ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE POUR L'ÉTABLISSEMENT D'UN PARTENARIAT STRATÉGIQUE DE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ, SIGNÉ À PARIS LE 28 SEPTEMBRE 2021
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique, ci-après nommés « les Parties »,
Rappelant les objectifs et principes inscrits dans la Charte des Nations unies ;
Reconnaissant que la France et la Grèce ont une relation de longue durée, et étroite et durable, fondée sur des valeurs partagées et les principes de liberté, de démocratie, de droits de l'Homme, ainsi que sur le respect du droit international, y compris la Convention des Nations unies sur le droit de la mer ;
Considérant le Traité de l'Atlantique Nord signé à Washington le 4 avril 1949,
Considérant la Convention entre les Etats Parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée le 19 juin 1951, ci-après dénommé « SOFA OTAN » ;
Considérant le Traité sur l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992, en particulier l'article 42 ;
Considérant la déclaration conjointe du Président de la République française et du Premier ministre de la République hellénique sur la défense et la sécurité du 6 juin 2008, soulignant la volonté mutuelle de contribuer à la construction d'une défense européenne solide et indépendante et de renforcer la coopération dans le domaine militaire opérationnel ;
Considérant la déclaration franco-hellénique sur un partenariat stratégique pour le futur signé par le Président de la République française et le Premier Ministre de la République hellénique, le 23 octobre 2015 et sa feuille de route signée par les Premiers ministres français et grec le 3 juin 2016 ;
Souhaitant accroître et intensifier davantage leur coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité sur la base de leur intérêt et leur solidarité mutuels et visant à sauvegarder et protéger mutuellement la sécurité, la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale des deux Etats, tout en promouvant la sécurité et la prospérité dans des régions d'intérêt commun ;
Souhaitant contribuer à la paix et à la sécurité en Europe, notamment en Méditerranée ;
Visant à contribuer au renforcement de l'autonomie stratégique et de la souveraineté de l'Europe ;
Considérant que leur partenariat stratégique contribue à la paix et à la sécurité internationales ;
Se sont accordées pour établir un partenariat stratégique de coopération en matière de sécurité et de défense comme suit :
I. - COOPÉRATION STRATÉGIQUE
Article 1er
Les Parties se consultent de manière régulière sur tous les sujets de défense et de sécurité d'intérêt commun - notamment dans le domaine politique, militaire et de l'industrie de défense - et ce dans le cadre de leurs engagements de sécurité mutuels découlant des traités et accords les liant et visant à les instaurer pleinement, en prenant en considération que l'évolution de l'environnement de sécurité et de défense international comme régional engendre pour les deux Etats des intérêts sécuritaires étroitement liés en particulier en cas de crise, d'accroissement des tensions ou d'agression armée telle que visée à l'article 2.
Article 2
Les Parties se portent mutuellement aide et assistance, par tous les moyens appropriés en leur possession, si besoin l'emploi de la force armée, si elles constatent conjointement qu'une agression armée survient contre le territoire de l'une d'entre elles, conformément à l'article 51 de la Charte des Nations unies.
Article 3
Les Parties ont la responsabilité première de leur défense et de leur sécurité et, alors que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) reste le fondement de leur défense collective, elles continuent à renforcer la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'Union européenne (UE), qui doit inclure l'élaboration progressive d'une politique de défense de l'Union.
Article 4
Les ministres grec et français de la Défense et des Affaires étrangères se consultent régulièrement, et autant que nécessaire, en particulier compte tenu de l'évolution de la situation stratégique régionale et mondiale.
Article 5
Les départements politiques des ministères compétents conduisent des dialogues stratégiques annuels, en sus des réunions d'états-majors, des comités d'armement ou de toute autre réunion technique jugée nécessaire.
