0 », afin de les consulter sur les chantiers ayant un impact potentiellement important sur les sillons, et poursuit ces réunions de mi-avril à fin juin A-2 pour les autres chantiers.
A l'issue de cette phase de consultation, SNCF Réseau finalise la programmation des capacités-travaux et publie en décembre A-2, via le système d'information dénommé « TCAP », le PGF, dans lequel l'ensemble des capacités-travaux programmées pour l'HDS de l'année A sont inscrites.
171. Dans ce cadre, les saisissantes demandent à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau, dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision et en vue des prochaines réunions « RP0 » à intervenir après cette date :
- de « (m)ettre en place en amont [des réunions RP0] une information de chacun des opérateurs avec un préavis suffisant sur l'impact que pourraient avoir ces [capacités-travaux] sur leurs trafics, cet impact devant être apprécié au regard des sillons historiques et récurrents qu'ils utilisent sur les axes concernés » ;
- de « (c)ommuniquer à chaque demandeur de capacités en amont des réunions avec un préavis suffisant une information lisible et intelligible sur les axes concernés par les plages qui feront l'objet de ces réunions » ;
- de « (p)ermettre aux opérateurs d'exprimer de manière dématérialisée et simple leur point de vue directement dans les systèmes d'information de SCNF Réseau, de manière à faciliter l'expression de leur position et leur prise en compte par SCNF Réseau ».
172. En sus de ces demandes, la société T3M demande à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau :
- de « (p)réciser dans chaque compte-rendu d'arbitrage les critères de priorisation des demandes concurrentes (par des opérateurs de fret ou de transports de voyageurs) mis en œuvre par SCNF Réseau ;
- « en cas d'absence d'itinéraire alternatif, prioriser le fret. »
a. Arguments des parties
- Arguments des saisissantes
173. En premier lieu, les saisissantes estiment que l'information sur les travaux projetés transmise par SNCF Réseau en amont des réunions RP0 est insuffisamment ciblée, peu lisible et trop volumineuse. Par conséquent, cette information ne leur permettrait pas « d'identifier aisément les chantiers évoqués et les axes concernés » par les réunions RP0, ni « d'apprécier précisément si ces chantiers sont véritablement susceptibles d'impacter leurs trafics et, si oui, la nature et l'ampleur de cet impact ».
Elles estiment qu'il appartient à SNCF Réseau d'effectuer un premier travail d'identification des circulations des entreprises ferroviaires, puis d'effectuer un croisement entre celles-ci et les sillons associés, pour identifier précisément les impacts potentiels générés par des chantiers sur leurs circulations. A cet égard, les saisissantes considèrent que la mise en place par SNCF Réseau, depuis 2020, de l'outil dénommé « SARAH » (115) - lequel permet l'envoi aux entreprises ferroviaires, tous les quinze jours et par courriel, de synthèses personnalisées des impacts potentiels des chantiers traités dans le cadre des réunions RP0 à venir, sur les sillons qui leur sont actuellement attribués - constitue une évolution positive mais insuffisante. En effet, les saisissantes soutiennent que cet outil ne se baserait pas sur les informations les plus récentes à disposition de SNCF Réseau afin d'évaluer l'impact des travaux planifiés sur leurs trafics prévisibles à l'horizon du futur HDS concerné, mais sur les seuls sillons attribués au moment où se tiennent ces réunions, tels qu'enregistrés dans le système d'information « HOUAT » (116). Il ne les dispenserait donc pas de devoir identifier elles-mêmes les chantiers prioritaires eu égard à leur impact potentiel sur leurs futurs sillons, puis d'analyser, pour chaque chantier, les documents transmis en amont de la réunion RP0. De plus, les synthèses personnalisées SARAH seraient trop complexes à exploiter et ne seraient pas exhaustives, certains chantiers n'y étant pas intégrés.
174. Pour améliorer l'information transmise en amont des réunions RP0, les saisissantes proposent, d'une part, que SNCF Réseau mette en place un « chargé de compte travaux », disponible afin d'échanger plus efficacement avec les opérateurs et les aider à filtrer les chantiers inscrits à l'ordre du jour des réunions RP0, pour ne se concentrer que sur ceux ayant un impact majeur sur leurs sillons, et, d'autre part, que les chantiers évoqués lors des réunions RP0 soient intégrés et désignés comme tels dans le système d'information TCAP.
175. En deuxième lieu, les saisissantes estiment que les modalités d'organisation des réunions RP0 ne sont pas satisfaisantes. Elles considèrent que leur volume est trop important sur une courte période - certaines ayant lieu de manière simultanée -, et qu'elles sont insuffisamment ciblées. Elles souhaiteraient également ne plus avoir à participer aux réunions RP0 de manière physique, ou même par visioconférence, et pouvoir exprimer leur position sur les chantiers envisagés en amont de ces réunions, à travers les systèmes d'informations de SNCF Réseau.
176. En troisième lieu, elles se félicitent du projet « PACT » (117) initié par SNCF Réseau afin d'améliorer le processus de concertation amont, mais indiquent qu'aucun engagement quant à ce projet et à son calendrier n'aurait été pris par le gestionnaire d'infrastructure.
177. En dernier lieu, les saisissantes estiment qu'elles ne sont pas en mesure, en pratique, de faire valoir leurs préconisations lors de la phase de consultation sur les travaux et que, lorsqu'elles sont en mesure de le faire, SNCF Réseau ne les prendrait pas en compte. Selon elles, l'attribution par SNCF Réseau, lors de la phase de construction de l'HDS, de sillons se chevauchant avec des fenêtres-travaux ou la dégradation de sillons préalablement attribués en raison de travaux illustreraient l'inefficacité du processus de concertation organisé en amont. Ces situations témoigneraient en effet de leur incapacité à faire valoir utilement, ou à tout le moins avec succès, leurs observations lors des réunions RP0 sur des sillons qui peuvent pourtant être structurants pour elles.
- Arguments de SNCF Réseau
178. De son côté, SNCF Réseau reconnaît que le volume d'informations transmises en amont des réunions RP0 est important, et que les invitations aux réunions RP0 sont envoyées indistinctement à tous les demandeurs de capacité. Elle explique cependant que certains documents ne constituent qu'une simple information, qui n'est pas exigée par les textes applicables, et que les demandeurs de sillons peuvent donc s'abstenir de lire.
179. SNCF Réseau indique en outre que, contrairement à ce que soutiennent les saisissantes, l'outil SARAH utilise déjà les données les plus récentes connues sur les sillons des demandeurs de capacité, et que si certains chantiers ne sont pas intégrés dans cet outil en raison d'anomalies (environ 8 %), ceux-ci sont traités dans d'autres supports d'échange avec les candidats. Elle estime ainsi qu'il n'existe pas de marge de progression pour déterminer l'impact potentiel des chantiers évoqués durant les réunions RP0 sur les trafics prévisibles des entreprises ferroviaires. En outre, SCNF Réseau émet des doutes quant à la pertinence d'une évolution de l'outil TCAP visant à permettre la visualisation des chantiers qui font l'objet d'une concertation en cours.
180. S'agissant des modalités d'organisation des réunions RP0, SNCF Réseau soutient que, compte tenu du nombre de chantiers devant faire l'objet d'une concertation et donc de réunions RP0 à organiser (1 200 chantiers, regroupés sur 300 à 400 réunions RP0), il est impossible de ne pas tenir de réunions concomitantes. Elle indique néanmoins que le mode distanciel sera pérennisé et confirme avoir lancé un projet de refonte du processus de concertation, dénommé « PACT », ambitionnant de mettre en place un « processus plus souple, moins consommateur de ressources et ciblé sur les impacts capacitaires les plus importants pour les clients ». SNCF Réseau précise que les entreprises ferroviaires ont été associées à ce projet depuis le mois de juin 2021.
181. Enfin, SNCF Réseau soutient qu'elle n'est pas légalement tenue de prendre en compte les observations formulées par les entreprises ferroviaires sur les travaux lors des réunions RP0. Elle ajoute que donner suite favorablement à toutes les observations l'empêcherait de réaliser la mission, qui lui est confiée par la loi, d'effectuer les travaux sur le réseau. SNCF Réseau explique en outre que les préoccupations exprimées pendant la phase de concertation sont retranscrites dans un procès-verbal, dénommé « PV0 », archivé sur une plateforme accessible en ligne par les entreprises ferroviaires. Celles-ci sont informées de la prise en compte totale, partielle ou de l'impossibilité de prendre en compte leurs préoccupations « lors de réunions bilatérales, de conciliation ou par réponse de mail ». Au demeurant, SNCF Réseau indique que les cas de sillons attribués dans des fenêtres-travaux, pointés par les saisissantes, sont limités, et ne sont pas de nature à démontrer des difficultés dans l'organisation des réunions RP0.
b. Analyse de l'Autorité
182. En application de l'article 7 ter, paragraphes 1 et 3, de la directive 2012/34/UE (118), et de l'article L. 2122-4-3-1 du code des transports (119), le gestionnaire d'infrastructure est tenu de planifier les travaux de manière transparente et non discriminatoire, tout en consultant les candidats et en s'efforçant de tenir compte de leurs préoccupations.
183. Comme indiqué précédemment, l'annexe VII de la directive 2012/34/UE fixe les délais dans lesquels cette consultation préalable doit intervenir en fonction de l'impact des travaux envisagés sur le trafic estimé lors du futur HDS concerné, et fixe la liste des informations devant être fournies aux candidats dans le cadre de cette consultation. Le chapitre 4.5.3 du DRR décline ces obligations en droit national.
184. Il ressort de l'instruction que les saisissantes n'invoquent pas un non-respect par SNCF Réseau des obligations prévues à l'annexe VII de la directive 2012/34/UE quant aux délais applicables pour la consultation des candidats ou le contenu de l'information devant leur être transmise en amont - ce qui n'est ni démontré, ni allégué - mais critiquent les modalités pratiques de mise en œuvre de cette phase préalable de consultation retenues par SNCF Réseau.
185. En l'absence d'obligations précises imposées par les dispositions du droit européen ou du droit national s'agissant de ces modalités pratiques, le gestionnaire d'infrastructure est libre de les déterminer, sous réserve toutefois qu'elles ne le conduisent pas à méconnaître (i) l'obligation de planifier les travaux de manière transparente et non-discriminatoire, (ii) l'effet utile de l'obligation de consultation des candidats et, plus généralement, (iii) le droit d'accès au réseau des entreprises ferroviaires dans des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes, consacré à l'article 10, paragraphe 1er, de la directive 2012/34/UE (120) et à l'article 18 du décret n° 2003-194 (121).
186. Par le passé, l'Autorité a déjà invité SNCF Réseau, en raison des difficultés exprimées par les candidats, à mener une réflexion sur les modalités retenues pour se concerter avec ces derniers et leur permettre d'exprimer leurs préoccupations concernant la planification des travaux, afin de donner un effet utile à ce processus de consultation (122).
- Sur la mise en place, en amont des réunions RP0, d'une information de chacun des opérateurs avec un préavis suffisant sur l'impact des travaux sur les sillons historiques et récurrents, et la transmission d'une information lisible et intelligible sur les axes concernés par ces réunions
187. S'il ne ressort pas expressément des textes précités qu'une information personnalisée doit être transmise par le gestionnaire d'infrastructure aux candidats dans le cadre de la consultation portant sur la programmation des capacités-travaux, il apparaît toutefois indispensable, pour que cette phase de consultation ait un effet utile, que les candidats puissent disposer d'une information lisible et intelligible sur les travaux envisagés par le gestionnaire d'infrastructure ainsi que sur l'impact de ces travaux sur leurs sillons les plus susceptibles d'être reconduits deux ans plus tard, dans le respect du principe de transparence.
188. En l'espèce, il ressort de l'instruction que le volume des réunions RP0, parfois concomitantes, est important. Par ailleurs, les invitations aux réunions RP0 ne sont pas transmises aux candidats de manière ciblée, dans la mesure où tous les candidats reçoivent toutes les invitations, et les informations communiquées en amont de ces réunions sont denses (une dizaine de fichiers pour chaque chantier), comme le reconnaît SNCF Réseau.
189. Toutefois, l'Autorité constate que, grâce aux synthèses issues de l'outil SARAH, une information personnalisée est bien adressée par SNCF Réseau aux candidats dont les circulations actuelles - c'est-à-dire au moment où se tiennent les réunions RPO - sont susceptibles d'être impactées par les travaux. Elles permettent ainsi aux entreprises ferroviaires d'identifier les réunions lors desquelles sont évoqués des chantiers pouvant avoir un impact sur leurs circulations actuelles.
L'Autorité relève en outre que les synthèses SARAH sont produites par SNCF Réseau sur la base des données les plus récentes dont elle dispose, à savoir les horaires et parcours des sillons attribués issus de l'outil HOUAT. Il convient de noter qu'au moment de l'exploitation de ces données relatives aux sillons, l'ensemble des sillons qui sera effectivement commandé par les entreprises ferroviaires n'est que partiellement pris en compte. De plus, l'exploitation desdites synthèses n'apparaît pas particulièrement complexe. Elles fournissent aux entreprises ferroviaires un sommaire qui leur permet, dans l'hypothèse où leurs sillons actuels seraient maintenus à l'identique deux ans plus tard, lors du futur HDS concerné, d'identifier immédiatement ceux que le gestionnaire d'infrastructure propose de supprimer ou pour lesquels seule une adaptation est pressentie, ainsi que sa nature (détournement sur un autre itinéraire, décalage horaire, etc.).
En revanche, le degré de précision actuel de ces synthèses ne dispense pas les entreprises ferroviaires de devoir se reporter aux documents transmis par SNCF Réseau en amont des réunions RP0 pour le chantier considéré, afin de pouvoir mesurer l'étendue précise des adaptations proposées par SNCF Réseau (nouveau parcours et pertes de temps dans le cas d'un détournement ; avance au départ ou retard à l'arrivée pour les décalages horaires). Compte tenu du volume des réunions RP0, ce travail s'avère particulièrement chronophage et en pratique difficile, voire impossible, à réaliser.
190. Au regard de ces éléments, l'Autorité estime que l'information transmise par SNCF Réseau en amont des réunions RP0 et les modalités d'organisation de ces réunions ne permettent pas aux candidats, en l'état actuel des choses, de mettre pleinement à profit cette phase de consultation, et, partant, sont susceptibles de porter atteinte au droit d'accès à l'infrastructure ferroviaire dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires.
191. Par conséquent, l'Autorité estime qu'il est nécessaire que SNCF Réseau fasse évoluer le processus de consultation des demandeurs de capacité lors de la phase amont de programmation des capacités-travaux.
192. A cet égard, l'Autorité relève que SNCF Réseau, reconnaissant elle-même le caractère insatisfaisant des modalités actuelles de ce processus, a lancé le projet PACT afin de l'améliorer, notamment en le rendant plus agile et plus ciblé. Ce projet vise à substituer à la tenue d'une réunion RP0 par chantier, un mode de consultation plus efficient des candidats, différencié selon les types de chantiers (123), et permettant de recourir à d'autres formats d'échanges que les réunions RP0 (124).
Dans la mesure où SNCF Réseau a d'ores et déjà lancé un projet de refonte du processus de consultation préalable des candidats, il y a lieu de lui enjoindre de le mener à bien de manière à ce qu'il puisse être intégré dans le DRR 2024, en vue d'une mise en œuvre dès la campagne des réunions RP0 devant être menée en 2024 pour les travaux projetés durant l'HDS 2026.
Dans le cadre de ce nouveau processus de consultation, SNCF Réseau devra prévoir des modalités de concertation avec les candidats différenciées et adaptées selon la nature des travaux, distinguant par exemple :
- les chantiers les plus impactant, nécessitant une concertation spécifique en amont des RP0 ;
- les chantiers entrant soit dans des fenêtres génériques - qui seront définies à l'avenir au sein de plans d'exploitation de référence élaborés en concertation avec les candidats - soit de fenêtres déformées rendues plus systématiques et/ou récurrentes ;
- les chantiers régionaux ;
- les autres chantiers.
Dans tous les cas, SNCF Réseau devra transmettre aux candidats une information lisible et intelligible sur les travaux projetés ainsi que sur leur impact sur les sillons, afin de donner un effet pleinement utile à cette phase préalable de concertation sur la planification des travaux.
193. En revanche, l'Autorité considère que la mise en place d'un chargé de compte travaux et l'évolution de l'outil TCAP, afin d'y intégrer les chantiers devant faire l'objet d'une concertation dans le cadre des réunions RP0, suggérées par les saisissantes, constituent des moyens dont la mise en œuvre en vue de satisfaire l'injonction prononcée par l'Autorité doit être laissée à l'appréciation de SNCF Réseau.
