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Article AUTONOME (Décision n° 2022-0931 du 10 mai 2022 portant sur la définition du marché pertinent de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les engagements pris par cet opérateur)

Article AUTONOME (Décision n° 2022-0931 du 10 mai 2022 portant sur la définition du marché pertinent de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les engagements pris par cet opérateur)

1.4. Les marchés de gros de la diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre


Dans ses précédentes analyses, l'ARCEP a distingué, au sein du marché de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels :


- un " marché de gros aval ", correspondant au marché sur lequel les diffuseurs proposent des offres de diffusion aux chaînes de télévision (regroupées en multiplex) ;

- un " marché de gros amont ", correspondant au marché entre diffuseurs sur lequel un " diffuseur nouvel entrant " souscrit des prestations d'accès ou de diffusion à l'infrastructure d'un " diffuseur historique ".


1.4.1. Le marché de gros aval


a) L'organisation des chaînes de télévision sur le marché de la TNT

Le regroupement des chaînes de télévision au sein de multiplex

La TNT permet de diffuser les programmes de télévision en mode numérique à travers des ondes hertziennes. La numérisation du signal permet désormais de diffuser plusieurs chaînes sur un même canal de fréquences (24). Cette évolution a impliqué la nécessité d'organiser le regroupement des chaînes de télévision partageant la même fréquence de diffusion au sein d'une même entité, le multiplex. Cette entité est chargée de négocier et de contractualiser les prestations techniques auprès des diffuseurs. Dans la configuration actuelle, un multiplex est composé de cinq à six chaînes de télévision.

Depuis le lancement de la TNT en 2005, le nombre de multiplex TNT diffusés en métropole a évolué plusieurs fois (25). La dernière évolution date de 2016 avec l'attribution des fréquences de la bande des 700 MHz (694-790 MHz), utilisées pour la TNT, aux services mobiles en Europe. Ce transfert de fréquences a nécessité la fin de l'utilisation de la norme de compression audio et vidéo MPEG-2 au profit du MPEG-4, ainsi qu'une restructuration des multiplex de la TNT et la suppression des multiplex R5 et R8 (2e dividende numérique). Depuis cette date, les chaînes de la TNT diffusées en métropole sont regroupées en six multiplex.

La composition des multiplex en métropole est présentée ci-après.


Figure 1. - Composition des multiplex métropolitains de la TNT au 31 mars 2021

Source : CSA.



Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page


L'ensemble de ces services sont diffusés en haute définition à l'exception de LCI et Paris Première (26). Concernant les chaînes locales, elles représentent 42 services en métropole au 1er juillet 2021 et sont majoritairement diffusées en haute définition.

En outre-mer, l'offre audiovisuelle disponible sur la TNT est diffusée sur un multiplex dit " ROM1 " (27).

Les obligations légales et les engagements réglementaires de couverture des chaînes et des multiplex de la TNT

L'hertzien numérique est la seule plateforme de diffusion de la télévision soumise à des obligations de couverture minimale de la population. Ces obligations sont issues de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication.

L'article 96-1 de la loi précitée prévoit une obligation de couverture de 95 % de la population française pour les services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre. Cette obligation ne concernait au départ que les chaînes historiques de la télévision analogique diffusées en clair. La modification de l'article 96-1 introduite par la loi n° 2015-1267 du 14 octobre 2015 est venue élargir le périmètre de l'obligation de couverture à l'ensemble des services nationaux de télévision en clair.

En juillet 2007, le CSA a pris plusieurs décisions réglementaires (28) et a défini les modalités de couverture des chaînes gratuites de la TNT en imposant des obligations de couverture aux échelles nationale et départementale :


- toutes les chaînes gratuites de la TNT doivent atteindre un taux minimum de 95 % de la population métropolitaine ;

- les chaînes gratuites historiques de la télévision analogique diffusées en clair doivent atteindre un taux minimum de population couverte dans chaque département de 91 % (29) ;

- les autres chaînes gratuites de la TNT doivent atteindre un taux minimum de population couverte dans chaque département de 85 %.


En décembre 2008, en vue de l'extinction de la télévision analogique et pour permettre aux chaînes gratuites de la TNT d'atteindre une couverture de 95 % de la population en métropole, le CSA a défini par décision réglementaire (30), une liste de 1 626 zones de diffusion à couvrir.

Les multiplex métropolitains diffusent donc les programmes des chaînes qui les composent au sein des 1 626 zones de diffusion couvrant l'ensemble du territoire, à l'exception du multiplex R3, qui n'est tenu de couvrir que 1 136 zones. Le multiplex ultramarin ROM1 couvre environ 200 zones.