Article 6
Les consultations couvrent les sujets d'intérêt commun, tels que l'environnement stratégique mondial, les enjeux régionaux (notamment en Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique et dans les Balkans), le renforcement des capacités des Européens, la lutte contre le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, la maîtrise des armements, les défis énergétiques, les migrations, la sécurité maritime, les menaces hybrides, la désinformation, les technologies de rupture et l'intelligence artificielle.
Article 7
Une importance particulière est accordée aux échanges de vues et, autant que possible, à un alignement de position sur les sujets cruciaux relatifs aux initiatives de défense de l'UE, au sujet desquelles toutes les possibilités de coopération devraient être recherchées, y compris le développement des projets communs de la Coopération structurée permanente (CSP). Les directions respectives des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, tout comme les représentations permanentes et les représentants militaires auprès de l'UE, se rencontreront régulièrement pour échanger leurs points de vue et coordonner des positions appropriées sur les sujets relatifs à la PSDC avec pour objectif de renforcer l'autonomie stratégique de l'UE et la souveraineté de l'Europe.
Article 8
Les Parties se consultent régulièrement sur les sujets relatifs à l'OTAN, pour échanger leurs points de vue et, si possible, coordonner leurs positions afin de renforcer le pilier européen de l'OTAN et l'Alliance dans son ensemble.
Article 9
Les Parties établissent un comité directeur de haut niveau, qui se rencontrera annuellement afin de conduire une revue d'ensemble de leur coopération et de leur relation de défense, avec pour objectif d'identifier des nouveaux domaines et des moyens d'approfondissement. Ce comité directeur est composé des autorités de haut niveau appropriées des deux Parties. Les réunions annuelles alterneront entre Paris et Athènes.
II. - COOPÉRATION EN MATIÈRE DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE
Article 10
Les Parties approfondissent leur coopération en matière de politique étrangère tout en cherchant à renforcer le rôle de l'Europe dans le monde. Elles se consultent mutuellement, à tous les niveaux, avec pour objectif de définir des positions communes sur toutes les décisions importantes affectant leurs intérêts communs et d'agir conjointement lorsque cela est possible.
Article 11
Les consultations au niveau des ministres des Affaires étrangères couvrent les sujets d'intérêt commun aux Parties, comme par exemple les relations avec les puissances régionales majeures notamment en Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique et dans les Balkans, le multilatéralisme, la lutte contre le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, la maîtrise des armements, les migrations, la sécurité maritime, les menaces et défis hybrides, les technologies de rupture et l'intelligence artificielle.
Article 12
Les Parties renforcent, en particulier, leurs échanges d'analyses sur les enjeux énergétiques en mer Méditerranée, ce sujet étant un paramètre important pour la stabilité de l'ensemble de la région. L'accent sera mis également sur les relations avec les Etats-Unis d'Amérique, la Russie et la Chine.
Article 13
Les Parties étendent la coopération entre leurs ministères des Affaires étrangères, y compris entre les missions diplomatiques et les postes consulaires. Elles encouragent les échanges entre les missions permanentes auprès des Nations unies à New York, entre les missions permanentes auprès de l'OTAN et les missions permanentes auprès de l'UE, ainsi qu'entre les autorités de chacun des Etats responsables de la coordination des questions de politique européenne.
Article 14
En particulier, et dans le cadre de la Charte des Nations unies, les Parties coopèrent étroitement au sein des institutions et organes de l'Organisation des Nations unies (ONU). Elles coordonneront leurs positions, en accord avec les positions et les intérêts de l'Union européenne, elles travaillent ensemble pour promouvoir les positions et les engagements de l'UE, concernant les menaces et les défis, et mondiaux et feront de leur mieux pour s'assurer que l'UE adopte une position commune dans les institutions et organes compétents des Nations unies.
III. - COOPÉRATION MILITAIRE
Article 15
La France et la Grèce renforcent leur coopération dans les domaines de la défense, tout en veillant à renforcer la défense européenne. Elles se consultent, à tous niveaux, en vue de définir une compréhension commune sur toutes décisions importantes affectant leurs intérêts de défense communs et une action commune, quand cela est possible.