- Sur la possibilité pour les candidats d'exprimer leur point de vue sur les travaux projetés de manière dématérialisée et simple, directement dans les systèmes d'informations de SNCF Réseau
194. Aux termes de l'article 7 ter de la directive 2012/34/UE et de l'article L. 2122-4-3-1 du code des transports précités, le gestionnaire d'infrastructure tient compte « dans toute la mesure du possible » des préoccupations exprimées par les candidats à l'occasion de la phase de consultation sur la planification des travaux. Le gestionnaire d'infrastructure n'a ainsi qu'une obligation de moyens et non de résultat vis-à-vis des candidats pour la prise en compte de leurs préoccupations. Par ailleurs, aucune obligation n'est imposée par ces dispositions quant aux modalités pratiques de recueil des préoccupations exprimées par les candidats lors de la phase de consultation sur les chantiers programmés. Toutefois, afin de donner un effet utile à ces dispositions, ces modalités doivent permettre au gestionnaire d'infrastructure d'en tenir effectivement compte dans toute la mesure du possible.
195. En l'espèce, il apparaît que SNCF Réseau donne la possibilité aux candidats de transmettre leurs observations sur les chantiers évoqués lors des réunions RP0 par écrit, avant et après celles-ci. En effet, parmi les documents transmis en amont de ces réunions figurent une « annexe de réponse de l'EF/CA préalable à la RP0 » et une fiche « avis/remarques des EF suite à RP0 », à compléter par les candidats. Après chaque réunion RP0, un procès-verbal, dit « PV0 », est également transmis aux candidats - lesquels disposent d'un mois pour retourner leurs observations sur ce document - et archivé sur un espace de partage de document accessible aux candidats.
L'Autorité constate que SNCF Réseau offre bien la possibilité aux candidats, depuis la crise sanitaire, de transmettre par courrier électronique ces imprimés papier en les scannant. Elle estime néanmoins que des formulaires en ligne totalement informatisés permettraient encore davantage d'efficacité.
Au-delà de cet ajustement, les saisissantes n'ont pas produit d'éléments permettant d'établir la nécessité pour SNCF Réseau de modifier ses outils informatiques existants pour permettre aux candidats d'y exprimer leurs observations de façon dématérialisée.
Enfin, les éléments produits par les saisissantes relatifs à l'attribution par SNCF Réseau de sillons dans des fenêtres-travaux ou à la dégradation de sillons attribués en raison de travaux sont sans lien avec le processus amont de consultation des candidats. En particulier, ils ne sont pas de nature à démontrer une absence de prise en compte des préconisations formulées par les candidats par SNCF Réseau, qui n'est redevable à ce titre que d'une obligation de moyens et non de résultat.
196. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau d'élaborer des formulaires en ligne de recueil des observations des candidats préalable aux réunions RP0, ce pour la prochaine campagne de recueil des dites observations, à compter de la publication de la présente décision.
- Sur la précision, dans chaque compte-rendu d'arbitrage, des critères de priorisation des demandes concurrentes des opérateurs de fret ou de transport de voyageurs mis en œuvre par SNCF Réseau, et sur la priorisation du fret en l'absence d'itinéraire alternatif
197. T3M indique que (i) sa demande tendant à obtenir la communication des critères de priorisation des demandes concurrentes entre les opérateurs de fret et ceux de transport de voyageurs, appliqués dans le cadre de la concertation mise en œuvre pour la définition et l'ordonnancement des fenêtres-travaux, et (ii) sa demande tendant à obtenir la priorisation du fret en l'absence d'itinéraire alternatif, visent à mettre un terme aux difficultés opérationnelles qu'elle rencontre en matière d'accès au réseau ferré national.
198. L'Autorité constate qu'aucune de ces demandes n'a fait l'objet d'une argumentation étayée de la part de T3M dans le cadre de la présente procédure. Il ressort en outre de l'instruction que ces demandes n'ont pas été utilement discutées par les parties préalablement à la saisine de l'Autorité en règlement de différend (125).
199. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ces demandes de T3M.
3.2.2. Sur les demandes relatives à la phase aval de programmation et d'utilisation des capacités réservées pour les travaux
200. Comme indiqué précédemment, le gestionnaire d'infrastructure publie en décembre A-2 un PGF dans lequel sont inscrites l'ensemble des capacités-travaux réservées pour la réalisation des travaux programmés pour l'HDS de l'année A. Postérieurement à la publication de ce document, la programmation des capacités-travaux peut néanmoins connaître des évolutions, lesquelles sont désignées par SNCF Réseau sous le terme « d'écarts ».
201. Aux termes du 3° de l'article 53 de la directive 2012/34/UE, il appartient au gestionnaire d'infrastructure d'informer « dès que possible, les parties intéressées de l'indisponibilité des capacités de l'infrastructure en raison des travaux d'entretien non programmés ». L'article 54, paragraphe 2, de la même directive prévoit quant à lui que le gestionnaire d'infrastructure peut procéder à la suppression de sillons préalablement attribués à des entreprises ferroviaires, sans préavis, en cas d'urgence et de nécessité absolue motivée par une défaillance de l'infrastructure jusqu'à sa remise en état.
202. En droit national, l'article 25 du décret n° 2003-194 (126) prévoit également que le gestionnaire d'infrastructure peut procéder à la suppression de sillons attribués dans de telles conditions et pour un tel motif, mais admet par ailleurs la modification ou la suppression de sillons attribués « pour permettre l'exécution sur l'infrastructure ferroviaire de travaux d'entretien non programmés lors de l'élaboration de l'horaire de service ». Dans ce cas, le gestionnaire d‘infrastructure doit informer les entreprises ferroviaires de cette décision en respectant un préavis minimum de quinze jours.
203. Compte tenu caractère peu prescriptif de la directive 2012/34/UE et du décret n° 2003-194 concernant le déroulement de la phase se situant en aval de la publication du PGF, la décision règlementaire supplétive de l'Autorité n° 2014-023 du 18 novembre 2014, relative à la réservation et à l'utilisation par SNCF Réseau de capacités pour les travaux, a précisé les règles applicables lors de celle-ci.
204. C'est dans ce cadre que les saisissantes demandent à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau, dans un délai de trois mois à compter de la notification de sa décision :
- d'« (a)ugmenter les délais pour figer les fenêtres travaux ([actuellement fixé à] 6 semaines avant travaux sauf cas d'urgence ou de nécessité absolue) et informer les opérateurs sur la capacité restituée ([actuellement fixé à] 4 semaines au moins avant le début de la plage initialement prévue) » ;
- de « (m)ettre en place un mécanisme de pénalités incitatives en cas de non-respect de ce délai de 4 semaines [actuellement] pour l'information sur les capacités restituées (pénalités qui devraient être reversées dans le cadre d'un mécanisme de « pot commun » bénéficiant à tous les opérateurs) » ;
- de « (m)ettre en œuvre un système de notification en push à destination des opérateurs concernant la capacité restituée, laquelle devra être lisible, intelligible et présenter de manière spécifique pour chaque opérateur les axes qui concernent des commandes de sillons qui n'avaient pas pu être satisfaites (en tout ou partie) par SNCF Réseau en raison des plages travaux désormais supprimées. La libération de capacité ne devra toutefois pas être soumise au mécanisme de l'IR » ;
- de « (c)ompléter l'indicateur CAPteur afin de suivre non seulement les travaux confirmés à J-15 au regard de ceux du PGF, mais également l'utilisation réelle des plages travaux pour réaliser les travaux prévus ;
- de « (m)ettre en place un mécanisme de pénalités incitatives en cas de non-utilisation réelle de plages travaux non-restituées (avec mécanisme de « pot commun » identique à celui mentionné ci-dessus en cas de non-respect des délais d'information sur les capacités restituées) » ;
- de « (m)ettre en place en cas d'écarts (i) un système d'alerte spécifique, ciblé et intelligible à destination des opérateurs dont les sillons sont impactés par ces écarts et (ii) un mécanisme de pénalités incitatives en cas de non-respect du délai de prévenance minimum d'un mois pour solliciter l'avis de l'opérateur sur l'impact sur ses sillons. »
a. Sur l'augmentation des délais imposés à SNCF Réseau pour confirmer les capacités réservées pour les travaux et informer les candidats des capacités restituées
205. La publication du PGF en décembre A-2 permet à SNCF Réseau de réserver la capacité de l'infrastructure requise pour réaliser les travaux programmés. L'utilisation de cette capacité doit toutefois être confirmée ultérieurement par SNCF Réseau, après vérification de la disponibilité des ressources nécessaires à leur réalisation effective (agents, engins, sous-traitants et dégagement des voies nécessaires, etc.).
Concrètement, dans le cadre du programme « APO » (127) désormais pleinement mis en œuvre par SNCF Réseau depuis le 30 mai 2022, cette confirmation doit être effectuée par SNCF Réseau en déposant des « planches-travaux » dans les capacités-travaux programmées dans le PGF, au plus tard six semaines avant la date prévue de réalisation des travaux (échéance de S-6). Les capacités-travaux qui ne sont pas confirmées par SNCF Réseau dans ce délai doivent toutes être restituées au plus tard un mois avant la date prévue de réalisation des travaux (échéance de M-1), de manière à libérer la capacité correspondante dans le graphique horaire et pouvoir répondre ainsi favorablement à des demandes de sillons présentées après cette échéance.
Les échéances de S-6 pour la confirmation des capacités-travaux et de M-1 pour l'information des candidats sur les éventuelles restitutions de capacités, qui sont fixées par l'article 4 de la décision de l'Autorité n° 2014-023 du 18 novembre 2014, sont rappelées dans le chapitre 4.5.6 du DRR.
206. La demande des saisissantes tend à ce que ces deux délais soient davantage anticipés par SNCF Réseau.
- Arguments des parties
207. Les saisissantes soutiennent que l'anticipation de l'échéance de S-6 au plus tard pour la confirmation des capacités-travaux inciterait SNCF Réseau à optimiser et à mieux anticiper l'usage de ces capacités. Elles ajoutent qu'une confirmation anticipée par SNCF Réseau leur semble parfaitement envisageable dans la mesure où la réalisation de travaux nécessite une mobilisation et une coordination des ressources nécessaires qui doivent être effectuées bien avant cette échéance.
Elles soutiennent également que l'échéance de M-1 au plus tard pour informer les candidats de la restitution des capacités-travaux est insuffisant eu égard au délai moyen de 40 jours qui serait appliqué par SNCF Réseau pour le traitement d'une DSA, lequel ne leur permettrait pas d'utiliser ces capacités. Les saisissantes estiment que cette échéance devrait être d'au moins 12 semaines avant la date initialement prévue pour les travaux.
208. De son côté, SNCF Réseau indique que la demande d'injonction des saisissantes remet en cause la décision de l'Autorité n° 2014-023, qui fixe les échéances de confirmation des capacités réservées pour les travaux et d'information des candidats quant à la restitution des capacités-travaux. SNCF Réseau estime que l'Autorité ne serait pas compétente dans le cadre des présentes procédures de règlement de différend pour amender ou compléter cette décision, qui a fait l'objet d'une homologation du ministre en charge des transports.
SNCF Réseau conteste par ailleurs que le délai moyen de traitement des DSA soit de 40 jours et indique qu'il s'établissait en 2019 à 9,6 jours, avec 95 % des demandes ayant fait l'objet de réponses dans un délai inférieur à 28 jours (128).
Enfin, SNCF Réseau estime que la demande des saisissantes de porter de M-1 à S-12 l'échéance pour informer les candidats de la restitution des capacités-travaux constitue une demande nouvelle, formulée dans la réponse des saisissantes à la mesure d'instruction n° 1, qui devrait par conséquent être rejetée.
- Analyse de l'Autorité
209. En premier lieu, l'Autorité rappelle que, préalablement à l'adoption de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014, les échéances susvisées ont été soumises pour avis à l'ensemble du secteur, y compris les entreprises ferroviaires de fret, dans le cadre de la consultation publique organisée par l'Autorité du 4 au 25 juin 2014.
210. En deuxième lieu, si les saisissantes font part de leur insatisfaction quant à ces échéances, celle-ci paraît moins justifiée par leur caractère tardif que par leur non-respect actuel par SNCF Réseau, dans l'attente du déploiement complet, très récent, du programme « APO », comme le reconnaît SNCF Réseau dans ses écritures (129).
Sur le plan opérationnel, l'Autorité relève qu'il ne semble pas nécessaire d'anticiper ces échéances à ce jour. En effet, en matière de transport ferroviaire de fret, il est constant que les candidats, pour les trafics les plus variables (tels que granulats, céréales, etc.) et donc les plus susceptibles de mobiliser des capacités-travaux restituées pour commander de nouveaux sillons, formulent leurs demandes de sillons autour de J-30 au plus tôt. Les échéances actuelles de S-6 pour la confirmation des capacités travaux et de M-1 pour l'information des candidats quant à la restitution des capacités-travaux semblent donc suffisantes. S'agissant du transport ferroviaire de voyageurs, celui-ci s'inscrit dans une temporalité de plus long terme et s'avère en tout état de cause peu variable, de telle sorte qu'une anticipation des échéances précitées ne semble pas susceptible de bénéficier aux trafics de voyageurs.
211. Au surplus, l'Autorité estime que l'anticipation des échéances susvisées dans le contexte du projet TTR (130), piloté par l'association des gestionnaires d'infrastructure européens, RailNet Europe (RNE), ne paraît pas opportune. En effet, le projet TTR vise, entre autres, à harmoniser les processus capacitaires entre les gestionnaires d'infrastructure, en visant notamment l'alignement des fenêtres-travaux sur les principaux axes internationaux pour améliorer la performance des trafics internationaux utilisant plusieurs réseaux. Le projet TTR consiste notamment à proposer une réserve capacitaire performante, dénommée Rolling Planning (131), destinée à répondre aux besoins du fret et commercialisée entre quatre et un mois avant la date de circulation. Or, l'anticipation des échéances de confirmation et de restitution des capacités-travaux, demandée par les saisissantes, viendrait en décalage de l'échéance de restitution du Rolling Planning, prévue à M-1, que les gestionnaires d'infrastructure européens ont arrêté collégialement dans le cadre du processus-cible TTR (132).
212. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande des saisissantes.
b. Sur la mise en place d'un système de notification lisible, intelligible et spécifique à chaque opérateur concernant la capacité restituée
213. Comme rappelé précédemment, l'article 48, paragraphe 1er, de la directive 2012/34/UE et l'article 23 du décret n° 2003-194, qui en reprend les termes, prévoient que « (l)es informations relatives aux capacités non utilisées et disponibles sont mises à la disposition de tous les candidats qui pourraient souhaiter faire usage de ces capacités ».
214. Le chapitre 4.5.6 du DRR indique que l'information des candidats sur les capacités-travaux restituées est effectuée par l'intermédiaire des outils de consultation du graphique horaire et par l'envoi des ordres du jour et relevés de décisions des réunions du comité de concertation (CODEC) relatif aux travaux (133). En pratique, ces ordres du jour et relevés de décisions prennent la forme d'un fichier Excel transmis par courriel à tous les demandeurs de sillons, dans lequel figure notamment la liste des capacités-travaux restituées.
A l'occasion de la publication du DRR 2022, SNCF Réseau a précisé dans ce même chapitre qu'à la suite d'une restitution de capacités-travaux, les demandeurs ont la possibilité de procéder à des demandes de création ou de modification de sillons dans la capacité résiduelle, ou de renouveler des demandes qui auraient reçu précédemment des réponses négatives, mais qu'elle ne réexaminera pas, de sa propre initiative, des demandes de sillons déjà traitées, quelle que soit la nature de la réponse apportée.
215. La demande des saisissantes vise à obtenir la mise en place d'une alerte personnalisée « en push » pour chaque opérateur, l'informant de manière lisible et intelligible des restitutions de capacités-travaux intervenues sur les axes pour lesquels certaines de leurs demandes de sillons n'ont pas été satisfaites en tout ou partie par SNCF Réseau en raison d'un conflit avec une fenêtre-travaux qui aurait disparu dans l'intervalle.
- Arguments des parties
216. Les saisissantes estiment qu'en l'absence d'un système de notification personnalisé « en push », elles ne sont pas en mesure d'avoir connaissance des capacités-travaux restituées et continuent à produire des plans de transport dégradés alors que plus aucun chantier ne le justifie. Elles soutiennent que l'information sur la restitution des capacités-travaux effectuée par l'envoi des ordres du jour et relevés de décisions de CODEC n'est pas satisfaisante, les informations y figurant étant brutes, peu intelligibles, et leur traitement chronophage et fastidieux, puisqu'il leur appartient de chercher elles-mêmes les informations relatives aux restitutions qui concernent leurs trafics. Les saisissantes indiquent qu'un « état spécifique sous forme de graphique des restitutions des capacités » serait plus approprié.
Les saisissantes estiment par ailleurs que SNCF Réseau devrait réexaminer de sa propre initiative les demandes de sillons refusées en raison de capacités-travaux finalement restituées, et réattribuer les sillons dans les horaires initialement demandés par les candidats, sans aucune action de la part du client, si ce n'est l'approbation de ce dernier pour s'assurer que son plan de transport n'a pas évolué dans l'intervalle.
