Les opérateurs sont tenus de déclarer à TRACFIN les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent :
- d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ;
- d'une fraude fiscale lorsqu'il y a présence d'au moins un critère défini par arrêté.
La liste de ces critères figure en annexe III.
Portée de l'obligation déclarative :
La déclaration de soupçon n'est pas un acte anodin car elle entraîne un traitement de l'information déclarée par TRACFIN et peut donner lieu à des investigations complémentaires voire à une transmission à l'autorité judiciaire ou aux administrations mentionnées à l'article L. 561-31 du CMF.
Le champ de la déclaration de soupçon porte sur toutes les infractions sous-jacentes sanctionnées d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an. Il s'agit notamment du trafic de stupéfiants, de la corruption et du trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, de l'abus de biens sociaux, de la contrefaçon, de l'escroquerie, de l'abus de confiance, de l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse, du travail dissimulé, de l'escroquerie.
Les opérateurs n'ont pas à qualifier une infraction sous-jacente, il suffit qu'ils soupçonnent ou aient de bonnes raisons de soupçonner qu'elle existe. Ils présentent des faits et l'analyse qui les conduit à effectuer la déclaration de soupçon voire, dans l'hypothèse où ils ont recueilli des éléments leur permettant d'être plus précis, de caractériser le soupçon.
S'agissant plus spécifiquement du blanchiment de fraude fiscale, une déclaration n'est envisageable que dans la mesure où au moins l'un des seize critères visés à l'annexe III est rempli. Les éléments d'analyse ayant conduit à retenir au moins l'un des critères doivent être précisés dans la déclaration de soupçon. Il convient de préciser qu'un certain nombre de ces critères ne peuvent trouver à s'appliquer au secteur des jeux du fait de l'interdiction du jeu des personnes morales.
Les tentatives d'opérations suspectes font également l'objet d'une déclaration à TRACFIN.
Les opérateurs ont une obligation de réactivité qui les contraint à veiller à ce que, quelle que soit leur organisation, et à chaque stade du processus conduisant à une déclaration, les diligences soient menées le plus rapidement possible. Ainsi, les opérateurs assujettis veillent à ne prendre que le temps strictement nécessaire aux investigations et à l'analyse faisant suite à l'alerte : lorsque celles-ci sont de nature à justifier le soupçon, les opérateurs rédigent et transmettent la déclaration sans délai.
A la suite d'une déclaration de soupçon, l'opérateur peut être amené à établir une déclaration complémentaire. Cette déclaration complémentaire doit être effectuée dans les cas où l'opérateur a connaissance de nouvelles informations de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration de soupçon initiale. Cette nouvelle déclaration doit être adressée sans délai à TRACFIN.
Rôle des déclarant(s) et des correspondant(s) :
Les opérateurs communiquent à l'Autorité et à TRACFIN l'identité de leurs dirigeants ou préposés habilités à procéder aux déclarations (déclarants) ou à répondre aux demandes de TRACFIN (correspondants) au moyen d'un document spécifique joint à l'appui de la première déclaration, disponible sur le site internet du service http://www.economie.gouv.fr/tracfin/declarer. Tout changement concernant les personnes habilitées doit également être signalé.
Dans les cas exceptionnels, notamment pour un motif d'urgence, tout dirigeant ou préposé d'un opérateur peut prendre l'initiative de déclarer lui-même à TRACFIN. Cette déclaration est confirmée, dans les meilleurs délais, par la personne habilitée.
TRACFIN peut demander que tous documents, informations ou données lui soient communiqués directement dans les délais qu'il fixe, dans le but de reconstituer un ensemble d'opérations liées ou de renseigner ses homologues étrangers.
Les correspondants et déclarants désignés par un opérateur se communiquent les informations portées à leur connaissance par TRACFIN et se tiennent informés des demandes qui en émanent.
Modalités et délais de transmission
Le déclarant peut adresser les déclarations de soupçon à TRACFIN via la plate-forme de télé-déclaration ERMES (3), accessible depuis le site Internet de TRACFIN : https://www.economie.gouv.fr/TRACFIN/déclarer.
Si la télé-déclaration ne revêt pas de caractère obligatoire, la plate-forme ERMES est garante d'un haut niveau de sécurité et de confidentialité. Elle offre en outre l'assurance d'une déclaration recevable et doit donc être privilégiée. Le cas échéant, le déclarant peut également établir une déclaration papier (obligatoirement dactylographiée et signée), à l'aide du formulaire en ligne accessible depuis le site de TRACFIN : https://www.economie.gouv.fr/TRACFIN/déclarer, à renvoyer par courrier à TRACFIN.
La déclaration doit en principe être transmise préalablement à l'exécution de la transaction afin, le cas échéant, de permettre à TRACFIN d'exercer son droit d'opposition. Dans cette hypothèse, la déclaration indique le délai d'exécution de la transaction.
Toutefois, il convient de souligner que la possibilité pour TRACFIN de s'opposer à l'exécution d'une transaction ne saurait justifier un refus ni même un différé de l'inscription d'un gain au crédit du compte joueur ou du reversement d'un solde de celui-ci sur le compte de paiement du joueur. En effet, les articles 9 et 15 du décret n° 2010-518 du 19 mai 2010 modifiée relatif à l'offre de jeux et de paris des opérateurs de jeux et à la mise à disposition de l'Autorité nationale des jeux des données de jeux posent un principe d'immédiateté du paiement. L'opérateur peut seulement différer cette inscription et ce paiement le temps nécessaire pour procéder sans délai à la déclaration de soupçon.
Motifs de la déclaration
La déclaration de soupçon est le fruit d'une analyse des faits en cause par les services de l'opérateur. Elle ne peut se fonder uniquement sur les résultats d'un traitement automatisé quand bien même celui-ci peut y concourir.
