Après en avoir délibéré le 19 mai 2022,
Pour les motifs suivants :
1. Contexte et cadre juridique
1.1. Contexte
La décision de la Commission européenne 2019/235/UE du 24 janvier 2019 susvisée modifiant la décision 2008/411/CE susvisée a mis à jour les conditions techniques que doivent respecter les utilisateurs de la bande de fréquences 3,4 - 3,8 GHz.
Toutefois, il apparaît que les stations de base des réseaux mobiles dans la bande 3,4 - 3,8 GHz qui respectent ces conditions techniques sont néanmoins susceptibles de causer des brouillages préjudiciables aux stations terriennes du service fixe par satellite opérant dans la bande 3,8 - 4,2 GHz.
Les décisions de l'ARCEP nos 2020-1254, 2020-1255, 2020-1256 et 2020-1257 en date du 12 novembre 2020 prévoient l'obligation pour les opérateurs mobiles de prendre les mesures nécessaires pour respecter des niveaux de puissance d'émission à même d'éviter les brouillages préjudiciables des stations terriennes du service fixe par satellite (ci-après « stations FSS ») existantes et futures dans la bande 3,8 - 4,2 GHz du fait des émissions dites « hors bandes » des stations de base autorisées à émettre dans la bande 3,4 - 3,8 GHz. Ces mêmes décisions indiquent par ailleurs dans leur annexe 1 (1) que ces conditions de coexistence entre les réseaux mobiles dans la bande 3,4 - 3,8 GHz et les stations terriennes du service fixe par satellite dans la bande 3,8 - 4,2 GHz sont susceptibles de faire l'objet d'évolutions.
Dans ce contexte, l'ARCEP a mené une consultation publique du 27 juillet 2021 au 29 octobre 2021 sur les modalités permettant la coexistence entre les réseaux 5G dans la bande 3,4 - 3,8 GHz et les stations terriennes du service fixe du satellite dans la bande 3,8 - 4,2 GHz en France métropolitaine.
Cette consultation publique a en particulier confirmé l'intérêt de préciser les conditions de protection des stations FSS existantes et futures afin de permettre la coexistence entre les réseaux mobiles dans la bande 3,4 - 3,8 GHz et les stations terriennes du service fixe par satellite dans la bande 3,8 - 4,2 GHz sur le territoire métropolitain.
La présente décision a ainsi pour objet de préciser les conditions techniques d'utilisation que sont tenus de respecter les titulaires d'autorisation d'utilisation de la bande 3,4 - 3,8 GHz pour l'exploitation d'un réseau mobile visant à protéger les stations terriennes du service fixe par satellite autorisées à utiliser la bande 3,8 - 4,2 GHz en France métropolitaine.
1.2. Cadre juridique
Le I de l'article L. 42 du CPCE prévoit que :
« I. - Pour chacune des fréquences ou bandes de fréquences radioélectriques dont l'assignation lui a été confiée en application de l'article L. 41, l'Autorité […] fixe, dans les conditions prévues à l'article L. 36-6 :
1° Les conditions techniques et opérationnelles d'utilisation de la fréquence ou de la bande de fréquences ; […]
A cette fin l'autorité tient compte :
a) Des caractéristiques spécifiques du spectre radioélectrique concerné ;
b) De la nécessité d'assurer la protection contre le brouillage préjudiciable ;
c) Le cas échéant, du développement des conditions de partage du spectre radioélectrique fiables ;
d) De la nécessité d'assurer la qualité technique des communications ou du service ;
e) Des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ;
f) De la nécessité de préserver l'utilisation efficiente du spectre radioélectrique. ».
A cet égard, le tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF), tel que modifié par l'arrêté du 14 décembre 2021 susvisé, prévoit que l'Autorité est affectataire exclusif de la bande de fréquences 3,4 - 3,8 GHz.
L'article L. 36-6 du CPCE dispose que :
« Dans le respect des dispositions du présent code et de ses règlements d'application, […] l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse précise les règles concernant : […]
3° Les conditions d'utilisation des fréquences et des bandes de fréquences mentionnées à l'article L. 42 ; […]
Les décisions prises en application du présent article sont, après homologation par arrêté du ministre chargé des communications électroniques, publiées au Journal officiel ».