Les saisissantes indiquent également que l'évolution du système d'information TCAP, permettant la création de notifications en cas de modifications du PGF (notamment de restitutions de capacités-travaux), ne répond pas à leur attente car, d'une part, une action positive de leur part est toujours nécessaire pour paramétrer les notifications, et, d'autre part, les notifications permettent certes d'être informé des modifications ou restitutions de capacités-travaux, mais ne font pas le lien entre la capacité restituée et la commande de sillon préalablement refusée ou acceptée de façon dégradée par SNCF Réseau. Les notifications issues de TCAP devraient, selon elles, comporter un lien renvoyant vers la commande initialement refusée ou traitée de façon dégradée, car compte tenu du volume de fenêtres-travaux répertoriées dans le PGF, elles estiment ne pas avoir la capacité de réaliser ce travail elles-mêmes. Enfin, les saisissantes déplorent le manque de communication de SNCF Réseau pour bénéficier des formations aux outils mis en place, notamment pour les nouvelles fonctionnalités du SI TCAP.
217. De son côté, SNCF Réseau indique qu'une expérimentation est en cours sur la transmission anticipée par courriel de l'information sur les capacités-travaux restituées, sans attendre la tenue et le formalisme des CODEC, dès lors que la décision de restitution est prise.
SNCF Réseau indique ensuite ne pas avoir l'intention de faire droit à la demande des saisissantes de présenter de manière personnalisée pour chaque opérateur, les restitutions de capacités- travaux sur la base des commandes de sillons refusées ou traitées de façon dégradée en raison d'un conflit avec des travaux, car ceci impliquerait qu'elle procède de sa propre initiative au réexamen des demandes de sillons déjà traitées. Or, le graphique horaire, comme les besoins des candidats, ont pu évoluer depuis la date d'introduction de la demande rejetée ou traitée de façon dégradée. SNCF Réseau ajoute que la demande des saisissantes implique une évolution de ses systèmes d'information, en particulier les outils TCAP et SIPH, qu'elle exclut aujourd'hui de réaliser.
En outre, SNCF Réseau rappelle que des évolutions ont été apportées au système d'information TCAP pour permettre une meilleure information des demandeurs de sillons. Ainsi, depuis octobre 2019, il est possible aux candidats de consulter en temps réel les modifications apportées au PGF, et depuis juin 2021, de créer des notifications en cas de modifications du PGF, y compris les restitutions de capacités-travaux, personnalisables en fonction des besoins spécifiques des demandeurs.
Enfin, SNCF Réseau affirme que les clients ont été informés de l'évolution de l'outil TCAP à la fin du mois de mai 2021 et lors de formations à cet outil dispensées en 2021. Elle ajoute qu'il est aisé de formuler une demande de formation depuis le portail client sur lequel le catalogue des formations est accessible.
- Analyse de l'Autorité
218. En application de l'article 48, paragraphe 1er, de la directive 2012/34/UE et de l'article 23 du décret n° 2003-194, le gestionnaire d'infrastructure a l'obligation de « mettre à disposition » des candidats l'information relative aux capacités d'infrastructure disponibles. Au regard des termes employés, il n'apparaît pas qu'il est redevable d'une information concernant les capacités disponibles active et personnalisée à l'égard des candidats, mais qu'il doit rendre cette information disponible, charge à eux de faire la démarche de rechercher et de prendre connaissance de cette information.
219. L'article 4 de la décision de l'Autorité n° 2014-023 du 18 novembre 2014 est en revanche plus contraignant, puisqu'il est prévu que l'information sur les capacités-travaux initialement réservées et finalement restituées est « portée à la connaissance des demandeurs de sillons » par le gestionnaire d'infrastructure. Si cette disposition prévoit une information active, elle ne peut pour autant être regardée comme exigeant une information personnalisée des demandeurs de sillons, et n'impose aucun mode de communication particulier pour la porter à leur connaissance.
220. En tout état de cause, l'information transmise par le gestionnaire d'infrastructure sur les capacités-travaux libérées se doit d'être lisible et intelligible car, à défaut, cela reviendrait en pratique à ne pas informer les candidats sur les capacités disponibles et donc à méconnaître les dispositions précitées, ainsi que, par extension, le droit d'accès à l'infrastructure ferroviaire dans des conditions transparentes, reconnu à l'article 10, paragraphe 1er, de la directive 2012/34/UE et à l'article 1 du décret n° 2003-194.
Or, comme le relevait l'Autorité dans la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014, l'information des demandeurs de sillons relative à la libération des capacités-travaux est importante pour leur permettre a minima de mieux préparer leurs demandes de sillons de dernière minute.
221. En l'espèce, en premier lieu, l'Autorité constate que les candidats sont aujourd'hui informés activement de la restitution des capacités-travaux par la transmission des ordres du jour et des relevés de décision du CODEC, et peuvent également l'être par l'intermédiaire du système d'information TCAP.
Au regard des éléments transmis dans le cadre de l'instruction, l'Autorité estime que l'information relative aux restitutions de capacités-travaux contenue dans les ordres du jour et dans les relevés de décision du CODEC est relativement claire et lisible (134), mais parcellaire, et qu'une consultation de l'outil TCAP reste nécessaire pour obtenir certaines informations manquantes. L'Autorité estime que devraient notamment être précisés dans les documents du CODEC le positionnement géographique (lignes et points kilométriques), le régime calendaire et le positionnement horaire de la restitution (dates restituées et horaires initialement prévus pour la coupure) sans qu'il soit nécessaire de chercher ces informations via l'outil TCAP.
L'Autorité considère ensuite que la demande des saisissantes tendant à la fourniture par SNCF Réseau d'un « état spécifique sous forme de graphique des restitutions des capacités », c'est-à-dire d'un extrait du graphique horaire montrant la capacité-travaux supprimée, requerrait une charge de travail quotidienne ou un investissement pour son automatisation démesurés par rapport à l'amélioration attendue en termes de lisibilité, et serait somme toute équivalente aux précisions listées au paragraphe précédent, sans apporter une information plus personnalisée par rapport à la situation actuelle.
L'Autorité estime enfin que l'information issue des alertes de TCAP sur les restitutions de capacités-travaux est suffisamment claire et lisible, dès lors que les candidats ont été formés à l'utilisation de cet outil. Ces alertes, paramétrables à l'échelle de zone(s) de production, de portion(s) d'axe ou de section(s) du réseau, permettent aux candidats d'être informés, en consultant TCAP, des restitutions effectuées à la maille de chaque capacité-travaux (fenêtre ou capacité hors fenêtres). De plus, la charge liée au paramétrage de TCAP pour être informé de manière personnalisée des restitutions de capacités-travaux ne semble pas disproportionnée par rapport au bénéfice attendu. Les candidats sont en outre les plus à même de personnaliser ces notifications en fonction de leurs besoins.
Par conséquent, l'Autorité considère que les candidats ont d'ores et déjà la possibilité de bénéficier d'une information entrante, lisible et personnalisable, par portions d'axes, sur la restitution des capacités-travaux, grâce aux outils mis en place par SNCF Réseau. Cette information doit néanmoins être précisée dans les supports du CODEC.
222. En deuxième lieu, s'agissant de la demande des saisissantes de davantage de personnalisation de l'information, grâce au croisement des restitutions de capacités-travaux avec les demandes de sillons refusées ou traitées de façon dégradée par SNCF Réseau en raison d'un conflit avec ces mêmes capacités-travaux, l'Autorité considère qu'une telle évolution n'est pas nécessaire au règlement du différend dès lors que des alertes sont déjà paramétrables dans TCAP et que davantage de précisions dans les supports du CODEC pourront fournir une information plus ciblée aux candidats.
223. En troisième lieu, l'Autorité relève qu'aucun texte européen ou national n'impose au gestionnaire d'infrastructure, à la suite de la libération de capacités-travaux, de réexaminer de sa propre initiative des demandes de sillons préalablement rejetées ou traitées de façon dégradée en raison d'un conflit avec des travaux. En outre, cette demande des saisissantes est complexe à mettre en œuvre sur le plan opérationnel, dans la mesure où il serait nécessaire, par souci de productivité, que le candidat confirme son besoin avant que le gestionnaire d'infrastructure ne réexamine la demande, dans la mesure où ce dernier ne peut pas présumer du maintien du besoin initialement formulé par un candidat au moment où la capacité-travaux est restituée. En pratique, une telle évolution reviendrait pour le candidat à refaire une demande de sillon, ce qui correspond à la procédure déjà en place.
224. En dernier lieu, l'Autorité constate que l'accompagnement des candidats par SNCF Réseau dans l'utilisation de TCAP est disponible autant que de besoin, sur demande et moyennant finances, via le catalogue de formation.
225. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de compléter, en vue d'une application à compter de l'HDS 2024, et donc dès la publication du PGF 2024, les ordres du jour et les relevés de décision de CODEC, ou tout autre vecteur d'information, afin de rendre autoportante pour leurs destinataires l'information quant à l'étendue des restitutions de capacités-travaux, sans qu'il leur soit nécessaire de consulter d'autres documents ou outils, par exemple en précisant dans les documents du CODEC le positionnement géographique précis, le régime calendaire et le positionnement horaire des restitutions.
c. Sur la mise en place d'un mécanisme de pénalités incitatives en cas de non-respect du délai pour informer les candidats sur les capacités restituées
- Arguments des parties
226. Les saisissantes demandent la mise en place d'un mécanisme de pénalités financières appliquées à SNCF Réseau lorsque celle-ci n'informe pas les candidats de la restitution des capacités-travaux à l'échéance d'un mois au plus tard avant la date initialement prévue pour la réalisation des travaux, c'est-à-dire dans le délai fixé par l'article 4 de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014.
Elles soutiennent que, de manière générale, la mise en place d'engagements assortis de pénalités est nécessaire afin d'inciter le gestionnaire d'infrastructure à fournir des prestations de qualité aux usagers.
Elles précisent par ailleurs que les pénalités infligées à SNCF Réseau dans le cadre du mécanisme demandé devraient être reversées dans un « pot commun » bénéficiant à tous les opérateurs, afin de réaliser une péréquation entre demandeurs de sillons, dans la mesure où il serait difficile de déterminer précisément ceux impactés par le non-respect de cette échéance. Elles ajoutent que le mécanisme de péréquation pourrait consister « en la redistribution annuelle des pénalités selon un critère de production objectif, à savoir au prorata du nombre de trains-km effectivement circulés pendant l'HDS ».
227. De son côté, SNCF Réseau relève tout d'abord que les saisissantes ne démontrent pas le non-respect de l'échéance de M-1 pour l'information sur la restitution des capacités-travaux, ce à quoi les saisissantes répliquent qu'il serait quasiment impossible pour elles de documenter précisément les délais de prévenance moyens observés par SNCF Réseau afin d'informer les opérateurs, car elles n'ont pas la possibilité de suivre chaque capacité-travaux.
SNCF Réseau conteste par ailleurs la pertinence même du mécanisme demandé par les saisissantes. Elle indique privilégier la mise en place d'indicateurs de suivi et de plan d'actions ciblés en cas de difficultés, plutôt qu'un système de pénalités au bénéfice de tous les opérateurs, alors même que tous ne seraient pas impactés par l'éventuel non-respect de cette échéance. De plus, SNCF Réseau indique que la publication d'indicateurs de performance aurait une visée incitative en elle-même, sans qu'il ne soit nécessaire de l'assortir de pénalités.
SNCF Réseau critique également le fait que le mécanisme de pénalités demandé par les saisissantes ne soit pas réciproque et ne prévoit pas de bonus en cas de bonne performance du gestionnaire d'infrastructure. Enfin, SNCF Réseau souligne le contexte de forte pression sur ses finances et considère que le mécanisme de pénalités incitatives ferait peser des charges financières nouvelles qui obèreraient sa capacité à agir par des investissements ou des moyens nouveaux.
- Analyse de l'Autorité
228. A titre liminaire, il convient de rappeler que l'article 48, paragraphe 1, de la directive 2012/34/UE et l'article 23 du décret n° 2003-194, qui en reprend les termes à l'identique, prévoient que « (l)es informations relatives aux capacités non utilisées et disponibles sont mises à la disposition de tous les candidats qui pourraient souhaiter faire usage de ces capacités. ». De plus, aux termes de l'article 26 « Utilisation efficace des capacités de l'infrastructure » de la directive 2012/34/UE (135) et de l'article L. 2111-9 du code des transports (136), le gestionnaire d'infrastructure doit tendre vers l'utilisation optimale des capacités d'infrastructure. Enfin, l'article 4 de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014 impose au gestionnaire d'infrastructure le respect de l'échéance d'un mois au plus tard (M-1) avant la date prévue de réalisation des travaux pour informer les candidats sur la capacité-travaux restituée.
229. En l'espèce, l'Autorité relève tout d'abord qu'à partir du moment où le délai pour informer les candidats sur les capacités restituées est imposé par la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014, il n'y a pas lieu d'instaurer un mécanisme prévoyant l'octroi d'un bonus au gestionnaire d'infrastructure quand il le respecte. En outre, pour que le mécanisme de pénalités incitatives ne fasse pas peser de charges financières nouvelles sur le gestionnaire d'infrastructure, il lui appartient de respecter ce délai.
230. Par ailleurs, concernant la restitution des capacités-travaux, deux cas de figure peuvent se présenter :
- Dans le cas où une ou plusieurs planches-travaux ont été déposées au sein d'une fenêtre-travaux, il est peu fréquent que la libération de cette dernière rende pour autant disponibles pour les candidats des capacités commerciales (137). En effet, la (ou les) planche(s)-travaux déposée(s) dans cette fenêtre-travaux empêche(nt) le plus souvent, en tout état de cause, le tracé de nouveaux sillons à l'intérieur de celle-ci. Dès lors, une information « passive » (138) des candidats par SNCF Réseau - consistant en la possibilité pour ceux-ci de consulter le graphique pour constater que la fenêtre-travaux a été libérée - apparaît suffisante.
- En revanche, s'agissant des fenêtres-travaux au sein desquelles aucune planche-travaux n'est déposée, leur libération rend disponibles des capacités commerciales et permet aux candidats de formuler des demandes de sillons. Dès lors, une information « active » des candidats par SNCF Réseau apparaît essentielle, pour porter à leur connaissance, sans équivoque et en temps utile, la libération de ces fenêtres-travaux.
231. En conséquence, le respect par SNCF Réseau du délai de M-1, en particulier pour la transmission aux candidats d'une information active s'agissant des fenêtres-travaux génériques et déformées vides de planches-travaux, apparaît fondamental pour permettre aux candidats de faire usage de la capacité ainsi libérée, conformément à l'objectif découlant de l'article 48, paragraphe 1er, de la directive 2012/34/UE et de l'article 23 du décret n° 2003-194.
232. A cet égard, l'Autorité a déjà pu constater, dans la décision n° 2019-059 du 3 octobre 2019 portant mise en demeure de SNCF Réseau pour méconnaissance de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014, que SNCF Réseau ne respectait pas cette échéance. De plus, SNCF Réseau a reconnu dans ses observations en réponse (139), tout comme dans sa réponse à la mesure d'instruction n° 2 (140), que dans l'attente de la mise en œuvre complète du programme « APO », annoncée en 2022, puis confirmée (141) pour une mise en œuvre au 30 mai 2022, le dépôt des planches-travaux avant S-5 dans les outils de production n'était pas assuré. Ce faisant, SNCF Réseau a reconnu que le respect de l'échéance de S-6 pour la confirmation des capacités travaux, via l'enregistrement d'une demande de planche-travaux, n'était toujours pas effectif début 2022 et, partant, que le respect de l'échéance de M-1 pour l'information sur la restitution des capacités-travaux ne l'était pas non plus.
233. Cependant, l'Autorité relève que plusieurs dispositifs incitent (ou inciteront dans un proche avenir) le gestionnaire d'infrastructure au respect des échéances de transmission aux candidats d'une information adaptée pour la confirmation et la restitution des capacités-travaux.
234. Premièrement, depuis sa mise en œuvre complète intervenue le 30 mai 2022, le programme « APO » permet d'anticiper la confirmation des capacités-travaux et d'assurer une information « passive » (par la lecture du graphique horaire prévisionnel) concernant la restitution des capacités-travaux. En effet, le programme APO prévoit (i) le dépôt de demandes de planches-travaux, au sein des fenêtres, avant la fin de la semaine S-6 pour ensuite (ii) les valider durant la semaine S-5 et publier, le vendredi de la semaine S-5, l'avis hebdomadaire « travaux » (AHT), (iii) libérer, sans risque pour le mainteneur, les fenêtres-travaux fin de semaine S-5, et (iv) en rendre l'information disponible automatiquement dans le graphique horaire, accessible en consultation par les candidats, dès le lundi de la semaine S-4 (142). La libération des fenêtres-travaux permet ainsi de dévoiler, dans le graphique horaire prévisionnel, la capacité devenant alors disponible pour des demandes de sillons des candidats.
235. Deuxièmement, l'Autorité relève que le programme APO comprend une incitation non-financière au respect de l'échéance de fin de S-6 pour la confirmation des travaux via le dépôt de planches, dans la mesure où les candidats deviennent, dès lundi S-4, prioritaires dans l'attribution de sillons par rapport aux éventuelles demandes de planches-travaux de dernière minute (143). La mise en œuvre du programme APO fait déjà l'objet d'un contrôle par l'Autorité dans le cadre du suivi de l'exécution des articles 2 et 3 de sa décision de mise en demeure n° 2019-059.
