ANNEXE X
GUIDE D'ACCOMPAGNEMENT DES PATIENTS SOUS ANTICANCEREUX ORAUX ET FICHE DE SUIVI PATIENT
GUIDE D'ACCOMPAGNEMENT DES PATIENTS SOUS ANTICANCEREUX ORAUX
Ce guide, élaboré à partir des documents de références établis par l'INCa, est conçu pour vous aider à appréhender au mieux la conduite des entretiens pharmaceutiques dans le cadre de l'accompagnement des patients traités par anticancéreux oraux.
I. - Pourquoi accompagner les patients traités par anticancéreux oraux ?
Les cancers sont la première cause de mortalité en France. D'après l'INCa, près de 382 000 cas ont été estimés en 2018 et on considère que près d'un patient sur deux guérit de son cancer.
Historiquement, la prise en soins du cancer repose sur la chirurgie, la radiothérapie et les chimiothérapies cytotoxiques très pourvoyeuses d'effets indésirables. Les chimiothérapies par voie intraveineuse sont administrées sur une durée courte à l'hôpital, par cycles.
Ces dernières années, l'avancée de la recherche dans la connaissance des cancers a permis le développement de molécules ciblant les mécanismes de fonctionnement des cellules cancéreuses : les thérapies ciblées, véritable changement de paradigme dans la prise en soins des patients cancéreux. En effet, ces traitements sont généralement pris au long cours jusqu'à la progression de la maladie ou l'apparition d'une intolérance.
En 2015, 25 % des traitements du cancer sont des thérapies ciblées et entre 2012 et 2015, 60 % des autorisations de mise sur le marché pour des traitements du cancer ont été octroyées à des thérapies ciblées. Plus de 75 % de ces thérapies sont des traitements per os. L'essor des anticancéreux per os est considérable, puisqu'aujourd'hui :
- 40 % sont des thérapies ciblées ;
- 37 % des chimiothérapies conventionnelles ;
- 18 % de l'hormonothérapie.
Le développement de la voie orale pour les anticancéreux permet de nombreux avantages notamment pour les patients car l'impact négatif sur la qualité de vie est plus faible que dans le cas d'un anticancéreux par voie intraveineuse. Les effets indésirables liés à la destruction veineuse sont aussi atténués.
L'essor de ces thérapies par voie orale ne se fait cependant pas au détriment des chimiothérapies injectables.
Cependant, de nouvelles problématiques ont été soulevées avec l'apparition de nombreux effets indésirables au domicile des patients et la modification de la biodisponibilité en fonction des patients, avec la nécessité d'adapter la dose administrée, mais aussi la sensibilité très forte aux conditions de prise de ces médicaments.
Par ailleurs, la voie d'administration de ces thérapies rend leur efficacité sensible à l'adhésion du patient à son traitement avec les nombreux risques qui en découlent : l'inobservance, les erreurs de dosage, une modulation des horaires de prise et la non application des recommandations en cas d'oubli. Tout cela limite l'effet de ces traitements et par voie de conséquence, leur impact sur la survie des patients.
De nombreux centres spécialisés en cancérologie rappellent le rôle central du pharmacien d'officine dans le bon usage de ces traitements avec une collaboration nécessaire entre les professionnels hospitaliers, le médecin traitant, le pharmacien d'officine et les infirmières pour favoriser l'adhésion du patient à son traitement et optimiser ainsi ses chances de guérison. L'ensemble des régions françaises étant couvert par un réseau régional de cancérologie, il conviendra que le pharmacien prenant en charge un patient traité par anticancéreux oraux ait une connaissance du réseau de la région dans laquelle il exerce.
Les coordonnées des réseaux régionaux de cancérologie sont disponibles sur le site de l'INCa : https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/L-organisation-de-l-offre-de-soins/Les-reseaux-regionaux-de-cancerologie/Coordonnees-des-RRC.
Les dépistages organisés, la mise à disposition de traitements ciblés limitant la toxicité, la disponibilité des anticancéreux en ville, ayant sensiblement modifié la prise en soins des cancers, il est nécessaire d'accompagner ces changements autant pour les patients que pour les professionnels de santé.