Par ailleurs, des émetteurs supplémentaires (notamment 320 émetteurs environ en métropole), gérés par des collectivités locales autorisées à diffuser au titre de l'article 30-3 de la loi du 30 septembre 1986, viennent compléter le réseau TNT géré par les opérateurs de multiplex nationaux, pour une couverture toutefois marginale au regard de la population totale (environ 0,1 % de la population métropolitaine). Dans la présente décision, les données de parts de marché des diffuseurs en nombre de points de service sont présentées, sauf mention contraire, hors diffusions " 30-3 " (31).


Tableau 1. - Couverture des multiplex métropolitains au 31 mars 2021


Source : CSA.



R1

R2

R3

R4

R6

R7

Couverture (% de la population)

97.1 %

96.9 %

96.5 %

97 %

97.1 %

96.8 %

Couverture (nombre de zones)

1 626

1 626

1 136

1 626

1 626

1 626


Les zones de diffusion définies par le CSA sont très hétérogènes en termes de population couverte. On distingue ainsi le réseau dit " principal ", constitué de 129 zones et couvrant les bassins les plus peuplés du territoire métropolitain (soit 82,6 % de la population), du réseau dit " complémentaire " ou " secondaire ", constitué de 1 497 zones (1 007 pour R3) et couvrant les zones faiblement peuplées (soit environ 14 % de la population).

En outre-mer, le déploiement a été lancé en novembre 2010 et s'est achevé un an plus tard. Aujourd'hui, le taux de couverture de la TNT est de 91,5 % de la population ultramarine au global, même s'il reste dépendant des caractéristiques spécifiques à chaque territoire. Dans les départements et régions d'outre-mer, il est ainsi compris entre 89 % et 97 % de la population, tandis que, dans les collectivités d'outre-mer, il est compris entre 43 % et 94 % de la population.

b) Les opérateurs de diffusion

Les opérateurs de diffusion, ou diffuseurs, proposent aux multiplex, sur le marché de gros aval, des services de diffusion des chaînes TNT au départ de sites précis. A l'horizon de la présente analyse de marché, deux diffuseurs sont présents sur le marché : TDF (le diffuseur historique de la télévision en France [32]) et towerCast (diffuseur alternatif depuis 2005). Un nouvel acteur, Valocîme a par ailleurs annoncé son intention d'entrer sur le marché (33). A cet effet, en 2021, il a créé Valocast, filiale dédiée à la diffusion de la TNT et de la radio (34).

TDF, le diffuseur historique

TDF, le diffuseur historique autrefois en situation de monopole légal (35), anciennement Télédiffusion de France, s'appuie sur un parc constitué au total de 19 000 sites (pylônes, tours, infrastructures de télécommunication, etc.) pour fournir aux chaînes de télévision, aux radios et aux multiplex TNT des services de transport et de diffusion analogique et numérique terrestre de télévision et de radio, et proposer d'autres services, notamment à destination des opérateurs de téléphonie mobile, principalement des prestations d'hébergement. En 2020, les activités liées à la téléphonie et les activités de diffusion de la télévision et de la radio représentaient respectivement 54 %, 26 % et 16 % du chiffre d'affaires réalisé par TDF (36). Le groupe TDF annonce un chiffre d'affaires de 687,2 millions d'euros sur l'année 2020.

En situation de monopole jusqu'en 2003 pour la diffusion des chaînes publiques de la télévision analogique en France, TDF a fait face, à partir du début des années 1990, à la concurrence de nouveaux opérateurs, dits " diffuseurs alternatifs ", pour diffuser les programmes des chaînes privées de la télévision analogique. Ces diffuseurs alternatifs se sont positionnés, dès le lancement de la TNT en 2005, pour diffuser les programmes des chaînes de la télévision numérique hertzienne terrestre. En octobre 2016, TDF a racheté un diffuseur, Itas Tim. Les deux sociétés ont fusionné en février 2021. Aujourd'hui, TDF a un unique concurrent et reste le seul à disposer d'au moins un site sur l'ensemble des 1 626 zones définies par le CSA pour la diffusion de la TNT.

towerCast (filiale du groupe NRJ)

towerCast, filiale à 100 % du groupe NRJ, est aujourd'hui l'unique diffuseur alternatif en métropole.

L'entreprise propose des services de diffusion de radio FM et, depuis son lancement en mars 2005, des services de diffusion de la TNT. Pour la diffusion de la TNT, towerCast opère, à fin 2020, sur un parc de 535 sites. Parmi ces derniers, 241 sont des sites détenus en propre par towerCast (45 %) et 294 sont des sites détenus par TDF sur lesquels towerCast diffuse (55 %).