236. Troisièmement, le mécanisme de pénalités incitatives fondé sur l'indicateur « CapaciT » (144), que l'Autorité enjoint à SNCF Réseau de mettre en place ci-après au point e. de la présente décision, contribuera à inciter SNCF Réseau à restituer les fenêtres-travaux de façon proactive, donc à tenir le délai de M-1. En effet, une information active des candidats, via une DETC de suppression ou de retrait de jours de travaux, au plus tard à M-1, sur les fenêtres-travaux génériques et déformées dans lesquelles SNCF Réseau n'envisage finalement pas de déposer des planches-travaux, permettra au gestionnaire d'infrastructure de les retirer du dénominateur de l'indicateur « CapaciT », donc d'en améliorer la valeur obtenue, pour s'approcher de l'objectif fixé ou pour le dépasser.
237. Enfin, les éléments recueillis lors de l'instruction ne mettent pas en évidence de cas d'omissions d'information dans les documents du CODEC d'une ampleur justifiant la mise en place d'un mécanisme incitatif complémentaire pour l'information active des candidats quant aux capacités-travaux restituées de façon proactive par SNCF Réseau avant le délai de M-1.
238. Il résulte de ces éléments qu'il y a lieu de veiller à la bonne mise en œuvre, tant du programme APO que de l'indicateur « CapaciT », ainsi que d'adjoindre à ce dernier un mécanisme de pénalités incitatives.
239. Au regard de ces éléments, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande des saisissantes.
d. Sur la demande tendant à compléter l'indicateur CAPteur afin de suivre également l'utilisation réelle des capacités réservées pour les travaux
240. Comme exposé au paragraphe 205 de la présente décision, la publication du PGF en décembre A-2 a pour effet de réserver la capacité requise pour réaliser les travaux programmés, mais l'utilisation de cette capacité doit encore être confirmée ultérieurement par SNCF Réseau. Cette confirmation est effectuée par SNCF Réseau en déposant des planches-travaux annonçant des interruptions de circulation dans les capacités-travaux programmées dans le PGF. Enfin, lorsqu'une planche-travaux est déposée et que les travaux associés sont ainsi confirmés, il faut encore, pour que lesdits travaux puissent être effectués, qu'une demande de fermeture de voie soit émise par les équipes chargées de la maintenance au jour et à l'heure prévus de l'intervention et enregistrée et mise en œuvre par les équipes chargées de la gestion opérationnelle des circulations.
241. Constatant que des travaux pouvaient encore être annulés par SNCF Réseau malgré leur confirmation à M-1, l'Autorité lui a imposé, à l'article 6 de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014, de publier un indicateur, décliné géographiquement, permettant de suivre la réalisation effective des travaux programmés. Cet indicateur devait permettre d'apprécier la capacité réellement utilisée par SNCF Réseau afin d'effectuer des travaux par rapport à celle programmée à cette fin et donc soustraite à la commercialisation de sillons. En outre, SNCF Réseau a été mise en demeure par l'Autorité, dans la décision n° 2019-059 du 3 octobre 2019, de respecter cette obligation, faute de s'y être conformée.
242. A la suite de cette mise en demeure, SNCF Réseau a publié, depuis le RAC relatif à l'adaptation de l'horaire de service 2019, un indicateur portant sur la réalisation effective des travaux, dénommé « RéaliT ».
- Arguments des parties
243. La demande formulée par les saisissantes vise à enjoindre à SNCF Réseau de produire un indicateur permettant de suivre l'utilisation réelle des capacités réservées pour des travaux, c'est-à-dire la réalisation effective de ces travaux.
244. Interrogées par l'Autorité dans le cadre de l'instruction sur l'indicateur RéaliT, les saisissantes ont affirmé ne pas avoir pu prendre connaissance de cet indicateur avant leur saisine en règlement de différend, car elles n'auraient pas pu accéder au RAC, qui ne serait pas public et n'aurait été diffusé qu'à certaines entreprises ferroviaires par l'intermédiaire du COOPERE (145). Les saisissantes demandent par conséquent à l'Autorité d'imposer à SNCF Réseau une communication plus large des indicateurs permettant de mesurer sa performance, notamment en ce qu'elle participe d'une régulation réputationnelle, voire incitative lorsque ces indicateurs sont assortis de valeurs cibles et/ou de pénalités. Elles estiment que cet indicateur devrait être disponible sur le portail « Clients & Partenaires » de SNCF Réseau, voire publié sur le site internet de l'Autorité.
245. De plus, ayant pris connaissance de l'indicateur RéaliT au cours de l'instruction, les saisissantes ajoutent que celui-ci ne satisfait pas leur demande. En effet, les saisissantes soutiennent qu'il ne serait pas généralisé à tout le réseau ferré national. Elles critiquent également le fait qu'il ne porte que sur une comparaison entre les travaux encore confirmés la veille de la date prévue de leur réalisation (J-1) et leur réalisation effective le jour J. Selon elles, cet indicateur devrait également comparer les travaux entre J et J-7 et J et J-30, permettre de filtrer les résultats par région et exposer les motifs de non-réalisation des travaux.
246. SNCF Réseau rappelle, quant à elle, que l'indicateur RéaliT figure dans le RAC. Elle précise que ce rapport est diffusé aux clients, à l'Autorité et à l'autorité de tutelle (146) dans le cadre du COOPERE depuis sa création en 2014, qu'il est accessible à tous les membres de ce comité sur sa plateforme numérique SharePoint, et qu'il appartient aux associations professionnelles de le relayer à leurs adhérents qui ne sont pas membres du COOPERE. De plus, SNCF Réseau produit trois courriels attestant de la transmission des RAC 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020 à trois des entreprises saisissantes (T3M, Captrain et Europorte France). Néanmoins SNCF Réseau indique être disposée à faire évoluer les modalités de publication de ce document pour améliorer l'accès aux données qu'il contient.
247. SNCF Réseau rappelle ensuite que l'indicateur RéaliT a été mis en place en septembre 2019 sur quatre territoires expérimentaux, avant d'être généralisé depuis le dernier trimestre 2020 sur tout le territoire. Elle relève n'avoir jamais reçu de questions des saisissantes sur les indicateurs, ni lors de leur publication dans le RAC, dont RéaliT, ni après la présentation de cet indicateur dans le cadre des réunions dites « RSRS » (147). Enfin, SNCF Réseau indique développer, en complément de RéaliT, un nouvel indicateur dénommé « CapaciT », qui aura vocation à « caractériser l'impact de l'utilisation des capacités travaux sur les clients, au sens capacitaire », dans la mesure où toute libération de planches-travaux ne libère pas nécessairement de capacités commerciales tant que la fenêtre-travaux reste occupée par d'autres planches (148). SNCF Réseau a indiqué que CapaciT serait mis en service lors du dernier trimestre 2021, puis ferait l'objet d'une phase de fiabilisation et d'observation au cours de l'HDS 2022 sur l'ensemble du réseau.
- Analyse de l'Autorité
248. Comme rappelé au point 228 de la présente décision, le gestionnaire d'infrastructure doit tendre vers une utilisation optimale des capacités d'infrastructure en application de l'article 26 de la directive 2012/34/UE et de l'article L. 2111-9 du code des transports.
Compte tenu de cet objectif, ainsi que du principe de transparence, il est indispensable, d'une part, que le gestionnaire d'infrastructure établisse des indicateurs permettant d'effectuer le suivi de sa performance en matière d'attribution et d'utilisation des capacités d'infrastructure, et, d'autre part, que les résultats de ces indicateurs soient portés à la connaissance du régulateur, des utilisateurs de l'infrastructure et plus largement du public, afin de l'inciter à améliorer son efficacité.
249. En l'espèce, s'agissant en premier lieu des modalités de publication de l'indicateur RéaliT, et plus généralement du RAC, l'Autorité a indiqué aux points 133 et 134 de la présente décision selon quelles modalités les conditions de publication et de diffusion du RAC devaient selon elle être améliorées.
250. En second lieu, s'agissant de la demande tendant à la production d'un indicateur permettant de suivre l'utilisation réelle des capacités réservées pour les travaux, l'Autorité constate qu'un tel indicateur existe déjà depuis 2019 avec RéaliT, dont la couverture a été élargie à l'ensemble du territoire national en 2020, et dont les résultats sont déclinés régionalement.
251. De plus, l'Autorité estime qu'il n'est pas pertinent de faire évoluer l'indicateur RéaliT pour qu'il effectue une comparaison entre les travaux programmés et leur réalisation effective entre J et J-7 et J et J-30. En effet, J-7 ne correspond aujourd'hui à aucun jalon du processus de confirmation des capacités-travaux, et l'indicateur CapaciT, qui doit être fiabilisé en 2022, vise à mesurer la réalisation effective des travaux par rapport aux fenêtres-travaux encore réservées à la fin de M-2, soit un mois au moins avant leur réalisation.
252. L'Autorité estime également qu'il n'est pas pertinent de faire évoluer l'indicateur RéaliT pour intégrer les motifs de non-réalisation des travaux, dans la mesure où seules importent pour les opérateurs la réservation et l'utilisation effective de capacités dévolues aux travaux en tant qu'elles sont soustraites à la capacité offerte à la commercialisation.
253. En revanche, l'Autorité relève que l'indicateur RéaliT ne fournit qu'une information partielle sur l'utilisation effective des fenêtres réservées pour les travaux, en ce qu'il ne permet pas d'apprécier la capacité-travaux non utilisée qui aurait pu être restituée et être effectivement utilisée pour le tracé de sillons commerciaux. C'est l'objectif de l'indicateur CapaciT.
254. Eu égard à l'objectif d'utilisation effective et optimale des capacités d'infrastructure susmentionné et au droit d'accès au réseau des entreprises ferroviaires dans des conditions équitables, transparentes et non-discriminatoires, il est nécessaire que SNCF Réseau mette en place des indicateurs permettant de refléter de manière plus précise et exhaustive l'usage réel des capacités-travaux, pour être en mesure d'apprécier l'efficacité du processus d'allocation et d'utilisation de ces capacités.
255. Au regard de ces éléments, l'Autorité estime qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de produire l'indicateur CapaciT en prévoyant une déclinaison géographique, et d'assurer la publication de ses résultats, au sein du RAC, à compter de celui relatif à l'adaptation de l'horaire de service 2022.
e. Sur la mise en place d'un mécanisme de pénalités incitatives en cas d'absence d'utilisation de capacités réservées pour les travaux
- Arguments des parties
256. Les saisissantes demandent la mise en place d'un mécanisme de pénalités financières appliquées à SNCF Réseau lorsque celle-ci n'utilise pas de manière effective des capacités-travaux n'ayant pourtant pas été restituées.
257. Elles précisent que les pénalités infligées à SNCF Réseau dans le cadre du mécanisme demandé devraient être reversées dans un « pot commun » bénéficiant à tous les opérateurs, sur le même modèle que le mécanisme de pénalités demandé en cas de non-respect des délais d'information sur les capacités restituées. Elles ajoutent que les pénalités devraient être suffisamment élevées pour inciter SNCF Réseau à respecter les objectifs fixés, augmenter en fonction de l'écart constaté avec l'indicateur dont l'objectif n'est pas atteint, tout en restant proportionnées à la gravité du non-respect de cet indicateur. De plus, une pénalisation différenciée selon les motifs de non-utilisation des capacités-travaux pourrait être mise en place afin de prendre en compte les difficultés opérationnelles que SNCF Réseau pourrait rencontrer dans certains cas.
258. SNCF Réseau soutient qu'avant de mettre en place un mécanisme pénalisant l'absence d'utilisation effective de capacités-travaux réservées, il convient, d'une part, d'être en mesure d'identifier l'impact réel sur les clients de la non-libération de capacités-travaux restées inutilisées, et d'autre part, de définir des objectifs de progrès. SNCF Réseau ajoute que, dans certains cas, la non-utilisation effective des capacités-travaux réservées se justifie par des causes indépendantes de sa volonté, comme des aléas opérationnels, ou la nature même de la maintenance corrective qui implique de préserver des fenêtres-travaux à l'avance sans que leur usage effectif ne soit certain.
259. En outre, SNCF Réseau émet les mêmes critiques à l'égard de ce mécanisme que celles formulées à l'égard de celui demandé en cas de non-respect des délais d'information sur les capacités restituées (voir point 227 de la présente décision).
- Analyse de l'Autorité
260. L'Autorité constate que l'absence d'utilisation effective de capacités réservées pour des travaux et n'ayant pas été restituées n'entraîne actuellement aucune sanction financière pour SNCF Réseau et rarement la perte de recettes commerciales potentielles dépassant le coût directement imputable aux circulations (149). Or, cette absence de signaux financiers incitatifs peut conduire à une utilisation de l'infrastructure qui n'est ni optimale ni efficace, puisque certaines capacités-travaux pourraient n'être ni utilisées pour réaliser des travaux sur le réseau, ni utilisées par les candidats pour réaliser des circulations commerciales.
261. L'Autorité a par le passé indiqué qu'elle était favorable à la mise en place de pénalités financières à l'égard du gestionnaire d'infrastructure en cas de non-utilisation de capacités-travaux réservées, compte tenu de l'impact important de cette pratique sur l'efficacité du système ferroviaire (150).
262. Eu égard à l'objectif d'utilisation effective et optimale de l'infrastructure rappelé ci-dessus, et dans une démarche de régulation incitative, l'Autorité estime qu'il est, sur le principe, pertinent de mettre en place un mécanisme de pénalités incitatives afin de limiter les cas de non-utilisation des capacités réservées, comme le demandent les saisissantes.
263. En outre, il ressort du RAC (151) que plus de la moitié des planches-travaux confirmées à J-1 ne sont pas utilisées le jour J.
264. Néanmoins, comme le relève SNCF Réseau, ces planches non-utilisées n'ont pas nécessairement, d'une part, pour origine la négligence de SNCF Réseau ou l'inefficacité de son processus d'allocation et d'utilisation des capacités travaux, ni, d'autre part, une véritable incidence sur la possibilité de libération de la capacité-travaux dans laquelle elles s'insèrent, laquelle ne peut généralement pas être restituée au bénéfice de sillons commerciaux tant qu'une autre planche subsiste dans son empreinte.
265. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de mettre en place, à compter de l'HDS 2024, un mécanisme pénalisant la non-utilisation de capacités-travaux non restituées, qu'elle aura préalablement soumis pour approbation à l'Autorité. A cette fin, SNCF Réseau devra soumettre une proposition de mécanisme à l'Autorité au plus tard un an à compter de la notification de la présente décision.
Ce mécanisme de pénalité incitative devra s'appuyer sur les résultats du futur indicateur CapaciT, qui a pour objectif de quantifier les fenêtres-travaux génériques et déformées qui ne sont pas du tout utilisées le jour J et qui auraient donc pu être restituées et utilisées pour le tracé de sillons commerciaux. Il pourra également prévoir des cas d'exonération pour les absences d'utilisation des capacités-travaux non imputables au gestionnaire d'infrastructure.
f. Sur la mise en place en cas d'écarts (i) d'un système d'alerte spécifique, ciblé et intelligible à destination des opérateurs dont les sillons sont impactés par ces écarts et (ii) d'un mécanisme de pénalités incitatives en cas de non-respect du délai de prévenance minimum d'un mois pour solliciter l'avis de l'opérateur sur l'impact sur ses sillons
266. Comme rappelé au point 163 de la présente décision, après sa publication en décembre A-2, le PGF connaît en pratique des évolutions désignées sous le terme « d'écarts ». La majorité de ces écarts n'emportent aucune conséquence sur les sillons commerciaux ayant pu entre-temps être commandés, mais certains génèrent de nouveaux conflits. Tous donnent lieu à la formulation de « DETC » (« Demande d'Écart Travaux sur Commercial ») par SNCF Réseau (152).
267. L'article 3 de la décision de l'Autorité n° 2014-023 du 18 novembre 2014 impose à SNCF Réseau de solliciter l'avis des opérateurs dont elle envisage de supprimer ou de modifier les sillons déjà attribués pour réaliser des travaux, dès que possible et, au plus tard, un mois avant le jour de circulation prévu, sauf cas d'urgence et de nécessité absolue (153). Le chapitre 4.5.4 du DRR prévoit que cette consultation des demandeurs de sillons s'effectue dans le cadre d'un processus dit de « dialogue industriel » (154).
268. En pratique, les DETC formulées par SNCF Réseau sont instruites dans le cadre des CODEC relatifs aux travaux qui se réunissent hebdomadairement. Par ailleurs, toute modification de capacités-travaux est enregistrée dans le système d'information TCAP.
269. La demande des saisissantes porte sur deux éléments distincts, qu'il convient donc d'examiner séparément. Le premier porte sur (i) la mise en place par SNCF Réseau d'une alerte personnalisée à l'attention des opérateurs dont les sillons sont impactés par un écart avec le PGF, et le second porte sur (ii) la mise en place d'un mécanisme de pénalités incitatives en cas de non-respect par SNCF Réseau du délai de prévenance d'un mois pour solliciter l'avis de l'opérateur sur l'impact de cet écart sur ses sillons.
i. Sur la mise en place d'une alerté spécifique, ciblée et intelligible à destination des opérateurs sur les sillons impactés par un écart avec le PGF
- Arguments des parties
270. Les saisissantes soutiennent que l'information concernant les écarts avec le PGF dont elles sont actuellement destinataires est inintelligible en l'état. Elles estiment que l'absence d'une information systématique, claire et personnalisée sur les DETC ayant un impact sur leurs sillons, avant leur instruction dans le cadre des réunions du CODEC, ne leur permet pas de préparer suffisamment en amont leur position sur les écarts considérés et d'anticiper au plus tôt leurs impacts sur le plan de transport. Selon elles, la création d'une alerte personnalisée, dès l'introduction de la DETC par SNCF Réseau, permettrait un échange avec SNCF Réseau le plus amont possible.
