ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME-UNI DE GRANDE BRETAGNE ET D'IRLANDE DU NORD RELATIF AUX LICENCES DE CONDUCTEUR DE TRAIN ET ATTESTATIONS COMPLÉMENTAIRES EN CE QUI CONCERNE LE TRANSPORT FERROVIAIRE EMPRUNTANT LA LIAISON FIXE TRANS-MANCHE, SIGNÉ À LONDRES LE 9 DÉCEMBRE 2021 ET À PARIS LE 22 DÉCEMBRE 2021
A la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (ci-après dénommés « les Parties ») sont convenus de ce qui suit concernant les licences de conducteur de train et attestations complémentaires sur le réseau ferroviaire situé entre les gares de fret et de passagers de Calais-Frethun en France, et la gare de fret de Dollands Moor et la gare de passagers d'Ashford International au Royaume-Uni ;
Vu l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, signé le 24 janvier 2020 ;
Vu l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, d'autre part, signé le 30 décembre 2020 ;
Vu l'article 8 de la directive 2007/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relative à la certification des conducteurs de train assurant la conduite de locomotives et de trains sur le système ferroviaire dans la Communauté ;
Vu l'article 14 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen (refonte) ;
Vu le traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la construction et l'exploitation par des sociétés privées concessionnaires d'une liaison fixe trans-Manche signé à Cantorbéry le 12 février 1986 (ci-après dénommé « le traité de Cantorbéry ») ;
Les Parties ont convenu ce qui suit :
Article 1er
Objet et champ d'application territorial de l'accord
1. Pour les besoins du transport ferroviaire transfrontalier empruntant la liaison fixe entre la France et le Royaume-Uni, les Parties s'accordent sur les conditions requises pour autoriser les conducteurs de train titulaires d'une licence et d'une attestation complémentaire valables sur le territoire d'une Partie à conduire sur le territoire de l'autre Partie, sur le réseau ferroviaire précisé au paragraphe 2.
2. Le présent accord s'applique, quelles que soient son origine et/ou sa destination, à tout transport ferroviaire transfrontalier sur le réseau situé entre les gares de Calais-Frethun en France et Dollands Moor Freight Yard (pour le fret) et Ashford International Station (pour les passagers) au Royaume-Uni, y compris les services de navette pour véhicules routiers circulant uniquement sur la liaison fixe.
Article 2
Définitions
Aux fins du présent accord :
a) « Attestation complémentaire » signifie un ou plusieurs documents indiquant les infrastructures sur lesquelles le titulaire est autorisé à conduire et le matériel roulant que le titulaire est autorisé à conduire, qui sont délivrés ou reconnus comme valides conformément à la législation respective de chaque Partie. L'attestation indique également les compétences linguistiques du conducteur.
b) « Autorité compétente » signifie l'Office of Rail and Road au Royaume-Uni et l'Etablissement public de sécurité ferroviaire en France, responsables, en leur qualité d'autorité nationale de sécurité, de la délivrance et du suivi des licences de conducteur de train selon la législation respectivement applicable de chaque Partie.
c) « Autorité nationale de sécurité » signifie l'Office of Rail and Road au Royaume-Uni et l'Etablissement public de sécurité ferroviaire en France, chargés des tâches relatives à la sécurité ferroviaire selon la législation respectivement applicable de chaque Partie.
d) « Conducteur de train » signifie une personne apte et autorisée à conduire de façon autonome, responsable et sûre des trains, y compris les locomotives, les locomotives de manœuvre, les trains de travaux, les véhicules ferroviaires d'entretien ou les trains destinés au transport ferroviaire de passagers ou de marchandises.
e) « Entités compétentes » signifie toute entreprise ferroviaire ou tout gestionnaire d'infrastructure responsable, selon le droit respectivement applicable sur le territoire de chaque Partie, de la délivrance d'attestations complémentaires.
f) « Liaison fixe » signifie la liaison fixe trans-Manche telle que définie à l'article 1.2 du traité de Cantorbéry.
g) « Licence » ou « licence de conducteur de train » signifie un document requis par la législation respectivement applicable de chaque Partie démontrant que le conducteur remplit les conditions minimales en matières d'âge, d'exigences médicales, d'aptitude psychologique, de scolarité et de formation de base ainsi que de compétences professionnelles générales pour la conduite de trains sur le territoire de cette Partie, pour la durée de validité dudit document.
Article 3
Conditions de transport transfrontalier
1. Un conducteur de train qui dispose de la licence de conducteur de train et de l'attestation complémentaire nécessaires, valables conformément au droit applicable sur le territoire d'une Partie, est autorisé à conduire sur le territoire de l'autre Partie, sur le réseau ferroviaire mentionné au paragraphe 2 de l'article 1, sans préjudice des dispositions des paragraphes suivants.