En 2019, towerCast annonce un chiffre d'affaires de 81,9 millions d'euros (37).

Valcocîme, un potentiel nouvel entrant

Depuis sa création en 2017, le groupe Valocîme est devenu bailleur de 584 terrains (38) accueillant des sites existants actuellement opérés par les diffuseurs. Valocîme a également constitué un second patrimoine de terrains à proximité des sites existants en vue d'apporter par ailleurs une concurrence aux acteurs par construction de nouveaux pylônes (39).

c) La concurrence sur le marché de gros aval

En métropole, le marché de gros aval des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels est constitué de 9 266 points de service, un point de service correspondant à la diffusion d'un multiplex sur une zone de diffusion donnée. Il représente, tous diffuseurs confondus, un chiffre d'affaires global d'environ 162 millions d'euros en 2020.

Le marché de gros aval des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels est structuré autour des appels d'offres organisés par les multiplex pour sélectionner, pour une durée comprise entre trois et huit ans (très généralement cinq ans), leur prestataire technique de diffusion. La mise en concurrence est réalisée par point de service. Lors d'un appel d'offres, les contrats de diffusion sur plusieurs points de service sont mis en concurrence par les multiplex durant plusieurs tours, entre deux et quatre selon l'importance des zones de diffusion visées.

Les spécifications techniques des contrats de diffusion entre les multiplex et les diffuseurs dépendent des caractéristiques des chaînes composant les multiplex. A titre d'exemple, les chaînes assurant un service public exigent des engagements plus forts que les autres chaînes pour la sécurisation et la permanence de la diffusion publique qui se traduisent notamment par des demandes spécifiques concernant les conditions d'hébergement des émetteurs et l'alimentation électrique des sites de diffusion. Par ailleurs, le multiplex R1, qui diffuse notamment France 3, doit permettre les décrochages locaux et réintégrer les signaux de ses antennes locales ce qui nécessite, sur certains sites de diffusion, que les diffuseurs réceptionnent à la fois le signal de la régie nationale de France 3 et celui des régies locales et effectuent localement le multiplexage.

A la fin de l'année 2020, les parts de marché en nombre de points de service de TDF et du diffuseur alternatif étaient respectivement de 74,5 % 25,5 %.


Figure 2. - Concurrence sur le marché de gros aval (parts de marché en nombre de points de service) fin 2020

Source : ARCEP (Observatoire des Marchés).



Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page


(24) Contrairement à la télévision analogique où chaque chaîne de télévision utilisait un canal de fréquences exclusif.

(25) En 2008, le nombre de multiplex passe de 5 à 6 avec l'intégration du R5 ; en 2012, il passe à 8 avec l'intégration du R7 et R8.

(26) https://www.csa.fr/Informer/PAF-le-paysage-audiovisuel-francais/Les-chaines-de-la-TNT.

(27) ROM 1 diffuse les chaînes nationales publiques France 2, France 3, France 4, France 5, Franceinfo et Arte ; la chaîne locale publique Outremer 1re et en fonction des collectivités, jusqu'à 3 chaînes locales privées. En outre, dans certaines collectivités, une ou deux chaînes locales privées sont diffusées sur une fréquence distincte (simplex ou duplex).

(28) Décision n° 2007-464 du 10 juillet 2007 et décision n° 2007-478 du 24 juillet 2007.

(29) Dans les départements où le taux de couverture en mode analogique était inférieur à cette valeur, les multiplex sont tenus d'assurer un taux de couverture au moins égal à celui de l'analogique.

(30) En définissant près de 1 000 sites de diffusion, la décision n° 2008-1076 du 16 décembre 2008 a complété les précédentes décisions du CSA pour aboutir à un total de 1 626 zones.

(31) Sont visés ici les émetteurs complémentaires gérés par des collectivités locales autorisées à diffuser au titre de l'article 30-3 de la loi du 30 septembre 1986.

(32) TDF a racheté en octobre 2016 son concurrent Itas Tim. Les deux sociétés ont fusionné le 4 février 2021.

(33) Source : réponse de Valocîme à la consultation publique sur le bilan et perspectives 2021.

(34) https://valocime.fr/valocast/.

(35) En abrogeant l'article 51 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 a mis fin au monopole légal de TDF sur la diffusion de chaînes publiques.

(36) https://www.tdf.fr/groupe/chiffres-clés.

(37) Bilan comptable 2019 de towerCast : https://www.societe.com/bilan/towercast-338628134201912311.html.

(38) https://valocime.fr/.

(39) Source : réponse de Valocîme à la consultation publique sur le bilan et perspectives 2021.