Ainsi, seules des opérations considérées comme suspectes doivent être déclarées à TRACFIN, les opérateurs de jeux et paris n'étant pas soumis à une obligation de déclaration de toutes les opérations inhabituelles de leurs clients. Les opérateurs effectuent une déclaration quand le soupçon est établi au terme de l'analyse c'est-à-dire lorsqu'ils n'ont pas obtenu, au regard des informations recueillis auprès du client, une assurance raisonnable de la licéité des fonds utilisés par le joueur.
Facteurs d'alerte :
- doivent notamment constituer des critères d'alertes :
- la progression forte et inexpliquée, sur une courte période, des sommes créditées sur les comptes nouvellement ouverts ou sur des comptes jusque-là peu actifs ou inactifs, liée le cas échéant à une augmentation importante du nombre et du volume des opérations ;
- le recours inexpliqué à un ou plusieurs comptes utilisés comme des comptes de passage ou par lesquels transitent de multiples opérations tant au débit qu'au crédit, alors que les soldes des comptes sont souvent proches de zéro ;
- le refus du client de produire des pièces justificatives relatives à la provenance des fonds ;
- le dépôt par un joueur de fonds sans rapport avec ses ressources et revenus ;
- au titre des éléments susceptibles de justifier de la transmission d'une déclaration complémentaire, il est notamment possible de mentionner :
- l'intensification de la pratique de jeux ;
- la modification des modalités d'alimentation ou de retrait du compte joueur (changement de références de compte de reversement, intensification des alimentations par nouveaux moyens de paiement permettant l'intégration massive d'espèces etc.) ;
- l'obtention de nouveaux éléments de connaissance client ;
- l'obtention de documents justificatifs permettant d'infirmer le soupçon initial ;
- l'identification de comptes joueurs fonctionnant en lien avec le compte ayant fait l'objet d'une déclaration préalable ;
- la poursuite du rachat de tickets gagnants, etc.
Points de vigilance :
- les déclarations de soupçon ne peuvent avoir pour seul motif :
- l'activité professionnelle du client, son adresse ou son pays de résidence/naissance (éléments toutefois susceptibles de constituer un faisceau d'indices) ;
- le montant élevé d'une opération ;
- le fait que la personne en cause est une PPE.
Contenu de la déclaration :
La déclaration expose l'analyse des faits ayant conduit au soupçon à l'origine du signalement et reprend synthétiquement l'ensemble des éléments conduisant à sa transmission.
La clarté et la concision de la rédaction présentant les éléments d'information établis dans la déclaration de soupçon sont essentielles pour l'efficacité du dispositif.
Le déclarant transmet, à l'appui de la déclaration, l'ensemble des pièces et données mobilisées lors de la phase d'analyse et notamment, les données financières du compte joueur, les éléments de connaissance du client (Know your customer, KYC) ainsi que les données de jeux.
Les données transmises par le déclarant sont susceptibles de faire l'objet d'un retraitement par les enquêteurs de TRACFIN. Par conséquent, il convient de privilégier leur transmission sous format Excel afin de faciliter ce travail d'analyse (ou à défaut, un format.pdf convertible).
L'annexe IV présente les éléments clés que doit comporter une déclaration de soupçon.
Confidentialité et conséquences juridiques de la déclaration
La confidentialité de la déclaration de soupçon porte tant sur son existence même que sur son contenu. Elle s'applique également aux suites qui lui sont données. Les informations recueillies à ce titre doivent donc être conservées dans des conditions permettant le respect de cette exigence de confidentialité et sont couvertes par le secret professionnel.
Le caractère confidentiel des déclarations implique que seuls le(s) correspondant(s) et le(s) déclarant(s) habilités auprès de TRACFIN sont autorisés à détenir des informations relatives à ces déclarations. Le non-respect de ce principe est sanctionné d'une amende de 22 500 euros (article L. 574-1 du CMF).
En contrepartie de l'obligation légale d'effectuer une déclaration de soupçon à TRACFIN, le professionnel bénéficie d'une immunité civile, pénale et disciplinaire. Cela signifie qu'une déclaration de soupçon réalisée de bonne foi exonère le professionnel (article L. 561-22 du CMF) :
- de toute responsabilité pénale, civile et professionnelle pour dénonciation calomnieuse ;
- de toute responsabilité pénale en cas de risque de mise en cause comme auteur ou complice du délit (par exemple de trafic de stupéfiants, de recel, de blanchiment, ou de financement du terrorisme).
La seule exception à cette exigence de confidentialité vise l'autorité de contrôle qui peut demander la communication des déclarations effectuées à TRACFIN.
Suite donnée à une déclaration de soupçon :
TRACFIN accuse réception de la déclaration.
Dans le cas où la déclaration n'est pas adressée via la plateforme de télé-déclaration ERMES et qu'elle ne satisfait pas à l'une des conditions de forme prévues, TRACFIN invite le déclarant à la régulariser dans le délai d'un mois en l'informant qu'à défaut de régularisation, elle ne pourra être prise en compte. A défaut de régularisation, le service notifie au déclarant une décision d'irrecevabilité.
La déclaration peut conduire TRACFIN à un signalement au procureur de la République, ce dont le déclarant est informé par tout moyen. En cas de risque d'exposition du déclarant, aucune information n'est communiquée.
Les notes d'information transmises à l'autorité judiciaire contiennent diverses informations susceptibles d'avoir été transmises par plusieurs assujettis, de sorte que leur contenu ne permet pas d'identifier le déclarant.
Article 8
Gel des avoirs
Textes de référence :
- articles L. 562-1 à L. 562-10 du code monétaire et financier ;
- articles R. 562-1 à R. 562-4 du code monétaire et financier.