271. De son côté, SNCF Réseau soutient que l'information des candidats sur les écarts s'effectue à l'occasion des CODEC, ainsi que du dialogue industriel qui prépare ces comités, et qu'il y a lieu de privilégier ces échanges plutôt que de mettre en place des systèmes d'informations complexes.
SNCF Réseau relève en outre qu'une demande similaire à celle formulée par les saisissantes lui a déjà été adressée dans la décision n° 2013-019 du 1er octobre 2013, dont l'article 9 prévoit que « L'Autorité enjoint à RFF d'effectuer des envois personnalisés à VFLI dans le cadre de la plateforme de concertation et d'arbitrage sillons-travaux. » (155)
A ce titre, elle précise que l'alerte des candidats, de manière systématique et intelligible, sur toute modification, suppression ou affermissement d'un sillon-jour est effectuée à la fois par le système d'information DELTHA, qui permet la création d'alertes ciblées, et par la fonctionnalité « états courants du sillon » (« ECS ») du système d'information GESICO, qui permet de suivre les changements d'états des sillons-jours demandés. SNCF Réseau relève que Captrain et T3M ne se sont pas abonnées à ce système d'alerte automatique. Elle rappelle également être présente pour accompagner les opérateurs dans le paramétrage des alertes du système d'information DELTHA afin que celles-ci puissent prendre en compte les besoins spécifiques des opérateurs.
- Analyse de l'Autorité
272. Aux termes de l'article 3 de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014, SNCF Réseau a l'obligation de « sollicite[r] l'avis de l'entreprise ferroviaire intéressée » préalablement à toute prise de décision quant à la suppression ou modification d'un sillon attribué pour permettre la réalisation de travaux. Cette consultation préalable a ainsi pour objectif de concilier au mieux le besoin de SNCF Réseau de réaliser les travaux et le souci des opérateurs impactés par une telle suppression ou modification de pouvoir préserver leur plan de transport.
273. Cette disposition ne définit pas, en revanche, les modalités pratiques selon lesquelles cette consultation doit être effectuée et n'impose donc pas expressément à SNCF Réseau de mettre en place un système d'alerte personnalisé « en push » pour informer les candidats de ses intentions, comme le demandent les saisissantes. Néanmoins, pour qu'un effet utile puisse être donné à ce dispositif, l'information sur les suppressions ou modifications de sillons attribués envisagées par SNCF Réseau pour la réalisation de travaux doit être lisible, intelligible et suffisamment personnalisée. A défaut, cela reviendrait en pratique à ne pas informer les candidats, les privant ainsi de la possibilité de défendre leurs intérêts à l'occasion des réunions du CODEC et du dialogue industriel, et conduisant potentiellement à remettre en cause le droit d'accès à l'infrastructure ferroviaire dans des conditions transparentes reconnu à l'article 10, paragraphe 1er de la directive 2012/34/UE et à l'article 1er du décret n° 2003-194.
274. En outre, cette obligation, fixée par l'article 3 de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014, doit être mise en lien avec l'injonction faite à SNCF Réseau, dans le cadre des décisions de règlement de différend n° 2013-016, n° 2013-017, n° 2013-018 et n° 2013-019 du 1er octobre 2013, de mettre en place « des envois personnalisés » dans le cadre de la gestion des écarts à l'égard de chacune des saisissantes dans ces procédures, à savoir respectivement ECR, Europorte, T3M et VFLI (devenue Captrain).
275. En l'espèce, en premier lieu, l'Autorité relève tout d'abord que l'outil DELTHA renseigne les opérateurs sur les modifications ou suppressions de sillons-jours effectuées par SNCF Réseau, dont celles mises en œuvre consécutivement à la validation d'une DETC dans le cadre d'une réunion du CODEC. De même, l'information communiquée aux candidats, via la fonctionnalité « états courants du sillon » de l'outil GESICO, sur le passage d'un sillon-jour de l'état « attribué » à l'état « en conflit » ou « non attribué », est également consécutive à la validation d'une DETC en CODEC. Ces outils ne répondent donc pas à la demande des saisissantes de pouvoir bénéficier d'une information sur les DETC envisagées avant leur instruction lors d'une réunion CODEC.
276. En second lieu, il ressort de l'instruction (156) que lorsqu'une modification ou suppression de sillon est envisagée par SNCF Réseau pour permettre la réalisation de travaux, une DETC est créée dans l'outil TCAP par l'Infrapôle (157) en charge de ces travaux, puis transmise au service de répartition de la capacité sillons/travaux (RCST) qui en effectue l'analyse. Lorsque l'analyse est terminée et la demande complète en vue de son instruction en CODEC, la DETC est mise au statut « en attente d'arbitrage » et associée à une réunion du CODEC. Au plus tard à J-14 avant le CODEC, SNCF Réseau initialise la fonctionnalité « avis EF » pour ces DETC. Les candidats ont alors entre J-14 et J-2 avant le CODEC pour formuler un avis sur la DETC dans l'outil TCAP. L'ordre du jour du CODEC est ensuite envoyé à J-2 à l'ensemble des candidats et comporte les avis formulés le cas échéant par certains d'entre eux.
277. S'agissant de la clarté et de la lisibilité de l'information relative aux DETC soumises pour avis aux candidats, l'Autorité estime qu'elle est intelligible pour les agents opérationnels du secteur, mais qu'elle reste parcellaire en ce qu'elle ne permet pas aux candidats d'identifier rapidement l'impact de ces DETC sur leurs sillons.
278. A cet égard, l'Autorité relève que les ordres du jour et les relevés de décision du CODEC ne comportent aucune synthèse ni information concernant les sillons impactés par les DETC (158). Il en est de même dans l'outil TCAP dont sont extraits ces ordres du jour et relevés de décision, lors de la soumission des DETC pour avis des candidats.
279. Concernant la création d'alertes spécifiques demandée par les saisissantes, l'outil TCAP permet aux candidats de créer des alertes pour être informés des DETC dès que celles-ci sont créées par les Infrapôles de SNCF Réseau, ainsi que de leurs changements de statut, soit à la maille d'un chantier, soit sur un périmètre géographique tel qu'une portion d'axe. En revanche, une telle alerte à la maille des sillons des candidats n'est pas prévue. De plus, les candidats ne peuvent pas non plus filtrer les DETC sur la période de circulation de leurs sillons sur une portion d'axe car « le seul critère temporel existant est celui du Service Annuel (SA) » (159).
280. Néanmoins, l'Autorité estime que la soumission des DETC pour avis des candidats, au moins 14 jours avant l'arrêté des ordres du jour du CODEC, pourrait être suffisante, sans qu'il ne soit nécessaire de mettre en place un système d'alerte spécifique, à la condition expresse que les DETC ayant un impact sur leurs sillons soient immédiatement identifiables. En l'état, les candidats peuvent au mieux, sur la base des informations qui leur sont communiquées lorsque les DETC leur sont soumises pour avis, identifier la portion d'axe et la section du réseau concernées par une DETC. Une colonne relative à la liste des sillons impactés par les DETC soumises pour avis est prévue dans ces documents, mais est systématiquement vide, comme le montrent encore les ordres du jour et relevés de décision du CODEC des mois d'avril et mai 2022 fournis par SNCF Réseau, et le reste durant tout le cycle de traitement des DETC, ce qui n'est pas satisfaisant. SNCF Réseau a indiqué à cet égard (160) que « les impacts [sur les] sillons des écarts [de programmation des] travaux ne sont pas importés dans TCAP » sans le justifier, bien que l'Autorité le lui ait expressément demandé.
281. L'Autorité considère donc que SNCF Réseau ne fournit pas en l'état aux attributaires de sillons une information suffisamment personnalisée (ni dans les DETC soumises pour avis aux candidats dans l'outil TCAP, ni dans les ordres du jour et relevés de décision des réunions du CODEC), de telle sorte qu'un travail non négligeable d'identification des DETC impactant leurs sillons reste ainsi à leur charge.
282. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau, à compter de l'HDS 2024 et donc dès la publication du PGF 2024, de compléter l'ensemble des champs relatifs aux impacts des écarts-travaux sur les sillons des candidats, d'une part, dans l'outil TCAP (161), avant de leur soumettre des DETC pour avis, d'autre part, dans les ordres du jour et relevés de décisions des réunions du CODEC.
ii. Sur la mise en place d'un mécanisme de pénalités incitatives en cas de non-respect du délai de prévenance d'un mois pour solliciter l'avis de l'opérateur sur l'impact des écarts sur ses sillons
- Arguments des parties
283. Les saisissantes demandent la mise en place d'un mécanisme de pénalités financières appliquées à SNCF Réseau lorsqu'elle ne respecte pas le délai d'un mois pour solliciter l'avis d'un opérateur sur l'impact des DETC sur ses sillons, comme le prévoit l'article 3 de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014.
Elles précisent que les pénalités infligées à SNCF Réseau dans le cadre du mécanisme demandé devraient être reversées dans un « pot commun » bénéficiant à tous les opérateurs, afin de réaliser une péréquation entre demandeurs de sillons, dans la mesure où il serait difficile de déterminer précisément ceux impactées par le non-respect de ce délai. Les saisissantes ajoutent que cette pénalité pourrait être fixée à « 4 % du montant de la redevance de circulation associée à chaque sillon-jour impacté par un jour calendaire de retard, et ce dans la limite de 50 % ».
284. SNCF Réseau relève tout d'abord que les saisissantes ne documentent pas le non-respect du délai de prévenance d'un mois pour solliciter l'avis d'un opérateur préalablement à la suppression ou à la modification d'un sillon attribué pour permettre l'exécution de travaux, ce à quoi les saisissantes répliquent qu'il serait quasiment impossible pour elles de documenter précisément les délais moyens dans lesquels SNCF Réseau informe les opérateurs des capacités-travaux restituées, car elles n'ont pas la possibilité de suivre chaque capacité-travaux.
En outre, SNCF Réseau émet les mêmes critiques à l'égard de ce mécanisme que celles formulées au point 227 de la présente décision.
- Analyse de l'Autorité
285. L'article 3 de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014 ne prévoit pas de mécanisme de pénalités lorsque le délai d'un mois au plus tard avant le jour de circulation initialement prévu pour solliciter l'avis des entreprises ferroviaires sur les suppressions ou modification de sillons attribués pour la réalisation de travaux n'est pas respecté. Néanmoins, l'article 5 de ladite décision impose à SNCF Réseau de mettre en œuvre des « mesures incitant au respect des obligations figurant aux articles 2 à 4 » (162), laissant ainsi une latitude à SNCF Réseau dans la détermination de la nature de ces mesures incitatives.
286. Constatant l'absence de mise en œuvre de telles mesures incitatives, l'Autorité a mis en demeure SNCF Réseau de les mettre en place dès le début de l'HDS 2020, dans le cadre de la décision n° 2019-059 du 3 octobre 2019 précitée relative à la méconnaissance de la décision n° 2014-023 du 18 novembre 2014 (163). Indépendamment des suites données à cette décision de mise en demeure, qui fait l'objet d'une procédure distincte, ces deux décisions illustrent la nécessité de mettre en place des mesures incitant véritablement SNCF Réseau à respecter le délai d'un mois prévu par l'article 3 de la décision n° 2014-023.
287. En l'espèce, au cours de l'instruction, les saisissantes n'ont apporté aucun élément démontrant le non-respect du délai de prévenance d'un mois pour solliciter l'avis des candidats sur les DETC ayant un impact sur leurs sillons. SNCF Réseau n'a quant à elle apporté aucun élément démontrant son respect, et a même indiqué qu'il n'existait à ce jour aucun indicateur permettant d'assurer son suivi (164) alors que ce délai est pourtant applicable depuis l'HDS 2016.
288. L'Autorité estime que cette absence de suivi du respect du délai de prévenance d'un mois prive de toute visibilité sur la performance et la qualité de service offerte par SNCF Réseau à cet égard, et ne l'incite aucunement à améliorer ces dernières. Cette situation est susceptible de priver d'effet utile le dispositif de sollicitation préalable de l'avis des candidats, en ce qu'une consultation tardive réduit la possibilité de trouver une solution permettant la réalisation des travaux tout en répondant aux contraintes des opérateurs. Le droit d'accès à l'infrastructure dans des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes, reconnu aux entreprises ferroviaires à l'article 10, paragraphe 1er de la directive 2012/34/UE et à l'article 1er du décret n° 2003-194 s'en trouve potentiellement remis en cause.
289. En l'absence d'éléments sur la réalité et l'ampleur du non-respect par SNCF Réseau du délai d'un mois pour solliciter l'avis de l'opérateur sur l'impact des DETC sur ses sillons, l'Autorité n'est pas en mesure, en l'espèce, d'apprécier l'opportunité de mettre en place un mécanisme de pénalités incitatives, tel que demandé par les saisissantes. En revanche, l'Autorité estime qu'a minima, SNCF Réseau devrait effectuer un suivi du délai effectif de prévenance des attributaires de sillons pour pouvoir, précisément, en apprécier le respect, et en publier les résultats à des fins de régulation incitative réputationnelle.
290. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de produire la distribution statistique du délai de prévenance effectif et d'en publier annuellement le diagramme de répartition (165) dans le RAC et sur son site Internet aux mailles nationale et de ses zones de production par mois, et de ses Infrapôles par trimestre, à compter de l'adaptation de l'HDS 2023.
3.3. Sur les demandes relatives à l'évolution des principes et procédures d'indemnisation et de réclamation
291. L'annexe 3.5 du DRR décrit la procédure ainsi que les étapes du traitement des réclamations portées par les clients de SNCF Réseau auprès de la division « Réclamations » de sa direction commerciale. Trois types de réclamations y sont prévues :
- les contestations relatives aux factures émises par SNCF Réseau, faisant l'objet de l'annexe 3.5.1 (réclamations « factures ») ;
- les demandes d'indemnisation en cas de suppression d'un sillon-jour effectuée à l'initiative de SNCF Réseau, faisant l'objet de l'annexe 3.5.2 (réclamations « sillons ») ;
- les demandes de prise en charge des coûts supportés par une entreprise ferroviaire ayant porté secours à un train en détresse, faisant l'objet de l'annexe 3.5.3 (réclamations « secours ») (166).
292. Aux termes de cette annexe 3.5, tout dossier de réclamation doit être constitué (i) d'une demande, exposant l'objet de la réclamation et son fait générateur, (ii) d'un tableau, comportant des champs obligatoires et facultatifs, devant être renseignés par le client, et dont le contenu diffère en fonction de la nature de la réclamation et (iii) de toutes pièces justificatives nécessaires pour étayer la réclamation. Les annexes 3.5.1, 3.5.2 et 3.5.3 décrivent les conditions de recevabilité propres à chaque type de réclamation, en particulier le contenu des tableaux devant être remplis par les clients ainsi que les éléments justificatifs complémentaires devant être fournis.
293. Tout dossier de réclamation doit être adressé à SNCF Réseau dans un délai fixé dans le DRR (167), à défaut de quoi il est déclaré forclos. Les délais de traitement, propres à chaque type de réclamation, sont précisés aux annexes 3.5.1, 3.5.2 et 3.5.3 du DRR et courent à compter de la date de réception du dossier par SNCF Réseau.
294. S'agissant des réclamations « sillons », l'article 25 du décret n° 2003-194 prévoit, en son I, que le gestionnaire d'infrastructure peut supprimer des sillons attribués (1°) sans préavis, en cas d'urgence et de nécessité absolue, motivée par une défaillance rendant l'infrastructure momentanément inutilisable ou (2°) en cas de sous-utilisation d'un sillon par un candidat.
Le II permet par ailleurs au gestionnaire d'infrastructure de modifier ou de supprimer des sillons attribués (1°) pour permettre la réalisation de travaux d'entretien non programmés sur l'infrastructure ferroviaire ou (2°) pour accorder la priorité à la circulation des transports nécessaires à la défense nationale.
Le dernier alinéa du III dispose enfin que « (l)es modalités d'indemnisation éventuelle sont précisées dans le contrat passé en application de l'article 24 » de ce décret, lequel porte sur les conditions administratives, techniques et financières de l'attribution des sillons et de l'utilisation de l'infrastructure, et dont les conditions générales sont définies à l'annexe 3.1 du DRR (« Conditions générales du contrat d'utilisation de l'infrastructure du réseau ferré national et du contrat d'attribution de sillons sur le réseau ferré national », ci-après les « CG CUI »).