Les objectifs de l'accompagnement par le pharmacien des patients traités par anticancéreux oraux sont multiples :
- rendre le patient autonome et acteur de son traitement ;
- limiter la perte de repères de ces patients ;
- favoriser le suivi, le bon usage et l'observance des anticancéreux oraux ;
- informer le patient et obtenir l'adhésion à son traitement ;
- l'aider dans la gestion des traitements ;
- prévenir les effets indésirables ;
- assurer une prise en soins coordonnée du patient.
En effet, ces molécules sont le plus souvent des traitements innovants, mais dont la fréquence des effets indésirables et leurs niveaux de gravité restent élevés. Survenant le plus souvent en ville, ils mobilisent les professionnels de santé de ville (médecins généralistes, pharmaciens d'officine, infirmiers libéraux), mais aussi les équipes de primo-prescription des établissements de santé, voire les équipes des établissements associés. L'échange entre le médecin traitant et le service d'oncologie, comme leur information sur l'intégration du patient dans le dispositif d'accompagnement participent à la qualité et à la sécurité de sa prise en soins.
II. - Conduire les entretiens pharmaceutiques
Le dispositif s'adresse aussi bien aux patients en initiation de traitement qu'aux patients déjà sous traitement.
Au regard de la thématique, il convient aussi de rapprocher dans le temps les entretiens notamment en initiation ou en cours de traitement par un médicament anticancéreux. En effet, l'écoulement d'une période trop importante entre deux entretiens pourrait limiter l'impact de l'accompagnement sur la bonne compréhension du traitement et sa bonne observance.
L'accompagnement du patient sous anticancéreux oraux par le pharmacien d'officine débute par l'analyse des interactions des traitements pris par le patient et comprend trois entretiens :
- le pharmacien débute par un entretien initial au cours duquel il recueille les informations générales relatives au patient, évalue les connaissances du patient sur son traitement au regard notamment des informations qu'il a reçues du médecin, et l'informe des modalités de prise (absorption ou administration) de son traitement ;
- lors d'un deuxième entretien, le pharmacien évoque avec le patient les difficultés qu'il rencontre dans sa vie quotidienne en lien avec le traitement, ainsi que les éventuels effets indésirables auxquels il est confronté ;
- un troisième entretien vise à apprécier l'observance du patient.
Lors de la prise de rendez-vous, le pharmacien explique au patient la démarche d'accompagnement. Il lui propose d'ouvrir, le cas échéant, son Dossier Pharmaceutique (DP) et son Dossier Médical Partagé (DMP), selon les dispositions réglementaires en vigueur, dans le respect du libre choix du patient d'accepter ou non l'ouverture. Il rappelle l'utilité du DP et du DMP pour détecter d'éventuelles interactions médicamenteuses, optimiser l'analyse des interactions médicamenteuses possibles, coordonner le suivi du patient avec ses prescripteurs, et permettre aux professionnels participant à la prise en soins d'y inscrire les nouvelles prescriptions, ce qui favorisera la transmission et la traçabilité des données entre la ville et l'hôpital. Il est aussi important pour le pharmacien de consulter, lorsqu'ils en ont la possibilité, les documents du parcours de soins du patients contenus dans le DCC (RCP et le PPS).
L'accompagnement mis en œuvre doit être adapté à chaque patient en fonction de sa réceptivité et de son appropriation des messages transmis.
Le pharmacien évalue la compréhension des informations qu'il délivre à son patient lors des entretiens. Ainsi, le pharmacien considère qu'une notion est :
- " acquise " dès lors qu'elle est parfaitement intégrée par le patient et que ce dernier est capable de la restituer avec ses propres termes et de la mettre en pratique ;
- " partiellement acquise " dès lors que le patient a des connaissances incomplètes ou imprécises ;
- " non acquise " dès lors que le patient ne sait rien sur le sujet.
La fin de chaque entretien peut être l'occasion d'un temps d'échanges plus informels avec le patient, notamment pour lui proposer de poser des questions complémentaires.
C'est également le moment de fixer la date du prochain rendez-vous et d'expliquer au patient le thème qui sera abordé. Le pharmacien peut proposer ou inciter le patient à se faire accompagner d'une personne de son choix lors de l'entretien suivant. Le pharmacien présente la façon dont va se dérouler la suite de l'accompagnement ainsi que la coordination qu'il va instaurer avec le médecin désigné par le patient.