Enfin, aux termes de l'article L. 32-1 du CPCE :
« II. - Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d'atteindre les objectifs suivants : […]
4° L'aménagement et l'intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires ;
III. - […]
7° L'utilisation et la gestion efficaces des fréquences radioélectriques ;
8° La sécurité, la prévisibilité et la cohérence réglementaire, afin notamment de promouvoir les investissements de long terme, dans l'octroi, le renouvellement, la modification, la restriction, la location, la cession et le retrait des droits d'utilisation du spectre radioélectrique ; […]
IV. - Sans préjudice des objectifs définis aux II et III, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse veillent :
2° bis A la promotion de la connectivité et de l'accès à des réseaux à très haute capacité, y compris des réseaux fixes, mobiles et sans fil, et la pénétration de tels réseaux ;
V. - Toutes mesures qu'il est envisagé d'adopter dans le cadre des dispositions du présent code ayant une incidence importante sur un marché ou affectant les intérêts des utilisateurs finals doivent être rendues publiques avant leur adoption dans un délai permettant une consultation des parties intéressées d'au moins trente jours, sauf dans des circonstances exceptionnelles, afin de permettre le recueil d'observations dont elle pourrait faire l'objet. Le résultat des consultations est rendu public sous réserve des secrets protégés par la loi. […] ».
2. Analyse de l'ARCEP
Les niveaux de brouillages admissibles par les stations FSS sont définis par les recommandations UIT-R S.1432 et UIT-R SF.1006 de l'Union internationale des télécommunications (UIT). Elles prévoient notamment les niveaux maximum suivants :
- un niveau de 10 dB en dessous du bruit thermique pour 20 % du temps ;
- un niveau de 1,3 dB en dessous du bruit thermique pour 0,0016 % du temps.
Sur la base des travaux du comité de concertation de compatibilité électromagnétique de l'Agence nationale des fréquences (ci-après « ANFR ») (2), il apparaît que les utilisateurs de la bande 3,4 - 3,8 GHz ne doivent pas dépasser une certaine limite de champ afin de ne pas causer de brouillages préjudiciables aux stations FSS dans la bande 3,8 - 4,2 GHz.
A cet égard, il convient de rappeler que plusieurs stations terriennes FSS peuvent être installées sur un même site géographique (3) et que chaque station fait l'objet d'une autorisation d'utilisation des fréquences de la bande 3,8 - 4,2 GHz. Ainsi, au niveau des stations FSS, la valeur de champ électrique (dans une bande de 1 MHz) émis dans la bande 3,8 - 4,2 GHz par chaque station de base autorisée à émettre dans la bande 3,4 - 3,8 GHz ne doit pas dépasser, sur chaque site de stations FSS, à une hauteur spécifiée, et dans des conditions médianes de propagation (i.e. 50 % du temps), une limite définie en fonction de l'azimut de la station de base vu du site à protéger et de la latitude de celui-ci.
Compte tenu de ce qui précède, et au regard notamment des objectifs de régulation mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE, en particulier le 7° du III visant à « [l]'utilisation et la gestion efficaces des fréquences radioélectriques » et le 2° bis du IV de « promotion de la connectivité et de l'accès à des réseaux à très haute capacité, y compris des réseaux fixes, mobiles et sans fil, et la pénétration de tels réseaux », il apparaît nécessaire d'opérer un traitement distinct dans les conditions techniques relatives à la protection des stations FSS en fonction de l'impact que peut avoir la protection de ces stations sur le déploiement et la couverture terrestres des réseaux mobiles dans la bande 3400 - 3800 MHz.
L'analyse de cet impact repose sur les éléments suivants :
- nombre de sites radio existants dans les réseaux mobiles actuels dans la zone pour laquelle le déploiement d'un réseau dans la bande 3,4 - 3,8 GHz est contraint pour respecter les limites de champs décrit à la section précédente ;
- population résidante dans la zone sous contraintes ;
- taille de l'agglomération à laquelle appartient la zone.
Deux catégories de sites de stations terriennes sont distinguées selon le risque potentiel sur le déploiement des réseaux mobile 5G dans la bande 3,4 - 3,8 GHz, à savoir les stations FSS avec :
- un risque d'impact fort, pour lesquelles :
- le critère de protection est calculé par la prise en compte des caractéristiques exactes des stations existantes (4) ;
- la protection est assurée jusqu'à l'échéance la plus lointaine des autorisations actuelles d'utilisation des fréquences dans la bande 3,8 - 4,2 GHz parmi les stations du site concerné et a minima jusqu'au 1er janvier 2024 (5) ;
- un risque d'impact modéré pour lesquelles :
- le critère de protection est calculé par la prise en compte des caractéristiques d'une station générique dirigée vers tous les points possibles de l'arc géostationnaire ;
- la protection n'est, à ce jour, pas limitée dans le temps.
Les niveaux de champ à respecter au niveau des sites des stations terrestres en fonction de l'azimut de la station de base vu du site à protéger ainsi que la date d'échéance de ces contraintes sont précisés en annexe de la présente décision.
En conséquence, la présente décision, prise sur le fondement des articles précités, vient préciser les conditions d'utilisation de la bande 3,4 - 3,8 GHz permettant la coexistence avec les stations FSS autorisées à utiliser la bande 3,8 - 4,2 GHz en France métropolitaine, ainsi que la durée et la localisation de ces conditions d'utilisation.
Décide :