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Article AUTONOME (Décision n° 2022-0931 du 10 mai 2022 portant sur la définition du marché pertinent de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les engagements pris par cet opérateur)

Article AUTONOME (Décision n° 2022-0931 du 10 mai 2022 portant sur la définition du marché pertinent de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les engagements pris par cet opérateur)


Après en avoir délibéré le 10 mai 2022,


Sommaire


1. Introduction
1.1. Processus d'analyse des marchés
1.2. Durée d'application de la décision et territoire d'analyse
1.3. La diffusion de la télévision en France
1.3.1. Les différents modes de diffusion en France
1.3.2. Le cadre légal de la diffusion et de la distribution de la télévision
1.4. Les marchés de gros de la diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre
1.4.1. Le marché de gros aval
1.4.2. Le marché de gros amont
1.5. Principaux éléments de bilan des cycles précédents
1.5.1. Sur l'évolution de la situation concurrentielle sur le marché de gros aval
1.5.2. Sur l'évolution de la situation concurrentielle sur le marché de gros amont
2. Définition du marché pertinent
2.1. Délimitation du marché des produits et services
2.1.1. Principes généraux
2.1.2. Analyse du marché de détail : une substituabilité croissante de l'IPTV au détriment notamment de la plateforme TNT
2.1.3. Analyse du marché de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels
2.1.4. Conclusion sur la délimitation du marché en termes de produits et de services
2.2. Délimitation du marché géographique
2.3. Analyse de la pertinence d'une régulation ex ante au travers du test des trois critères
2.3.1. Premier critère : existence de barrières élevées et non provisoires à l'entrée
2.3.2. Deuxième critère : évolution peu probable vers une situation de concurrence effective à l'horizon de la présente analyse
2.3.3. Troisième critère : insuffisance du droit de la concurrence pour remédier seul aux défaillances du marché
2.3.4. Conclusion sur le test des trois critères et la pertinence d'une régulation ex ante sur le marché des offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels
3. Désignation d'un opérateur exerçant une influence significative
3.1. Principes généraux relatifs à la détermination des conditions caractérisant une situation d'influence significative sur un marché
3.2. Eléments conduisant à la présomption d'une influence significative de TDF
3.2.1. Eléments quantitatifs clés
3.2.2. Indicateurs qualitatifs
3.2.3. Conclusion sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative
4. Régulation
4.1. Objectifs pour le cycle 2022 - 2026
4.2. Les engagements
4.2.1. Analyse de l'Autorité
4.2.2. Conclusion
5. Observations de la commission européenne
6. ANNEXE : PROPOSITION D'ENGAGEMENTS DE TDF - VERSION DU 24 FÉVRIER 2022


1. Introduction


Dans les développements ci-après, l'Autorité procède à :


- la délimitation du périmètre du marché de gros amont des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels (chapitre 2) ;
- la désignation, le cas échéant, du ou des opérateurs exerçant une influence significative (chapitre 3) ;
- l'évaluation des engagements proposés par l'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros amont des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels (chapitre 4).


1.1. Processus d'analyse des marchés


Conformément aux dispositions de l'article L. 32 du CPCE, les réseaux assurant la diffusion de services de communication audiovisuelle (qui comprennent les services de télévision et de radio) ou utilisés pour la distribution de ces derniers sont considérés comme des réseaux de communications électroniques.
Ainsi, les réseaux de diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre entrent dans le champ de compétence de régulation de l'ARCEP. Il convient toutefois de souligner que les services consistant à éditer ou distribuer des services de communications au public sont exclus du champ de la régulation des communications électroniques.
Le marché de gros amont des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels est inclus dans le marché de gros des services de radiodiffusion qu'avait listé la Commission européenne en annexe de sa recommandation n° 2003/311/CE en date du 11 février 2003 sur les marchés a priori pertinents pour une régulation ex ante. Il a été exclu des recommandations suivantes de la Commission européenne depuis 2007 (1). Pour rappel, en 2007, la Commission européenne avait motivé le retrait de ce marché notamment par le fait que l'hétérogénéité des situations de marché dans les Etats membres et du développement de la concurrence entre plateformes ne permettait pas de définir une politique commune de régulation.
Après 2007, plusieurs autorités de régulation nationales, dont l'ARCEP, ont choisi de maintenir une régulation ex ante sur le marché de gros des services de radiodiffusion. Ces autorités ont alors notifié leurs projets de décision d'analyse du marché en démontrant la pertinence de la régulation ex ante, en s'appuyant systématiquement sur le test « des trois critères », défini par la Commission européenne qui consiste en une vérification de :


- l'existence de barrières élevées et non transitoires à l'entrée sur le marché considéré ;
- l'absence de perspectives d'évolution vers une situation de concurrence effective ;
- l'insuffisance du droit de la concurrence seul pour remédier aux défaillances du marché.