Le pharmacien doit, lors de chaque entretien, procéder au recueil des éléments nouveaux intervenus depuis le dernier entretien (modifications de traitement, d'environnement, d'alimentation, d'état de santé, mises à jour de certains documents tels que le PPS ou le DP ou le DMP…).
III. - Déroulé de l'accompagnement du patient
1. L'analyse des interactions
Avant de débuter les entretiens, le pharmacien réalise une analyse des interactions des thérapies du patient avec l'ensemble de ses traitements. Il peut être nécessaire de contacter le prescripteur, le pharmacien hospitalier ou l'équipe hospitalière. Cela permet notamment au pharmacien de connaître les informations transmises au patient ou d'obtenir des précisions sur le schéma thérapeutique ou encore d'échanger sur les risques d'interactions médicamenteuses.
La HAS a élaboré un guide sur la conciliation médicamenteuse en cancérologie :
https://www.has-sante.fr/jcms/c_2964356/fr/mettre-en-oeuvre-la-conciliation-des-traitements-medicamenteux-en-cancerologie.
2. Points à aborder lors de l'entretien initial
L'entretien initial permet de recueillir les informations générales sur le patient, de connaître son ressenti par rapport à son traitement et de lui présenter le schéma et les règles de prise.
Il est nécessaire d'avoir une approche et un discours adaptés au patient, à sa connaissance de sa maladie, son acceptation…
a. Informations générales concernant le patient
- nom et prénom ;
- âge ;
- numéro de sécurité sociale ;
- régime d'affiliation ;
- adresse ;
- poids et taille (IMC) ;
- nom du ou des traitements anticancéreux oraux prescrits ;
- autres traitements médicamenteux au long cours ;
- autres médicaments/produits consommés par le patient ;
- habitudes de vie (alimentation, alcool, tabac, activité physique, sport de contact, activité manuelle, déplacement, voyage…) ;
- allergies et intolérances ;
- identification des situations nécessitant une assistance (difficultés motrices, cognitives, sensorielles, sociales) ;
- nom du médecin traitant et coordonnées du service d'oncologie.
b. Evaluation de l'appropriation du traitement anticancéreux oral et observance
- perception globale par le patient de son traitement ;
- ressenti du patient par rapport à la voie d'administration (certains patients se sentent isolés voire même abandonnés car l'encadrement n'est pas le même que dans le cadre d'une chimiothérapie par voie intraveineuse) ;
- information du médecin traitant du patient sur la mise en œuvre d'un traitement anticancéreux oral ;
- importance de l'observance (l'efficacité du traitement dépend en grande partie de la capacité du patient à bien le suivre) ;
- remise d'une fiche INCa le cas échéant.
Le pharmacien doit rappeler au patient que l'automédication n'est pas recommandée du fait des interactions médicamenteuses potentielles, et que l'avis d'un médecin ou d'un pharmacien est nécessaire avant tout nouveau traitement, qu'il soit soumis à prescription ou non.
Le pharmacien informe également le patient sur les contre-indications, qu'elles soient alimentaires, vaccinales ou médicamenteuses. La connaissance des habitudes alimentaires du patient et de ses comportements de santé (caractéristiques de son régime alimentaire, utilisation de compléments alimentaires, aromathérapie, prise de médicaments dispensés sans ordonnance, etc.) aidera également le pharmacien à prodiguer un conseil adapté.
c. Les modalités d'administration
Il est important d'évoquer avec le patient dès l'entretien initial le schéma thérapeutique, les règles de prise de ces traitements et la conduite à tenir en cas d'oubli, notamment en cas d'initiation de traitement.
Le schéma thérapeutique
Il est dépendant de chaque traitement et de chaque patient. Le pharmacien remettra au patient un plan de posologie avec si nécessaire l'indication des différents cycles, les moments de prise, les arrêts de traitements.
Il contactera le service d'oncologie (prescripteur) pour obtenir des précisions sur le/les traitements et les schémas thérapeutiques.