295. L'article 20 des CG CUI, relatif aux « Conséquences indemnitaires des suppressions de sillons jours attribués », prévoient les principes et modalités d'indemnisation suivants :
- Le premier alinéa de l'article 20.1 prévoit, s'agissant des faits générateurs susceptibles de donner lieu à une indemnisation, que « (s)eules les conséquences dommageables de la suppression d'un sillon-jour attribué dans les conditions prévues à l'article 14.1.1 peuvent donner lieu à indemnisation de la part de SNCF Réseau ». L'article 14.1.1 prévoit quant à lui que SNCF Réseau peut modifier ou supprimer des sillons-jours attribués : - pour permettre l'exécution sur l'infrastructure de travaux autres que ceux programmés lors de l'élaboration de l'horaire de service ; - pour rétablir l'utilisation de l'infrastructure dans des conditions normales de sécurité en cas de survenance d'un évènement défini à l'article 13 (168) ou pour tout autre fait empêchant l'utilisation de l'infrastructure dans des conditions normales de sécurité ».
- Le dernier alinéa de l'article 20.1 des CG CUI prévoit, s'agissant du préjudice susceptible d'être indemnisé, que celui-ci « doit être direct, réel dans son existence et certain dans sa consistance. Il appartient à l'entreprise ferroviaire / au candidat autorisé d'en apporter la preuve et d'en justifier le montant ».
Par ailleurs, l'article 20.1 bis prévoit que « (d)ans certaines circonstances, la suppression par SNCF Réseau d'un sillon-jour attribué (dit “sillon initial” dans le présent article) dans les conditions prévues à l'article 14.1.1, peut avoir pour conséquence de contraindre le candidat à supprimer un sillon-jour qui lui est directement “lié” ». La notion de « sillon-jour lié » est définie dans les termes suivants : « un sillon-jour : - consistant en l'aller ou le retour (origine-destination inverse) du sillon initial ; - dont l'écart temporel avec le sillon initial n'excède pas 24 heures (entre l'arrivée de l'un et le départ de l'autre) ». Cet article prévoit enfin que SNCF Réseau indemnise le préjudice direct, réel et certain subi par l'entreprise ferroviaire / le candidat du fait de la suppression d'un sillon-jour lié lorsque deux conditions sont réunies cumulativement : « - la suppression du sillon-jour initial attribué est imputable exclusivement à SNCF Réseau de telle sorte qu'elle ne permet pas la circulation du sillon-jour lié ; - l'entreprise/le candidat a démontré de manière objective et justifiée que le sillon-jour dont l'indemnisation est demandée est réellement lié au sillon-jour initial supprimé. La preuve du caractère lié de ce sillon-jour vis-à-vis du sillon-jour initial supprimé peut notamment être apportée par la mention dans l'outil de commande de toutes précisions relatives à la suppression et des informations permettant l'identification du sillon-jour initial supprimé par SNCF Réseau (par son n° de sillon, son jour de circulation, son numéro de Vie du Sillon) ».
- Enfin, le second alinéa de l'article 20.3 des CG CUI prévoit que « (l)'indemnisation éventuellement versée par SNCF Réseau pour un sillon-jour considéré ne peut l'être qu'au seul attributaire du sillon (entreprise ferroviaire ou candidat autorisé) et, en cas de sillons mis à disposition d'une entreprise ferroviaire par un candidat autorisé, elle couvre les préjudices subis par ces deux personnes, sans cumul possible des indemnités ».
296. Les saisissantes demandent à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'Autorité à intervenir dans la présente procédure :
- de « (p)réciser que les modifications importantes de sillons fermes (telles qu'elles sont définies dans le mécanisme IR) à l'initiative de SNCF Réseau ouvrent droit à l'indemnisation des préjudices subis par les opérateurs ferroviaires » ;
- d'« (é)tendre la définition des sillons jours liés pouvant donner lieu à une indemnisation en cas de suppression afin de tenir compte des réalités opérationnelles [des opérateurs ferroviaires] » et de « (p)révoir que l'indemnisation puisse porter sur la totalité du trajet même si seule une partie du trajet est affectée par la suppression du sillon » (169) ;
- de « (r)evoir complètement la procédure d'indemnisation figurant à l'annexe [3.5] du DRR afin de limiter le dossier devant être fourni à SNCF Réseau aux seules informations essentielles au traitement de la réclamation par ce dernier » ;
- de « (m)ettre en place des délais contraignants pour traiter les réclamations en les assortissant de pénalités » ;
- et de « (f)aire figurer expressément dans les CG CUI la possibilité, en cas de suppression ou de modification importante d'un sillon-jour ferme, que chacun des opérateurs (EF et candidat autorisé attributaire dudit sillon) puisse formuler une réclamation pour obtenir l'indemnisation de son préjudice propre ».
Les demandes portant sur l'indemnisation des modifications importantes de sillons, l'extension de la définition de la notion de sillons-jours liés, l'indemnisation du préjudice lié à l'impact d'une suppression de sillon sur la totalité du trajet et la possibilité pour chacun des opérateurs de former une demande d'indemnisation en cas de suppression ou modification d'un sillon ont trait aux réclamations « sillons ». Les demandes portant sur la procédure d'indemnisation figurant à l'annexe 3.5 du DRR et les délais de traitement des réclamations portent quant à elles sur les trois types de réclamations susceptibles d'être formées par les clients de SNCF Réseau en vertu de cette annexe (« factures », « sillons » et « secours »).
297. Après avoir examiné l'argument de SNCF Réseau tiré de l'incompétence de l'Autorité pour statuer sur certaines de ces demandes (3.3.1), l'Autorité analysera ci-après les demandes des saisissantes ayant trait, respectivement, aux principes d'indemnisation applicables pour les réclamations relatives aux sillons (3.3.2) et aux procédures de traitement des réclamations (3.3.3).
3.3.1. Sur la compétence de l'Autorité
a. Arguments des parties
298. Dans ses observations réceptionnées le 25 mai 2021, SNCF Réseau soutient, pour les demandes portant sur l'indemnisation des modifications importantes de sillons, l'extension de la définition de la notion de sillons-jours liés, l'indemnisation du préjudice lié à l'impact d'une suppression de sillon sur la totalité du trajet et la possibilité pour chacun des opérateurs de former une demande d'indemnisation en cas de suppression ou modification d'un sillon, que la compétence pour se prononcer sur les conditions d'indemnisation des préjudices subis par les saisissantes relèverait des juridictions de l'ordre judiciaire, et non de celle de l'Autorité. A l'appui de cet argument, SNCF Réseau cite la décision de l'Autorité n° 2015-049 du 16 décembre 2015 (170), par laquelle cette dernière aurait considéré que ce type de litige ne relevait pas de sa compétence. Par ailleurs, dans son mémoire en réplique (page 13), SNCF Réseau fait valoir que les requérantes « n'exposent pas en quoi le fait de bénéficier ou non d'une politique d'indemnisation de la part du gestionnaire d'infrastructure aurait le moindre impact sur leur capacité à accéder au réseau » et, partant, considère les demandes irrecevables.
299. En réponse, les sociétés requérantes font valoir que les différentes demandes ne visent pas à leur octroyer une indemnité ou à apprécier le bien-fondé d'une réclamation concrète qu'elles auraient formulé auprès de SNCF Réseau, mais à modifier les CG CUI. Partant, elles soutiennent que leurs demandes visent à leur assurer un accès effectif au réseau ferré national et sont, en conséquence, recevables.
b. Analyse de l'Autorité
300. Aux termes de l'article L. 1263-2 du code des transports, « (t)out candidat, (…), peut saisir l'Autorité de régulation des transports d'un différend, dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés à l'accès au réseau ferroviaire, et en particulier, au sens du même livre : 1° Au contenu du document de référence du réseau ; 2° A la procédure de répartition des capacités d'infrastructures ferroviaires et aux décisions correspondantes ; (…) ; 4° A l'exercice du droit d'accès au réseau (…) ; ».
301. En premier lieu, les demandes à fin d'injonction de modification du DRR et de ses annexes formulées par les saisissantes portent sur le contenu du DRR, plus précisément sur ses dispositions définissant les principes et procédures d'indemnisation et de réclamations, et entrent par conséquent dans le champ de compétence de l'Autorité au titre de la procédure de règlement des différends.
302. En deuxième lieu, au surplus, conformément au paragraphe 1er de l'article 10 de la directive 2012/34/UE et au I de l'article L. 2122-9 du code des transports, les entreprises ferroviaires disposent d'un droit d'accès à l'infrastructure ferroviaire.
Or, l'impossibilité d'utiliser cette infrastructure du fait de la suppression d'un sillon préalablement attribué ou une utilisation dégradée résultant de la modification d'un sillon, imputable à SNCF Réseau, porte atteinte à l'effectivité de ce droit.
Les principes en vertu desquels un candidat peut être indemnisé dans de telles hypothèses, tout comme les modalités de cette indemnisation, sont donc liés à l'accès de ce dernier au réseau ferroviaire et les demandes portant sur ces principes et modalités relèvent donc bien de la compétence de règlement de différend de l'Autorité.
303. En troisième lieu, SNCF Réseau ne saurait invoquer la décision de l'Autorité n° 2015-049 du 16 décembre 2015 à l'appui de son argument.
Dans cette décision, l'Autorité a rejeté les demandes de la société ECR tendant à ce qu'elle réexamine des réclamations indemnitaires, portant sur des situations précises de suppressions ou de modifications de sillons, présentées à SNCF Réseau, constate le caractère infondé des motifs du rejet de ces réclamations par SNCF Réseau et dise que le délai de forclusion relatif à une réclamation portant sur 2013 a été interrompu, au motif qu'elle n'était pas compétente pour se prononcer sur celles-ci compte tenu de leur caractère indemnitaire. En revanche, l'Autorité s'est déclarée compétente pour se prononcer sur les demandes de cette société concernant les règles procédurales relatives à la constitution des dossiers de réclamation, dès lors qu'elles portaient sur le contenu du DRR, à l'instar des demandes présentées en l'espèce par les saisissantes et visées par SNCF Réseau.
Les demandes formulées en l'espèce par les saisissantes ne tendent ni à ce que l'Autorité se prononce sur la recevabilité de réclamations préalablement formées devant SNCF Réseau, ni à ce qu'elle enjoigne à SNCF Réseau de leur verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait d'une suppression ou d'une modification donnée. Comme cela a été relevé ci-dessus, ces demandes tendent à la modification de dispositions du DRR, dont les saisissantes soutiennent qu'elles prévoient des principes et des modalités d'indemnisation inéquitables.
304. Il résulte de ce qui précède que l'Autorité est compétente pour se prononcer, sur le fondement de l'article L. 1263-2 du code des transports, sur les demandes des saisissantes visées par SNCF Réseau.
3.3.2. Sur les demandes relatives aux principes d'indemnisation applicables aux réclamations « sillons »
a. Sur l'indemnisation des modifications importantes de sillons
- Arguments des parties
305. Les requérantes soutiennent que l'article 20.1 des CG CUI limite l'indemnisation des opérateurs aux seules conséquences dommageables liées à la suppression d'un sillon-jour attribué par SNCF Réseau, alors que la modification importante d'un tel sillon-jour peut avoir la même conséquence qu'une suppression, en empêchant la circulation en cause ou en suscitant des surcoûts.
306. Dans sa réponse à la mesure d'instruction n° 1, SNCF Réseau indique avoir prévu une indemnisation pour les seules suppressions de sillons-jours, une suppression empêchant selon elle toute circulation à la différence d'une modification qui permettrait à l'opérateur de réaliser son plan de transport. Le gestionnaire d'infrastructure indique par ailleurs que le pouvoir réglementaire, à travers la formulation utilisée au dernier alinéa du III de l'article 25 du décret n° 2003-194, aurait laissé le soin au gestionnaire d'infrastructure de définir les cas dans lesquels une indemnisation est possible.
- Analyse de l'Autorité
307. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article 3 de la décision de l'Autorité n° 2014-023 du 18 novembre 2014 relative à la réservation et à l'utilisation par SNCF Réseau de capacités pour les travaux, sauf urgence et nécessité absolue, lorsque SNCF Réseau envisage de supprimer ou de modifier un sillon attribué afin de réaliser des travaux sur l'infrastructure ferroviaire autres que ceux programmés dans le PGF, et en cas d'échec de la procédure de concertation décrite à cette disposition, SNCF Réseau est tenue d'indemniser l'entreprise ferroviaire du préjudice éventuellement subi du fait de la suppression ou de la modification de son sillon.
308. En prévoyant que seules les conséquences dommageables de la suppression d'un sillon-jour attribué, effectuée en raison de travaux autres que ceux programmés lors de l'élaboration de l'HDS, peuvent donner lieu à une indemnisation par SNCF Réseau, l'article 20.1 des CG CUI méconnaît donc l'article 3 de la décision de l'Autorité n° 2014-023 du 18 novembre 2014 (171).
309. En second lieu, conformément au paragraphe 1er de l'article 10 de la directive 2012/34/UE, au I de l'article L. 2122-9 du code des transports et à l'article 1er du décret n° 2003-194, les entreprises ferroviaires disposent d'un droit d'accès au réseau ferroviaire dans des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes. Le dernier alinéa du III de l'article 25 du décret n° 2003-194, relatif aux modifications et aux suppressions de sillon décidées par le gestionnaire d'infrastructure, prévoit quant à lui que « (l)es modalités d'indemnisation éventuelle sont précisées dans le contrat passé en application de l'article 24 ».
Il résulte de ces dispositions que (i) les modalités d'indemnisation des candidats précisées dans le contrat passé en application de l'article 24 précité, doivent correspondre à des conditions équitables au regard des intérêts du gestionnaire d'infrastructure et de ceux des candidats, (ii) lesdites modalités se rapportent tant aux cas de modification que de suppression de sillons.
310. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que des modifications importantes de sillons sont susceptibles, à l'instar d'une suppression, d'entraîner des conséquences dommageables pour les candidats, quand bien même seraient-elles de moindre ampleur.
Ainsi, les pièces n° 33 et 34 communiquées par la société Captrain France, de même que la pièce n° 17 produite par la société T3M, montrent qu'une modification horaire importante peut engendrer une impossibilité pour leurs clients d'utiliser les wagons livrés, parce que le temps nécessaire entre l'arrivée et le départ de la rame n'est plus suffisant. Par ailleurs, l'industrialisation des processus afin que le transport ferroviaire soit économiquement viable par rapport aux autres modes de transport (route, fluvial…) nécessite une organisation en flux tendus afin que les immobilisations des matériels soient réduites au minimum. Or, dès qu'un sillon est modifié d'une manière importante, le plan de transport et le processus industriel ne peuvent plus être réalisés, comme le démontrent les échanges entre la société Captrain France et SNCF Réseau rapportés dans les pièces n° 33 et 34, de telle sorte que l'entreprise ferroviaire n'est plus en mesure d'honorer les contrats commerciaux qu'elle a conclus avec ses clients.
311. Dans ces conditions, le fait d'exclure, par principe, à l'article 20.1 des CG CUI, toute indemnisation possible des candidats en cas de modification importante par SNCF Réseau d'un sillon attribué, apparaît inéquitable.
312. Au surplus, dans la décision IR, l'Autorité a prévu la mise en œuvre par SNCF Réseau d'un dispositif incitatif visant à la stabilité des sillons attribués et conduisant notamment, à cette fin, à pénaliser les suppressions et les modifications importantes de sillons effectuées à l'initiative du gestionnaire d'infrastructure (172). L'Autorité a en effet constaté qu'un nombre significatif de sillons-jours faisaient l'objet de suppressions ou de modifications par SNCF Réseau, bien que ceux-ci aient été attribués à l'issue de la construction de l'HDS, et après publication de ce dernier, du fait de l'instabilité des capacités réservées pour les travaux. Elle a alors relevé, comme les pièces du dossier le confirment en l'espèce, que cette situation crée pour les candidats des difficultés dans la programmation de leurs plans de transport dès lors qu'ils organisent leurs activités commerciales et leurs moyens de production en fonction des horaires qui leur ont été accordés. Elle a notamment noté qu'« une modification, ou a fortiori une suppression, d'un sillon-jour attribué est donc susceptible d'entraîner des coûts importants de réorganisation pour l'entreprise, sinon de pertes commerciales, allant, dans certains cas, bien au-delà du seul sillon-jour impacté ». L'Autorité en a tiré comme conséquence qu'il y avait lieu de limiter de telles situations par la mise en œuvre de deux pénalités : l'une, plus élevée, pour les suppressions, considérées comme étant les plus préjudiciables ; l'autre, moins élevée, pour les modifications importantes, en ce qu'elles sont de nature à induire des surcoûts pour le demandeur. A cet égard, l'Autorité a déterminé des critères à partir desquelles une modification, dite importante, est susceptible de provoquer une désorganisation de la production d'une entreprise et, par conséquence, d'altérer ses relations avec ses clients finaux (173).
313. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de modifier, dans le DRR relatif à l'HDS 2024, l'annexe 3.1, afin d'y prévoir que les conséquences dommageables de modifications importantes des sillons, au sens de la décision IR, ouvrent également droit à indemnisation.
b. Sur la notion de sillon lié
- Arguments des parties
314. Les saisissantes soutiennent que la définition de la notion de « sillon lié », posée à l'article 20.1 bis des CG CUI (aller-retour sur 24 heures), est trop restrictive. Elle ne reflèterait pas les conséquences en cascade qu'une suppression ou une modification importante de sillon peut susciter et limiterait donc la possibilité pour les demandeurs de capacité d'être indemnisés. D'une part, elle ne prendrait pas en compte les plans de transport des entreprises ferroviaires de fret, qui souvent ne se limitent pas à un aller-retour et peuvent inclure plusieurs étapes avant que le train revienne à son point de départ. D'autre part, les sillons-jours liés peuvent être programmés au-delà d'une période de 24 heures. Les saisissantes souhaitent donc que la définition de cette notion soit étendue, de telle sorte que soit supprimée toute logique de temporalité entre le sillon initial et le sillon dit lié. Elles ajoutent que la seule exigence devrait être, selon elles, que la suppression ou la modification affectant un sillon-jour entraîne des conséquences en cascade sur d'autres sillons. Enfin, elles font valoir que la démonstration du caractère lié d'un sillon ne devrait pas uniquement reposer, comme c'est le cas en pratique, sur la préqualification susceptible d'être remplie par le demandeur au moment où il commande un sillon initial dans l'outil GESICO. Elles soulignent que les CG CUI évoquent uniquement cette éventuelle préqualification comme l'un des éléments permettant de caractériser l'existence d'un sillon lié.
315. En réponse, SNCF Réseau soutient que la suppression de toute logique de temporalité pour déterminer si un sillon est lié à un autre aboutirait à une définition trop extensive, dans la mesure où il serait difficile de vérifier que l'ensemble des sillons-jours énumérés par les entreprises ferroviaires appartiennent à une même rotation. SNCF Réseau indique par ailleurs ne pas être opposée à étudier la demande des saisissantes d'allonger le délai de 24 heures prévu actuellement, en raison du temps de latence entre l'aller et le retour lorsque le premier a lieu en fin de semaine. Enfin, SNCF Réseau fait valoir que l'entreprise ferroviaire peut prouver qu'un sillon est lié à un sillon initial en utilisant l'outil GESICO ou un autre moyen.
- Analyse de l'Autorité
316. Les dispositions combinées du paragraphe 1er de l'article 10 de la directive 2012/34/UE, du I de l'article L. 2122-9 du code des transports et de l'article 1er du décret n° 2003-194, qui imposent un accès au réseau ferroviaire dans des conditions équitables, transparentes et non-discriminatoires, impliquent que le gestionnaire d'infrastructure édicte des règles d'indemnisation, en cas d'impossibilité d'accès effectif, dans les mêmes conditions. Cela suppose notamment que la détermination des préjudices susceptibles d'être indemnisés ne soit pas déraisonnablement restrictive.
317. En l'espèce, aux termes du premier alinéa de l'article 20.1 bis des CG CUI, la suppression par SNCF Réseau d'un sillon-jour attribué (sillon dit « initial »), notamment en vue de réaliser des travaux sur l'infrastructure autres que ceux programmés lors de l'élaboration de l'HDS, « peut avoir pour conséquence de contraindre le candidat à supprimer un sillon-jour qui lui est directement “lié” ». Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de cet article qu'un sillon est considéré comme « lié » à un sillon initial si un critère d'ordre matériel et géographique (un aller ou un retour comprenant la même origine-destination) et un critère d'ordre temporel (un délai de 24 heures) sont remplis. Aux termes de ces dispositions, la preuve du caractère lié d'un sillon à un sillon initial est libre, le candidat pouvant notamment, s'il le souhaite, produire des éléments issus des systèmes d'information de SNCF Réseau.
318. Il ressort des pièces du dossier que la suppression ou la modification importante d'un sillon (« initial ») par SNCF Réseau peut entraîner des conséquences préjudiciables en cascade allant au-delà de la notion de sillon-jour lié telle que définie à l'article 20.1 bis des CG CUI (c'est-à-dire allant au-delà de l'impact que peut avoir cette suppression ou cette modification sur un aller ou un retour dudit sillon comprenant la même origine-destination et effectué dans un délai de 24 heures).
319. D'une part, s'agissant du premier critère, d'ordre matériel et géographique, fixé à cet article (un aller-retour comprenant la même origine-destination), les plans de transport des candidats peuvent comprendre plusieurs étapes en vue d'acheminer les marchandises entre différents sites, compte tenu de la logique économique et industrielle du secteur du fret liée à l'existence de plans de transport multidirectionnels ou à la nécessaire coordination entre plusieurs plans de transport afin notamment de massifier les trafics. Cette logique, qui vise à utiliser le matériel de traction de façon optimale en vue d'exécuter les différents contrats commerciaux conclus entre le candidat et ses clients, avant que le train revienne à son point de départ, ne permet pas dans certains cas de remplir ce premier critère. Or, si le sillon initial est supprimé ou modifié de façon importante par SNCF Réseau, les autres sillons inclus dans le parcours sont susceptibles d'être supprimés par un effet de réaction en chaîne, car il est possible que les plannings des clients ou l'organisation du plan de transport du candidat ne permette pas une adaptation de la circulation ou bien que le coût de celle-ci soit trop élevé.
320. La pièce n° 30 produite par la société Captrain France illustre cette situation. Dans ce dossier de réclamation, SNCF Réseau a supprimé le sillon entre la gare de […] et celle de […] le 4 août 2015, ce qui a empêché le candidat de faire repartir le même train le lendemain de […] vers la gare de […] pour réaliser la rotation (c'est-à-dire l'aller-retour) « […] - […] ». SNCF Réseau a, par la suite, refusé d'indemniser la société Captrain France dans la mesure où le sillon « […] - […] » n'est pas « lié » au sillon « […] - […] », au sens de l'article 20.1 bis de l'annexe 3.1 du DRR, l'origine et la destination étant différentes. De même, les pièces n° 64 à 66 produites par la société Europorte France illustrent le fait que l'annulation d'un sillon peut avoir des conséquences sur tout le plan de transport multidirectionnel de l'entreprise ferroviaire et ce sur plusieurs jours.
321. D'autre part, le second critère retenu actuellement par SNCF Réseau, d'ordre temporel, est également susceptible de générer des difficultés pour les candidats si le sillon circule la veille d'un jour férié ou non-ouvré dans la mesure où le train ne pourra repartir qu'au-delà du délai de 24 heures. Ce dernier élément, soutenu par les saisissantes, n'est pas contredit par SNCF Réseau, qui indique, au contraire, dans sa réponse du 20 septembre 2021 à la question n° 55 de la mesure d'instruction n° 1, ne pas être opposée à l'allongement du délai de 24 heures entre l'aller et le retour en fin de semaine.
322. Par suite, la définition de la notion de sillon-jour lié résultant de l'article 20.1 des CG CUI apparaît trop restrictive au regard des réalités opérationnelles des opérateurs ferroviaires et, partant, constitue une condition inéquitable.
323. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de modifier, dans le DRR relatif à l'HDS 2024, l'annexe 3.1, afin que la définition de la notion de sillon-jour lié prenne en compte la réalité des plans de transport des entreprises ferroviaires.
Des sillons devraient pouvoir être considérés comme étant liés à un sillon initial si plusieurs critères sont remplis. Ces sillons doivent se succéder les uns aux autres (qu'ils constituent ou non l'aller ou le retour d'un sillon sur la même origine-destination). En outre, cette succession de sillons doit dépendre étroitement de l'organisation du candidat afin de lui permettre de répondre à un ou plusieurs contrat(s) commercial(aux), sur une période de 72 heures au maximum. Les conditions dans lesquelles les demandeurs doivent préqualifier, lors de la commande d'un sillon initial, les sillons qu'ils considèrent comme étant liés à ce dernier, devront, en conséquence, être adaptées à cette définition étendue.
3.3.3. Sur les demandes relatives aux procédures de réclamation
a. Sur le contenu du dossier de réclamation
- Arguments des parties
324. Les saisissantes soutiennent que la préparation d'un dossier de réclamation est un travail complexe impliquant la recherche d'informations qui, pour certaines, sont déjà en possession de SNCF Réseau. Elles font par ailleurs valoir que certaines des informations demandées par SNCF Réseau ne sont, en pratique, pas disponibles dans ses systèmes d'information pendant toute la période de réclamation d'un an. Dans le dernier état de leurs écritures, elles souhaitent, en ce qui concerne les réclamations « sillons », lesquelles constituent la majeure partie des réclamations, avoir à transmettre à SNCF Réseau uniquement quatre informations sur les huit actuellement listées dans le tableau de données à compléter figurant à l'annexe 3.5.2 du DRR : la date du sillon-jour concerné (colonne 1 du tableau), l'heure de départ du sillon-jour (colonne 2), le numéro du sillon-jour (colonne 3) ainsi que l'évaluation de leur préjudice (colonne 7).
325. En réponse, SNCF Réseau fait valoir que, conformément au droit commun, il appartient à toute personne qui s'estime victime d'un manquement ou d'une faute, de produire l'ensemble des éléments de preuve qu'elle estime pertinents à l'appui de ses prétentions, tant en ce qui concerne le fait générateur du dommage subi que la réalité et le quantum du préjudice. Elle soutient que toutes les informations que les candidats doivent fournir dans les tableaux sont indispensables pour assurer le traitement de la demande indemnitaire, en particulier pour identifier le sillon-jour qui fait l'objet d'une réclamation en application de l'annexe 3.5.2 du DRR. A défaut, la recherche et l'identification par le gestionnaire d'infrastructure des informations pertinentes au sein de ses systèmes d'information occasionnerait un allongement du temps de traitement de la demande formée par le candidat ainsi qu'un risque d'erreur.
- Analyse de l'Autorité
326. Il résulte notamment des dispositions combinées du paragraphe 1er de l'article 10 de la directive 2012/34/UE, du I de l'article L. 2122-9 du code des transports et de l'article 1er du décret n° 2003-194, lesquelles imposent un accès au réseau ferroviaire dans des conditions équitables, que le gestionnaire d'infrastructure ne peut édicter des conditions excessives pour permettre aux candidats d'être indemnisés. Ainsi, lorsque ceux-ci forment une réclamation, le gestionnaire d'infrastructure peut uniquement leur imposer de transmettre des documents qui sont nécessaires pour la traiter.
327. En l'espèce, si la demande des saisissantes concerne tous les types de réclamations (annexes 3.5.1, 3.5.2 et 3.5.3 du DRR), leurs écritures sont axées essentiellement sur l'annexe 3.5.2, dans la mesure où la majeure partie des réclamations porte sur les suppressions de sillons-jours.
i. Sur les informations devant être fournies par les candidats pour les réclamations « factures »
328. En application de l'annexe 3.5.1 du DRR, un candidat peut former une réclamation portant sur les factures relatives à la redevance de circulation (b du 3 de l'annexe 3.5.1) et aux redevances relatives aux circulations électriques (c du 3 de l'annexe 3.5.1) (174). Pour ce faire, il doit fournir des informations et pièces, dont une partie est identique aux deux types de réclamations.
329. Sur les informations identiques que le candidat doit produire, les données « Date de départ du sillon-jour » (colonne 1) et « Numéro du sillon-jour » (colonne 2) permettent à SNCF Réseau d'identifier le sillon-jour concerné et lui sont donc nécessaires. Les données « Libellé du PR [Point Remarquable] Origine de la partie incriminée du SJ » (colonnes 5 ou 3) et « Libellé du PR Destination de la partie incriminée du SJ » (colonnes 6 ou 4) permettent à SNCF Réseau, lorsque la composition du train a été modifiée en cours de circulation, d'identifier le point géographique à partir duquel l'erreur de facturation a été commise. La colonne « Montant contesté » (colonnes 9 ou 7) permet au candidat de préciser le montant erroné de la facturation. La donnée « Commentaire client sur la réclamation lié à ce sillon-jour » (colonnes 11 ou 8) permet, le cas échéant, au candidat d'apporter des éléments de compréhension à SNCF Réseau. La colonne « Entreprise ferroviaire assurant la circulation incriminée » (colonnes 12 ou 11), qui impose au candidat d'indiquer l'entreprise ferroviaire ayant assuré la traction, permet à SNCF Réseau d'avoir une vision exhaustive de la demande.
330. En revanche, si les données « Référence du justificatif » (colonnes 7 ou 5) et « Fait générateur » (colonnes 8 ou 6) visent à permettre au service réclamation de SNCF Réseau d'identifier plus facilement l'origine de l'erreur de facturation ainsi que les pièces justificatives y afférentes, dans certains cas, les candidats pourraient ne pas disposer de cette information et de ces pièces si les systèmes d'information de SNCF Réseau sont en panne, ne sont pas à jour ou contiennent des informations inexactes. Les candidats pourraient alors se trouver dans l'impossibilité de communiquer ces éléments à l'appui de leur dossier, alors que ceux-ci sont censés être connus de SNCF Réseau. Il y a donc lieu de rendre ces éléments facultatifs.
331. Le candidat doit par ailleurs transmettre d'autres données, qui sont différentes selon que la réclamation porte sur la redevance de circulation ou sur les redevances relatives aux circulations électriques :
- Pour les réclamations portant sur la redevance de circulation, les données « Tonnage facturé par SNCF Réseau » (colonne 3) et « Tonnage circulé » (colonne 4) permettent d'établir la différence entre le tonnage facturé par SNCF Réseau et le tonnage qui a effectivement circulé (c'est-à-dire le tonnage réel, lequel comprend la locomotive, le matériel remorqué et les marchandises).
En revanche, la colonne « Le montant contesté intègre-t-il la part de compensation FRET ? » (colonne 10) n'apparaît pas nécessaire au traitement de ce type de réclamations puisque la compensation fret est payée par l'Etat à SNCF Réseau et ne présente donc pas de lien avec le montant du remboursement qu'un candidat peut solliciter.
- Pour les réclamations portant sur les redevances relatives aux circulations électriques, la donnée facultative « Type de motrice facturée par SNCF Réseau » (colonne 9) permet au candidat, s'il le souhaite, d'indiquer lui-même l'erreur commise sur la motrice par SNCF Réseau et d'éviter à cette dernière de chercher la donnée dans ses systèmes d'information. La colonne « Type de motrice utilisée » (colonne 10) impose au candidat de préciser le type de motrice utilisée lors de la traction du matériel roulant ayant circulé (motrice thermique ou électrique) afin de déterminer si la redevance s'applique.
332. Il résulte de ce qui précède que lorsqu'un candidat forme une demande indemnitaire en application de l'annexe 3.5.1., l'information figurant dans la colonne 10 du tableau relatif aux réclamations portant sur la redevance de circulation n'a pas à être demandée par SNCF Réseau et les informations figurant dans les colonnes 7 et 8 du tableau relatif aux réclamations portant sur les redevances de circulation et dans les colonnes 5 et 6 du tableau relatif aux circulations électriques devraient être facultatives.
ii. Sur les informations devant être fournies par les candidats pour les réclamations « sillons »
333. Lorsqu'un candidat forme une réclamation « sillon », le a du 4 de l'annexe 3.5.2 lui impose de constituer un dossier et de remplir un tableau comprenant neuf colonnes à compléter : « Date de départ du sillon-jour » (colonne 1), « Heure de départ du sillon-jour » (colonne 2), « Numéro du sillon-jour » (colonne 3), « Libellé du PR [point remarquable] Origine de la partie incriminée du SJ » (colonne 4), « Libellé du PR Destination de la partie incriminée du SJ » (colonne 5), « Fait générateur » (colonne 6), « Evaluation du préjudice » (colonne 7), « Référence du justificatif » (colonne 8), et, le cas échéant, des commentaires (colonne 9). Il doit par ailleurs fournir des « Eléments justificatifs complémentaires » indiquant le lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice allégué ainsi qu'une justification de ce préjudice (b du 4 de l'annexe 3.5.2).
334. Comme cela a été exposé ci-dessus au point 324, les saisissantes ne remettent pas en cause la nécessité d'avoir à fournir les informations correspondant aux colonnes 1, 2, 3 et 7, mais contestent l'exigence de fourniture des autres éléments (colonnes 4, 5, 6, 8 et 9). L'Autorité a donc limité son analyse à ces derniers éléments :
- Les informations relatives au « Libellé du PR Origine de la partie incriminée du SJ » (colonne 4) et au « Libellé du PR Destination de la partie incriminée du SJ » (colonne 5) ne présentent pas d'intérêt pour SNCF Réseau dans la mesure où le sillon-jour a été supprimé. Elles n'ont dès lors pas à être fournies par le candidat.
- Les données « Fait générateur » (colonne 6) et « Référence du justificatif » (colonne 8) visent à permettre au service réclamation de SNCF Réseau d'identifier l'événement à l'origine de la suppression d'un sillon-jour effectuée à l'initiative du gestionnaire d'infrastructure et faisant l'objet d'une demande d'indemnisation, ainsi que les pièces justificatives y afférentes.
Toutefois, dans certains cas, les candidats pourraient ne pas disposer de cette information et de ces pièces, faute pour les systèmes d'information de SNCF Réseau de porter ces éléments à leur connaissance de manière systématique, précise et intelligible. Les candidats pourraient alors se trouver dans l'impossibilité de communiquer ces éléments à l'appui de leur dossier, alors que ceux-ci sont censés être connus de SNCF Réseau puisque c'est elle qui est à l'initiative de la suppression du sillon. Il y a donc lieu de rendre ces éléments facultatifs.