L'ARCEP a ainsi été amenée à conduire un deuxième cycle de régulation, de 2009 à 2012, un troisième cycle, de 2012 à 2015, puis un quatrième cycle, de 2015 à 2018, prolongé jusqu'au 17 décembre 2020 par la décision n° 2019-0555 de l'Autorité en date du 16 avril 2019.
L'ARCEP rappelle que le processus d'analyse de marché consiste, conformément aux dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, à :


- déterminer la liste des marchés du secteur dont les caractéristiques en termes de développement de la concurrence justifient l'imposition d'un dispositif de régulation spécifique ;
- désigner, le cas échéant, les opérateurs disposant sur ces marchés d'une influence significative ;
- fixer les obligations spécifiques, adaptées et proportionnées aux problèmes concurrentiels constatés.


L'analyse menée par l'Autorité vise, en application des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, à analyser l'état et l'évolution prévisible de la concurrence sur ces marchés et à en déduire les conséquences en matière d'obligations réglementaires.
Par ailleurs, en vertu de l'article L. 38-1-1 du CPCE, l'Autorité « peut accepter des engagements souscrits auprès d'elle par les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un ou plusieurs marchés pertinents en application de l'article L. 37-1 relatifs au co-investissement ou aux conditions d'accès à leurs réseaux lorsqu'elle établit que ces engagements sont de nature à contribuer à la réalisation des objectifs à l'article L. 32-1 et notamment au développement d'une concurrence effective dans le secteur des communications électroniques. (…) », et peut décider de rendre contraignant tout ou partie de ces engagements, pour une période donnée qui ne peut dépasser la durée proposée par l'opérateur.
Dans ce cadre, et conformément aux articles L. 36-15 et D. 301 du même code, l'ARCEP recueille l'avis de l'Autorité de la concurrence, ainsi que celui du CSA (2) sur son projet de décision lorsque le périmètre du marché pertinent analysé inclut la diffusion de la radio ou de la télévision. Enfin, l'ARCEP soumet son projet de décision à consultation publique, et le notifie à la Commission européenne, ainsi qu'à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques et aux autorités de régulation nationales des autres Etats membres.
C'est ainsi que l'ARCEP a engagé, au mois de mai 2021, avec la mise en consultation publique du document « bilan et perspectives », la révision de la régulation ex ante du marché de gros amont des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels. Ce document présente un bilan de la situation concurrentielle du marché et examine les évolutions passées et prévisibles des modalités techniques de diffusion des contenus audiovisuels. Il met également en consultation publique une proposition d'engagements transmise à l'Autorité par TDF, opérateur de diffusion audiovisuelle hertzienne réputé exercer une influence significative sur ce marché, pour le prochain cycle de régulation.
Treize acteurs ont répondu à cette consultation publique, dont deux diffuseurs [TDF et towerCast], deux acteurs des télécoms [Altice et la Fédération Française des Télécommunications], sept éditeurs [Groupe Stars, Groupe NRJ, TF1, M6, France TV, Groupe Canal Plus et l'Association Technique des Editeurs de la TNT], un hébergeur d'infrastructures de diffusion [Valocîme] et une plateforme de vidéo à la demande [Salto].
Suite aux retours des acteurs, un projet de décision d'analyse du marché de gros amont des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels a été mis en consultation publique du 29 octobre 2021 au 17 décembre 2021 et soumis, pour avis, à l'Autorité de la concurrence et au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel.
Neuf répondants ont contribué à cette seconde consultation publique, TDF et towerCast, Altice, le Groupe NRJ, TF1, France TV, M6 et le Groupe Canal Plus ainsi que Valocîme. L'Autorité de la concurrence a rendu son avis le 17 décembre 2021 et l'ARCOM (3) le 26 janvier 2022.


(1) Commission européenne, Recommandations n° 2007/879/CE du 17 décembre 2007 et n° 2014/710/UE du 9 octobre 2014.
(2) Le 1er janvier 2022, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) sont devenus l'ARCOM qui désigne : l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
(3) Le 1er janvier 2022, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) sont devenus l'ARCOM qui désigne : l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.