2. Une licence de conducteur de train ou une attestation complémentaire sont valables aux fins du paragraphe (1) si lesdites licence ou attestation sont délivrées avant, au jour ou après la date d'entrée en vigueur du présent accord, conformément à la législation applicable de chaque Partie, telle que spécifiée à l'article 4, pour autant que ces licence ou attestation n'aient pas été ni suspendues, ni retirées, ni n'aient cessé d'une autre manière d'être valides.
3. Pour conduire sur le réseau ferroviaire visé au paragraphe 2 de l'article 1, le conducteur doit être en possession d'une attestation complémentaire relative à l'infrastructure sur l'ensemble de ce réseau.
Conformément à la législation applicable mentionnée au paragraphe a de l'article 4, l'attestation complémentaire relative à l'infrastructure de la partie du réseau ferroviaire visé au paragraphe 2 de l'article 1 située sur le territoire d'une Partie peut être délivrée par une entreprise ferroviaire qui détient un certificat de sécurité délivré ou reconnu en vertu du droit applicable sur le territoire de l'autre Partie.
4. Nonobstant les éléments précédents, pour être autorisés par le présent accord à conduire sur le réseau ferroviaire visé au paragraphe 2 de l'article 1, les conducteurs de train doivent être âgés de 20 ans au moins.
Article 4
Droit applicable à la délivrance des licences de conducteur de train et attestations complémentaires
Pour les besoins du paragraphe 2 de l'article 3, la législation applicable est :
a) en ce qui concerne le Royaume-Uni, le Train Driving Licences and Certificates Regulations 2010, telles qu'amendées jusqu'au jour d'entrée en vigueur du présent accord, et
b) en ce qui concerne la France, la directive 2007/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, relative à la certification des conducteurs de train assurant la conduite de locomotives et de trains sur le système ferroviaire dans la Communauté, et ses textes de transposition, en vigueur au jour d'entrée en vigueur du présent accord.
Article 5
Coopération, information réciproque et contrôle des autorités compétentes
1. Les Parties conviennent de se tenir mutuellement informées dans un délai raisonnable de tout projet de modification du droit applicable sur leur territoire respectif, ou de toute autre circonstance susceptible d'affecter les licences de conducteur de train ou les attestations complémentaires couverts par le présent accord, en particulier si celui-ci ou celle-ci paraît manifestement requérir sa modification. En cas de différence d'appréciation sur la nécessité de modifier l'accord, les Parties font leurs meilleurs efforts et prennent toute mesure qui leur paraît nécessaire à la résolution de leur différend.
2. Dans le respect du droit respectivement applicable sur le territoire de chaque Partie, les Parties conviennent que leurs autorités compétentes, entités compétentes, et toutes leurs autorités traitant de sécurité ferroviaire, dont les autorités nationales de sécurité, coopèrent et échangent les bonnes pratiques et les informations utiles. Elles effectuent ceci afin de veiller ensemble à la bonne application des procédures de délivrance et de suivi des licences de conducteur de train et attestations complémentaires s'inscrivant dans le cadre du présent accord, afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la fraude et la falsification de ces documents, et afin de garantir la compétence et l'aptitude à la conduite des conducteurs sur leur territoire respectif.
3. Dans le respect du droit respectivement applicable sur le territoire de chaque Partie, les Parties prennent toutes les dispositions qu'elles jugent nécessaires pour que les entreprises ferroviaires et les gestionnaires d'infrastructure opérant sur le réseau ferroviaire mentionné au paragraphe 2 de l'article 1 de cet accord :
- s'assurent et vérifient que les licences de conducteur de train et les attestations complémentaires des conducteurs qu'ils emploient, ou avec lesquels ils ont passé un contrat, sont valides ;
- mettent en place un système de suivi de leurs conducteurs ;
- prennent immédiatement les mesures nécessaires si les résultats de ce suivi mettent en question les compétences d'un conducteur ou le maintien de sa licence ou de son attestation ;
- prennent immédiatement les mesures nécessaires après s'être rendu compte que l'état de santé d'un conducteur s'est détérioré de telle manière que son aptitude à exercer son emploi est mise en cause, notamment le cas échéant tout examen approprié et le retrait de son attestation complémentaire ;
- veillent à ce qu'à aucun moment durant son service, le conducteur ne soit sous l'influence d'une substance susceptible d'affecter sa concentration, sa vigilance ou son comportement ;
- informent sans délai l'autorité compétente pertinente, ou le cas échéant, l'autorité nationale de sécurité concernée d'un Etat membre de l'Union européenne, de tout cas d'incapacité de travail dont la durée est supérieure à trois mois.
4. L'autorité compétente de chaque Partie peut, à tout moment, prendre toute mesure nécessaire pour vérifier à bord des trains exploités dans son territoire de compétence que les conducteurs sont munis des licences de conducteur de train et attestations complémentaires nécessaires.