- En revanche, la colonne « Commentaire client sur la réclamation liée à ce sillon » (colonne 9) permet au candidat d'apporter des éléments de compréhension à SNCF Réseau, le cas échéant, pour préciser sa demande.
335. Il résulte de ce qui précède que lorsqu'un candidat forme une demande indemnitaire en application de l'annexe 3.5.2., les colonnes 4 et 5 n'ont pas à être demandées par SNCF Réseau et les colonnes 6 et 8 devraient être facultatives.
iii. Sur les informations devant être fournies par les candidats pour les réclamations « secours »
336. L'annexe 3.5.3 du DRR décrit les informations et pièces qu'une entreprise ferroviaire doit fournir à SNCF Réseau lorsqu'elle forme une réclamation « secours ».
337. Les données relatives au « Client secouru » (colonne 1), « Date de départ du train secouru » (colonne 2), « Heure de départ du train secouru » (colonne 3), « Numéro du train secouru » (colonne 4), « Libellé du PR Origine (train secouru) » (colonne 5) et « Libellé du PR Destination (train secouru) » (colonne 6), que le candidat portant secours ne connaît pas nécessairement, qui n'apparaissent pas pertinentes pour traiter la réclamation et que SNCF Réseau a déjà en sa possession au demeurant, n'ont pas à être transmises lorsqu'une réclamation « secours » est formée. SNCF Réseau pourrait toutefois demander aux candidats de lui transmettre les données afférentes au point remarquable origine et au point remarquable destination du train ayant porté secours afin de connaître le point de départ et le point final de l'opération de secours.
338. En revanche, la donnée « Coût de la mise en place du train de secours » (colonne 7), qui permet d'évaluer les dépenses supportées par le candidat portant secours, est nécessaire à SNCF Réseau, tout comme la rubrique « Commentaire » (colonne 8). Par ailleurs, le b. du 2 de l'annexe 3.5.2 dispose que le candidat doit joindre à sa réclamation le « justificatif OP00508 ». Il s'agit du document émis par SNCF Réseau afin d'imposer au candidat de mettre à disposition, à un endroit précis, ses moyens, humains et matériels, pour une certaine durée, en vue de porter secours à un train en détresse. Ce document est nécessaire, par la suite, pour que le service réclamation de SNCF Réseau, qui n'est pas le service émetteur du justificatif 0P00508, soit en mesure de traiter la réclamation. L'Autorité relève toutefois que, dans la situation particulière où SNCF Réseau n'a pas été en mesure de transmettre au candidat le justificatif 0P00508, ce qui est le cas dans la pièce n° 38 produite par la société Captrain France, compte tenu des circonstances liées notamment à l'urgence, ce dernier doit pouvoir produire toute pièce justifiant qu'il a été réquisitionné par SNCF Réseau lorsqu'il forme une réclamation par la suite.
339. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, les données relatives aux colonnes 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du tableau n'ont pas à être demandées par SNCF Réseau lorsqu'un candidat forme une réclamation en application de l'annexe 3.5.3 du DRR et, d'autre part, en l'absence de la notification du justificatif OP00508 par SNCF Réseau au candidat, ce dernier doit pouvoir produire une autre pièce, justifiant la réquisition de son matériel, à l'appui de son dossier de réclamation.
iv. Sur les pièces justificatives apportées par le candidat lors de sa réclamation
340. L'annexe 3.5.0, qui traite des « Principes généraux relatifs aux réclamations » et s'applique aux trois types de réclamations, met en place un régime de liberté de la preuve en prévoyant, au a. du 2, que « (t)out dossier de réclamation est constitué (…) de toutes pièces justificatives nécessaires pour étayer la réclamation », ces pièces justificatives permettant aux candidats de remplir la colonne « Référence du justificatif » des tableaux des annexes 3.5.1 et 3.5.2. Il résulte de ces dispositions que les candidats ne sont pas tenus de fournir comme preuves permettant d'étayer le bien-fondé de leur réclamation des éléments exclusivement issus des systèmes d'information de SNCF Réseau. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le gestionnaire d'infrastructure peut, en pratique, refuser d'examiner des pièces externes à ses systèmes d'information.
341. Ainsi, selon le mémoire de saisine de la société Europorte France (175) et la pièce n° 31 qu'elle a produite, cette société, à la suite de la suppression partielle du sillon entre […] et […] par SNCF Réseau, a formé une demande d'indemnisation auprès du gestionnaire d'infrastructure. Afin de justifier la non-circulation du train, et compte tenu de l'absence de mise à jour des systèmes d'information par les agents de SNCF Réseau, elle a produit au service réclamation de ce dernier les courriels échangés avec son client final, la société […]. SNCF Réseau a rejeté toutefois ces pièces dans la mesure où elles correspondaient « à des emails du PC d'Europorte à destination d'interlocuteurs externes à SNCF Réseau » et, partant, n'étaient « pas recevable[s] » (page 76). Par ailleurs, il ressort de la réponse de SNCF Réseau à une question du rapporteur de l'Autorité portant sur l'extension de la définition des sillons-jours liés pouvant donner lieu à une indemnisation, que « (d)e surcroît, le gestionnaire d'infrastructure ne pourrait établir avec certitude la véracité des pièces, celles-ci étant issues de sources étrangères à ses systèmes d'information » (176).
342. Ainsi, il est possible que dans certains cas les candidats puissent ne pas disposer des informations nécessaires pour former une réclamation, faute pour les systèmes d'information de SNCF Réseau d'avoir été mis à jour. Dans cette situation, ils devraient donc avoir la possibilité de produire des éléments de preuve extérieurs à ces systèmes d'information.
343. Dès lors, il y a lieu que le a. du 2 de l'annexe 3.5.0, ainsi que les différents tableaux des annexes 3.5.1 et 3.5.2, mentionnent explicitement que des éléments de preuve autres que ceux issus des systèmes d'information de SNCF Réseau peuvent être transmis à l'appui d'une réclamation en l'absence de mise à jour des systèmes d'information du gestionnaire d'infrastructure.
344. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de modifier, dans le DRR relatif à l'HDS 2024, les annexes 3.5 dans le sens mentionné aux points 332, 335, 339 et 343.
b. Sur les délais de traitement des réclamations
- Arguments des parties
345. Les saisissantes soutiennent dans leurs mémoires de saisine que le traitement des réclamations est excessivement long et dépasse régulièrement les délais, dits « cibles », mentionnés à l'annexe 3.5 du DRR, pour les phases d'examen de la complétude des dossiers et du bien-fondé des demandes, ainsi que du paiement des indemnités. Elles sollicitent donc que tous les délais cibles deviennent des délais contraignants et soient soumis à des pénalités incitatives en cas de non-respect. Plus précisément, elles indiquent que le non-respect des délais contraignants pour traiter les réclamations devrait être pénalisé à hauteur de 1 % du montant de la réclamation présentée par jour calendaire de retard, dans la limite de 50 % du montant de la réclamation. Ce mécanisme s'appliquerait aux trois annexes et aux différentes étapes de la procédure (délai de notification de la complétude/incomplétude du dossier et délai d'envoi de la réponse à la réclamation au client). Elles proposent enfin différentes mesures pour améliorer les procédures de réclamation, telles que la création d'un délai de 90 jours pour que SNCF Réseau examine le bien-fondé de toutes les réclamations formées en application des annexes 3.5.2 et 3.5.3 et, à défaut de réponse dans ce délai, la mise en place d'un mécanisme de décision implicite d'acceptation de leur demande par SNCF Réseau.
346. En réponse, SNCF Réseau soutient, tout d'abord, que, sur l'année 2020, les délais définis par les annexes 3.5 du DRR pour le traitement des demandes d'indemnisation en cas de suppression de sillon-jour et des demandes de prise en charge des coûts supportés par une entreprise ferroviaire portant secours ont été respectés. Si les délais relatifs aux contestations des factures ont été dépassés, cette situation s'explique, selon SNCF Réseau, par une augmentation de leur volume, compte tenu d'événements imprévus (mouvements sociaux liés à la réforme des retraites et pandémie). SNCF Réseau fait valoir en outre qu'il a mis en place un certain nombre de bonnes pratiques destinées à améliorer les procédures, telles que la réalisation d'audits financiers pour établir des montants de référence à prendre en compte dans l'indemnisation des postes de préjudice financiers allégués par les clients. Ensuite, SNCF Réseau s'oppose à l'instauration d'un mécanisme de pénalités en cas de dépassement des délais de traitement des réclamations. En premier lieu, une instruction plus longue permettrait au gestionnaire d'infrastructure et au candidat de compléter les dossiers de réclamations et de mieux analyser les différentes demandes. En deuxième lieu, l'introduction de pénalités serait susceptible de conduire à une dégradation de la qualité de service dans la mesure où la prolongation de l'instruction a pour objectif de pallier les manques des dossiers de réclamation qui sont, selon SNCF Réseau, souvent incomplets ou mal étayés. En troisième lieu, SNCF Réseau rappelle que le délai de traitement est susceptible de varier en fonction de nombreux facteurs, dont certains peuvent être indépendants de sa volonté (caractère volumineux des dossiers, grèves notamment). Enfin, SNCF Réseau ne partage pas les différentes propositions formulées par les saisissantes et indique que le gestionnaire d'infrastructure ne saurait se voir imposer les conditions de traitement des réclamations.
- Analyse de l'Autorité
347. En premier lieu, lorsque les sociétés Captrain France, T3M, Europorte France et Régiorail ont introduit leur saisine, le DRR relatif à l'HDS 2021, alors applicable, prévoyait des « délais cibles », c'est-à-dire non contraignants, au sein des annexes 3.5.2 et 3.5.3 (177), ce que les saisissantes critiquaient.
348. Au cours de l'instruction, le 10 décembre 2021, SNCR Réseau a publié le DRR modifié pour l'HDS 2022, lequel est entré en vigueur le lendemain. Dans ce nouveau document, actuellement en vigueur, les délais auparavant qualifiés de « cibles » dans les annexes 3.5.2 et 3.5.3 ont cessé de l'être. Ces deux annexes prévoient dorénavant un délai de 90 jours pour que le gestionnaire d'infrastructure examine le bien-fondé des demandes formées en application de ces deux annexes.
Toutefois, ces annexes prévoient une exception à leur point 3 rédigée de la manière suivante : « Compte-tenu de la complexité et de la spécificité de certains dossiers, le délai de réponse de 90 jours calendaires s'applique sur 80 % de la totalité des dossiers reçus sur l'horaire de service annuel concerné tous Clients confondus ». Cette disposition ne prévoit ainsi aucun délai maximal pour l'examen des dossiers « complexes », notion qui n'est en outre pas définie objectivement.
349. En second lieu, dans l'avis n° 2021-005 du 4 février 2021 relatif au DRR modifié pour l'HDS 2021 et au DRR pour l'HDS 2022, l'Autorité avait relevé la durée excessive, en pratique, de l'analyse par SNCF Réseau du bien-fondé des demandes d'indemnisation et avait encouragé le gestionnaire d'infrastructure à poursuivre le plan d'action engagé pour l'amélioration des processus afin, notamment, de réduire les délais de traitement (178). Cette situation avait été relevée à plusieurs reprises par l'Autorité dans ses avis sur les précédents DRR (179).
350. Il ressort en outre des pièces du dossier que SNCF Réseau dépassait largement les délais mentionnés dans les différentes annexes pour l'examen de la complétude des dossiers de réclamations lorsque cette phase existait jusqu'à l'entrée en vigueur du DRR modifié relatif à l'HDS 2022, ainsi que les délais pour l'examen du bien-fondé de ces réclamations, que ces délais soient « fermes » ou « cibles ». En effet, la pièce n° 34 produite par la société Europorte France comprend un tableau détaillé recensant les dépassements des différents délais pour les réclamations portant sur les factures et les demandes d'indemnisation en cas de suppression de sillon-jour. Ainsi, pour les premières, les délais pouvaient atteindre 372 jours pour la vérification de la complétude du dossier et 182 jours pour l'examen du bien-fondé, alors que le DRR alors en vigueur prévoyait des délais respectivement de 15 jours et de 45 jours. Pour les demandes indemnitaires formées en cas de suppression de sillon-jour, les délais pouvaient atteindre 115 jours pour l'examen de la complétude et 146 jours pour l'examen du bien-fondé, alors que le document de référence du réseau alors en vigueur prévoyait des délais respectivement de 60 jours et de 120 jours (ce dernier étant toutefois un délai cible). De même, les pièces n° 49 à 51 et la pièce n° 47 fournies par la société Captrain France démontrent que l'examen du bien-fondé de la demande indemnitaire par SNCF Réseau a duré plus d'un an.
351. Il résulte de ce qui précède, et malgré les différentes mesures dont fait état SNCF Réseau dans ses écritures pour l'amélioration de ces processus, que les saisissantes sont fondées à soutenir que certains délais de traitement des réclamations prévus dans le DRR ne sont pas respectés, ceux afférents aux réclamations portant sur les factures, et sont en pratique excessifs, et ce sans aucune conséquence pour SNCF Réseau.
352. La situation actuelle montre ainsi que le gestionnaire d'infrastructure n'est pas suffisamment incité à respecter les délais mentionnés dans les annexes 3.5.
Or, les retards dans le traitement des réclamations et l'indemnisation des candidats, tout comme le nécessaire suivi des réclamations par ces derniers, font peser une charge financière importante sur les opérateurs et nuisent donc à leur situation financière.
Dès lors, la mise en place de délais fermes dans les annexes 3.5 implique qu'un mécanisme de pénalités soit institué afin de garantir leur respect effectif par SNCF Réseau, et ce pour l'intégralité des dossiers de réclamation reçus par SNCF Réseau.
353. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de prévoir, dans le DRR relatif à l'HDS 2024, un mécanisme de pénalités lorsqu'elle ne respecte pas les délais mentionnés dans les annexes 3.5.1, 3.5.2 et 3.5.3 lors de l'examen du bien-fondé d'une réclamation recevable et comportant les pièces nécessaires à son traitement. Ce mécanisme, qui devra couvrir l'intégralité des dossiers de réclamation reçus par SNCF Réseau et être défini au terme d'une concertation avec les candidats, pourra comprendre des aménagements en cas de situations exceptionnelles et non imputables à SNCF Réseau.
c. Sur l'auteur de la demande d'indemnisation en cas de réclamation « sillons »
- Arguments des parties
354. Les saisissantes demandent que figure expressément dans les CG CUI la possibilité pour chacune des parties à un contrat de transport ferroviaire (entreprise ferroviaire et chargeur) de former une réclamation distincte auprès de SNCF Réseau pour obtenir l'indemnisation de son préjudice propre, en cas de suppression ou de modification importante d'un sillon-jour ferme, afin d'éviter les problématiques d'actions récursoires (page 34 du mémoire de saisine de la société Captrain France). La société T3M indique par ailleurs que les dispositions actuellement en vigueur lui imposent, dans un tel cas, de devoir indemniser l'entreprise ferroviaire avec laquelle elle a conclu un contrat de mise à disposition de sillons, sans pouvoir être indemnisée par SNCF Réseau.
355. En réponse, SNCF Réseau fait valoir qu'aucune pièce n'est apportée par les saisissantes à l'appui du moyen soulevé et que, en tout état de cause, les dispositions actuellement en vigueur permettent au candidat auquel a été attribué le sillon d'être indemnisé par le gestionnaire d'infrastructure de l'ensemble des conséquences dommageables liées à la suppression du sillon-jour.
- Analyse de l'Autorité
356. L'article 20 de l'annexe 3.1 du DRR précise les conséquences indemnitaires des suppressions par SNCF Réseau de sillons-jours attribués. Il résulte du second alinéa de l'article 20.3, précité, que lorsqu'un sillon-jour a été attribué à un candidat et que ce dernier l'a mis à disposition d'une entreprise ferroviaire tierce, par la suite, seul le premier, qui a conclu un contrat d'attribution de sillon avec SNCF Réseau, peut former une demande indemnitaire en cas de suppression du sillon-jour par le gestionnaire d'infrastructure. Toutefois, l'Autorité interprète ces dispositions comme signifiant que l'indemnisation éventuellement allouée au candidat doit couvrir, si des éléments de preuve ont été apportés au gestionnaire d'infrastructure, les préjudices respectivement subis par ces deux personnes (180).
357. Dès lors, c'est à tort que la société T3M, qui est un candidat, soutient que le second alinéa de l'article 20.3 des CGCUI l'expose, en cas de suppression ou de modification importante de sillons-jours, à devoir indemniser l'entreprise ferroviaire avec laquelle elle a conclu un contrat de mise à disposition de sillons, sans pouvoir être elle-même indemnisée par SNCF Réseau à hauteur du montant correspondant au préjudice subi par cette entreprise.
358. Par ailleurs, malgré les demandes adressées aux saisissantes les 7 avril et 27 juillet 2021, visant à ce qu'elles apportent des précisions sur les difficultés rencontrées dans l'application du second alinéa de l'article 20.3 des CGCUI et de transmettre des documents permettant de les étayer, elles n'ont fourni aucune pièce en retour.
359. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande des saisissantes.
Décide :