Après en avoir délibéré,
Emet l'avis suivant :
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a été saisi le 12 novembre 2021 par le ministère de la culture d'un projet de décret relatif aux compétences et à l'organisation de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en matière de protection du droit d'auteur et des droits voisins.
Sans préjudice de l'avis de l'HADOPI concernant ce même projet de décret, et après en avoir délibéré le 1er décembre 2021, il émet un avis favorable assorti des observations suivantes relatives à la caractérisation des atteintes aux droits et du dispositif de lutte contre les sites miroirs.
I. - S'agissant de la caractérisation des atteintes aux droits
Le Conseil relève que l'article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 prévoit une procédure proche de celle suivie par le Conseil dans le cadre d'une procédure de sanction en application de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, dès lors qu'elle confie au rapporteur mentionné au même article ou à l'un de ses adjoints l'instruction visant à établir si un service de communication au public en ligne porte atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d'auteur ou aux droits voisins.
Par souci de cohérence, il suggère que les précisions apportées par le projet de décret s'agissant de la mission de caractérisation des atteintes aux droits de l'ARCOM s'inspirent des dispositions du décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Le Conseil considère ainsi particulièrement utile que le projet de décret rappelle le principe de l'opportunité des suites à donner et de l'auto-saisine et précise davantage les modalités de transmission des faits par le directeur général au rapporteur indépendant, ainsi que les modalités de transmission du dossier du rapporteur au président de l'autorité et à la personne mise en cause (dossier qui serait joint à la convocation à l'audience). Le Conseil estime tout aussi pertinent de préciser le déroulement de la séance publique et du délibéré.
Enfin, le Conseil s'interroge sur l'utilité pour le décret d'indiquer qu'il est établi un procès-verbal lors de la séance publique tenue en application de l'article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle. Dans une perspective d'allégement de la procédure, une telle formalité pourrait être supprimée.
II. - S'agissant du dispositif de lutte contre les sites miroirs
Le projet de décret prévoit que les titulaires de droits saisissent l'ARCOM par « lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, selon des modalités fixées par l'autorité, d'une transmission par voie électronique ». Le Conseil s'interroge sur l'utilité de permettre à l'ARCOM de fixer par un acte ultérieur d'autres modalités de saisine que l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans la mesure où une telle option pourrait être précisée par le décret lui-même. Dans ce cadre, le décret pourrait indiquer de manière générique que la saisine adressée à l'ARCOM par un titulaire de droits dans les conditions prévues au I de l'article L. 331-27 « fait l'objet d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception » ou intervient plus largement par « tout autre moyen permettant d'attester de la date de réception et de l'identité du destinataire, y compris par voie électronique ».
Le projet de décret dispose par ailleurs que le titulaire de droits doit accompagner sa saisine de divers documents et fournir des informations dont « Une déclaration sur l'honneur selon laquelle l'auteur de la saisine est titulaire de droits ou a qualité pour agir au nom du titulaire de droits sur une œuvre ou un objet protégé… ». Le Conseil accueille favorablement une telle disposition qui renforce la sécurité juridique des demandes de blocages et écarte toute atteinte infondée à la liberté de communication au public en ligne. Il propose néanmoins de la compléter afin de permettre aux personnes à l'origine de la saisine d'attester devant l'ARCOM qu'ils sont titulaires des droits ou ont qualité pour agir au nom des titulaires de droits au moyen de « tout autre document ».
Enfin, le Conseil relève que le II de l'article R. 331-20 dispose que l'ARCOM « peut ne pas donner suite à une saisine si celle-ci n'a pas été présentée conformément aux dispositions du I ». Il s'interroge sur une telle formulation, qui offre une marge de manœuvre à l'ARCOM pour rejeter une demande (« peut ») en l'absence d'informations et de documents, requis par le décret, qui devrait plutôt tendre à considérer la saisine irrecevable. Le Conseil suggère donc de préciser clairement que les documents et informations figurant au I de l'article R. 331-20 doivent impérativement être inclus dans la saisine adressée à l'ARCOM pour qu'il soit possible d'y donner suite, toutes conditions légales réunies par ailleurs.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.