Exemple : Exémestane (Aromasine®)
La dose d'exémestane recommandée est d'un comprimé de 25 mg à prendre une fois par jour après un repas. Chez les patientes souffrant de cancer du sein à un stade précoce, le traitement par l'exémestane doit être maintenu jusqu'à une durée totale de cinq ans d'hormonothérapie adjuvante séquentielle (tamoxifène suivi d'exémestane) ; ce traitement devra être interrompu en cas de récidive de la tumeur. Chez les patientes souffrant d'un cancer du sein avancé, le traitement par l'exémestane devra être poursuivi jusqu'à l'apparition de signes de progression tumorale. Il n'est pas nécessaire d'effectuer des ajustements posologiques chez les patientes présentant une insuffisance hépatique ou rénale
Les règles de prise et de conservation
Rappeler qu'il est important de ne pas ouvrir les gélules, de ne pas écraser, mâcher, sucer ou couper les comprimés et de toujours se laver les mains après avoir touché ces médicaments.
Il faut conserver ces traitements dans un endroit sec à l'abri de la lumière et de l'humidité et hors de portée des enfants. De plus, il est préférable de ne pas les mettre dans un pilulier notamment avec d'autres médicaments mais de les garder dans leur emballage d'origine.
Exemple : Abiraterone (Zytiga®)
Les comprimés doivent être pris en une seule prise quotidienne au moins deux heures après avoir mangé et aucune nourriture ne doit être consommée pendant au moins une heure après avoir pris les comprimés. Ceux-ci doivent être avalés en entier avec de l'eau. Etant donné son mécanisme d'action, ce médicament peut nuire au développement du fœtus, ainsi, les femmes enceintes ou susceptibles de l'être ne doivent pas le manipuler sans protection, comme par exemple des gants. Tout médicament non utilisé ou déchet doit être éliminé conformément à la réglementation en vigueur. Ce médicament peut induire un risque pour l'environnement aquatique
La conduite à tenir en cas d'oubli ou de surdosage des médicaments
La conduite à tenir en cas d'oubli est dépendante de chaque molécule.
Exemple : Anagrelide (Xagrid®)
Si vous avez pris plus de Xagrid® que vous n'auriez dû ou si une autre personne a pris votre médicament, consultez immédiatement un médecin ou un pharmacien. Montrez-lui la boîte de Xagrid®. Si vous oubliez de prendre Xagrid®. Prenez vos gélules dès constatation de votre oubli. Prenez la dose suivante à l'heure habituelle. Ne prenez pas de dose double pour compenser la dose que vous avez oublié de prendre.
Avant de conclure cet entretien, il est important de rappeler au patient que les traitements anticancéreux oraux sont pourvoyeurs de nombreux effets indésirables et qu'il est important de contacter son pharmacien ou son médecin dès leur survenue.
Par ailleurs, la survenue précoce d'effets indésirables doit conduire le pharmacien à une prise de rendez-vous anticipée pour le deuxième entretien. Le pharmacien sensibilise le patient à l'autosurveillance pour qu'il soit attentif à la survenue éventuelle de signes et symptômes des effets indésirables.
3. Point à aborder lors du deuxième entretien : vie quotidienne et gestion des effets indésirables
a. La vie quotidienne
Il est important de rappeler au patient que toute variation importante de poids doit être signalée car elle peut nécessiter d'adapter la dose de chimiothérapie.
Il convient d'évoquer avec le patient les problèmes qu'il peut rencontrer au quotidien :
- isolement vis-à-vis du monde médical lié à la prise de traitement ambulatoire par rapport à un traitement anticancéreux administré à l'hôpital ;
- soutien psychologique ;
- conseils en cas de voyage (contre-indication de certains vaccins…).
Le patient peut être également mis en relation avec les services d'un réseau de santé proche de son domicile pour assurer la continuité des soins entre l'hôpital et la ville, si nécessaire.
Les règles générales liées aux traitements anticancéreux oraux doivent également être rappelées :
- boire 2 litres d'eau par jour au moins ;
- ne pas s'exposer au soleil ;
- limiter sa consommation d'alcool ;
- ne jamais prendre de médicaments / produits d'automédication sans consulter son médecin ou demander l'avis de son pharmacien ;
- faire attention aux interactions avec l'alimentation.
Ces règles doivent cependant être adaptées à chaque patient en lien avec ses comorbidités (concernant le volume hydrique quotidien notamment en cas de cancer du sein) et en lien avec son traitement anticancéreux et les EI associés.