Article 16
Les consultations entre les ministres de la Défense couvrent des domaines d'intérêt communs, tels que par exemple la coopération bilatérale de défense, la coopération technico-militaire, la coopération régionale de défense, les initiatives de défense, la sécurité maritime, les menaces et défis hybrides, les menaces cyber, les initiatives de défense européennes, le développement capacitaire, les technologies de rupture et l'intelligence artificielle.
Article 17
La coopération militaire entre les Parties a pour objectif de développer une culture stratégique commune et d'améliorer l'interopérabilité entre les forces armées pour le bénéfice mutuel des deux Parties.
Article 18
Cette coopération, sans que cela soit limitatif, peut prendre les formes suivantes :
a) échange d'instructeurs et d'étudiants des institutions militaires ;
b) participation aux entraînements théoriques et pratiques, aux séminaires, aux tables rondes et symposiums, organisés par les entités militaires et civiles qui présentent un intérêt dans le domaine de la défense ;
c) échange d'officiers de liaison ;
d) échange de visites à des entités militaires et civiles qui présentent un intérêt dans le domaine de la défense ;
e) escales et/ou visites d'aéronefs d'Etat et de navires de guerre ;
f) utilisation des ports et des aéroports pré-désignés pour les entraînements et l'appréhension de la situation régionale ;
g) arrangements particuliers et séparés facilitant l'utilisation opérationnelle des infrastructures portuaires et aéroportuaires des deux Parties ;
h) activités, entraînements et exercices militaires conjoints sur le territoire ou à bord de navires ou d'aéronefs d'Etat grec ou français, dans le contexte du renforcement de la présence maritime française en mer Méditerranée ou de la participation conjointe à des exercices bilatéraux ou multilatéraux en Méditerranée Orientale et en mer Egée ;
i) partage de connaissances et d'expériences dans le domaine des opérations extérieures, des missions de maintien de la paix de l'ONU et de l'utilisation d'équipement militaire ;
j) participation à des déploiements conjoints ou à des déploiements sur des théâtres d'opération dans le but de soutenir des intérêts communs, telles les opérations menées par la France au Sahel ;
k) entraînement conjoint des forces spéciales ;
l) coopération dans le domaine de l'identification des menaces cyber et le développement des capacités de défense cyber ;
m) coopération dans le domaine de l'identification des menaces hybrides et le développement de réponses appropriées ;
n) soutien mutuel relatif à la participation à des initiatives de défense multinationales, telle par exemple l'Initiative européenne d'intervention (IEI) ;
o) toute autre activité agréée conjointement par les Parties sur la base de leur intérêt commun.
Article 19
Se fondant sur leur solide relation, les Parties s'informent mutuellement à l'avance de manière appropriée de leurs différentes initiatives en matière de défense aux fins d'évaluer la possibilité d'y participer.
Article 20
Dans la mesure du possible, les autorités compétentes des Parties facilitent réciproquement l'accès à leurs systèmes de formation militaires respectifs, comme les formations élémentaires et avancées, l'enseignement militaire supérieur, ou les formations techniques au profit des officiers et des sous-officiers des forces armées.
Article 21
Dans la mesure du possible, les Parties favorisent et instituent des activités d'entraînements, respectivement en grec et en français.
Article 22
Dans le domaine du renseignement, les Parties facilitent l'échange entre elles d'informations et d'analyses conjointes concernant des zones géographiques d'intérêt et sur des sujets qu'elles identifieront conjointement.
Article 23
En principe, les états-majors interarmées (Etat-Major des Armées/ Hellenic National Defense General Staff) se rencontrent une fois par an pour coordonner la mise en place de la coopération opérationnelle et bilatérale en matière de défense et de sécurité. Ces réunions permettent de définir la partie militaire du plan de coopération annuel de défense. Les états-majors d'armée organisent leurs propres réunions pour alimenter le plan de coopération annuel et mettre en œuvre, à leur niveau, les décisions prises conjointement au niveau interarmées.