5. L'autorité compétente de chaque Partie peut mener des enquêtes concernant la conformité au présent accord des conducteurs, entreprises ferroviaires et gestionnaires d'infrastructure exerçant leurs activités sur le territoire relevant de sa compétence.
6. Dans le respect du droit respectivement applicable sur le territoire de chaque Partie, lorsqu'une Partie ou son autorité compétente, notamment dans l'exercice de ses missions de contrôle et de surveillance, que ce soit à bord des trains ou dans le cadre d'une enquête, a des préoccupations ou des doutes quant à la validité d'une licence ou d'une attestation complémentaire individuelle ou quant à la compétence ou à l'aptitude d'un conducteur à conduire un train, les Parties et leurs autorités compétentes coopèrent étroitement. En particulier, elles obtiennent et partagent toute information pertinente, pour examiner sans délai tout doute ou préoccupation.
7. Si l'autorité compétente d'une Partie estime qu'un conducteur n'est plus compétent ou apte à la conduite, elle peut demander à l'autorité compétente de l'autre Partie toute vérification complémentaire ou la suspension de la licence du conducteur. Cette autorité compétente peut également demander que l'autorité compétente de l'autre Partie s'assure que l'entité compétente mène tout contrôle complémentaire ou suspende l'attestation complémentaire du conducteur de train. La réponse à ses demandes doit être communiquée sous un délai de quatre semaines après réception de celles-ci. Elle peut interdire au conducteur d'opérer sur le territoire relevant de sa compétence en attendant notification par l'autorité compétente de l'autre Partie des décisions prises sur lesdites licence ou attestation complémentaire.
8. Les paragraphes précédents sont sans préjudice du droit général des autorités compétentes des Parties de demander à un gestionnaire d'infrastructure ou une entreprise ferroviaire d'arrêter tout train ou d'interdire d'une autre manière à quiconque de conduire un train sur leur territoire aussi longtemps que nécessaire, si l'autorité compétente considère qu'un conducteur représente une menace grave pour la sécurité ferroviaire.
9. Chaque Partie peut appliquer des sanctions aux conducteurs qui opèrent sur son territoire, de manière proportionnée et non-discriminatoire.
Article 6
Modalités de modification de l'accord
L'une ou l'autre des Parties peut solliciter par écrit une modification du présent accord. Toute modification décidée par les Parties est adoptée par échange de lettres entre elles et intervient dans les conditions qu'elles déterminent d'un commun accord.
Article 7
Règlement des différends
Tout différend relatif à l'interprétation ou à la mise en œuvre du présent accord est réglé dans le cadre d'échanges bilatéraux entre les Parties et dans un calendrier fixé d'un commun accord entre elles.
Article 8
Suspension provisoire de l'accord
Chacune des Parties se réserve le droit de prendre toute mesure qui pourrait être nécessaire à la sauvegarde de sa souveraineté ou de sa sécurité, conformément au droit international. Dans des circonstances exceptionnelles, chacune des Parties peut notamment décider de suspendre, pour une durée maximale d'un (1) mois, l'application du présent accord. Ce mois commence une (1) semaine après la date de réception par l'autre Partie de la notification écrite de la décision de suspension. A l'issue de cette période, sauf s'il est fait usage du paragraphe 2 de l'article 9, l'accord redevient applicable.
Article 9
Dispositions finales
1. Le présent accord entre en vigueur le lendemain du jour de la réception de la dernière notification par voie diplomatique par laquelle les Parties s'informent mutuellement de l'accomplissement des procédures internes requises pour l'entrée en vigueur de l'accord.
2. Le présent accord demeure en vigueur jusqu'à sa résiliation soit par consentement mutuel des Parties exprimé par écrit, soit par notification écrite d'une Partie à l'autre, auquel cas la résiliation prend effet six (6) semaines après la date de réception d'une telle notification. Chacune des Parties peut notamment notifier la dénonciation du présent accord si elle estime que la législation et les dispositifs de contrôle en vigueur sur le territoire de l'autre Partie ne garantissent plus correctement les exigences requises notamment en matière médicale, d'âge, d'aptitude psychologique ou de compétences professionnelles générales et spécifiques des conducteurs de train.
Le présent accord est établi en deux exemplaires originaux, chacun en langues française et anglaise, les deux textes faisant foi.
En foi de quoi les soussignés, dûment autorisés à cette fin par leur Gouvernement respectif, ont signé le présent accord.
Fait à Londres, le 9 décembre 2021 et à Paris, le 22 décembre 2021.
Pour le gouvernement de la République française
Jean-Baptiste Djebbari,
Ministre délégué auprès de la Ministre de la Transition écologique, chargé des Transports
Pour le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
Grant Shapps,
Secrétaire d'Etat aux Transports