Les traitements anticancéreux oraux sont des traitements lourds et il est important de rappeler aux patients certaines règles importantes notamment :
- Les effets sur la conduite
Exemple : Exémestane (Aromasine®)
Des cas d'assoupissement, de somnolence, d'asthénie et de vertiges ont été rapportés lors de l'utilisation de ce médicament. Les patientes doivent être averties que si ces effets apparaissent, leurs capacités physiques et/ou mentales nécessaires pour utiliser les machines ou conduire une voiture peuvent être altérées.
- Les effets tératogènes
Exemple : Axitinib (Inlyta®)
Femmes en âge de procréer : Les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception efficace pendant le traitement et jusqu'à une semaine après l'arrêt du traitement
Fertilité / Fécondité : Selon des données non cliniques, axitinib pourrait altérer la fonction de reproduction et la fécondité chez l'être humain
Grossesse : Il n'existe pas de données sur l'utilisation d'axitinib chez la femme enceinte. Compte tenu de ses propriétés pharmacologiques, axitinib peut être nocif chez le fœtus s'il est administré pendant la grossesse. Les études effectuées chez l'animal ont mis en évidence une toxicité sur la reproduction, y compris des malformations. Axitinib ne doit pas être utilisé pendant la grossesse à moins que la situation clinique de la femme ne justifie le traitement par ce médicament.
Allaitement : On ne sait pas si axitinib est excrété dans le lait maternel. Un risque pour les nourrissons ne peut être exclu. Axitinib ne doit pas être utilisé pendant l'allaitement.
- La douleur
La douleur est très souvent présente durant la maladie.
Des outils d'évaluation de la douleur ont été élaborés pour permettre au patient d'expliquer et de quantifier sa douleur. Il est prouvé scientifiquement que l'on peut, la plupart du temps, l'évaluer de façon assez précise avec des outils spécifiques. Il existe plusieurs types d'outils d'évaluation de la douleur: questionnaires, schémas à compléter, règles, etc. Chaque outil a un objectif précis : évaluer l'intensité de la douleur, aider à trouver des mots pour la décrire, localiser la douleur, évaluer ses conséquences sur le quotidien. Pour approfondir le sujet : http://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Qualite-de-vie/Douleur/Douleur-et-cancer.
La prescription initiale de dérivés morphiniques génère fréquemment de l'anxiété et des questions souvent basées sur des fausses informations. Aussi, il est important de dédramatiser leur présence et expliquer au patient leur intérêt.
Il est tout aussi nécessaire d'insister sur le plan de prise de ces médicaments. En effet il prévoit généralement une alternance de produits à LP (dose de fond) et d'autres à LI (interdoses qui viennent renforcer l'effet anti douleur durant les pics de douleur).
Enfin, la prise en charge de la constipation, effet secondaire très fréquent, est primordiale.
b. Effets indésirables
L'INCa a publié une collection de recommandations et de fiches médicaments sur la prévention, le suivi et la gestion des effets indésirables de certains médicaments anticancéreux. Elles sont destinées aux professionnels de premier recours (médecins généralistes, pharmaciens d'officine...) et sont disponibles en suivant le lien suivant :
https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Medicaments/Prevention-suivi-et-gestion-des-effets-indesirables.
En cas de survenue d'effets indésirables, il est nécessaire de réaliser une déclaration auprès du Centre Régional de Pharmaco-Vigilance (CRPV) de compétence géographique. Les patients peuvent déclarer eux-mêmes cet effet indésirable via la plateforme ci-dessous :
https://signalement.social-sante.gouv.fr.
Il est important de rappeler au patient qu'il doit signaler au pharmacien ainsi qu'à son médecin la survenue d'effets indésirables. Le risque de survenue d'effets indésirables augmente le risque de non adhésion au traitement. Il est donc nécessaire de sensibiliser le patient à ces effets et le cas échéant de l'orienter vers son médecin. L'INCa a diffusé pour certains anticancéreux oraux des fiches sur la prévention la gestion et le suivi des effets indésirables afin d'aider les professionnels de santé. Un recensement des effets pouvant être appréhendés lors de l'entretien a été réalisé à partir des référentiels disponibles par molécule faisant l'objet d'une fiche INCa (liste non exhaustive) afin d'aider le pharmacien dans leur gestion et prise en charge.