IV. - COOPÉRATION EN MATIÈRE D'ÉQUIPEMENT ET D'INDUSTRIES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ
Article 24
Les Parties coopèrent dans le domaine des programmes d'équipements de leurs forces armées respectives, ainsi que dans le domaine de l'industrie de défense et de sécurité, notamment avec pour objectif d'améliorer leurs capacités de défense respectives, de promouvoir la coopération entre leurs industries de défense et de renforcer la standardisation et l'interopérabilité de leurs équipements de défense. Ce faisant, les Parties considèrent comme prioritaire toute approche collaborative européenne visant à combler les insuffisances capacitaires identifiées au niveau national. Le présent Accord se fonde sur les accords bilatéraux en vigueur entre les Parties en matière de coopération d'armement, sans affecter leur validité.
Article 25
Les Parties cherchent, autant que possible, à développer un partenariat industriel impliquant des entreprises de défense françaises et grecques. Dans le cadre de la coopération européenne en matière de défense et de sécurité, et conformément à la législation de l'UE, elles cherchent des solutions promouvant le partenariat industriel entre les entreprises françaises et grecques, chaque fois qu'elles recherchent des équipements ou qu'elles conduisent conjointement des projets.
Article 26
Afin de suivre les initiatives lancées, un comité d'armement se rencontre, en principe, de manière annuelle, en alternant entre la France et la Grèce.
Article 27
Un représentant du ministère de la Défense français (Chef de la Direction du développement international de la Direction générale de l'armement ou son représentant désigné) et un représentant du ministère de la Défense hellénique (Chef du general Directorate for defence investments & armaments ou son représentant désigné) président ce comité.
V. - DISPOSITIONS FINALES
Article 28
Tout différend entre les Parties relatif à l'interprétation ou à l'application du présent Accord est réglé exclusivement par voie de consultation et de négociation entre les Parties.
Article 29
L'application du présent Accord n'implique pas, en principe, pour chacune des Parties, de coûts particuliers excédant les dépenses de fonctionnement courant.
Article 30
Les Parties mettent en œuvre les dispositions du présent Accord conformément à leurs obligations internationales et à leurs engagements européens.
Article 31
1. Le présent Accord entre en vigueur à la date de la dernière notification écrite par laquelle les Parties s'informent mutuellement, par écrit et par la voie diplomatique, de l'accomplissement des procédures internes requises pour son entrée en vigueur.
2. Le présent Accord reste en vigueur pour une période 5 (cinq) ans, renouvelable par accord exprès des Parties, pour une période définie d'un commun accord entre les Parties, à moins que l'une des Parties ne notifie à l'autre son intention de mettre fin à l'accord 6 (six) mois avant son expiration.
3. Le présent Accord peut être amendé à tout moment, par écrit, d'un commun accord entre les Parties. Les amendements entrent en vigueur conformément à l'alinéa 1er du présent article.
4. Le présent Accord peut être dénoncé par écrit par l'une ou l'autre des Parties. Cette dénonciation prend effet un an après la réception de la notification écrite par l'autre Partie.
Signé à Paris, le 28 septembre 2021, en double exemplaire en langues française et grecque, les deux textes faisant également foi.
En présence de Emmanuel Macron
Président de la République française,
Pour le Gouvernement de la République française :
Jean-Yves Le Drian
ministre de l'Europe et des Affaires étrangères
Florence Parly
ministre des Armées
En présence de Kyriakos Mitsotakis
Premier ministre de la République hellénique,
Pour le Gouvernement de la République hellénique :
Nikolaos Georgios S. Dendias
ministre des Affaires étrangères
Nikolaos Panagiotopoulos
ministre de la Défense nationale