En l'absence de fiches médicaments INCa, il est nécessaire de se référer au RCP d'AMM des médicaments afin d'identifier les EI mais également les éventuelles préconisations en cas d'apparition d'un EI.
Pour connaître en détail la liste des effets indésirables par molécule, ci-dessous, les liens pour accéder aux RCP et aux notices détaillant les effets indésirables.
http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/.
La survenue d'effets indésirables doit donner lieu à un échange avec le prescripteur hospitalier ou le médecin traitant, afin de les informer et d'orienter le patient pour prise en soins, notamment lorsqu'elle nécessite la prise associée de médicaments (ex. antiacides, laxatifs, antiémétiques, anti-douleur…).
Exemple de prise en charge de certains effets indésirables :
- les troubles ophtalmiques :
- syndrome de l'œil sec : utilisation de larmes artificielles en ambulatoire ;
- blépharite : utilisation d'un traitement mouillant et symptomatique, compresses chaudes, nettoyage de la paupière ;
- les anomalies des phanères :
- paronychies : suppression des facteurs traumatisants, utilisation d'antiseptiques locaux, de corticoïdes locaux (d'activité très forte), du nitrate d'argent en solution aqueuse et port de chaussures adaptées et semelles orthopédiques modifiant les points d'appui ;
- hirsutisme : traitements symptomatiques tels que décoloration ou épilation douce ;
- trichomégalie des cils : si allongement gênant, coupe prudente aux ciseaux ;
- alopécie : perruque ou prothèse capillaires ou changement de coiffure ;
- arthralgies et myalgies : repos du patient, mesures hygiéno-diététiques et un traitement antalgique si nécessaire (avec précaution) ;
- les effets digestifs :
- dyspepsie : en première intention, mise en place de mesures hygiéno diététiques. Pour certains traitements, il est possible de changer l'heure de prise (à évoquer avec le prescripteur). Attention à l'utilisation d'antiacides qui n'est pas recommandée avec certaines chimiothérapies orales ;
- mucites : bains de bouche thérapeutiques, si douleur gel anesthésiant (attention aux fausses routes) ;
- diarrhées : mise en place de mesures hygiéno-diététiques, dans certains cas associées à un traitement antidiarrhéique. Attention à la kaliémie, la calcémie et à la déshydratation qui peut être dangereuse avec certains anticancéreux. Selon l'intensité de la diarrhée il est parfois nécessaire d'interrompre le traitement ;
- nausées et vomissements : mesures hygiéno-diététiques et, dans certains cas, traitements par antiémétiques mais, attention, certaines molécules sont contre-indiquées avec certains anticancéreux au vu du risque d'hypokaliémie ;
- épigastralgie : dans certains cas, traitements antiacides d'action rapide à distance de la prise de traitement ;
- céphalées : traitement en tenant compte des nombreuses interactions médicamenteuses ;
- éruptions cutanées (attention au type de lésions et à leur étendue qui doivent être des signes d'alerte) :
- éruption localisée symptomatique sans atteintes des muqueuses : antihistaminiques per os ;
- éruption folliculo-centriques (kératose pilaire) et dermatite séborrhéique : traitement hydratant +/- kératolytique ;
- syndrome main-pied, signes cutanés minimes sans douleur : soins de pédicurie, hydratant +/- kératolytique ;
- syndrome main-pied, signes cutanés avec douleur : crème à base de corticoïde d'activité forte +/- anesthésiques locaux +/- traitement systémique de la douleur +/- port de chaussures adaptées et semelles orthopédiques modifiants les appuis ;
- prurit : crème émolliente et compresses froides, les antihistaminiques oraux pouvant être utilisés dans certains cas ;
- sécheresse cutanée, xérose : émollient et avis médical si invalidant ou eczématisation ;
- fissures : bains antiseptiques, émollients, pansements hydrocolloïdes, colle cutanée cyanoacrylate, nitrate d'argent en application cutanée, crèmes à base d'oxyde de zinc, voire antibiotiques per os.
4. Point à aborder lors du troisième entretien : l'observance
L'observance du patient à ce type de traitement est particulièrement importante.
Pour apprécier cette observance, le questionnaire de GIRERD constitue un support adapté. Il est reproduit dans la fiche de suivi mise à votre disposition.
Le questionnaire de GIRERD est habituellement utilisé pour apprécier et mesurer l'observance médicamenteuse d'un patient. Il est composé de questions simples, auxquelles le patient répond par oui ou par non. Le questionnaire proposé ici comporte 6 questions. Chaque réponse négative vaut un point. L'observance est appréciée comme suit :
- bonne observance : score = 6 ;
- faible observance : score = 4 ou 5 ;
- non observance : score ≤ 3.
Par ailleurs, les éléments mis en évidence lors des entretiens précédents notamment la survenue d'effets indésirables, l'isolement et le ressenti du patient peuvent permettre au pharmacien d'apprécier au mieux l'observance et d'apporter au patient les conseils adaptés.
Dans l'analyse des réponses au questionnaire de GIRERD, il convient de tenir compte du nombre de molécules prises par le patient, notamment pour la réponse à la dernière question sur le nombre de traitements prescrits.
FICHE DE SUIVI PATIENT TRAITÉS PAR ANTICANCEREUX
Cette fiche de suivi, élaborée à partir des documents de référence établis par l'INCa, constitue une trame d'échanges avec le patient. Elle aborde dans ce cadre l'ensemble des points qui apparaissent incontournables pour un suivi optimal du patient. Elle doit ainsi être considérée comme un fil conducteur des entretiens (initial ou thématiques) et non comme un verbatim précis des questions à poser. Vous devrez par conséquent vous l'approprier afin d'être en mesure de vous adapter à la situation réelle de l'entretien.
Cette fiche constitue également, pour vous, un support du suivi du patient qu'il conviendra de conserver afin de mieux appréhender le prochain entretien. A chaque question posée, complétez si nécessaire avec des explications et analysez les réponses faites par le patient afin d'adapter votre discours et vous assurer de la bonne compréhension des messages transmis.
Fréquence des entretiens
En fonction du résultat de l'évaluation de l'observance et de l'adhésion au traitement par le patient, le pharmacien doit être à même d'apprécier le degré d'accompagnement à mettre en œuvre.
L'accompagnement mis en œuvre doit être adapté à chaque patient en fonction de sa réceptivité et de son appropriation des messages transmis.
La convention nationale pharmaceutique prévoit trois entretiens différents la première année.
Evaluation de l'acquisition par le patient des informations données
L'appréciation de l'appropriation par le patient des informations essentielles se fait selon 3 niveaux :
□ Acquis (A) |
□ Partiellement Acquis (PA) |
□ Non Acquis (NA) |
Le pharmacien considère qu'une notion est :
- " acquise " dès lors qu'elle est parfaitement intégrée par le patient ;
- " partiellement acquise " dès lors que le patient a des connaissances incomplètes ou imprécises ;
- " non acquise " dès lors que le patient ne sait rien sur le sujet.
A l'issue de l'entretien initial, vous devez évaluer la situation et juger s'il est opportun ou non de contacter le médecin traitant, l'hôpital ou de conseiller au patient une consultation chez son médecin.
Cet entretien initial doit permettre d'adapter l'accompagnement du patient et la fréquence des entretiens.
INFORMATIONS GÉNÉRALES CONCERNANT LE PATIENT
Nom :
Prénom :
Date de naissance :
N° d'Immatriculation :
Régime d'affiliation :
Adresse :
Date de l'entretien initial et nom du pharmacien :
1. Points à aborder lors de l'entretien initial
a. Informations générales concernant le patient
1. Nom et prénom |
|
2. Age |
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3. Numéro de sécurité sociale |
|
4. Régime d'affiliation |
|
5. Adresse |
|
6. Poids |
|
7. Nom du ou des traitements anticancéreux oraux prescrits |
|
8. Autres traitements médicamenteux au long cours |
|
9. Autres médicaments/produits consommés par le patient |
|
10. Habitudes de vie (alimentation, alcool, tabac, activité physique, sport de contact, activité manuelle, déplacement, voyage…) |
|
11. Allergies et intolérances |
|
12. Identification des situations nécessitant assistance (difficultés motrices, cognitives, sensorielles) |
|
13. Coordonnées du médecin traitant et du service d'oncologie |
|
14. information reçue concernant l'offre de soin : supports éventuels, dispositif d'annonce de la maladie, échanges avec un professionnel de santé, réseau régional ou territorial de cancérologie, établissement réalisant les soins… |
b. Evaluation de l'appropriation du traitement par anticancéreux oral et observance
1. Comment percevez-vous votre traitement (connaissance du traitement, compréhension…) ? |
|
2. Quel est votre ressenti par rapport à sa voie d'administration ? |
|
3. Votre médecin traitant est-il informé que vous êtes sous anticancéreux oral ? |
|
4. Connaissez-vous l'importance de l'observance (l'efficacité du traitement dépend en grande partie de la capacité du patient à bien le suivre) ? |
|
5. Connaissez-vous l'importance de la surveillance de ces traitements ? |
c. Les modalités d'administration
1. Connaissez-vous le schéma de prise de votre traitement ? |
|
2. Connaissez-vous les règles de prise de votre médicament ? |
|
3. Connaissez-vous la conduite à tenir en cas d'oubli ? |
2. Points à aborder lors de l'entretien sur la gestion des effets indésirables et la vie quotidienne
1. Connaissez-vous les règles générales à mettre en place en cas de prise d'anticancéreux oral (à adapter en fonction des comorbidités)? Ressentez-vous des effets indésirables liés à votre traitement ? |
|
2. Connaissez-vous les modalités spécifiques liées à votre traitement à mettre en place? |
|
3. Comment vivez-vous votre traitement ? |
|
4. Avez-vous des rendez-vous très réguliers avec les services hospitaliers? (le patient a-t-il le sentiment d'être éloigné du monde médical du fait de la voie d'administration de son traitement ?) |
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5. Ressentez-vous le besoin d'avoir une aide extérieure (psychologique, aide au quotidien…) ? |
3. Points à aborder lors de l'entretien d'observance
1. Le patient sait-il qu'il est important d'être observant ? |
A □PA □NA |
|
2. Le questionnaire de GIRERD: score Compter un point par réponse négative aux questions suivantes |
□=6 □= 4 ou 5 □≤ 3 |
|
- Ce matin avez-vous oublié de prendre votre médicament ? |
oui/non |
|
- Depuis la dernière consultation avez-vous été en panne de médicament ? |
oui/non |
|
- Vous est-il arrivé de prendre votre traitement avec retard par rapport à l'heure habituelle ? |
oui/non |
|
- Vous est-il arrivé de ne pas prendre votre traitement parce que, certains jours, votre mémoire vous fait défaut ? |
oui/non |
|
- Vous est-il arrivé de ne pas prendre votre traitement parce que, certains jours, vous avez l'impression que votre traitement vous fait plus de mal que de bien ? |
oui/non |
|
- Pensez-vous que vous avez trop de comprimés à prendre ? |
oui/non |
|
3. Le patient connait-il les risques en cas d'oubli ? |
□A □PA □NA |
|
4. Le patient sait-il quoi faire en cas d'oubli ? Si oui, explicitez |
□A □PA □NA |
CONCLUSION POUR LE PATIENT
(A la fin de chaque entretien) |
Entretien initial |
Entretien gestion des effets indésirables et vie quotidienne |
Entretien observance |
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Le patient a-t-il des questions ? Si oui, lesquelles ? |
□ oui □ non |
□ oui □ non |
□ oui □ non |
CONCLUSION POUR LE PHARMACIEN
Entretien initial |
Thème gestion des effets indésirables et vie quotidienne |
Thème observance |
|
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1. Petite synthèse de l'entretien et durée approximative |
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2. Appréciation du pharmacien sur le niveau d'information du patient |
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3. Prévoir la présence d'un accompagnant pour l'entretien suivant |
□ oui □ non |
□ oui □ non |
□ oui □ non |
4. Prévoir l'orientation du patient vers le prescripteur |
□ oui □ non |
□ oui □ non |
□ oui □ non |
5. Prévoir une prise de contact avec le prescripteur |
□ oui □ non |
□ oui □ non |
□ oui □ non |
L'accompagnement mis en œuvre doit être adapté à chaque patient en fonction de sa réceptivité et de son appropriation des messages transmis.
Le pharmacien doit lors des entretiens suivants procéder au recueil des éléments nouveaux intervenus depuis le dernier entretien (modifications de traitement, d'environnement, d'alimentation, d'état de santé, survenue d'effets indésirables.